CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 14 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 14 février 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 16/07983
Date : 14/02/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 7435

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 14 février 2018 : RG n° 16/07983 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il s'agit donc d'apprécier si la société intimée démontre la disproportion manifeste existant entre l'avantage consenti, ici les prix des prestations, et la valeur des services rendus par la société R & G Global Consultants. Le caractère manifestement disproportionné des prix des prestations peut se déduire de la comparaison du niveau des prix réclamés à la société Comap avec le coût des services fournis en contrepartie par la société R & G, ou encore avec le coût des services équivalents rendus par des opérateurs comparables. Il peut aussi se déduire des modalités de calcul des rémunérations litigieuses ou encore de l'appréciation in concreto du service par l'analyse de son contenu.

Le caractère manifeste, exigé par le législateur, traduit la circonstance que seuls des avantages qui apparaissent, avec un niveau d'évidence suffisant, disproportionnés aux services rendus, sont prohibés. Si la preuve en incombe à la victime prétendue, la société mise en cause doit justifier sa position. Depuis le 3 août 2005 en effet, le III de l'article L. 442-6 du code de commerce dispose : « Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation ». »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/07983 (10 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 février 2016 -Tribunal de Commerce de LYON – R.G. n° 2014J00762.

 

APPELANTE :

SAS R & G GLOBAL CONSULTANTS

Ayant son siège social : [adresse], N° SIRET : XXX (PARIS), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François DE L. de la SARL CABINET DE L. P. F., avocat au barreau de PARIS, toque : P0070

 

INTIMÉE :

SA COMAP

Ayant son siège social : adresse], N° SIRET : YYY (LYON), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Laëtitia G., avocat au barreau de PARIS, toque : G0172

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée, qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société R & G Global Consultants a pour objet le conseil en matière de production industrielle, l'efficacité dans l'utilisation des matériaux et la qualité de la production manufacturière, la gestion du coût des achats et des stocks, la prévision de ventes et, enfin, la planification de la production et le développement de nouveaux produits.

Deux conventions ont été signées le 9 septembre 2013 entre la société Comap et la société R & G Global Consultants, ayant pour objet l'optimisation économique de deux sites industriels, sis respectivement à [ville A.] et [ville N.], ces conventions ayant été signées entre M. X. de la société Comap, et M. Y. de la société R & G Global Consultants.

A la suite de son intervention sur le site d'[ville A.], la société R & G Global Consultants a établi à l'attention de la société Comap, deux factures en date des 30 septembre et 31 octobre 2013, de montants respectifs de 15.325 euros et 12.114,28 euros, prévoyant, par référence à l'article E de la convention, deux paiements de 10.000 euros HT (sur les quatre prévus au contrat), outre les frais de déplacements et d'hébergement pour la période de septembre à décembre 2013.

Pour le site de [ville N.], deux factures datées des mêmes jours étaient adressées par la société R & G Global Consultants à la société Comap, de montants respectifs de 15.594,38 euros et 11 960 euros, l'intervention était prévue pour une période courant de septembre 2013 à novembre 2014, moyennant quinze facturations de 10.000 euros HT, outre les frais de trajets et d'hébergement.

En l'absence de paiement desdites factures de la part de la société Comap, la société R & G Global Consultants a été contrainte de la relancer à ce sujet. Le 28 novembre 2013, la société Comap répondait à la relance de la société R & G Global Consultants en informant cette dernière qu'elle n'avait pas l'intention d'honorer le moindre règlement, prétextant notamment que son service achat n'avait pas connaissance des contrats et que l'objet et la cause desdits contrats paraissaient illicites.

Par conséquent, la société R & G Global Consultants a adressé, par le biais de son avocat, une mise en demeure à la société Comap, réceptionnée par cette dernière le 16 décembre 2013, d'un montant total de 54.993,92 euros. A défaut de réaction de la société Comap, la société R & G Global Consultants l'a assignée devant le tribunal de commerce de Lyon, par acte signifié le 27 mars 2014.

