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CA PARIS (pôle 1 ch. 1), 27 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 1 ch. 1), 27 février 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 1 ch. 1
Demande : 17/07699
Date : 27/02/2018
Nature de la décision : Compétence
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7463

CA PARIS (pôle 1 ch. 1), 27 février 2018 : RG n° 17/07699 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant qu'eu égard à l'interdépendance caractérisant ces deux contrats, il y a lieu de constater le caractère inconciliable des clauses attributives de compétence qu'ils contiennent et dont les termes généraux, à savoir « tout différend à l'occasion de l'interprétation et/ou l'exécution du contrat » (« contrat d'achat cadre » du 7 janvier 2010) et « tout litige relatif à cette convention », (« contrat cadre » de cession du 11 janvier 2010), les rendent également applicables au présent litige ; Considérant que c'est donc à bon droit, ces clauses devant être réputées non écrites, que le jugement entrepris retient que la juridiction compétente pour statuer doit être recherchée en vertu des règles de droit commun ; […]

Considérant que VERNICOLOR IZERNORE sollicite la condamnation de MECACORP et MECAPLAST SAM sur deux fondements juridiques distincts : - l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce prévoyant la responsabilité délictuelle des auteurs de pratiques restrictives de concurrence, - les articles 1134 et suivants du code civil prévoyant la responsabilité contractuelle du contractant en cas de manquement à ses obligations ; Considérant que si le lieu du fait dommageable se situe dans le ressort du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, il résulte des dispositions de l'article D. 442-3 du code de commerce que le tribunal de commerce de Lyon est compétent pour statuer sur la demande concernant les pratiques restrictives de concurrence ; qu'il y a lieu de le dire également compétent pour statuer sur les autres demandes, aucune disjonction n'ayant été sollicitée ; Que le jugement sera donc confirmé, notamment en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et déclaré le tribunal de commerce de Lyon compétent ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 1 CHAMBRE 1

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/07699 (5 pages) (CONTREDIT). Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 juillet 2016 - Tribunal de Commerce de LYON.

 

DEMANDERESSES AU CONTREDIT :

Société MECACORP devenue MECAPLAST FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux, représentée par Maître Rémi L., avocat au barreau de LYON

Société MECAPLAST SAM

prise en la personne de ses représentants légaux, représentée par Maître Rémi L., avocat au barreau de LYON

 

DÉFENDERESSE AU CONTREDIT :

Société VERNICOLOR IZERNORE

prise en la personne de ses représentants légaux, représentée par Maître François-Charles D., ès qualités de mandataire liquidateur, sis [adresse], représenté par Maître Vincent R., avocat du barreau de PARIS et Me Hervé LE B., avocat du barreau de LYON

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Dominique GUIHAL, présidente, Mme Dominique SALVARY, conseillère, M. Jean LECAROZ, conseiller, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le groupe VERNICOLOR, dépendant de la holding Groupe François C. (GFC), est spécialisé dans le marquage et la décoration. En 2008, il s'est intéressé au projet de vente, par les sociétés MECAPLAST SAM (société de droit monégasque) et MECACORP, dont le siège est à [ville I. 92], exerçant une activité d'équipementier automobile dit de 1er rang, d'un site de production situé dans l'AIN, à [ville I.], constitué de chaînes de peintures.

Le 11 janvier 2010, un « contrat cadre » incluant une clause attributive de juridiction au profit du tribunal de commerce de Nanterre a été signé entre MECACORP et la société VERNICOLOR IZERNORE, créée à cet effet, décrivant les conditions et modalités de cession du site.

Le 7 janvier 2010, un « contrat d'achat cadre » a été conclu entre VERNICOLOR IZERNORE et MECAPLAST, cette dernière (« le client »), « agissant pour son propre compte ainsi que l'ensemble des sociétés dont elle détient directement ou indirectement 50 % des actions et/ou droits de vote », comprenant une clause attributive de compétence au profit du tribunal « du lieu du siège social du client », outre l'application de la législation du pays du lieu de son siège social.

Des différends sont apparus entre les parties.

Par jugement du 22 février 2013, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a prononcé le redressement judiciaire de la société VERNICOLOR IZERNORE, converti en liquidation judiciaire par jugement du 26 avril 2013. Par acte du 5 juin 2015, la société VERNICOLOR IZERNORE, représentée par Maître D., es-qualités de mandataire liquidateur, a fait citer la société MECACORP devenue MECAPLAST FRANCE et la société MECAPLAST SAM devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de voir, notamment, dire que celles-ci ont soumis la société VERNICOLOR IZERNORE à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, dire qu'elles ont manqué gravement à leurs obligations contractuelles et que le « contrat-cadre » (en réalité le « contrat-d'achat cadre », la demanderesse nommant le contrat du 11 janvier 2010 : « contrat de Cession-Partenariat ») se trouve résilié aux torts exclusifs des défenderesses, en conséquence condamner celles-ci au paiement d'une somme de 832.118 euros outre le coût des licenciements en réparation du préjudice causé, à titre subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire, subsidiairement encore, dire que le contrat-cadre (en réalité le « contrat d'achat cadre ») est nul pour défaut de production de la garantie prévue par la loi du 31 décembre 1975.

