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CA BOURGES (ch. civ.), 5 juillet 2018

Nature : Décision
Titre : CA BOURGES (ch. civ.), 5 juillet 2018
Pays : France
Juridiction : Bourges (CA), ch. civ.
Demande : 17/01116
Date : 5/07/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/07/2017
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2018-013036
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7630

CA BOURGES (ch. civ.), 5 juillet 2018 : RG n° 17/01116

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2018-013036

 

Extrait : « Pour procéder à l'annulation du contrat, le premier juge, après avoir rappelé que la validité d'une clause exclusive d'approvisionnement est subordonnée à la proportionnalité de son étendue à sa nécessité et à celle des engagements réciproques, relève, fort justement, que la mise à disposition à titre de prêt à usage d'une enseigne d'une valeur de 2.930 euros ne peut constituer une contrepartie sérieuse à un engagement d'approvisionnement exclusif de 7 ans et qu'il existe une disproportion manifeste entre les engagements réciproques des parties.

C'est en vain que la SAS Schoen Distribution 18, qui ne précise pas dans ses écritures, ni au travers des pièces communiquées, la marque de boisson particulièrement connue figurant sur l'enseigne, invoque un effet de fidélisation de la clientèle qui lui confèrerait une valeur complémentaire, alors, au surplus, qu'il résulte de la convention que les produits visés par l'exclusivité de fourniture ne sont pas identifiés par une marque quelconque et qu'il est donc débité dans le commerce tenu par la SARL Ali Baba toutes sortes de boissons, sans exclusivité et sans lien nécessaire avec le nom figurant sur l'enseigne.

Dès lors, le jugement, qui a retenu une disproportion manifeste entre les engagements réciproques des parties et ainsi caractérisé l'absence de cause, a pu prononcer la nullité de la convention et débouter la SAS Schoen Distribution 18 de sa demande de paiement de l'indemnité contractuellement prévue. »

 

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 5 JUILLET 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/01116. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 4 juillet 2017.

 

PARTIES EN CAUSE :

I - SAS SCHOEN DISTRIBUTION 18

agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité au siège social : [adresse], Représentée et plaidant par Maître Philippe M. de la SCP G. & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES, timbre dématérialisé n° XXX, APPELANTE suivant déclaration du 20/07/2017,

 

II - SARL ALI BABA

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social : [adresse], Représentée et plaidant par Maître Marie-Paule C. de la SCP S. & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES, timbre dématérialisé n° YYY, INTIMÉE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 mai 2018 en audience publique, la Cour étant composée de : M. FOULQUIER Président de Chambre, entendu en son rapport, M. GUIRAUD Conseiller, M. PERINETTI Conseiller.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MINOIS

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SARL Ali Baba a conclu avec la SAS Schoen Distribution 18, le 7 août 2014, un marché de fourniture de boissons aux termes duquel cette dernière mettait à sa disposition une enseigne personnalisée d'une valeur de 2.930 euros TTC, en contrepartie de laquelle la SARL Ali Baba s'engageait à se fournir durant 7 ans exclusivement auprès de la SAS Schoen Distribution 18 au titre de produits déterminés dont le montant annuel devait être au minimum de 18.000 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 août 2015, la SAS Schoen Distribution 18 a attiré l'attention de la SARL Ali Baba sur le défaut de réalisation des volumes de chiffre d'affaires prévus par la convention. En l'absence de réponse, la SAS Schoen Distribution 18 a obtenu du Président du tribunal de commerce de Bourges une ordonnance désignant la Selarl A., huissiers de justice à [ville B.], aux fins de constat. Et, selon procès-verbal dressé le 2 mars 2016 en exécution de cette ordonnance, il a été constaté que la SARL Ali Baba s'approvisionnait exclusivement en produits auprès de la société Metro.