La société Comap a opposé à la demande de paiement la nullité des conventions :

- la société R & G Global Developpements s'étant livrée à des consultations juridiques sans justifier de la qualification nécessaire,

- la capacité de M. X. à engager la société étant contestée,

- les prix facturés étant hors de proportion avec la valeur des services rendus.

Par jugement du 12 février 2016, le tribunal de commerce de Lyon a :

- prononcé la nullité des conventions de réduction des coûts pour illicéité de leur cause, la société R&G Global Consultants s'étant livrée à des consultations juridiques, sans être titulaire de la qualification nécessaire (le tribunal n'a pas examiné les autres moyens),

- déclaré la société R&G Global Consultants irrecevable et infondée,

- jugé la société Comap fondée à retenir le montant des factures de la société R&G Global Consultants,

- débouté la société R&G Global Consultants de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société R&G Global Consultants à verser à la société Comap la somme de 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société R&G Global Consultants aux entiers dépens.

 

LA COUR

Vu l'appel interjeté par la société R&G Global Consultants et ses conclusions du 5 janvier 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu l'article 1134 du code civil, vu la jurisprudence citée,

- dire la société R&G Global Consultants recevable et bien fondée en son appel,

et y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu le 12 février 2016 par le tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions,

en conséquence :

- condamner la société Comap à payer à la société R&G Global Consultants la somme de 54.993.92 euros assortie des intérêts aux taux légaux à compter du 16 décembre 2013, date de la mise en demeure, au titre des factures impayées,

- condamner la société Comap à payer à la société R&G Global Consultants la somme de 124.536 euros à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2013, date de la mise en demeure, au titre des factures impayées,

- ordonner la capitalisation desdits intérêts,

- condamner la société Comap à payer à la société R&G Global Consultants la somme de 10.000 euros dans les termes de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Comap aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Maître François de L., en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

 

Vu les dernières conclusions signifiées le 4 janvier 2018 par la société Comap, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 1108 et 1131, 1134, 1184 et 1325 du code civil, 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, L.442-6-1 du code de commerce,

Vu le principe général du droit « Fraus omnia corrumpit »,

Vu les jurisprudences citées,

à titre principal :

- déclarer la société R & G Global Consultants irrecevable et infondée dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,

- confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a prononcé la nullité des conventions en date du 9 septembre 2013 pour illicéité de leur cause dès lors que la société R & G Global Consultants a rendu, à titre principal, des consultations juridiques en violation des articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques,

- constater qu'en tout état de cause, la société R & G Global Consultants n'est pas habilitée à délivrer des conseils juridiques à titre accessoire à son activité dès lors qu'elle ne justifie pas être titulaire de la qualification prévue par l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971,

à titre subsidiaire :

- déclarer les conventions litigieuses en date du 9 septembre 2013 inopposables à la société Comap dans la mesure où elles ont été conclues en fraude de ses droits par M. X., agissant de concert avec la société R & G Global Consultants,

à titre très subsidiaire :

- dire qu'il existe une disproportion manifeste entre la rémunération sollicitée par la société R & G Global Consultants et la valeur des services effectivement rendus par cette dernière à la société Comap,

en conséquence :

- dire que, en tentant d'obtenir une contrepartie ne correspondant à aucun service rendu, à tout le moins manifestement disproportionnée aux prestations réellement fournies, la société R & G Global Consultants a commis une faute engageant sa responsabilité civile à l'égard de la société Comap,

- dire que la société Comap était donc bien fondée à retenir le montant des factures de la société R & G Global Consultants,

- dire que la société Comap n'est donc redevable d'aucune somme envers la société R & G Global Consultants, et en conséquence, débouter la société R & G Global Consultants de sa demande de règlement des factures,

- débouter la société R & G Global Consultants de sa demande au titre du remboursement des frais réels,