Par jugement du 11 juillet 2016, le tribunal de commerce de Lyon, sur l'exception d'incompétence soulevée par les défenderesses, s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de la société VERNICOLOR IZERNORE représentée par Maître D. fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce et, plus généralement, sur les autres demandes, et a demandé aux sociétés MECACORP SAS et MECAPLAST SAM de conclure au fond.

Le tribunal a retenu que la demande de la société VERNICOLOR IZERNORE (était) dirigée à l'encontre de la société MECAPLAST au titre de l'exécution du « contrat cadre » en date du 7 janvier 2010 mais aussi à l'encontre de la société MECACORP au titre de l'exécution du contrat de « cession partenariat » en date du 11 janvier 2010. Elle a jugé que les deux contrats (étaient) liés entre eux pour former un ensemble contractuel ayant prévalu à l'opération de reprise du fonds de commerce par la société VERNICOLOR IZERNORE et, après avoir constaté que ces deux contrats contenaient des clauses attributives de juridiction qui se contredisaient, a appliqué les règles de compétence de droit commun désignant la compétence du tribunal de commerce de Lyon.

Les sociétés MECAPLAST et MECACORP devenue MECAPLAST France ont formé un contredit à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 30 mars 2017, la cour d'appel de Lyon saisie du contredit a ordonné, au visa de l'article D. 442-3 du code de commerce, le renvoi de l'affaire avec l'ensemble du dossier au greffe du tribunal de commerce pour qu'il le transmette au greffier de la cour d'appel de Paris.

Selon les termes de leur déclaration de saisine, reprises à l'audience, les sociétés MECACORP devenue MECAPLAST France et MEGAPLAST SAM demandent à la cour de dire que le tribunal de commerce de LYON n'est pas compétent, l'affaire relevant des juridictions monégasques, de renvoyer en conséquence la société VERNICOLOR IZERNORE à mieux se pourvoir, subsidiairement, de dire que le tribunal de commerce de Paris est seul compétent pour statuer et de renvoyer l'affaire à cette juridiction, la société VERNICOLOR IZERNORE étant condamnée au remboursement des frais du contredit.

Elles soutiennent en particulier qu'aucune indivisibilité entre les contrats n'a été stipulée par les parties et que ceux-ci ne constituent nullement une opération unique, que les demandes de Maître D., es qualités, ne concernant que le « contrat d'achat cadre » en date du 7 janvier 2010, elles doivent être soumises au droit monégasque et à la juridiction monégasque conformément aux stipulations dudit contrat.

Par conclusions reprises à l'audience, la société VERNICOLOR IZERNORE demande à la cour de rejeter le contredit de compétence soulevé par les sociétés MECACORP et MECAPLAST, de dire que le tribunal de commerce de Lyon est compétent, de renvoyer l'affaire devant ladite juridiction et de condamner les sociétés MECACORP et MECAPLAST in solidum à verser à la société VERNICOLOR IZERNORE la somme de 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que l'assignation délivrée par VERNICOLOR IZERNORE à l'encontre de MECACORP et de MECAPLAST SAM vise une violation des obligations résultant tant du « contrat cadre » de cession en date du 11 janvier 2010 que du « contrat d'achat cadre » en date du 7 janvier 2010 ;

Considérant que des éléments introductifs insérés au « contrat-cadre » de cession en date du 11 janvier 2010 il ressort que la société MECACORP, locataire d'un site industriel dédié à l'application de peinture et propriétaire de deux chaînes de peinture implantées dans ce local, ne pouvait plus garantir la continuité de l'exploitation par un volume d'affaires suffisant alors que la société VERNICOLOR IZERNORE cherchait, pour sa part, à se doter d'un outil industriel plus performant et « plus spécifiquement capacitaire pour répondre aux sollicitations du secteur automobile » ;

Que l'objet du contrat est défini en son article 2 comme étant la cession à VERNICOLOR IZERNORE des équipements, aménagements et machines, présents sur le site et figurant en annexe I, « afin de garantir la continuité de l'activité de peinture », précision étant donnée que le prix de cession a été concédé par la société MECACORP à VERNICOLOR IZERNORE « afin de permettre au repreneur d'acquérir l'installation dans des conditions permettant la pérennité du site » ;

