CA LYON (1re ch. civ. B), 20 février 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7479
CA LYON (1re ch. civ. B), 20 février 2018 : RG n° 16/04369
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'il résulte, par une clause claire et en majuscules, que les préjudices immatériels sont exclus de la garantie, Que les préjudices moral et de jouissance dont l'indemnisation est demandée par les époux Y. sont constitutifs de préjudices immatériels, Que cette clause de limitation, figurant au contrat en caractères très apparents, répond aux exigences des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances et est dès lors opposable aux époux Y., Attendu que la décision déférée est donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande des époux Y. de ce chef ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/04369. Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON (4e ch.), Au fond, du 26 janvier 2016 : R.G. n° 13/06652.
APPELANTE :
CROWN WORLDWIDE, SAS
représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social, Représentée par la SELARL C. & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, Assistée de Maître Patrick MICHALEK, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Mme X. épouse Y.
née le [date], à [ville], [adresse], [minute page 2] Représentée par la SELARL COLBERT LYON, avocats au barreau de LYON
M. Y.
né le [date], à [ville], Représenté par la SELARL COLBERT LYON, avocats au barreau de LYON
Date de clôture de l'instruction : 21 septembre 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 janvier 2018
Date de mise à disposition : 20 février 2018
Audience présidée par Florence PAPIN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Françoise CARRIER, président, - Florence PAPIN, conseiller, - Michel FICAGNA, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :
Monsieur et Madame Y. ont conclu un contrat de garde-meubles et de transport maritime par conteneur avec la société CROWN WORLDWIDE le 27 juillet 2011.
Une partie des biens des époux Y. devait être transférée par voie maritime à [ville] en Arabie Saoudite où les époux Y. allaient s'installer pour des raisons professionnelles.
L'autre partie des meubles devait être stockée en France dans un garde-meubles dont le coût restait à la charge des époux Y.
[minute page 3] Ce contrat était assorti d'une assurance « PROGRAMME CROWNCARE ».
Un incendie est survenu le 30 juillet 2012 dans les locaux de la société CROWN WORLDWIDE situés à [ville S.] où étaient stockés les biens des époux Y.
L'intégralité des biens confiés par les époux Y. à la société CROWN WORLWIDE a ainsi été détruite, y compris les meubles placés dans le conteneur destiné au transport maritime, qui se trouvait également entreposé dans ces locaux au moment du sinistre.
Les époux Y. ont accepté un règlement provisionnel à hauteur de 50.741 euros de la part de la société CROWN WORLDWIDE.
Estimant cette indemnisation insuffisante, par exploit en date du 22 mai 2013, Monsieur et Madame Y. ont assigné la société CROWN WORLDWIDE SAS devant le tribunal de grande instance de Lyon.
Par jugement du 26 janvier 2016, le tribunal de grande instance a :
- Condamné la société CROWN WORLDWIDE à payer à Monsieur et Madame Y. la somme de 29.349 euros provision déduite, et celle de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- Débouté les parties pour le surplus ;
- Condamné la société CROWN WORLDWIDE aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 6 juin 2016, la société CROWN WORLDWIDE a interjeté appel total de cette décision.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 6 septembre 2017, elle demande à la cour de :
- Vu l'article 1134 du code civil,
- Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 26 janvier 2016 en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation de Monsieur et Madame Y. au titre des biens chargés dans le conteneur maritime ;
- Débouter Monsieur et Madame Y. de leur demande à ce titre ;
- Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;
- Condamner Monsieur et Madame Y. à verser à la société CROWN WORLDWIDE SAS la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur et Madame Y. aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître D. C., LEXAVOUE, sur son affirmation de droit.
- A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour confirmerait le jugement en ce qu'il a considéré que l'indemnité au titre des biens chargés dans le conteneur maritime devait être calculée sur la base de 19m³ et non de 11m³ ;
- [minute page 4] Constater que la société CROWN WORLDWIDE SAS a d'ores et déjà versé une indemnité correspondant à 11m³ soit 30.250 USD ;
- Condamner la société CROWN WORLDWIDE SAS à payer une indemnité complémentaire pour 8m³ soit 22.000 USD, correspondant à 20.334,80 € au jour du jugement ;
- Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;
- Condamner Monsieur et Madame Y. à verser à la société CROWN WORLDWIDE SAS la somme de 2.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur et Madame Y. aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître D. C., LEXAVOUE, sur son affirmation de droit.