- dire les dommages et intérêts sollicités au titre de la prétendue rupture abusive totalement infondés pour le site d'[ville A.] et pour les mois suivant l'expiration du contrat relatif au site de [ville N.],

l'en débouter,

- condamner la société R & G Global Consultants à verser à la société Comap la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société R & G Global Consultants aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par Maître Laëtitia G., Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur la cause illicite des conventions :

La société R & G Global Consultants prétend que les deux conventions sont parfaitement licites, la mission qui lui était dévolue sur les deux sites étant une mission de préconisations strictement économiques et techniques, dans le but d'accroître la rentabilité des usines en réduisant les coûts de fabrication et en améliorant le développement de la production jusqu'à la distribution finale. Cette mission, purement économique, était exclusive de la réalisation de tout acte ou consultation juridique.

La société Comap réplique que la mission de la société R & G Global Consultants est définie dans les conventions litigieuses, et que les échanges entre les parties démontrent la nature juridique des prestations de la société R & G Global Consultants. En l'espèce, la société R & G Global Consultants devait donc non seulement identifier les postes de coûts, mais également proposer des techniques de réduction de coûts en délivrant à la société Comap des conseils juridiques, notamment en matière de rupture de contrats de travail et plus particulièrement de licenciements, ainsi que mettre en œuvre ces techniques de réduction de coûts. Elle en conclut que les conventions de réduction de coûts du 9 septembre 2013 sont nulles en raison de l'illicéité de leur cause.

[*]

L'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que « nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui s'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer ». L'article 60 de cette loi dispose, quant à lui, que « les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité ».

La discussion porte sur l'article 54, dont il s'agit de vérifier l'application dans la présente espèce, la société R & G Global Consultants ne justifiant pas d'une qualification au sens de l'article 60.

Les prestations d'une société d'audit, bien qu'intervenant en amont des services d'un avocat, qui ne se bornent pas à la diffusion d'une simple information de type documentaire mais tendent à analyser une situation juridique et en résoudre les difficultés quel qu'en soit leur niveau de complexité et à concourir directement à la prise de décision par le client, constituent des prestations juridiques. La réalisation d'un diagnostic détaillé résultant de la confrontation des normes juridiques applicables aux données rapportées revêt également cette qualité.

Or, la société intimée ne démontre pas que la société R & G Global Consultants a délivré de telles prestations à la société Comap ni que celles-ci ont été prévues dans les conventions.

Les deux conventions sont relatives à « la mission (de la société R & G Global Consultants) aux fins de réduire les coûts sur les site de Comap à [ville A.] et à [ville N.] ».

À aucun moment, il n'est prévu dans les conventions que la société R & G Global Consultants devra délivrer des consultations juridiques sur les licenciements. En effet, si la main-d’œuvre fait partie intégrante des coûts, la mission de la société R & G Global Consultants consistait à proposer des solutions de réduction des coûts, grâce à « de nouveaux concepts d'exploitation permettant de réaliser ces économies ». Aucun aspect de la mission de la société R & G Global Consultants n'entre dans le champ de la consultation juridique.

Les échanges entre les parties, matérialisés par plusieurs dizaines de messages électroniques, ne démontrent pas davantage la nature juridique des prestations de la société R & G Global Consultants, ni dans le contenu des messages eux-mêmes ni dans les pièces jointes à ces messages.

