CA VERSAILLES (3e ch.), 5 avril 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7515
CA VERSAILLES (3e ch.), 5 avril 2018 : RG n° 16/04934
Publication : Jurica
Extrait : « Le contrat précise en page 19 que cette garantie est due pour la durée de remise en état des locaux sinistrés à dire d'expert, sans que celle-ci excède le maximum indiqué au tableau des montants des garanties et franchises, qui est de deux ans. Le principe de cette garantie n'est pas discuté. L'application de cette garantie ne dépendant pas de la date à laquelle le sinistre a été déclaré, le débat sur ce point est vain, étant de surcroît observé que M. et Mme X. ne produisent aucune pièce établissant que Tagerim Assurance aurait eu la qualité de mandataire de Sada. M. et Mme X. ne précisent pas quel serait le déséquilibre significatif ainsi créé entre les parties, et qui rendrait abusive cette clause, et son caractère abusif n'est pas démontré. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 5 AVRIL 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/04934. Code nac : 58e. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 mai 2016 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE (1re ch.) : R.G. n° 14/00372.
LE CINQ AVRIL DEUX MILLE DIX HUIT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTS :
1/ Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], de nationalité Française
2/ Monsieur Y.
né le [date] à [ville], de nationalité Française
Représentant : Maître Chantal A.-F. de la SCP R. & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : T.9 - N° du dossier 1423260, Représentant : Maître Virginie T., Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ ANONYME DE DÉFENSE ET D'ASSURANCE - SADA
N° SIRET : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Laure R., Postulant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 192 - N° du dossier 6001022, Représentant : Maître Laure B. de la SELARL LBCA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2364
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 9 février 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Véronique BOISSELET, Président, Madame Françoise BAZET, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. et Mme X sont propriétaires non occupants d'un bien immobilier à [ville S.] qu'ils ont assuré, par contrat à effet du 20 mai 2010, auprès de la société Sada Assurances (Sada).
Lui reprochant l'absence de prise en charge du préjudice immatériel lié à un sinistre dégât des eaux, ils l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de Pontoise en réparation de ce préjudice par acte du 23 décembre 2013.
Par jugement du 10 mai 2016 le tribunal de grande instance de Pontoise a :
- condamné Sada à payer à M. et Mme X. la somme de 1.740,34 euros et celle de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toute autre demande,
- condamné Sada aux dépens.
Par acte du 29 juin 2016 M. et Mme X. ont interjeté appel et prient la cour, par dernières écritures du 15 décembre 2016, de :
- confirmer partiellement le jugement entrepris, et particulièrement de :
* confirmer la garantie de Sada au titre d'un sinistre dégât des eaux survenu le 1er juillet 2011 et couvert par la police Multirisques Copbail n° XX,
* confirmer le préjudice immatériel subi par M. et Mme X. dans son principe et l'obligation d'indemnisation de Sada,
- réformer le jugement pour le surplus, et particulièrement :
- condamner Sada Assurances en paiement d'une indemnité de :
* au titre du préjudice immatériel 14.921,92 euros
* au titre du préjudice moral 5.000,00 euros
* en toute hypothèse, au titre de pertes indirectes 1.299,00 euros
- condamner Sada Assurances au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance.
Par dernières écritures du 13 février 2017 Sada prie la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'a été allouée à M. et Mme X. une somme de 1.740,34 euros au titre des pertes de loyers, et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté les autres demandes des consorts X.,
- lui donner acte qu'elle a versé à M. et Mme X. la somme de 12.134,60 euros au titre de leur préjudice matériel,
- débouter les consorts X. de l'ensemble de leurs demandes,
- à titre subsidiaire, faire application des limites de garantie,
- condamner les consorts X. à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 janvier 2018.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR :
Le tribunal a rappelé que le sinistre était survenu le 11 juillet 2011, mais que l'état de l'appartement n'avait pu être constaté que le 31 août 2012, date de l'expulsion des locataires, qui ne payaient plus leur loyer. Un second sinistre ayant eu lieu en 2013, imputable à une machine à laver située à l'étage au-dessus, l'expert a été missionné par l'assureur pour les deux sinistres, et le tribunal a retenu une date de déclaration du premier sinistre début avril 2013. Le rapport définitif a été rendu le 14 octobre 2013, et M. et Mme X. ont été indemnisés au titre des dégâts matériels à hauteur de 12.134,60 euros le 25 octobre 2013. Le bien a été reloué le 1er janvier 2014.
Ainsi, le tribunal a chiffré à deux mois la garantie contractuelle due au titre de la perte des loyers, et a jugé insuffisamment établis les autres chefs de préjudice invoqués.
