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CA PARIS (pôle 4 ch. 6), 6 juillet 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 6), 6 juillet 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 6
Demande : 17/00776
Date : 6/07/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/01/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7635

CA PARIS (pôle 4 ch. 6), 6 juillet 2018 : RG n° 17/00776 

Publication : Jurica

 

Extrait (rappel des faits) : « La société EMOS ENGEERING MANAGEMENT ON SITE (EMOS) est une société de droit irlandais spécialisée dans le management des chantiers et dans l'apport d'affaires. A ce titre, elle travaille depuis de nombreuses années avec la société BOUYGUES qui lui confie le soin de lui trouver des sous-traitants pour de très importants chantiers et de coordonner la livraison sur les chantiers des matériaux et fournitures utilisés par lesdits sous-traitants.

C'est dans ce cadre, qu'au cours de l'année 2012, la société BOUYGUES, titulaire d'un marché de rénovation situé à PARIS B. a fait appel aux services de la société ABSOLUTE BUILDING & EDIFICE LAND (ABEL) laquelle a signé un contrat de mandat en date du 17 octobre 2012 avec la société EMOS. Ce mandat exclusif définissait la mission confiée par la société ABEL à la société EMOS à savoir : « - recherches des matériaux à mettre en œuvre selon les préconisations du maître d'œuvre - achats et livraisons sur site des fournitures nécessaires à la bonne réalisation de la prestation de pose confiée à ABEL - négociation des avenants et travaux supplémentaires au profit de la société ABEL ». Ce mandat était limité à ce chantier spécifique et prenait fin après l'établissement de la dernière situation de compte soldant le prix du marché et des travaux supplémentaires éventuels.

Pour ces interventions, la société EMOS se voyait octroyer contractuellement une somme forfaitaire de « 550.000 euros HT ». La société EMOS prenait donc contractuellement en charge pour le compte de la société ABEL le règlement des fournitures et leur livraison sur le chantier. »

Extrait (motifs) : « Sur la nullité du contrat conclu entre les sociétés ABEL et EMOS :

* L'article L.  442-6 I 2° du code de commerce : La société ABEL soutient la nullité du contrat au visa de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce. Elle fait valoir :

- que le contrat de sous-traitance entre la société BOUYGUES et la société ABEL porte sur une rémunération de 772.500 euros et celui liant ABEL à EMOS de 550.000 euros,

- que le bénéfice d'ABEL ne peut être considéré comme s'élevant à la somme de 200.225 euros soit le chiffre d'affaires résultant de l'opération (772.500 - 550.000 - 22 275 euros déduction de 3 % prévue à l'article 5 du contrat BOUYGUES)

- que compte tenu de charges, du coût de l'assurance (3.159,96 euros), de coût des poseurs et du suivi administratif (146.016 euros) outre 10.000 euros de dépenses diverses, il lui resterait 41.049,04 euros avant charges et impôts (222.500 - 22.275 - 3.159,66 -146.016 - 10.000) ;

Il existe donc bien selon elle un déséquilibre significatif entre les parties dès lors qu'elle ne pouvait au mieux qu'éviter une perte sur l'opération, que d'ailleurs compte tenu des inexécutions contractuelles d'EMOS, elle a enregistré une perte de plusieurs milliers d'euros. Elle réclame le remboursement de la somme de 302.049,80 euros déjà versée.

La société EMOS n'a pas conclu sur ce point.

L'article L 442-6 2° du code de commerce dispose : « - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : ... 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Le comportement stigmatisé par ces dispositions consiste à faire peser sur un partenaire commercial du fait du rapport de force existant entre les parties des obligations injustifiées et non réciproques. Il n'est ni allégué, ni justifié en l'espèce que les sociétés ABEL et EMOS soient des partenaires commerciaux, le contrat en date  du 17 octobre 2012 étant manifestement le premier contrat conclu entre ces deux sociétés. De plus, la société ABEL ne prétend pas qu'une des clauses dudit contrat serait litigieuse mais soutient la nullité du contrat lui-même. Tel n'est pas la sanction expressément prévue par le texte susvisé.

