CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 5 février 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7430
CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 5 février 2018 : RG n° 16/00361 ; arrêt n° 29
Publication : Jurica
Extrait : « Mais attendu que, dès lors que le montant de la clause pénale peut être modéré par le juge conformément à la 1152 du Code civil, le moyen tiré de son montant excessif pour en déterminer le caractère abusif est inopérant ; Attendu que la clause limitant les droits du propriétaire pendant une durée de 12 mois consécutive à son expiration uniquement à l'égard des personnes qui ont été présentées par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui, justifiée par un risque important de fraude, ne crée aucun déséquilibre dans les droits et obligations des parties ; Attendu que s'il est constant que les acquéreurs du bien litigieux n'ont pas été présentés par le mandataire, la clause peut cependant recevoir également application lorsque ces derniers ont visité le bien par son intermédiaire ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 5 FÉVRIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/00361. Arrêt n° 29. Décision déférée du 24 décembre 2015 - Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN - R.G n° 15/00576
APPELANTS :
Monsieur X.
Représenté par Maître Jean Michel R. de la SCP L.-R.-S.-R.-K.-C., avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
Madame Y.
Représentée par Maître Jean Michel R. de la SCP L.-R.-S.-R.-K.-C., avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMÉE :
SARL ALLSIMMO
Représentée par Maître Jean François D. de l'ASSOCIATION PLAINECASSAGNE - MOREL - NAUGES, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant D. FORCADE, président, C. MULLER, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : D. FORCADE, président, C. ROUGER, conseiller, C. MULLER, conseiller.
Greffier, lors des débats : E. DELANNOY
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par D. FORCADE, président, et par C. BERNAD, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte du 15 juin 2013, Mme Y. et M. X. ont consenti à la SARL ALLSIMMO, agence immobilière exerçant sous l'enseigne LAFORÊT, un mandat de vente sans exclusivité d'une maison d'habitation située à [ville M.], au prix de 358.000 euros outre une commission de 18.000 euros TTC ;
Ce contrat contenait la clause suivante : « Le mandant s'interdit, pendant la durée du présent mandat et à son expiration dans un délai de douze mois de vendre directement ou indirectement à un acquéreur présenté par le mandataire ou ayant visité le bien par son intermédiaire, sauf à verser au mandataire l'indemnité compensatrice prévue à l'article 14 dernier alinéa », lequel prévoit qu'elle est égale au montant TTC de la rémunération du mandataire ;
Le 23 octobre 2013, les consorts Y.-X. et la Société ALLSIMMO ont signé un avenant au mandat de vente diminuant le prix de la vente à la somme de 316.500 euros et la commission à celle de 16.500 euros ;
Par courrier recommandé envoyé le 6 novembre 2013 et reçu le 8 novembre 2013, les vendeurs ont mis fin au mandat de la société ALLSIMMO ;
Suivant acte authentique du 26 mars 2014, précédé d'un avant-contrat du 13 janvier 2014, les consorts Y.-X. ont vendu leur immeuble à M. A. et à son épouse, Mme B., au prix de 233.400 euros, outre une commission de 16.500 euros payée par les acquéreurs à ORPI ATOUT IMMOBILIER ;
L'assureur en protection juridique de la Société ALLSIMMO a adressé aux consorts Y.-X. des lettres datées des 24 juillet et 2 septembre 2014 réclamant sans succès aux vendeurs le paiement de la somme de 18.000 euros au titre de la clause pénale ;
Par actes délivrés le 15 juin 2015, la société ALLSIMMO a assigné les consorts Y.-X. devant le tribunal de grande instance de MONTAUBAN ;
Par jugement du 24 décembre 2015, le tribunal de grande instance de MONTAUBAN a condamné solidairement les consorts Y.-X. à payer à la Société ALLSIMMO la somme de 9.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2015, les intérêts échus pour une année entière produisant eux-mêmes des intérêts, débouté les consorts Y.-X. de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, condamné solidairement les consorts Y.-X. à payer à la Société ALLSIMMO la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Par déclaration du 25 janvier 2016, les consorts Y.-X. ont relevé appel de ce jugement à l'encontre de la Société ALLSIMMO ;
Dans leurs écritures transmises par voie électronique le 28 septembre 2017, les consorts Y.-X. demandent à la cour de réformer le jugement déféré, de débouter la Société ALLSIMMO de l'ensemble de ses demandes, de dire que dans le cadre du mandat non exclusif de vendre leur bien, la Société ALLSIMMO n'est intervenue à aucun moment dans la conclusion de la vente dudit bien, de dire qu'ils n'étaient pas tenus de payer une rémunération ou une commission à celui par l'entremise duquel l'opération n'avait pas été effectivement conclue, ce qui était le cas de la Société ALLSIMMO, de dire que la clause pénale insérée dans le mandat de vente non exclusif, à l'article 14, constitue une clause abusive et présumée abusive, conformément aux dispositions des articles R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation, de dire que le montant de la clause pénale tel que fixé à l'équivalent du montant de la commission est manifestement disproportionné et qu'en outre elle constitue au détriment du vendeur non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de constater par ailleurs que la Société ALLSIMMO n'a jamais justifié d'une quelconque prestation effectuée dans le cadre de ce mandat, légalement annulé par eux dans les conditions prévues au contrat, de condamner la Société ALLSIMMO aux entiers frais et dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dans ses écritures transmises par voie électronique le 18 septembre 2017, la SARL ALLSIMMO demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1153 et 1154 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les consorts Y.