M. et Mme X. exposent qu'ils ont déclaré le sinistre le 20 mai 2012 par l'intermédiaire de la société Tagerim Assurances, courtier intervenant pour le compte de Sada, et que le loyer à retenir est celui de 932,62 euros, correspondant au loyer lui-même pour 856,94 euros + la provision pour charges locatives de 75,68 euros. Ils considèrent qu'ils doivent être indemnisés de leur perte de jouissance entre le 1er septembre 2012 et le 1er janvier 2014. Ils observent à ce propos que la police limite la prise en charge de la perte de loyer au temps nécessaire à la remise en état des locaux, dans la limite de deux ans, en sorte que n'est pas couvert tout le temps de gestion du sinistre par l'assureur, ce qui constitue une clause abusive, comme créant en leur défaveur un déséquilibre significatif. Ils ajoutent que la rubrique « pertes indirectes » figurant à la police et définie par elle comme les pertes que l'assuré serait amené à supporter à la suite d'un sinistre garanti ayant causé aux biens assurés des dommages matériels, fixées par le tableau des garanties à 10 %, n'a pas été mise en œuvre. Enfin, ils estiment que l'énergie qu'ils ont dû mettre en œuvre pour obtenir la réparation d'un sinistre qui aurait dû être réparé sans difficultés particulières et avec davantage de célérité, justifie une réparation au titre du préjudice moral.
Sada fait valoir que l'indemnisation au titre de la perte des loyers ne couvre que le temps nécessaire à la remise en état à dire d'expert, dans la limite de deux ans, ce qui est parfaitement licite au regard du droit de la consommation, et ne concerne que les pertes de loyers et non les charges, lesquelles ne pourraient être en tout état de cause que les charges locatives, dont il n'est pas justifié avec précision. La demande au titre des pertes indirectes est nouvelle en appel, et à ce titre irrecevable. Subsidiairement elle doit être rejetée comme mal fondée, en l'absence de toute justification de ce poste de préjudice. Elle conteste avoir reçu la déclaration de sinistre qui aurait dû être faite par Tagerim, et conteste tout préjudice moral.
* * *
Les appelants précisent expressément qu'ils ne maintiennent pas leurs demandes au titre des échéances du prêt, du risque fiscal et de l'astreinte.
Sur les pertes de loyer :
Le contrat précise en page 19 que cette garantie est due pour la durée de remise en état des locaux sinistrés à dire d'expert, sans que celle-ci excède le maximum indiqué au tableau des montants des garanties et franchises, qui est de deux ans. Le principe de cette garantie n'est pas discuté.
L'application de cette garantie ne dépendant pas de la date à laquelle le sinistre a été déclaré, le débat sur ce point est vain, étant de surcroît observé que M. et Mme X. ne produisent aucune pièce établissant que Tagerim Assurance aurait eu la qualité de mandataire de Sada.
M. et Mme X. ne précisent pas quel serait le déséquilibre significatif ainsi créé entre les parties, et qui rendrait abusive cette clause, et son caractère abusif n'est pas démontré.
Force est de constater que le rapport d'expertise ne précise pas la durée des travaux de remise en état, et mentionne seulement que ce préjudice est en cours de chiffrage. Néanmoins, M. et Mme X. indiquant avoir attendu d'être indemnisés pour procéder aux travaux, et avoir reloué le bien au 1er janvier 2014, le tribunal a justement évalué à deux mois la durée de ces travaux. Le contrat ne prévoyant pas la prise en charge des charges, fussent-elles locatives, il n'y a pas lieu de les inclure. Les décomptes fournis faisant apparaître un loyer hors charges de 858,94 euros, la somme de 1.713,98 euros sera allouée à M. et Mme X. à ce titre.
Sur les pertes indirectes :
Ainsi que l'observe justement Sada, cette demande n'a pas été formulée en première instance. Néanmoins, elle constitue une demande accessoire par rapport à la demande principale tendant à la réparation des préjudices immatériels, et n'est donc pas irrecevable. En revanche, en l'absence de toute précision sur la nature des pertes indirectes ainsi subies et de toute pièce, cette demande ne peut qu'être rejetée.
Sur le préjudice moral :
Il a justement été considéré comme non caractérisé en l'espèce et cette demande a été à bon droit rejetée.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure seront confirmées.
Chacune des parties succombant partiellement devant la cour, elles conserveront la charge de leurs propres dépens d'appel, et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel seront rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirmant le jugement sur les sommes allouées et statuant à nouveau,
Condamne la société Sada Assurances à payer à M. Y. et Mme X. épouse Y. la somme de 1.713,98 euros,
Confirme le jugement déféré sur le surplus,
Y ajoutant,
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Monsieur Alexandre GAVACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
- 5984 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Règles de preuve
- 6016 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Principes
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal