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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 18 mai 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 18 mai 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 16/14528
Date : 18/05/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 1/07/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7582

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 18 mai 2018 : RG n° 16/14528 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Mais considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 13.4 des conditions générales des contrats qu'à défaut de dénonciation au moins 9 mois avant la fin de la durée initiale de location, le contrat est tacitement prorogé d'une durée d'un an aux mêmes conditions sur la base du dernier loyer, le préavis étant alors ramené à 6 mois avant chaque nouvelle échéance annuelle prorogée ;

Qu'en réponse aux interrogations de la société R., la société (alors dénommée ECS) a, dans son courriel du 3 novembre 2009 (16H28) dont la société R. a accusé réception le même jour (17H22), clairement explicité, contrat par contrat, les dates d'effet d'une éventuelle résiliation qui serait notifiée en novembre 2009, soit respectivement les 1er juillet 2011, 1er mars 2012 et 1er juin 2011, ce dont la société R. n'a tenu aucun compte dans sa dénonciation expédiée le lendemain ;

Que les stipulations : - d'un préavis de 9 mois, même pour certains contrats d'une durée initiale d'un an, - d'une indemnité de jouissance après la fin de la location, à hauteur du montant du loyer antérieur, ne constituent pas des déséquilibres au sens de l'article L. 446-2-I-2° du code de commerce, dès lors que le locataire en a été clairement informé et qu'il avait la possibilité d'y mettre rapidement un terme ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 18 MAI 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/14528 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 juin 2016 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 14058288.

 

APPELANTE :

SAS ANTONIN R.

prise en la personne de ses représentants légaux, N° SIRET : XXX (Chalon-sur-Saône), représentée par Maître Florence G. de la SELARL P. - DE M. - G., avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018, assistée de Maître José Andres R. M., avocat plaidant du barreau de DIJON

 

INTIMÉE :

SAS ECONOCOM FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux, N° SIRET : YYY (Nanterre), représentée par Maître Frédéric I., avocat postulant du barreau de PARIS, toque : B1055, assistée de Maître Ferhat A., avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0288

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Gérard PICQUE, Magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente de la chambre, Madame Françoise BEL, Présidente de chambre, Monsieur Gérard PICQUE, Magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles.

Greffier, lors des débats : Madame Saoussen HAKIRI.

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Madame Michèle LIS SCHAAL, président et par Madame Saoussen HAKIRI, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Maison de vins de Bourgogne, la SAS ANTONIN R. (société R.) et la SAS EUROPE COMPUTER SYSTEMES -ECS- (aujourd'hui nouvellement dénommée SAS ECONOCOM FRANCE) (société ECONOCOM) ont conclu deux conventions concernant la location de divers matériels informatiques :

- la première (n° 2007 3196.1), le 29 juin 2007, entrée en vigueur le 1er septembre suivant, concernant deux lots :

* le lot 1 pour une durée de 34 mois, moyennant un loyer mensuel de 2.722 euros HT,

* le lot 2 pour une durée initiale de 48 mois, moyennant un loyer mensuel de 793 euros HT, modifié par un avenant du 23 janvier 2009 effectuant un rajout de matériels, le loyer mensuel étant porté à hauteur de la somme de 1.337 euros HT à compter du 1er mars 2009, la durée étant fixée à 36 mois à compter de cette même date,

- la seconde (n° 2008 2161.1), le 28 avril 2008, entrée en vigueur le 1er juin suivant, pour une durée de 12 mois, moyennant un loyer mensuel de 1.852 euros HT, modifiée par un avenant des 15 juin et 1er juillet 2009, prolongeant la durée initiale en la fixant à 12 mois à compter du 1er juin 2009 et ramenant le montant du loyer à hauteur de 1.256 euros HT.

La société R. a mis fin aux contrats par lettre du 10 novembre 2009 et la société ECONOCOM a vainement réclamé le paiement des sommes qu'elle estimait dues, les parties divergeant dans la compréhension des clauses des contrats sur les dates de leur échéance.