C'est ainsi que par acte d'huissier du 27 juillet 2016, la SAS Schoen Distribution 18 a fait assigner la SARL Ali Baba devant le tribunal de commerce de Bourges aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 29.844,24 euros TTC pour non-respect de la convention de fourniture exclusive de boissons et celle de 2.930 euros TTC pour mise à disposition de l'enseigne personnalisée, outre celle de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Ali Baba s'est opposée à ces demandes en soutenant que la simple mise à disposition d'une enseigne d'une valeur de 2.930 euros TTC ne pouvait constituer, en raison de son caractère dérisoire, une contrepartie sérieuse à un engagement d'approvisionnement exclusif d'une durée de 7 ans et que le déséquilibre entre les obligations réciproques des cocontractants apparaissait, également, dans l'engagement de nantissement sur son fonds de commerce.

Par jugement rendu le 4 juillet 2017, le tribunal de commerce de Bourges a prononcé la nullité du contrat de fourniture de boissons conclu entre les parties, a débouté la SAS Schoen Distribution 18 de l'ensemble de ses demandes, a donné acte à la SARL Ali Baba qu'elle tient à la disposition de la SAS Schoen Distribution 18 l'enseigne fournie, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la SAS Schoen Distribution 18 aux dépens.

Le premier juge retient que la mise à disposition à titre de prêt à usage d'une enseigne d'une valeur de 2.930 euros TTC ne peut constituer une contrepartie sérieuse à un engagement d'approvisionnement exclusif d'une durée de 7 ans et qu'il existe donc une disproportion manifeste entre les engagements réciproques des parties, tant en considération des obligations pesant sur la SARL Ali Baba qu'au regard du caractère dérisoire de cette contrepartie.

La SAS Schoen Distribution 18 a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 20 juillet 2017.

Par conclusions notifiées le 16 octobre 2017, la SAS Schoen Distribution 18 demande à la cour, réformant le jugement, de condamner la SARL Ali Baba à lui payer la somme de 29.844,24 euros TTC pour non-respect de la convention de fournitures, celle de 2.930 euros TTC pour la mise à disposition de l'enseigne personnalisée et celle de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La SAS Schoen Distribution 18 expose que la SARL Ali Baba n'a pas respecté son obligation de s'approvisionner exclusivement auprès d'elle et qu'elle est en droit de lui réclamer, en vertu de l'article 7 du marché de fournitures de boissons, outre la restitution de l'enseigne ou de sa valeur, des dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs à un montant fixé forfaitairement, à titre de clause pénale, à 20 % du prix des quantités ou valeurs manquantes, jusqu'à l'atteinte des objectifs visés à l'article 5, soit en l'occurrence un chiffre d'affaires manquant sur 7 années de 124.351 euros hors-taxes et une pénalité de 24.870 euros hors-taxes (29.844,24 euros TTC).

Elle fait valoir que l'équilibre entre les obligations respectives doit être recherché non seulement en fonction de la simple valeur matérielle de l'enseigne mais également de l'avantage économique et financier réel qu'elle apporte au regard du nom d'une marque de boissons particulièrement connue constituant un attrait pour le fonds de commerce et permettant une fidélisation de la clientèle. Elle ajoute que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce limitant à 2 ans la durée des contrats d'approvisionnement exclusif n'est pas applicable à la SARL Ali Baba dont l'activité n'est pas la vente au détail mais l'exploitation d'un fonds de commerce de sandwicherie, restauration rapide et bar. Elle soutient que la pénalité prévue par le contrat n'est pas manifestement excessif, alors que la SARL Ali Baba a volontairement, dès l'origine, ignoré ses obligations découlant de l'exclusivité d'achat et l'a privée de toute l'économie du contrat durant sept années

Par conclusions notifiées le 20 novembre 2017, la SARL Ali Baba demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, subsidiairement de constater le caractère disproportionné de la clause pénale et de réduire le quantum de cette clause à l’euro symbolique et, en tout état de cause, de condamner la SAS Schoen Distribution 18 à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Reprenant pour l'essentiel la motivation du jugement entrepris, elle soutient que le contrat doit être annulé pour absence de cause, dès lors que l'enseigne fournie, d'une valeur de 2.930 euros, non susceptible de fidéliser la clientèle, constitue une contre-prestation dérisoire à son engagement exclusif d'approvisionnement durant 7 ans. Subsidiairement, elle fait valoir que la clause pénale est manifestement excessive pour les mêmes motifs.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 avril 2018.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Il résulte de l'article 1108 du Code civil, en sa version applicable à la date de conclusion du contrat, que la validité d'une convention est subordonnée à l'existence d'un objet certain et d'une cause licite (un contenu licite et certain selon l'article 1129 nouveau).