-X. à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance, faisant droit à son appel incident, de condamner les consorts Y.-X. à lui payer la somme principale de 16.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2014, de dire que les intérêts de cette somme, échus annuellement, produiront eux même intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, en toute hypothèse de condamner les consorts Y.-X. à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que la SARL ALLSIMMO, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, poursuit le paiement, non de la rémunération prévue sous forme de commission sur le montant du prix de vente mais de l'indemnité définie par la clause pénale contenue dans l'article 14 du mandat de vente qui prévoit que le mandant s'interdit, pendant la durée du mandat et à son expiration dans un délai de douze mois, de vendre directement ou indirectement à un acquéreur présenté par le mandataire ou ayant visité le bien par son intermédiaire, et que le mandant s'engage, pendant la même durée, à informer sans délai le mandataire de l'identité des acquéreurs et des nom et adresse du notaire chargé de la vente par lettre recommandée avec accusé de réception, et qu'en cas de violation de l'une de ces obligations le mandant s'engage irrévocablement à verser au mandataire l'indemnité compensatrice prévue au dernier alinéa, lequel prévoit qu'elle est égale au montant TTC de la rémunération du mandataire ;
Qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence d'intervention de la SARL ALLSIMMO dans la conclusion de la vente du bien est inopérant ;
Attendu que les consorts Y.-X. soutiennent par ailleurs que la clause dont l'application est requise présente un caractère abusif en ce que son montant est manifestement du disproportionné comme fixé à l'équivalent du montant de la commission contractuellement prévue et en ce que les obligations et interdiction faites aux mandants ont une durée anormalement excessive ;
Mais attendu que, dès lors que le montant de la clause pénale peut être modéré par le juge conformément à la 1152 du Code civil, le moyen tiré de son montant excessif pour en déterminer le caractère abusif est inopérant ;
Attendu que la clause limitant les droits du propriétaire pendant une durée de 12 mois consécutive à son expiration uniquement à l'égard des personnes qui ont été présentées par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui, justifiée par un risque important de fraude, ne crée aucun déséquilibre dans les droits et obligations des parties ;
Attendu que s'il est constant que les acquéreurs du bien litigieux n'ont pas été présentés par le mandataire, la clause peut cependant recevoir également application lorsque ces derniers ont visité le bien par son intermédiaire ;
Attendu que les consorts Y.-X. mettent en doute l'effectivité de la visite du bien en vente par les époux A. ;
Mais attendu que la SARL ALLSIMMO a versé aux débats le bon de visite du bien à la date du 5 novembre 2013 signé par l'un des époux A. dont la signature n'est pas déniée ; qu'en outre, de l'examen du courrier électronique adressé le 7 novembre 2013 à 19 heures 24 à M. C. par lequel l'agence immobilière confirme la visite du bien le 5 novembre 2013 par M. et Mme A. dont il est précisé qu'ils « ont eu un coup de cœur pour la maison», et de celui de la lettre adressée par l'agent immobilier aux consorts Y.-X. le 8 novembre 2013 qui se réfère à un entretien téléphonique du même jour, confirme la visite de la maison le 5 novembre par M. et Mme A. et indique à ce sujet : « il s'avère que ces clients ont fait une offre d'achat pour ce bien par l'intermédiaire de l'agence..», il ne ressort pas que la visite du bien par les époux A. aurait été faussement annoncée en réponse à la dénonciation du mandat datée du 6 novembre dès lors que rien n'établit que l'agent immobilier aurait été informé de la résiliation du mandat avant l'envoi du courrier électronique, mais qu'au contraire la lettre suivante du 8 novembre révèle que ce n'est que ce jour-là que la SARL ALLSIMMO a appris par téléphone l'entremise d'un autre agent immobilier ayant reçu l'offre des acquéreurs potentiels ;
Attendu en conséquence que la condition de la visite par l'acquéreur potentiel du bien par l'intermédiaire de l'agent immobilier est acquise ;
Qu'il n'est par ailleurs pas contesté par les consorts Y.-X. qu'ils n'ont pas informé le mandataire de l'identité des acquéreurs et des nom et adresse du notaire chargé de la vente par lettre recommandée avec accusé de réception ;
Qu'il s'ensuit que les conditions d'application de la clause pénale sont réunies ;
Attendu le premier juge a, dans les circonstances de l'espèce, fait une application équitable de son pouvoir modérateur pour ramener le montant de l'indemnité due à ce titre à la somme de 9.000 euros qu'il a assortie des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés par une décision qui sera intégralement confirmée y compris en sa disposition relative aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les consorts Y.-X. supporteront les dépens d'appel et verseront une indemnité de 800 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés devant la cour ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum les consorts Y.-X. à payer à la SARL ALLSIMMO une somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum les consorts Y.-X. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6053 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Fraudes
- 6120 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Principes
- 6121 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 132-2-3° C. consom.)
- 6331 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence immobilière - Mandat de vente ou de location