CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 16 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 16 février 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 16/01349
Date : 16/02/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 31/12/2015
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 7436

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 16 février 2018 : RG n° 16/01349 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Mais considérant que le bailleur a mobilisé les sommes nécessaires à l'acquisition des biens loués, les loyers étant destinés à l'amortissement du capital investi, au financement des intérêts correspondants pendant la durée de la location et à la marge commerciale de l'opérateur financier ; Qu'en raison de l'interruption de la location avant le terme initialement prévu, l'économie générale du contrat de location s'en trouve bouleversée au détriment du bailleur qui ne pourra pas recevoir l'intégralité des loyers prévus, l'indemnité de résiliation étant destinée à réparer le dommage financier correspondant résultant de la défaillance du locataire ; Que seul l'avantage financier résultant de l'exigibilité immédiate des échéances initialement prévues pour s'échelonner dans le temps, est susceptible d'être qualifié de clause pénale, ainsi que la clause de 6 % du montant des loyers restant à échoir (soit en l'espèce concernant le contrat du 8 septembre 2011, la somme de 742,72 euros) ; Considérant qu'en fonction des éléments disponibles dans le dossier, la partie pénale du calcul de l'indemnité de résiliation et la clause pénale elle-même de 6 %, n'apparaissent pas manifestement excessives et que la demande de minoration ne sera pas accueillie ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/01349 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 octobre 2015 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 14/00556.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [adresse], assistée de Maître Nicolas P., avocat plaidant du barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 20

 

INTIMÉE :

SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE (nouvellement CM-CIC LEASING SOLUTIONS)

prise en la personne de ses représentants légaux, N° SIRET : XX (Nanterre), représentée par Maître Anne G.-B. de la SCP G. B., avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, assistée de Maître Violaine T., avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : C495

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Gérard PICQUE, magistrat en charge de fonction juridictionnelles, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambre, Mme Françoise BEL, présidente de chambre, M. Gérard PICQUE, magistrat en charge de fonction juridictionnelles.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 23 août 2011, Madame X., artisan exploitant en nom personnel une entreprise de nettoyage inscrite au répertoire des métiers auprès de la Chambre des métiers et de l'artisanat du [département], a pris en location un serveur de sauvegarde informatique pour une durée de 63 mois, moyennant un loyer trimestriel d'un montant de 690 euros HT.

Le 8 septembre 2011, Madame X. a pris en location un autre serveur de sauvegarde informatique, pour une durée également de 63 mois, moyennant un loyer trimestriel d'un montant de 690 euros HT également.

Des échéances étant impayées, la SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE (société GE), déclarant venir aux droits du loueur initial, l'a vainement mise en demeure de payer, par deux lettres recommandées AR du 26 octobre 2012, les sommes de 5.553,40 euros et de 4.057,31 euros au titre des loyers impayés des deux contrats de location en visant la clause d'exigibilité immédiate des sommes prévues au contrat, à défaut de paiement.

Le 27 novembre 2013, la société GE, invoquant la résiliation des contrats en raison du défaut de paiement des loyers en dépit des mises en demeure, a attrait Madame X. devant le tribunal de grande instance de Créteil en vue de l'entendre condamner à restituer les matériels sous astreinte et à payer les sommes suivantes majorées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit :

- concernant le contrat du 23 août 2011, les sommes de 4.278,60 euros au titre des loyers échus impayés, de 13.203,84 euros au titre des loyers à échoir, et de 792,23 euros au titre de la pénalité contractuelle, soit globalement la somme de 18.274,67 euros,

- concernant le contrat du 8 septembre 2011, les sommes de 3.300,96 euros au titre des loyers échus impayés, de 12.378,60 euros au titre des loyers à échoir et de 742,72 euros au titre de la pénalité contractuelle, soit globalement la somme de 16.422,28 euros,

- outre l'indemnisation des frais irrépétibles.

Madame X. s'y est opposée en soutenant que la cession des contrats litigieux lui est inopposable, en faisant valoir que la clause dispensant le bailleur cessionnaire de la signification dans les formes de l'article 1690 du code civil est abusive et crée un déséquilibre significatif au détriment du locataire en stipulant une acceptation de principe de toute cession, pour en conclure qu'elle doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, et a reconventionnellement demandé la nullité des contrats, au motif que son obligation est dépourvue de cause au sens de l'article 1131 du code civil, outre la condamnation de la société GE à l'indemniser de ses frais non compris dans les dépens.