Pour procéder à l'annulation du contrat, le premier juge, après avoir rappelé que la validité d'une clause exclusive d'approvisionnement est subordonnée à la proportionnalité de son étendue à sa nécessité et à celle des engagements réciproques, relève, fort justement, que la mise à disposition à titre de prêt à usage d'une enseigne d'une valeur de 2.930 euros ne peut constituer une contrepartie sérieuse à un engagement d'approvisionnement exclusif de 7 ans et qu'il existe une disproportion manifeste entre les engagements réciproques des parties.

C'est en vain que la SAS Schoen Distribution 18, qui ne précise pas dans ses écritures, ni au travers des pièces communiquées, la marque de boisson particulièrement connue figurant sur l'enseigne, invoque un effet de fidélisation de la clientèle qui lui confèrerait une valeur complémentaire, alors, au surplus, qu'il résulte de la convention que les produits visés par l'exclusivité de fourniture ne sont pas identifiés par une marque quelconque et qu'il est donc débité dans le commerce tenu par la SARL Ali Baba toutes sortes de boissons, sans exclusivité et sans lien nécessaire avec le nom figurant sur l'enseigne.

Dès lors, le jugement, qui a retenu une disproportion manifeste entre les engagements réciproques des parties et ainsi caractérisé l'absence de cause, a pu prononcer la nullité de la convention et débouter la SAS Schoen Distribution 18 de sa demande de paiement de l'indemnité contractuellement prévue.

L'annulation devant se traduire par la remise des parties en l'état où elles se seraient trouvées si la convention n'avait pas été conclue, la SARL Ali Baba est tenue de restituer à la SAS Schoen Distribution 18, à son siège social, l'enseigne faisant l'objet du contrat annulé. L'annulation trouvant son origine dans un déséquilibre des prestations réciproques intervenu au préjudice de la SARL Ali Baba, il appartiendra à la SAS Schoen Distribution 18 de procéder elle-même au démontage et à la récupération de l'enseigne au jour convenu par elle, sous réserve d'en avoir préalablement avisé la SARL Ali Baba par tout moyen susceptible de laisser une trace et, à défaut par celle-ci de l'avoir mise en mesure de récupérer son bien, elle sera condamnée à lui payer la somme de 2930 euros correspondant à sa valeur vénale.

Si l'équité ne commandait pas, en raison de la solution adoptée, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, en revanche il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée, contraint à exposer des frais supplémentaires dans le cadre de l'instance d'appel, une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de commerce de Nevers,

Y ajoutant,

Dit qu'il appartiendra à la SAS Schoen Distribution 18 de procéder elle-même au démontage et à la récupération de l'enseigne au jour convenu par elle, sous réserve d'en avoir préalablement avisé la SARL Ali Baba par tout moyen susceptible de laisser une trace,

Dit qu'à défaut par la SARL Ali Baba d'avoir mise la SAS Schoen Distribution 18 en mesure de récupérer son bien, elle sera tenue de lui payer la somme de 2.930 euros correspondant à sa valeur vénale et, en tant que de besoin, prononce condamnation à son encontre,

Condamne la SAS Schoen Distribution 18 à payer à la SARL Ali Baba la somme de 1.000 euros en compensation de ses frais non compris dans les dépens d'appel,

Condamne la SAS Schoen Distribution 18 aux dépens d'appel.

L'arrêt a été signé par M. FOULQUIER, Président, et par Mme MINOIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,

A. MINOIS                           Y. FOULQUIER