Que par ailleurs l'article 3 du contrat mentionne que, pour l'ensemble des parties, « le projet (...) a pour objet de sauvegarder l'emploi », puisque, « à défaut de solution, la société MECACORP aurait été contrainte d'envisager, à terme, de cesser toute activité de peinture sur le site d'IZERNORE » ; qu'il a été prévu que la société MECACORP supporterait les coûts des licenciements arrêtés entre les parties au nombre de 12 ;

Considérant enfin que l'article 5 du contrat-cadre de cession stipule que MECACORP s'engage à confier à VERNICOLOR IZERNORE la sous-traitance des travaux de peinture et de traitement de surface des marchés actuellement produits sur le site « dans le cadre du contrat d'achat annexé aux présentes », cet engagement étant valable « pendant toute la durée de vie des pièces (série et rechange) » ;

Considérant qu'il ressort de ces éléments que ces deux contrats participent à une même opération économique visant, selon la commune intention des parties, à pérenniser le site industriel d'IZERNORE ; qu'ils ont été signés de manière quasi concomitante, étant observé que le contrat d'achat cadre, relativement à la sous-traitance de travaux de peinture par MECAPLAST SAM à VERNICOLOR IZERNORE en cours sur le site, a précédé de quelques jours la cession de l'appareil productif ;

Que la matérialité de ce lien résulte également de ce que le contrat de sous-traitance passé entre VERNICOLOR IZERNORE et MECAPLAST SAM constitue une annexe du contrat de cession conclu entre VERNICOLOR IZERNORE et MECACORP à laquelle ce dernier renvoie expressément dans le but de répondre à l'objectif commun précité relativement au maintien du site ;

Considérant que les sociétés MECAPLAST SAM et MECACORP reconnaissent que la négociation des deux contrats a impliqué l'ensemble des parties ; que le contrat d'achat cadre du 7 janvier 2010 a d'ailleurs été conclu par MECAPLAST SAM agissant tant en son nom personnel que pour le compte de l'ensemble des sociétés dont elle détient directement ou indirectement 50 % des actions et/ou droits de vote, ce qui est le cas de la société MECACORP ; qu'il apparaît de même que le mail accompagnant la transmission de la lettre d'intention signée par VERNICOLOR IZERNORE et contresignée à Monaco par Monsieur X. au nom de la société MECACORP le 8 décembre 2009, relative au contrat de cession, émane de la société MECAPLAST/Monaco ; que la connaissance par toutes les parties de l'opération d'ensemble, dans ses objectif et ses modalités, ne peut donc être contestée ;

Considérant qu'eu égard à l'interdépendance caractérisant ces deux contrats, il y a lieu de constater le caractère inconciliable des clauses attributives de compétence qu'ils contiennent et dont les termes généraux, à savoir « tout différend à l'occasion de l'interprétation et/ou l'exécution du contrat » (« contrat d'achat cadre » du 7 janvier 2010) et « tout litige relatif à cette convention », (« contrat cadre » de cession du 11 janvier 2010), les rendent également applicables au présent litige ;

Considérant que c'est donc à bon droit, ces clauses devant être réputées non écrites, que le jugement entrepris retient que la juridiction compétente pour statuer doit être recherchée en vertu des règles de droit commun ;

Considérant qu'aux termes de l'article 46 du code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :

- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;

- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

Considérant que VERNICOLOR IZERNORE sollicite la condamnation de MECACORP et MECAPLAST SAM sur deux fondements juridiques distincts :

- l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce prévoyant la responsabilité délictuelle des auteurs de pratiques restrictives de concurrence,

- les articles 1134 et suivants du code civil prévoyant la responsabilité contractuelle du contractant en cas de manquement à ses obligations ;

Considérant que si le lieu du fait dommageable se situe dans le ressort du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, il résulte des dispositions de l'article D. 442-3 du code de commerce que le tribunal de commerce de Lyon est compétent pour statuer sur la demande concernant les pratiques restrictives de concurrence ; qu'il y a lieu de le dire également compétent pour statuer sur les autres demandes, aucune disjonction n'ayant été sollicitée ;

Que le jugement sera donc confirmé, notamment en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et déclaré le tribunal de commerce de Lyon compétent ;

Considérant que les sociétés MECACORP et MECAPLAST SAM seront déboutées de leurs autres demandes et condamnées aux dépens ainsi qu'à payer à la société VERNICOLOR IZERNORE, représentée par son liquidateur, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement ;

Déboute les sociétés MECACORP et MECAPLAST SAM de leurs demandes ;

Les condamne in solidum à payer à Maître D., es-qualités de mandataire liquidateur de la société VERNICOLOR IZERNORE, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux dépens.

LA GREFFIÈRE                             LA PRÉSIDENTE