Par jugement contradictoire du 19 octobre 2015, après avoir essentiellement retenu que la cession des deux contrats à la société GE était opposable au cocontractant cédé, que le code de la consommation est inapplicable à la cause et que la clause contractuelle de résiliation était acquise, le tribunal a débouté Madame X. de toutes ses demandes, a constaté la résiliation des contrats des 23 août et 8 septembre 2011, a ordonné la restitution des serveurs de sauvegarde informatique, mais en rejetant la demande d'astreinte, et a condamné Madame X. à payer à la société GE les sommes requises en principale, majorées des intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2012, outre la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Vu l'appel interjeté le 31 décembre 2015 par Madame X. et ses dernières écritures télé-transmises le 30 mars 2016, poursuivant la réformation du jugement en sollicitant essentiellement :

- la résolution du contrat du 23 août 2011 aux torts exclusifs de la société GE et corrélativement le rejet des demandes de cette dernière et la restitution des sommes antérieurement versées, soit globalement la somme de 1.000,85 euros (73,75 + 101,66 + 825,44),

- tout à la fois le rejet de la demande initiale de la société GE au titre du contrat du 8 septembre 2011 et la modération de la clause pénale de l'article 12-3, le rejet corrélatif des demandes de la société GE, y compris au titre d'une « éventuelle » clause pénale ou sa réduction à hauteur de la somme maximale de 1.380 euros ;

Vu les dernières conclusions télé-transmises le 6 décembre 2017, par la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS, déclarant anciennement se dénommée GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE (société CM-CIC), et comme telle intimée, réclamant la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement en soutenant notamment que la cession des contrats est opposable à la locataire et que le code de la consommation est inapplicable à la cause tout en sollicitant à nouveau la restitution du matériel sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant qu'il convient de relever, à titre liminaire, que :

- d'une part, dans le dispositif de ses dernières écritures signifiées devant la cour, Madame X. ne soulève plus l'inopposabilité de la cession des contrats ni n'invoque le bénéfice de l'article L 132-1 du code de la consommation,

- d'autre part, qu'il appartient aux parties de produire aux débats les pièces nécessaires au soutien de leurs demandes et de leurs moyens ;

Que Madame X. indique, concernant le contrat de location financière du 23 août 2011, n'avoir « jamais pu être rendue destinataire du serveur objet du contrat » et estime aussi que la société GE a manqué « de respecter son obligation contractuelle relative à la commande d'un serveur de sauvegarde informatique à son bénéfice » ;

Considérant qu'il résulte des documents des 23 août et 8 septembre 2011versés aux débats, que dans chacun, Madame X. a donné mandat à la société VIATELEASE « à l'effet de conclure un contrat de location longue durée » du matériel visé (« un serveur de sauvegarde ») auprès de tout établissement financier aux conditions générales et particulières de location prévues au mandat et que, outre la signature de Madame X. et l'apposition du tampon de son entreprise sous la rubrique « client/locataire », chaque document a été signé par la société ASP 64 sous la rubrique « mandataire/loueur » et par la société GE sous la rubrique « bailleur/cessionnaire » ;

Que l'article 5.2 de chaque contrat stipule que la cession au bailleur n'emporte transfert que de la propriété des équipements et des loyers afférents, à l'exception de tous autres services, prestations et accessoires, le locataire acceptant sans réserve cette substitution de loueur ;

Mais considérant que Madame X. conteste avoir reçu livraison du matériel visé au contrat du 23 août 2011 et que pour justifier de la livraison de deux serveurs de sauvegarde dont l'un est visé au contrat précité du 23 août 2011 et l'autre au contrat du 8 septembre 2011, la société CM-CIC verse aujourd'hui aux débats deux procès-verbaux de réception du contrat de location sans préciser le numéro de chacun, dont :

- la pièce n° 8 comporte la signature de la société ASP 64 sous la rubrique « fournisseur » à la date du 23 août 2011 et la signature de l'entreprise P. sous la rubrique « locataire » à la date du 23 juin 2011,