La pièce 19, citée à l'appui de ses assertions par la société Comap, permet d'établir que l'aspect social de la mise en œuvre des licenciements n'est pas géré par la société R & G Global Consultants, mais par les cadres dirigeants de la société Comap. En effet, le plan compétitivité en annexe d'un message du 24 juillet 2013 de Monsieur Z., de la société R & G Global Consultants, identifie comme « piste de réductions de coûts identifiés une réduction FTE = 740 Keuros en année pleine (…) Passage de 4*8 à 3*8. Réduction des primes. Impact = 30 Keuros annuel à partir de février 2014 ». Un plan de « réduction FTE » est joint à ce document qui prévoit la création d'un « groupe projet pour bien préparer et gérer la gestion de réduction FTE avec les syndicats » dont les co-leaders sont L. A. et F. R., de la société Comap. Un message de M. Z., consultant de la société R & G Global Consultants (pièce 17 de la société appelante) vient attester la responsabilité des cadres de la société Comap dans la gestion des ressources humaines (licenciements, changement d'horaires de travail et réduction de primes) : « je serai sur [ville N.] mercredi et jeudi prochain. L. A. et F. R. doivent préparer d'ici mercredi un rétro planning détaillé pour le pan ressources humaines. L'idée est qu'ils le présentent lors de la réunion jeudi ». Le rôle et les responsabilités de chacun de ces intervenants résultent aussi de la pièce 25 qui atteste que la société R & G Global Consultants n'intervenait jamais au titre des ruptures des contrats de travail, qui étaient mises en œuvre par L. A., F. R. et N. M., de la société Comap.

Le message électronique du 10 juillet 2013 de Monsieur Z. détaille le planning des actions à mener pour accomplir ces tâches. Le fait qu'il soit mentionné dans ce planning une rubrique « préparation juridique de la procédure » ne démontre pas que cette préparation incombait à la société R & G Global Consultants, les initiales FR et LA figurant à côté de cette mention confortant au contraire la responsabilité de F. R. et de L. A., de la société Comap (pièce 8 de la société intimée).

En annexe à un message du 29 septembre 2013 (pièce 26 de la société appelante), dans une rubrique intitulée « rôles et responsabilités », les missions relevant, d'une part, de la société R & G Global Consultants et, d'autre part, de la société Comap sont clairement définies : au regard de la mention du nom de Monsieur Z. de la société R & G Global Consultants figure la rubrique « chargé de définir et de suivre en lien avec les membres du groupe projet les pistes d'amélioration », tandis qu'au regard de N. M. de la société Comap est portée la mention suivante : « chargé d'apporter support RH à FR dans la gestion du volet social du projet » et, enfin, au regard du nom de L. A. de la société Comap, la mention « chargé de coordonner et animer le projet, et d'assurer la mise en œuvre juridique, humaine et financière du volet social ». Ces divers mentions figurent également dans le compte rendu « réunion projet compétitivité [ville N.] », dressé en septembre 2013 (pièce 112 de la société appelante).

Il n'est donc pas démontré par la société Comap, sur laquelle repose la charge de la preuve, que la société R & G Global Consultants ait traité des aspects juridiques du projet de réduction des coûts qui lui incombait. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier une quelconque note émanant de cette société, démontrant qu'elle se serait livrée à une appréciation juridique de la situation. La jurisprudence citée par la société Comap est inopérante, puisqu'elle concerne dans tous les cas des missions de détection des erreurs de tarification de cotisations dues à des titres divers, domaine particulier totalement étranger à l'activité de la société R & G Global Consultants.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Comap tendant à voir annuler les conventions litigieuses et d'infirmer le jugement déféré.

 

Sur le caractère frauduleux des conventions :

La société R & G Global Consultants prétend que les deux conventions sont parfaitement régulières, puisqu'elles ont été signées par Monsieur X. le 9 septembre 2013, 1 mois avant sa révocation de la société Comap, que la circonstance que le site d'[ville A.] ne serait pas exploité par la société Comap, mais par la société Comap Industrie, sa filiale, n'a aucun effet sur la validité des conventions, que l'antériorité des missions par rapport à la date de signature des conventions n'a pas davantage d'effets sur cette validité, qu'aucune obligation légale n'imposait de remettre un double des conventions aux deux parties, que le processus interne d'approbation des conventions de Comap n'est étayé d'aucune preuve de la part de la société intimée et qu'enfin l'opposition à l'intervention de la société R & G Global Consultants par Monsieur W., de la société Comap, le 25 novembre 2011, est inopérante.