- A titre très subsidiaire, pour le cas où la Cour retiendrait le mode de calcul proposé par les époux Y. s'agissant des biens du conteneur ;
- Condamner la société CROWN WORLDWIDE SAS à payer une indemnité de 52.250 USD à convertir en Euros au jour du jugement dont il convient de déduire la somme de 22.901 correspondant à la provision déjà réglée à ce titre en janvier 2013 ;
- Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;
- Condamner Monsieur et Madame Y. à verser à la société CROWN WORLDWIDE SAS la somme de 2.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur et Madame Y. aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître D. C., LEXAVOUE, sur son affirmation de droit.
Elle fait valoir que :
- le tribunal a justement admis que le préjudice pour les biens en garde meubles s'élevait à la somme de 27.850 euros, mais que la décision doit être réformée s'agissant des biens du conteneur maritime pour lesquels une indemnité de 52.250 euros a été retenue correspondant à 19m³,
- le volume réel net de leurs biens concernant le conteneur était de 11m³ et non de 19m³ (confer bon de travail en pièce 9) et l'indemnisation calculée par application de la clause 1b) des conditions générales,
- par erreur, le tribunal a fait application de l'indemnité contractuelle en 2.750 euros par m³ alors qu'est prévue une indemnité de 2.750 dollars américains, et qu'il convient de déduire la somme de 22.901 euros déjà versée à ce titre, que la somme maximale due par elle ne peut excéder 22.000 USD soit une contrevaleur au jour du jugement de 20.334,80 euros,
- concernant les biens du garde meuble, les époux Y. ont opté dans un premier temps pour l'estimation forfaitaire puis pour réduire le montant de leur prime, par mail du 28 octobre 2011 pour l'option 'inventaire détaillé valorisé' retenant une valeur d'assurance de 27.850 euros, que les factures qui leur ont été adressées en ont tenu compte,
- que la demande telle que formulée à ce titre par les intimés (66.000 USD + 27.850 euros) est nouvelle (somme demandée en première instance : 66.000 USD),
- que les dommages indirects ou immatériels ainsi que les valeurs sentimentales sont expressément exclus de la garantie le contrat attirant clairement leur attention sur ce point.
[minute page 5]
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 9 juin 2017, Monsieur et Madame Y. demandent à la cour de :
Vu les articles 1103 nouveau et suivants (anciennement article 1134), 1193 nouveau, 1231-1 nouveau (anciennement article 1147), 1915 et suivants et 1933 du Code civil, Vu les articles L. 112-3 et L. 112-4 du Code des assurances, Vu les recommandations n° 16-01 et 82-02 de la Commission des clauses abusives,
Vu les pièces,
- Confirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 26 janvier 2016 concernant l'indemnisation allouée aux époux Y. au titre de la perte matérielle du container maritime,
- Débouter la société CROWN WORLDWIDE des fins de son appel,
- Réformer, sur l'appel incident des époux Y., le jugement rendu 26 janvier 2016 par le tribunal de grande instance de Lyon en ce qu'il a :
* limité à la somme de 27.850 euros l'indemnisation des époux Y. au titre de l'assurance souscrite pour le garde-meubles,
* rejeté leur demande d'indemnisation des préjudices immatériels qu'ils ont subis,
- Condamner la société CROWN WORLDWIDE à verser aux époux Y. la somme de 66.000 USD, à convertir en euros, et la somme de 27.850 euros au titre de l'assurance souscrite pour le garde-meubles,
- Condamner la société CROWN WORLDWIDE à verser aux époux Y. la somme de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- Condamner la société CROWN WORLDWIDE à verser aux époux Y. la somme de 15.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- Condamner la société CROWN WORLDWIDE à verser aux époux Y. la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société CROWN WORLDWIDE aux entiers dépens de la procédure, y compris ceux de première instance.
