CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 9 avril 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7837
CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 9 avril 2019 : RG n° 17/02099
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que la SARL Ma Cabane a accepté un devis établi le 26 janvier 2016 par la SARL Amenothès conception devenue Koredge dont l'exemplaire produit ne porte mention d'aucune signature, à la suite d'un cahier des charges réalisé par ses soins et transmis à son cocontractant le 18 janvier 2016 ; qu'aux termes de ces documents, la SARL Amenothès Conception s'est engagée à effectuer la refonte du site portail ma-cabane.fr en respectant le cahier des charges de sa cliente moyennant un prix de 8.476,80 euros ; qu'il est avéré qu'aucun délai de livraison de la prestation n'est mentionné, ni dans le cahier des charges, ni dans le devis ; qu'en l'absence de véritable aléa et eu égard à la maîtrise par le professionnel de la technologie qu'il devait déployer pour parvenir à réaliser sa prestation, l'obligation de la SARL Koredge doit être qualifiée d'obligation de résultat ;
Attendu qu'il est constant que l'absence de délai contractuel d'exécution d'une prestation n'interdit pas au bénéficiaire de celle-ci de rechercher la responsabilité du prestataire qui ne l'a pas achevée dans un délai raisonnable ;
Qu'à cet égard, il est rappelé surabondamment que dans le dispositif de lutte contre les clauses abusives, introduit par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie retouchant l'article L.132-1 du Code de la consommation, le décret n° 2009-302 du 18 mars 2009 a classé toutes les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité dans la liste, dite « noire », des clauses absolument prohibées, comme irréfragablement abusives, dans les rapports entre un professionnel et un consommateur, de sorte que la clause du devis prohibant toute recherche de responsabilité, annulation de commande en cours ou allocation de dommages-intérêts en cas de retard de livraison ne saurait recevoir valablement application en la cause ».
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 9 AVRIL 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/02099. N° Portalis DBVG-V-B7B-D327. Contradictoire. Audience publique du 5 mars 2019. Sur appel d'une décisiondu TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANÇON en date du 13 septembre 2017 : R.G. n° 2017000017. Code affaire : 50B Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SARL KOREDGE
dont le siège est sis [adresse], Représentée par Maître Franck B., avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉE :
SARL MA CABANE
dont le siège est sis [adresse], Représentée par Maître Randall S. de la SELARL S. W. P. DE M. S., avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER (magistrat rapporteur) et A. CHIARADIA, Conseillers.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER, et A. CHIARADIA, Conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 5 mars 2019 a été mise en délibéré au 9 avril 2019. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et prétentions des parties :
La SARL Ma Cabane, qui a pour activité principale la mise en ligne de petites annonces immobilières sur internet, a souscrit le 26 janvier 2016 avec la SARL Amenothès conception devenue Koredge un contrat de refonte de son site www.ma-cabane.fr devenu obsolète.
Déplorant le défaut de diligence de son cocontractant, en dépit de nombreuses relances et d'une mise en demeure par son conseil en date du 28 octobre 2016, la SARL Ma Cabane a finalement fait assigner la SARL Koredge, par exploit d'huissier délivré le 19 décembre 2016, devant le tribunal de commerce de Besançon aux fins d'obtenir au principal la résiliation du contrat de refonte et la restitution des acomptes versés.
Par jugement rendu le 13 septembre 2017 ce tribunal, retenant le manquement contractuel de la SARL Koredge à son obligation de résultat, et omettant dans son dispositif la mention de la résiliation du contrat aux torts de cette dernière, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- débouté la SARL Koredge de ses demandes,
- condamné celle-ci à rembourser à la SARL Ma Cabane la somme de 5.943,04 euros,
- débouté la SARL Ma Cabane de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice économique et moral,
- débouté la SARL Koredge de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive des relations contractuelles,
- condamné la SARL Koredge à verser à la SARL Ma Cabane une indemnité de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles en sus des dépens.