La société ABEL se prévaut d'une jurisprudence ayant prononcé la nullité du contrat au motif qu'une des clauses dudit contrat serait prohibée. Cependant elle ne fait pas la démonstration de l'existence d'une telle clause rendant la cause du contrat illicite et donc entraînant la nullité du contrat. La demande de nullité du contrat sur ce fondement sera donc rejetée

* L'article 1128 du code civil : La société ABEL reprend également les moyens de nullité du contrat soulevés en première instance soit la cause du contrat qui serait illicite, fausse ou inexistante.

Elle soutient que la cause et donc l'objet du contrat est illicite dans la mesure où la rémunération ne correspond à aucune prestation utile à l'économie générale du marché et que cette rémunération doit être considérée comme contraire à l'ordre public.

Elle fait valoir que contrairement à ce qui est prétendu dans le préambule du contrat, la société ABEL a elle-même une grande habitude des marchés publics y réalisant près de 80% de son chiffre d'affaires de sorte qu'elle n'a pas besoin d'un intermédiaire ni d'un mandataire et que cependant un salarié de la société BOUYGUES lui a imposé l'intervention de M. G. animateur exclusif de la société EMOS. Elle prétend qu'elle ne souhaitait pas se mettre en difficulté vis à vis de son donneur d'ordre et qu'elle a donc accepté cette intervention jusqu'à ce qu'elle prenne conscience de la réalité de l'opération dissimulée derrière le contrat de mandat, M. G. n'ayant rempli aucune obligation contractuelle, que la société EMOS n'a apporté aucune plus-value au contrat, ni aucune contre-partie au paiement sollicité.

La société EMOS réplique que le contrat a été parfaitement exécuté jusqu'à son terme et la société ABEL n'a jamais contesté la licéité du contrat qu'elle avait signé. Elle fait valoir qu'elle est bien intervenue en tant que fournisseur, qu'elle effectuait ainsi le règlement des fournisseurs pour le compte de la société ABEL, que les matériaux étaient livrés sur le chantier, que la société ABEL ne démontre pas en quoi le marché serait contraire à l’« ordre public », « économique » ou non.

[*]

L'article 1128 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en l'espèce précise que « il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet de conventions ».

L'article 2 du contrat liant les parties (pièce n° 1 de la société ABEL) précise l'objet de ce contrat et est ainsi rédigé : « Le mandataire assurera au nom et pour le compte du mandant les opérations suivantes : - rechercher des matériaux à mettre en œuvre selon les préconisations du maître d'œuvre, - achat et livraison sur site des fournitures nécessaires à la bonne réalisation de la prestation de pose confirmée à ABEL.

De son côté le mandant prendra en charge, dès leur arrivée sur le site des matériaux et matériels, afin d'en assurer le déchargement et la mise en œuvre par son propre personnel.

Le mandant s'engage en outre à transmettre au mandataire ses demandes d'approvisionnement en tenant compte : - du planning des travaux imposé par la maîtrise d'œuvre ou l'entreprise principale, - des délais de livraison imposés par les fournisseurs et transporteurs ».

L'objet dudit contrat était donc manifestement de décharger la société ABEL de la recherche, l'achat et la livraison des matériaux nécessaires à la réalisation des travaux qui lui étaient confiés par la société BOUYGUES. Il ne peut être soutenu que le contrat était sans objet ou même que l'objet dudit contrat était illicite.

La société ABEL soutient qu'elle travaillait depuis plusieurs années avec la société BOUYGUES et qu'elle n'avait donc pas besoin d'un intermédiaire.

Dès lors il appartenait à la société ABEL de ne pas faire appel aux services de la société EMOS et de ne pas signer un contrat dont, comme l'ont souligné les premiers juges elle ne rapporte pas la preuve qu'il ait été signé par dol ou par violence.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat du 17 octobre 2012. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 6 JUILLET 2018