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CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 3 mai 2018

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 3 mai 2018
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch.
Demande : 15/07762
Date : 3/05/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/05/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7557

CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 3 mai 2018 : RG n° 15/07762

Publication : Jurica

 

Extrait : « Sur le fond, Mme Y. dans ses écritures développe une longue argumentation théorique sur les clauses abusives et une absence de vérification par la cour, dans l'arrêt frappé d'opposition, de la conformité ou non du contrat aux dispositions du code de la consommation, sans préciser quelles dispositions n'auraient pas été respectées.

Surtout, sans de surcroît répondre à l'argument de prescription de la société CGLE, elle ne tire en réalité aucune conséquences de son argumentation. Elle considère que les manquements pourraient être de nature à justifier une responsabilité de la banque et invoque une perte de chance de contester la régularité du contrat. Elle indique ainsi en page 20 de ses écritures qu'elle serait, cas échéant, en droit de solliciter des dommages et intérêts et compensation avec les sommes demandées par la société CGLE. La cour ne peut que constater, au-delà même du conditionnel employé, qu'aucune demande indemnitaire n'est reprise au dispositif des écritures de sorte que par application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est pas saisie à ce titre. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 3 MAI 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/07762 (Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller). Nature de la décision : AU FOND. SUR OPPOSITION. Décisions déférées à la cour : jugement rendu le 18 février 2014 (R.G. n° 13-001039) par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 7 mai 2014, et arrêt rendu le 29 octobre 2015 (R.G. n° 14/02681) par la Première Chambre Civile Section B de la Cour d'Appel de BORDEAUX suivant opposition en date du 10 décembre 2015.

 

APPELANTE ET DEFENDERESSE SUR OPPOSITION :

SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'ÉQUIPEMENT

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par Maître William M. de la SCP M. B. B.-M., avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉE ET DEMANDERESSE SUR OPPOSITION :

Mme Y., administratrice légale de Melle X.

née le [date], de nationalité Française, demeurant [adresse], représentée par Maître Yann H., avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 mars 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Catherine BRISSET, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Elisabeth LARSABAL, président, Catherine COUDY, conseiller, Catherine BRISSET, conseiller.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon offre préalable du 17 août 2009, la SA Compagnie Générale de Location d'Equipement (CGLE) a consenti à M. X. un prêt, destiné à financer l'achat d'un véhicule, de 17.899 euros stipulé remboursable en 60 échéances au TEG de 7,762 %.

M. X. est décédé le 1er décembre 2011. Les échéances du prêt ont cessé d'être réglées au 31 décembre 2011.

La CGLE a fait assigner, selon acte du 13 mars 2013, Mme Y. prise en sa qualité d'héritière de M. X. et en sa qualité d'administratrice légale de [Melle] X., héritière mineure de M. X. devant le tribunal d'instance de Bordeaux en paiement des sommes dues au titre du prêt.

Par jugement réputé contradictoire du 18 février 2014, le tribunal d'instance a débouté la CGLE de toutes ses demandes.

La CGLE a relevé appel de la décision le 7 mai 2014.

Par arrêt par défaut du 29 octobre 2015, la cour a infirmé le jugement et statuant à nouveau :

- Condamné Mme Y. en qualité d'héritière de M. X. et en qualité d'administratrice légal [de Melle X.], héritière mineure de M. X. à payer à la SA CGLE la somme de 10.709,53 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,762 % à compter du 1er janvier 2012,

- Ordonné la restitution du véhicule Volkswagen Touran n° XXX,

- Dit n'y avoir lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte,

- Autorisé la SA CGLE à défaut de restitution du véhicule dans un délai d'un mois après la signification de l'arrêt, à l'appréhender aux fins de vente aux enchères publiques, le produit de la vente venant en déduction du montant de la créance,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme Y. en qualité d'héritière de M. X. et en qualité d'administratrice légal [de Melle X.] aux dépens de première instance et d'appel.

Mme Y., en qualité d'héritière de M. X. et en qualité d'administratrice légal [de Melle X.], a formé opposition à l'encontre de l'arrêt le 10 décembre 2015.