Ils font valoir :
- concernant les biens du container maritime, que l'assurance souscrite couvre bien un volume forfaitaire de 19m³, à multiplier par 2.750 USD,
- concernant les biens du garde meubles, qu'ils ont souscrit une assurance basée sur l'estimation forfaitaire et non selon inventaire détaillé, et qu'il résulte de l'article 17 du contrat que la valeur de 27.850 euros s'ajoute à la valeur des biens initialement assurés, raison pour laquelle un inventaire valorisé a été rempli par eux à la demande de la société CROWN,
- qu'ensuite, il y a eu une mauvaise interprétation de cette dernière qui a modifié unilatéralement le contrat et les valeurs déclarées,
- qu'ils ont perdu dans l'incendie tous leurs souvenirs et photos, et objets de valeur sentimentale, que [minute page 6] les exclusions à ce titre du contrat ne sont pas en caractère très apparent, qu'il en résulte que ces clauses sont nulles et à titre subsidiaire inopposables.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'étendue de la saisine :
Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Attendu que du fait des appels principal et incident, toutes les dispositions de la décision déférée sont critiquées par les parties,
Sur la perte matérielle du container maritime :
Attendu que le tribunal a retenu un préjudice concernant les biens du container maritime pour les époux Y. de 52.250 euros (19 m3 X 2.750 euros),
que la SAS CROWN WORLDWIDE conteste le volume de biens retenu et sollicite la réformation de la décision de ce chef, et à tout le moins sa rectification en raison d'une erreur matérielle s'agissant de 52.250 USD et non euros,
que les époux Y. sollicitent la confirmation du jugement concernant la somme qui leur a été allouée de ce chef, en convertissant en euros l'indemnisation calculée en dollars américains qui leur est due,
Attendu qu'il résulte des pièces communiquées par les époux Y. que l'assurance souscrite pour le container correspond à un volume de biens de 19 m³,
que la pièce 9 visée par SAS CROWN WORLDWIDE dans ses conclusions, datée des 26 et 27 juillet 2011et intitulée « bon de travail », mentionne un volume qualifié d'« estimé » ce qui est insuffisant pour établir la preuve du volume réel des biens des époux Y. d'autant que ce document est contredit par la facture établie postérieurement, le 29 juillet 2011, par CROWN relocation (intitulée « service porte à porte depuis [ville A.] / [ville R.] ») qui fait état d'un volume de biens en container de 19 m³,
Attendu qu'il y a dès lors lieu, en application des termes du contrat, de retenir un volume de 19 m³ X 2.750 dollars américains, soit une indemnité de 52.250 dollars soit 43.640 euros au titre des biens du container maritime,
Sur la perte des biens du garde meubles :
Attendu que le tribunal a jugé que le préjudice des époux Y. pour ces biens s'élevait à 27.850 euros,
Attendu que les époux Y. ont fait appel incident de ce chef sollicitant la somme de 66.000 USD + 27.850 euros,
Attendu que la SAS CROWN WORLDWIDE sollicite la confirmation de la décision déférée de ce [minute page 7] chef,
Attendu qu'il résulte du dossier que les époux Y., après avoir dans un premier temps, par contrat du 9 septembre 2011, opté pour une estimation forfaitaire (valeur de mobilier 57.960 euros) ont opté le 27 janvier 2011, en signant un nouveau document et en renseignant l'inventaire prévu à cet effet, pour une assurance basée sur une estimation selon « inventaire détaillé valorisé », dont il résulte qu'ils ont entendu assurer leurs biens à hauteur de 27.850 euros,
Que les factures qui leur ont été adressées et notamment celle en date du 31 octobre 2011, qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation de leur part, mentionnent cette nouvelle valeur,
Attendu que la décision déférée est dès lors confirmée de ce chef,
Sur l’indemnisation des préjudices moral et de jouissance :
Attendu qu'il résulte, par une clause claire et en majuscules, que les préjudices immatériels sont exclus de la garantie,
Que les préjudices moral et de jouissance dont l'indemnisation est demandée par les époux Y. sont constitutifs de préjudices immatériels,
Que cette clause de limitation, figurant au contrat en caractères très apparents, répond aux exigences des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances et est dès lors opposable aux époux Y.,
Attendu que la décision déférée est donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande des époux Y. de ce chef,
Sur les condamnations :
Attendu que le protocole en date du 15 janvier 2013 ne répartit pas la provision versée d'un montant de 50.741 euros entre les différents postes de préjudice,
Attendu que la société CROWN WORLWIDE sera par conséquent condamnée à payer aux époux Y. la somme de 27.850 euros (biens du garde meubles) + 43.640 euros (container maritime) - 50.741 euros (provision versée) = 20.749 euros,
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu que la décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce ; que chaque partie conserve la charge de ses dépens de sorte qu'il n'y a pas lieu à recouvrement direct par les conseils ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
après en avoir délibéré, statuant contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme la décision entreprise sauf en ce qui concerne les dépens,
[minute page 8] Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société CROWN WORLDWIDE à payer à Monsieur et Madame Y. la somme de 20.749 euros après déduction de la provision déjà versée ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)
- 6309 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Dépôt pur et garde-meubles
- 6345 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de dommages - Illustrations diverses