La société Comap avance, au contraire, que les conventions litigieuses sont frauduleuses, ce qui explique les circonstances de leur signature, un mois avant la révocation du mandat social et le licenciement pour faute grave de Monsieur X., la date de leur signature après le début d'exécution des missions en cause, l'absence de validation interne de celles-ci, ainsi que l'absence de copies délivrées aux parties.

[*]

Mais il résulte des pièces du dossier qu'au jour de la signature des deux conventions, Monsieur X. était président-directeur général de la société Comap, la circonstance qu'il ait été licencié un mois plus tard étant indifférente pour la société R & G Global Consultants, qui a légitimement pu s'engager envers cette société sans qu'aucune fraude ne soit établie.

Aucune irrégularité de ces conventions ne peut s'inférer de l'appartenance du site d'[ville A.] à la société Comap Industrie, filiale de la société Comap. Il n'est en effet pas anormal que la société Comap se préoccupe de la réduction des coûts au sein de sa filiale. D'ailleurs aucune difficulté d'exécution de cette convention au sein du site d'[ville A.] n'est rapportée.

La circonstance que les missions prévues par les deux conventions aient débuté dès mai 2013, soit avant la date de signature de celles-ci n'est pas davantage de nature à entraîner la nullité des conventions. L'étendue des correspondances par voie électronique et des travaux de la société R & G Global Consultants démontrent que ces interventions avaient, dès le mois de mai, reçu une pleine et entière approbation des personnels concernés, ainsi que le révèlent leurs demandes, réponses, notes de synthèse et rendez-vous effectifs avec la société R & G Global Consultants et ses intervenants.

D'autre part, les usages de la société Comap, en matière d'approbation des conventions, ne résultent pas des pièces versées aux débats.

Par ailleurs, l'article 1325 du code civil, dans sa version en vigueur au moment des faits, et selon lequel « Les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct. Il suffit d'un original pour toutes les personnes ayant le même intérêt. Chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux qui en ont été faits » est inapplicable à la matière commerciale. Aucune nullité ne saurait donc résulter de l'absence d'originaux remis à chaque partie.

Enfin, l'opposition de Monsieur W., responsable du service achats de la société Comap, à l'intervention de la société R & G Global Consultants par courriels des 2 et 25 novembre 2011 est sans emport pour la résolution du présent litige, situé en 2013.

Il y a donc lieu de rejeter le moyen de la société Comap tendant à voir annuler les conventions litigieuses pour fraude.

 

Sur l'absence de prestations et la disproportion des prix par rapport aux prestations effectuées :

La société Comap prétend que les obligations de la société R & G sont indéterminées, qu'aucune prestation effective n'a été fournie, les préconisations étant particulièrement limitées et sans utilité, que les factures n'ont pas été établies en considération des services rendus, que la comparaison avec le travail fourni par le cabinet SEGECO met en exergue la disproportion entre le montant des sommes réclamées par l'appelante et le contenu des prestations réellement effectuées par ces dernières et qu'aucun rapport n'a été déposé par la société R & G.

La société appelante réplique que l'existence de prestations ressort des multiples messages électroniques échangés entre les parties, qui attestent des diligences effectuées par la société R & G Global Consultants.

[*]

Selon l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce, dans sa version en vigueur au moment des faits, « I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients (...) ».

Il s'agit donc d'apprécier si la société intimée démontre la disproportion manifeste existant entre l'avantage consenti, ici les prix des prestations, et la valeur des services rendus par la société R & G Global Consultants. Le caractère manifestement disproportionné des prix des prestations peut se déduire de la comparaison du niveau des prix réclamés à la société Comap avec le coût des services fournis en contrepartie par la société R & G, ou encore avec le coût des services équivalents rendus par des opérateurs comparables. Il peut aussi se déduire des modalités de calcul des rémunérations litigieuses ou encore de l'appréciation in concreto du service par l'analyse de son contenu.

