CA RENNES (2e ch.), 14 septembre 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7658
CA RENNES (2e ch.), 14 septembre 2018 : RG n° 15/05559 ; arrêt n° 437
Publication : Jurica
Extrait : « Il s'ensuit que la clause figurant à l'article 5 relative à l'exécution du contrat, qui est la reprise formelle de l'article 5 du modèle type annexé à l'ancien article R. 311-6 du code de la consommation, applicable à la cause, est conforme au mode de calcul réglementaire de l'indemnité de résiliation, et c'est donc à tort que le premier juge l'a déclarée nulle comme étant abusive.
C'est d'autre part à tort que les locataires soutiennent que la clause permettant au seul établissement de crédit de résilier le contrat serait abusive, aucune possibilité n'étant laissée au locataire de mettre fin par anticipation au contrat.
En effet, si l'article R. 132-1 devenu R. 212-1 du code de la consommation dispose que sont, de manière irréfragables, présumées abusives les clauses ayant notamment pour objet ou pour effet de reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au non-professionnel ou au consommateur, il demeure qu'en l'espèce la clause de résiliation prévue au seul bénéfice du loueur n'est pas soumise à son seul pouvoir discrétionnaire mais repose au contraire sur un événement objectif ne dépendant pas de la volonté du loueur, procédant du défaut de paiement des loyers par le locataire. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/05559. Arrêt n° 437.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, Madame Isabelle LE POTIER, Conseillère, Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller.
GREFFIER : Madame Marlène ANGER, lors des débats et lors du prononcé.
DÉBATS : A l'audience publique du 21 juin 2018, devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 14 septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
APPELANTE :
SA CREDIPAR
Représentée par Maître Erwan L., avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Représenté par Maître Anne-Sophie C.-C. de la SELARL SELARL AS C.-C., avocat au barreau de NANTES
Madame Y.
née le [date] à [ville], Représentée par Maître Anne-Sophie C.-C. de la SELARL SELARL AS C.-C., avocat au barreau de NANTES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 30 juillet 2010, la société Crédipar a donné à bail avec option d'achat à M. X. et Mme Y. un véhicule de marque Peugeot 3008 Féline 2,0 L HDI d'une valeur de 30.250,50 euros pour une durée de 48 mois, moyennant un loyer mensuel de 512,41 euros (hors assurance décès et garantie « sécurité remplacement »).
Les locataires ayant laissé des loyers impayés, le véhicule a été restitué le 5 février 2013, et le loueur s'est, par lettres recommandées avec accusé de réception du 22 août 2013, prévalu de la résiliation de plein droit du contrat en les mettant en demeure de régler la somme de 7.092,36 euros.
Puis, il a présenté une requête en injonction de payer au juge d'instance de Nantes, qui, par ordonnance du 23 janvier 2014, a enjoint à M. X. et M. Y. de lui payer la somme de 7.002,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2013.
M. X. et Mme Y. ont, par déclaration du 5 mars 2004, formé opposition contre cette ordonnance qui leur avait été signifiée à l'étude de l'huissier les 14 et 19 février 2014.
Les locataires ont soulevé la nullité de l'offre, en invoquant l'existence de clauses abusives, et par jugement du 9 février 2015, le tribunal d'instance de Nantes a :
- dit M. X. et Mme Y. recevables en leur opposition,
- déclaré nulle comme étant abusive la clause prévue à l'article 5 - Exécution du contrat relative au paiement d'une indemnité de résiliation,
- rejeté en conséquence la demande en paiement de l'indemnité prévue par la dite clause,
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société Crédipar la somme de 1.197,84 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2013,
- rejeté toutes demandes autres ou plus amples,
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. aux dépens
La société Crédipar a relevé appel de ce jugement le 9 juillet 2015 et, par ses uniques conclusions du 9 octobre 2015, demande à la cour de :
- condamner solidairement M. X. et Mme Y. à lui payer la somme de 7.002,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2013,
- condamner solidairement M. X. et Mme Y. à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par leurs uniques conclusions du 26 novembre 2015, M. X. et Mme Y. sollicitent de la cour la confirmation du jugement et la condamnation de la société Crédipar au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée, ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
La société Crédipar fait grief au jugement d'avoir déclaré abusive la clause relative au calcul de l'indemnité de résiliation en se fondant sur une recommandation n° 86-01 du 17 janvier 1986 de la commission des clauses abusives, selon laquelle les contrats de location avec option d'achat doivent comporter « une rédaction compréhensible pour le consommateur du mode de calcul des indemnités dues à l'établissement de crédit », alors que, selon elle, cette recommandation est sans rapport avec le caractère compréhensible du mode de calcul réglementaire de l'indemnité de résiliation en cas de défaillance du locataire dans le paiement des loyers.