Par arrêt du 11 mai 2017, la cour saisie de l'opposition a statué dans les termes suivants :

- Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la SA CGLE de sa demande à l'encontre de Mme Y. prise en sa qualité d'héritière de M. X.,

- Avant dire droit sur les demandes dirigées à l'encontre de Mme Y. prise en sa qualité d'administratrice légale de sa fille mineure Melle X.,

- Prononce la réouverture des débats et le renvoi à l'audience du conseiller de la mise en état du 13 septembre 2017 à 9 h. salle E,

- Invite les parties à s'expliquer sur les dispositions de l'article 771 du code civil et Mme Y. à saisir le juge des tutelles d'une demande quant à l'acceptation ou la renonciation à succession,

- Réserve les autres chefs de demandes et les dépens.

Malgré injonction du conseiller de la mise en état Mme Y., ès qualités d'administratrice légale de sa fille mineure, n'a pas justifié d'une saisine du juge des tutelles.

Les parties n'ont pas pris de nouvelles écritures après l'arrêt avant dire droit, s'en tenant aux écritures du 3 novembre 2016 pour la SA CGLE et du 18 janvier 2017 pour Mme Y.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 22 février 2018.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Compte tenu des termes de l'arrêt du 11 mai 2017, la cour n'est plus saisie de moyens et prétentions à l'encontre de Mme Y. ès qualités d'héritière de M. X., le jugement entrepris ayant de ce chef été confirmé.

La décision avant dire droit ne portait en effet que sur les demandes dirigées contre Mme Y. ès qualités d'administratrice légale de sa fille mineure X.

Mme Y. conteste toujours, puisqu'elle n'a pas repris de nouvelles écritures, l'acceptation de la succession en qualité de représentante légale de sa fille mineure.

La cour ne peut que reprendre les motifs qui ont conduit à la réouverture des débats ainsi reproduits : Pour soutenir cependant qu'elle ne pourrait être condamnée au paiement, Mme Y. invoque le fait qu'il n'est pas justifié d'une acceptation de la succession et ajoute qu'elle n'a pu saisir le juge des tutelles à cette fin.

De ce chef, il convient d'observer qu'il n'est pas davantage justifié d'une renonciation à la succession de M. X. au nom de sa fille mineure. Mme Y. fait valoir qu'elle n'a pu saisir le juge des tutelles puisque la question du partage reste entièrement soumise à celle de sa qualité d'héritier. La cour observe seulement que si sa propre qualité d'héritière faisait débat, celle de sa fille n'a jamais été contestée. Si elle produit certains courriers adressés par son conseil au juge des tutelles, il apparaît que les premiers, qui ne mentionnaient d'ailleurs pas la date de naissance [de Melle X.], étaient adressés au tribunal d'instance et donc au juge des tutelles pour les majeurs. La réponse adressée le 24 juin 2016 était donc conforme au régime applicable à la protection des majeurs. Ce n'est que le 20 juillet 2016 que le conseil de Mme Y. s'adressait au juge des tutelles compétent mais non pour solliciter une autorisation d'accepter (ou de refuser la succession) mais pour justifier qu'il n'existait pas de procédure en cours, ce qui était manifeste, si le juge des tutelles n'avait jamais été saisi.

Il ne peut être opposé à la demande en paiement présentée par la CGLE une absence d'acceptation de la succession, si Mme Y. n'entreprend aucune démarche pour accepter ou refuser la succession. Cependant, c'est à bon droit que le premier juge a rappelé que l'administrateur légal ne peut seul accepter purement et simplement une succession et ce par application des dispositions de l'article 387-1 du code civil. Dès lors, la cour ne peut que constater que la succession n'a été ni acceptée, ni refusée expressément puisque ceci suppose l'autorisation du juge des tutelles. Cependant, les conclusions de la CGLE pourraient à tout le moins s'interpréter comme la sommation de l'article 771 du code civil. S'il est manifeste que s'agissant d'un héritier mineur, on ne saurait le réputer acceptant pur et simple, il n'en demeure pas moins qu'il appartient à sa mère administratrice légale de prendre parti, y compris en sollicitant l'autorisation du juge ou à tout le moins en acceptant à concurrence de l'actif net successoral, ce qui permettrait de débloquer la situation.

Il s'agit cependant de moyens que la cour relève d'office de sorte qu'il y a lieu à réouverture des débats en invitant les parties à s'expliquer sur les dispositions de l'article 771 du code civil. L'affaire sera renvoyée, tous droits des parties réservés, devant le conseiller de la mise en état ce qui permettra à Mme Y. de saisir, cette fois utilement, le juge des tutelles d'une véritable demande et d'en justifier.