Le 7 octobre 2014, la société ECONOCOM a attrait la société R. devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de l'entendre condamner à lui payer les sommes suivantes majorées des intérêts au taux contractuel de 1,50 % par mois à compter de chaque échéance et anatocisme :

- au titre du premier contrat (n° 3196.1), la somme globale de 16.751,12 euros TTC correspondant aux loyers partiellement impayés (à hauteur de 650,62 euros TTC par mois) du 1er octobre 2010 au 1er août 2011 et aux loyers entièrement impayés (à hauteur de 1.599,05 euros TTC par mois) du 1er septembre 2011 au 1er février 2012,

- au titre du second contrat (n° 2161.1), la somme globale de 9.013,06 euros TTC, correspondant aux loyers entièrement impayés du 1er décembre 2010 au 1er mai 2011,

- outre l'indemnisation des frais irrépétibles.

La société R. s'y est opposée :

- à titre principal, en soutenant que les contrats ne prévoyaient pas le paiement des loyers restant à courir en cas de résiliation à l'initiative du locataire, d'autant que les matériels étaient à disposition du loueur dès la résiliation,

- subsidiairement en invoquant notamment l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce en soulevant le caractère, selon l'intimée, indemnitaire des demandes de la société ECONOCOM et en faisant valoir « qu'aucun moyen humain et de maintenance n'a été mis à disposition du locataire à compter de la résiliation et que les articles 8.5 et 13.4 des conditions générales constituent des clauses pénales »,

- et a reconventionnellement sollicité la restitution de la somme de 9.013,06 euros TTC, indûment prélevée au titre de la période du 1er juin au 30 novembre 2010, outre l'indemnisation des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 2 juin 2016 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a fait droit aux demandes de la société ECONOCOM en ce compris les intérêts au taux de 1,50 % par mois à compter de chaque échéance, et les frais irrépétibles à hauteur de la somme de 5.000 euros.

Vu l'appel interjeté le 1er juillet 2016 par la société R. et ses dernières conclusions télé-transmises le 30 septembre suivant, réclamant la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement en formulant à nouveau devant la cour tant à titre principal que subsidiairement, les mêmes demandes et en soutenant les mêmes moyens qu'en première instance en précisant que le déséquilibre entre les obligations respectives des parties s'infère « de la durée même du préavis de 9 mois au regard de la durée des contrats », de l'abus de stipuler une indemnité de jouissance « pour un matériel obsolète et entièrement amorti » et en formulant aussi à nouveau la demande reconventionnelle tendant au remboursement de la somme de 9.013,06 euros TTC ;

Vu les dernières conclusions télé-transmises le 14 novembre 2016, par la société ECONOCOM intimée, réclamant la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement, en faisant essentiellement valoir :

- qu'elle se borne à demander le paiement des loyers jusqu'au terme tacitement renouvelé à défaut de dénonciation préalable dans le délai par le locataire, 9 mois avant le terme contractuel, tout en observant qu'en dehors du cas du défaut de paiement des loyers, le bailleur ne dispose pas, tout comme le locataire, de la possibilité contractuelle de résilier unilatéralement le contrat,

- qu'un matériel même à obsolescence rapide et financièrement amorti conserve néanmoins une valeur d'usage ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que dans sa lettre recommandée du 10 novembre 2009 de dénonciation des contrats (reçue par le bailleur le 13 novembre suivant), la société R. fixe la fin des contrats :

- n°..3196.1 (lot n° 1) au 1er mai 2010,

- n°..3196.1 (lot n° 2) au 1er mars 2012,

- n°..2161.1 au 1er juin 2010 ;

Mais considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 13.4 des conditions générales des contrats qu'à défaut de dénonciation au moins 9 mois avant la fin de la durée initiale de location, le contrat est tacitement prorogé d'une durée d'un an aux mêmes conditions sur la base du dernier loyer, le préavis étant alors ramené à 6 mois avant chaque nouvelle échéance annuelle prorogée ;

Qu'en réponse aux interrogations de la société R., la société (alors dénommée ECS) a, dans son courriel du 3 novembre 2009 (16H28) dont la société R. a accusé réception le même jour (17H22), clairement explicité, contrat par contrat, les dates d'effet d'une éventuelle résiliation qui serait notifiée en novembre 2009, soit respectivement les 1er juillet 2011, 1er mars 2012 et 1er juin 2011, ce dont la société R. n'a tenu aucun compte dans sa dénonciation expédiée le lendemain ;