Comme le fait valoir à juste titre la société Crédipar, le mode de calcul et le libellé de la clause ne sont pas choisis par le loueur mais relèvent de l'exécution d'une disposition réglementaire et du modèle-type.
En effet, le modèle-type qui était applicable à l'époque du contrat prévoyait en son article 5 concernant l'exécution du contrat, un point 5.1 libellé de la manière suivante :
« En cas de défaillance de votre part (non-paiement des loyers ou non-respect d'une obligation essentielle du contrat), le bailleur pourra exiger une indemnité égale à la différence entre :
- d'une part, la valeur résiduelle hors taxe du bien stipulée au contrat, augmentée de la valeur actualisée, à la date de résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus ; et
- d'autre part, la valeur vénale hors taxes du bien restitué.
La valeur actualisée des loyers non encore échus est calculée selon la méthode des intérêts composés en prenant comme taux annuel de référence le taux moyen de rendement des obligations émises au cours du semestre civil précédant la date de conclusion du contrat majoré de la moitié.
La valeur vénale est celle obtenue par le bailleur s'il vend le bien restitué ou repris /... »
Il s'ensuit que la clause figurant à l'article 5 relative à l'exécution du contrat, qui est la reprise formelle de l'article 5 du modèle type annexé à l'ancien article R. 311-6 du code de la consommation, applicable à la cause, est conforme au mode de calcul réglementaire de l'indemnité de résiliation, et c'est donc à tort que le premier juge l'a déclarée nulle comme étant abusive.
C'est d'autre part à tort que les locataires soutiennent que la clause permettant au seul établissement de crédit de résilier le contrat serait abusive, aucune possibilité n'étant laissée au locataire de mettre fin par anticipation au contrat.
En effet, si l'article R. 132-1 devenu R. 212-1 du code de la consommation dispose que sont, de manière irréfragables, présumées abusives les clauses ayant notamment pour objet ou pour effet de reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au non-professionnel ou au consommateur, il demeure qu'en l'espèce la clause de résiliation prévue au seul bénéfice du loueur n'est pas soumise à son seul pouvoir discrétionnaire mais repose au contraire sur un événement objectif ne dépendant pas de la volonté du loueur, procédant du défaut de paiement des loyers par le locataire.
C'est également à tort que les locataires soutiennent que la restitution amiable du bien a entraîné la résiliation amiable du contrat, et que cette hypothèse de résiliation amiable n'ayant jamais été établie contractuellement, il ne reste dû que le montant des loyers échus et impayés à cette date.
En effet, aux termes de l'article 11 du contrat, la location peut être résiliée par le bailleur, par lettre recommandée, en cas d'inexécution du contrat, la résiliation entraînant l'obligation par le locataire de restituer à ses frais le véhicule et « le défaut de remise (pouvant) motiver le dépôt d'une plainte en abus de confiance. »
Il s'ensuit que la restitution du véhicule, qu'elle soit intervenue volontairement ou non, n'étant que la conséquence de la résiliation de plein droit du contrat par suite du manquement du locataire à ses obligations, le moyen soulevé par les intimés est sans fondement.
La société Crédipar est donc fondée à réclamer, outre le paiement des loyers impayés, l'indemnité de résiliation prévue au contrat.
Il n'est pas contesté que restaient dus 2 loyers impayés pour un montant de 1.197,84 euros.
L'indemnité de résiliation a été calculée conformément aux stipulations contractuelles reprenant le modèle-type annexé à l'ancien article R. 311-6, en tenant compte de la valeur actualisée des 16 loyers non encore échus, et en déduisant la valeur vénale HT du véhicule après sa vente pour un montant HT de 12.123,75 euros, pour s'établir à un montant de 5.804,94 euros.
La cour prend acte par ailleurs de ce que le bailleur renonce à réclamer les intérêts de retard au taux légal de 0,04 % sur l'indemnité de résiliation pour 0,68 euros, ainsi que l'indemnité de 8 % sur les loyers impayés pour 84,46 euros.
Il y a donc lieu, après réformation du jugement, de condamner solidairement M. X. et Mme Y. au paiement de la somme de 7.002,78 euros (1.197,84 + 5.804,94), avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure en date du 27 août 2013.
Enfin, il n'y a pas matière à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 9 février 2015 par le tribunal d'instance de Nantes, sauf en ce qu'il a dit M. X. et Mme Y. recevables en leur opposition et condamné ces derniers aux dépens ;
Condamne solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société Crédipar la somme de 7.002,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2013 ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. X. et Mme Y. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
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