Le caractère manifeste, exigé par le législateur, traduit la circonstance que seuls des avantages qui apparaissent, avec un niveau d'évidence suffisant, disproportionnés aux services rendus, sont prohibés. Si la preuve en incombe à la victime prétendue, la société mise en cause doit justifier sa position. Depuis le 3 août 2005 en effet, le III de l'article L. 442-6 du code de commerce dispose : « Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

Il y a lieu de souligner que la société Comap ne peut démontrer que les sommes réclamées dans les deux conventions en paiement de ses prestations seraient disproportionnées aux services rendus, dans la mesure où c'est la société Comap, elle-même, qui en a rompu l'exécution en novembre 2013, quelques mois après leur commencement, pour des motifs d'ailleurs étrangers à ce grief. Il ne peut, dès lors, être reproché à la société R & G Global Consultants de ne pas avoir établi de rapport final et les comparaisons avec des rapports de cabinets concurrents, tels SEGECO, dont la cour ignore le stade et les conditions d'élaboration, ne sont donc pas pertinentes. De même, la comparaison des projets de note de synthèse ou pré-rapport remis par la société R&G Global Consultants (pièces 12 et 14 de la société R&G) avec ceux des sociétés Say Partners et Soveg n'est pas suffisante pour démontrer une disproportion manifeste, faute pour la cour de connaître les délais de réalisation des prestations respectives et de pouvoir comparer des services aboutis.

Il n'est pas démontré que les obligations mises à la charge de la société R & G aient été indéterminées, les nombreux échanges entre les parties attestant au contraire d'un plan d'action parfaitement connu et accepté des deux parties.

La somme de 54.993,92 euros demandée en paiement par la société R&G Global Consultants comprend non seulement les mensualités prévues au titre des conventions, mais également les frais réels facturables de voyage et d'hébergement, justifiés par les pièces versées aux débats par la société R & G (pièces 90 à 108). Cette somme n'est pas sérieusement contestée par la société Comap, qui verse aux débats un tableau (pièce 11 de Comap) faisant ressortir que quasiment toutes les factures de voyage et d'hébergement sont justifiées, à l'exception d'une somme de 323,50 euros qu'il y a lieu de déduire des 54.993,92 euros, portant ainsi la somme due par la société Comap à la société R & G Global Consultants à 54.670 euros. La société Comap sera donc condamnée au paiement de cette somme, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 décembre 2013, lesdits intérêts capitalisés.

La société R & G demande également la condamnation de la société Comap à lui payer la somme de 124.536 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2013, date de la mise en demeure, au titre des factures impayées, en réparation de la rupture abusive en novembre 2013, pour « perte de marges journalières » (page 21 de ses conclusions).

Il est incontestable qu'elle n'a pu mener ses prestations relatives aux deux conventions jusqu'à leur terme, par suite de la faute de la société Comap qui a arrêté d'avoir recours à ce prestataire et a refusé de régler les premières factures.

Mais elle ne verse aux débats aucun décompte par convention, ni aucun élément permettant à la cour d''évaluer son taux de marge sur coûts variables, de sorte que son préjudice sera suffisamment réparé par l'allocation d'une somme de 5.000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 mars 2014, lesdits intérêts capitalisés.

 

Sur les dépens et frais irrépétibles :

La société Comap, sucombant au principal, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la société R & G Global Consultants la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

REJETTE les exceptions de nullité des conventions litigieuses fondées sur l'illicéité de la cause, sur la fraude et sur l'article L.442-6-I-1° du code de commerce,

CONDAMNE la société Comap à payer à la société R & G Global Consultants la somme de 54.670 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2013, lesdits intérêts capitalisés,

CONDAMNE la société Comap à payer à la société R & G Global Consultants la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive des contrats, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 mars 2014, lesdits intérêts capitalisés,

DÉBOUTE la société R & G Global Consultants du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société Comap aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE à payer à la société R & G Consultants la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier                La Présidente

Cécile PENG             Irène LUC