Que les stipulations :

- d'un préavis de 9 mois, même pour certains contrats d'une durée initiale d'un an,

- d'une indemnité de jouissance après la fin de la location, à hauteur du montant du loyer antérieur,

ne constituent pas des déséquilibres au sens de l'article L. 446-2-I-2° du code de commerce, dès lors que le locataire en a été clairement informé et qu'il avait la possibilité d'y mettre rapidement un terme ;

Qu'en conséquence, pour chaque contrat, la résiliation notifiée par la lettre du 10 novembre 2009 n'a pu avoir d'effet qu'à compter respectivement des dates indiquées par la société ECS (devenue ECONOCOM), lesquelles sont strictement conformes à l'application des stipulations contractuelles ;

Que, pour échapper au paiement des loyers des périodes prorogées, la société R. soutient que les contrats ne prévoyaient pas le paiement des loyers restant à courir en cas de résiliation à l'initiative du locataire, d'autant que les matériels étaient à disposition du loueur dès la résiliation ;

Mais considérant qu'il ne s'agit pas à proprement parler de loyers exigés après la date de la résiliation, mais des loyers ayant continué à courir jusqu'à la date réelle d'effet de la résiliation notifiée par la lettre précitée, de sorte que le moyen invoqué par la société R. est inopérant, la remise à disposition des matériels étant sans effet avant la date effective de fin des contrats prorogés ;

Que subsidiairement, la société R. soutient que les stipulations des articles 8.5 et 13.4 des conditions générales des contrats constituent des clauses pénales ;

Mais considérant que la stipulation d'un préavis de dénonciation ne constitue pas une clause pénale et qu'il convient de relever qu'en stipulant un taux d'intérêts applicable en cas de retard de paiement, les parties n'ont pas davantage souscrit une clause pénale susceptible d'être aménagée par le juge sur le fondement de l'article 1152 du code civil ;

Qu'en revanche, il convient d'observer, qu'en stipulant un taux de 1,5 % par mois, soit 18 % l'an, elles ont stipulé un taux supérieur au taux d'usure, lequel taux contractuel est, par suite, inapplicable, et qu'en présence d'un taux contractuel inapplicable, il y a lieu d'estimer que las parties n'ont pas stipulé de taux et de s'en rapporter au taux légal des intérêts, qui sera appliqué à compter de la date de chaque échéance, les parties ayant expressément renoncé à une mise en demeure préalable aux termes de l'article 8.5 précité des conditions générales ;

Que par ailleurs, en absence de stipulation spécifique dans la convention des parties, l'anatocisme est applicable dès lors qu'il est judiciairement demandé et que la société ECONOCOM n'ayant pas précisé la date à laquelle elle en a formulé la demande pour la première fois devant les premiers juges et le jugement se bornant à relever que la capitalisation annuelle des intérêts lui a été demandé, il convient de retenir, pour l'application de l'anatocisme, la date des dernières écritures déposées par la société ECS à une audience du tribunal de commerce, soit le 9 mars 2016 ;

Considérant que, compte tenu du sens de la décision ci-après, la société R. n'est pas fondée dans sa demande reconventionnelle tendant au remboursement de la somme de 9.013,06 euros TTC ;

Que succombant essentiellement dans son recours, la société R. ne peut pas prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles mais qu'il serait, en revanche, inéquitable de laisser à la société ECONOCOM, la charge définitive des frais irrépétibles supplémentaires qu'elle a dû exposer devant la cour ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

RÉFORME le jugement, uniquement au titre du taux applicable des intérêts de retard et statuant à nouveau de ce seul chef,

DIT que les sommes allouées en principal par le tribunal seront majorées des intérêts au taux légal à compter de chaque échéance et précise que la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1152 du code civil s'appliquera à compter du 9 mars 2016,

CONDAMNE la SAS ANTONIN R. aux dépens d'appel et à verser à la SAS ECONOCOM FRANCE la somme complémentaire de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,

ADMET la Selarl I. & T. (représentée par Maître Frédéric I.), avocat postulant, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier                             Le président