De surcroît, le conseiller de la mise en état a spécialement invité Mme Y. à justifier de la saisine du juge des tutelles en vue d'une décision sur l'acceptation de la succession pour le compte de sa fille mineure en lui laissant un délai pour y procéder. Elle n'a pas satisfait à cette injonction.

Dès lors, les parties ayant été à même de s'expliquer contradictoirement, la cour ne peut que tirer les conséquences des dispositions de l'article 771 du code civil, de la demande de la SA CGLE valant sommation et de la carence de Mme Y. La qualité d'héritière de sa fille Melle X. doit ainsi être retenue.

Sur le fond, Mme Y. dans ses écritures développe une longue argumentation théorique sur les clauses abusives et une absence de vérification par la cour, dans l'arrêt frappé d'opposition, de la conformité ou non du contrat aux dispositions du code de la consommation, sans préciser quelles dispositions n'auraient pas été respectées.

Surtout, sans de surcroît répondre à l'argument de prescription de la société CGLE, elle ne tire en réalité aucune conséquences de son argumentation. Elle considère que les manquements pourraient être de nature à justifier une responsabilité de la banque et invoque une perte de chance de contester la régularité du contrat. Elle indique ainsi en page 20 de ses écritures qu'elle serait, cas échéant, en droit de solliciter des dommages et intérêts et compensation avec les sommes demandées par la société CGLE.

La cour ne peut que constater, au-delà même du conditionnel employé, qu'aucune demande indemnitaire n'est reprise au dispositif des écritures de sorte que par application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est pas saisie à ce titre.

In fine, Mme Y. fait valoir qu'elle n'a pas été mise en mesure de vendre amiablement le véhicule. Elle invoque toutefois à ce titre les dispositions applicables aux locations avec options d'achat alors que le contrat conclu par M. X. était un contrat de prêt affecté, comprenant une clause de réserve de propriété. Son moyen est donc sans portée.

Dès lors, il apparaît que Mme Y. prise en sa qualité d'administratrice légale de sa fille Melle X. doit être tenue au paiement des sommes dues au titre du prêt.

Au regard des pièces produites (offre préalable en date du 17 août 2009, facture, tableau d'amortissement, décompte de créance, relevé de compte et mises en demeure) la créance doit être retenue à hauteur de 10.709,53 euros correspondant au capital restant dû. Il apparaît d'ailleurs que l'appelante, qui sollicite improprement la confirmation de l'arrêt frappé d'opposition, ne demande pas une somme différente puisqu'il s'agissait de la somme retenue dans cet arrêt désormais mis à néant.

Mme Y. prise en sa qualité d'administratrice légale de sa fille X. sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux contractuel de 7,762 % à compter du 1er janvier 2012.

Il sera ordonné la restitution du véhicule étant observé que si Mme Y. indique ne pas avoir été mise en mesure de le vendre amiablement, elle ne conteste pas qu'il soit demeuré à sa disposition, sans qu'il y ait lieu à astreinte de ce chef. À défaut l'appelante sera autorisée à s'en saisir pour vente aux enchères dans les conditions précisées au dispositif.

Partie perdante, Mme Y. prise en sa qualité d'administratrice légale de sa fille X. sera condamnée au paiement de la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA CGLE ainsi qu'aux entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Vu l'arrêt de cette cour du 11 mai 2017,

Infirme le jugement du 18 février 2014 en ce qu'il a rejeté les demandes de la SA CGLE dirigées contre Mme Y. prise en sa qualité d'administratrice légale de sa fille Melle X.,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne Mme Y. en qualité d'administratrice légale [de Melle X.], héritière mineure de M. X., à payer à la SA CGLE la somme de 10.709,53 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,762 % à compter du 1er janvier 2012,

Ordonne la restitution du véhicule Volkswagen Touran n° XXX,

Dit n'y avoir lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte,

Autorise la SA CGLE à défaut de restitution du véhicule dans un délai d'un mois après la signification de l'arrêt, à l'appréhender aux fins de vente aux enchères publiques, le produit de la vente venant en déduction du montant de la créance,

Condamne Mme Y. en qualité d'administratrice légale [de Melle X.] à payer à la SA CGLE la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme Y. en qualité d'administratrice légale [de Melle X.] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                          Le Président,