- la pièce n° 7 comporte la signature de la société ASP 64 sous la rubrique « fournisseur » à la date du 4 novembre 2011 et la signature de l'entreprise P. sous la rubrique « locataire » à la date du 8 septembre 2011,

Qu'en présence des contestations élevées par Madame X., il appartient au bailleur de prouver que les deux serveurs ont été effectivement livrés, ce qu'il ne démontre pas en versant aux débats des procès-verbaux de réception incomplets, dont les dates de signatures par les différentes parties sont incohérentes, la date de mise à disposition du matériel étant attestée par le fournisseur environ deux mois après la date indiquée par la locataire pour la réception alléguée dudit matériel ;

Qu'il convient dès lors d'estimer que la livraison du serveur de sauvegarde visé au premier contrat du 23 août 2011 n'est pas prouvée, mais qu'en revanche, concernant le second contrat du 8 septembre 2011, en se bornant à demander la requalification de l'indemnité de résiliation en clause pénale et à en solliciter la modération, Madame X. n'a pas véritablement contesté en avoir reçu livraison et qu'en absence du fournisseur à l'instance, les critiques à son encontre sont inopérantes sur le présent litige ;

Considérant que, concernant le second contrat (8 septembre 2011) la clause de résiliation est acquise en raison du défaut de paiement des causes de la mise en demeure de payer précitée et que pour échapper au paiement intégral de l'indemnité de résiliation, Madame X. fait valoir que ladite indemnité prévue comme étant égale à la somme des loyers restant à courir jusqu'au terme du contrat, constitue « une majoration des charges financières pesant sur le débiteur, résultant de l'anticipation de l'exigibilité des loyers » de sorte qu'elle a été stipulée, selon l'appelante, « à la fois comme moyen de contraindre à l'exécution et [comme] évaluation conventionnelle du préjudice subi par le bailleur » en en faisant ainsi « une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès », pour justifier sa demande modération en prétendant en outre que l'application de la clause créerait un déséquilibre significatif à son seul détriment et en estimant qu'elle « ne devrait pas être supérieure à une somme de 1.380 euros » ;

Mais considérant que le bailleur a mobilisé les sommes nécessaires à l'acquisition des biens loués, les loyers étant destinés à l'amortissement du capital investi, au financement des intérêts correspondants pendant la durée de la location et à la marge commerciale de l'opérateur financier ;

Qu'en raison de l'interruption de la location avant le terme initialement prévu, l'économie générale du contrat de location s'en trouve bouleversée au détriment du bailleur qui ne pourra pas recevoir l'intégralité des loyers prévus, l'indemnité de résiliation étant destinée à réparer le dommage financier correspondant résultant de la défaillance du locataire ;

Que seul l'avantage financier résultant de l'exigibilité immédiate des échéances initialement prévues pour s'échelonner dans le temps, est susceptible d'être qualifié de clause pénale, ainsi que la clause de 6 % du montant des loyers restant à échoir (soit en l'espèce concernant le contrat du 8 septembre 2011, la somme de 742,72 euros) ;

Considérant qu'en fonction des éléments disponibles dans le dossier, la partie pénale du calcul de l'indemnité de résiliation et la clause pénale elle-même de 6 %, n'apparaissent pas manifestement excessives et que la demande de minoration ne sera pas accueillie ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer partiellement le jugement en ce qui concerne le second contrat de location ;

Que Madame X. succombant en partie dans son recours, ne saurait prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles et que l'équité ne commande pas d'allouer une indemnité à ce titre à la société CM-CIC qui doit encaisser le produit des clauses pénales.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné Madame X. à payer la somme globale de 18.274,67 euros en principal au titre du premier contrat de location du 23 août 2011 et a alloué à la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE (devenue CM-CIC LEASING SOLUTIONS) une indemnité de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

Statuant à nouveau de ces deux chefs, déboute la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS (anciennement GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE) des demandes correspondantes,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

DIT n'y avoir lieu à octroyer des indemnités au titre des frais irrépétibles d'appel,

FAIT masse des dépens d'appel et les met à la charge des parties chacune pour moitié,

ADMET Maître Nicolas P. et Maître Anne G.-B. (de la SCP G. B.), chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier                             Le président