Par déclaration d'appel parvenue au greffe le 23 octobre 2017, la SARL Koredge a relevé appel de cette décision et aux termes de ses derniers écrits transmis le 23 mars 2018 elle conclut à son infirmation et demande à la cour de débouter la SARL Ma Cabane de son appel incident et la condamner à lui payer 2.533,76 euros au titre du solde de la prestation convenue, 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive des relations contractuelles et 1.500 euros au titre des frais irrépétibles en sus des dépens
Par ses dernières conclusions déposées le 20 mars 2018, la SARL Ma Cabane demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts, condamner la SARL Koredge à lui payer à ce titre 1.500 euros en réparation de son préjudice économique et moral et 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit pour son conseil de se prévaloir de l'article 699 du même code.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 août 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Discussion :
* Sur la demande de résiliation,
Attendu qu'en vertu de l'article 1134 ancien du code civil, applicable au contrat en cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ;
Attendu qu'au soutien de sa voie de recours la SARL Koredge fait valoir que la question du délai n'a jamais été abordée par son cocontractant et conteste qu'un délai de trois mois ait été verbalement convenu, lequel aurait été techniquement impossible à respecter compte tenu de la complexité des difficultés techniques à résoudre et du fait qu'elle était tributaire d'autres prestataires ; qu'elle souligne qu'aucune stipulation n'a d'ailleurs été prévue au contrat à cet effet, que durant sa mission, le site de la SARL Ma Cabane était parfaitement accessible à sa clientèle et que celle-ci a choisi de rompre les relations contractuelles alors que le site aurait été finalisé en décembre 2016 ; qu'elle prétend encore avoir exécuté de bonne foi sa prestation, avoir travaillé à sa mission sans discontinuer en avisant son cocontractant de son état d'avancement et conteste que la baisse d'activité du site, observée dès 2014, et le préjudice économique allégué mais non prouvé par la partie adverse, lui soient imputables ;
Que la SARL Ma Cabane rétorque qu'un délai de trois mois avait été verbalement convenu entre les parties, compte tenu de l'urgence économique qu'il y avait à refondre son site internet devenu obsolète, que l'importance d'une exécution rapide résulte au demeurant des échanges de courriels entre les parties, la SARL Koredge ayant à ses yeux failli à ses obligations contractuelles en dépit de nombreuses relances, en faisant preuve d'un manque de diligence ; qu'elle considère que son cocontractant ayant échoué à réaliser sa prestation près d'un an après la signature du devis, il a manqué à son obligation de résultat et que son attitude fautive, qui l'a privée d'un site internet plus performant, a été à l'origine d'un préjudice financier ;
[*]
Attendu que la SARL Ma Cabane a accepté un devis établi le 26 janvier 2016 par la SARL Amenothès conception devenue Koredge dont l'exemplaire produit ne porte mention d'aucune signature, à la suite d'un cahier des charges réalisé par ses soins et transmis à son cocontractant le 18 janvier 2016 ; qu'aux termes de ces documents, la SARL Amenothès Conception s'est engagée à effectuer la refonte du site portail ma-cabane.fr en respectant le cahier des charges de sa cliente moyennant un prix de 8.476,80 euros ; qu'il est avéré qu'aucun délai de livraison de la prestation n'est mentionné, ni dans le cahier des charges, ni dans le devis ; qu'en l'absence de véritable aléa et eu égard à la maîtrise par le professionnel de la technologie qu'il devait déployer pour parvenir à réaliser sa prestation, l'obligation de la SARL Koredge doit être qualifiée d'obligation de résultat ;
Attendu qu'il est constant que l'absence de délai contractuel d'exécution d'une prestation n'interdit pas au bénéficiaire de celle-ci de rechercher la responsabilité du prestataire qui ne l'a pas achevée dans un délai raisonnable ;
Qu'à cet égard, il est rappelé surabondamment que dans le dispositif de lutte contre les clauses abusives, introduit par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie retouchant l'article L.132-1 du Code de la consommation, le décret n° 2009-302 du 18 mars 2009 a classé toutes les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité dans la liste, dite « noire », des clauses absolument prohibées, comme irréfragablement abusives, dans les rapports entre un professionnel et un consommateur, de sorte que la clause du devis prohibant toute recherche de responsabilité, annulation de commande en cours ou allocation de dommages-intérêts en cas de retard de livraison ne saurait recevoir valablement application en la cause ;
Qu'en l'occurrence, il ressort des échanges de courriels entre les parties que dans un message du 4 juillet 2016, la SARL Ma Cabane indiquait, sans être contredite sur ce point dans la réponse du 5 juillet 2016 de la SARL Amenothès Conception : « Vous m'aviez parlé de 4 semaines pour réaliser le site suite à la validation de la maquette, nous en sommes déjà à plus de trois mois. Je vous avais indiqué ne pas être pressé mais la réalisation prend vraiment du retard et le résultat n'est visiblement pas au rendez-vous » ; que la SARL Koredge explique dans ses écrits que le site était quasiment achevé le 16 juin 2016, à l'exception de la gestion du problème des flux des autres sites internet, mais que la SARL Ma Cabane avait accès au site, lequel n'était toutefois pas en ligne ; que la chronologie des faits ultérieurs démontrent qu'en réalité l'imminence d'une livraison courant juillet annoncée par courriel à sa cliente n'a pas été suivie d'effet ; que plusieurs messages au cours des semaines suivantes évoquent à nouveau le retard et le mécontentement de la SARL Ma Cabane, à partir du 16 août 2016 ; que par courriel du 6 septembre 2016 la SARL Amenothès Conception indiquait « mettre tout en œuvre pour vous livrer au plus vite » ; qu'à compter de début octobre 2016, l'intimée a insisté à plusieurs reprise sur la nécessité d'une reprise en main du projet et une livraison dans les meilleurs délais possibles, relevant à chacune de ces occasions divers dysfonctionnements ou non-conformité des opérations déjà effectuées sur le portail par rapport au cahier des charges ; que l'appelante, dont les courriels évoquaient notamment des contingences en lien avec des prestataires extérieurs, ne justifient en aucune manière de ces événements qui justifieraient un tel délai de livraison ; qu'à la suite de la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 28 octobre 2016 par la voie de son conseil par la SARL Ma Cabane à la SARL Amenothès Conception, celle-ci n'a pas été en mesure de finaliser la prestation attendue par sa cliente dans le délai de quinze jours qui lui était imparti ;
Qu'au regard des éléments contractuels, de la nature de la prestation et des arguments exposés par l'appelante aux fins d'expliquer le retard dans la finalisation de la prestation litigieuse, la cour est en mesure de considérer qu'un délai de dix mois excède le délai raisonnable que la SARL Ma Cabane était légitime à endurer pour obtenir le résultat de sa commande, étant observé que l'appelante ne justifie pas que la prestation était achevée à la date du 15 décembre 2016, date de notification de la volonté de la SARL Ma Cabane d'une rupture de la relation contractuelle, ainsi qu'elle le prétend ; que pour sa part la SARL Ma Cabane a scrupuleusement acquitté les deux factures d'acomptes qui lui ont été successivement présentées par son cocontractant les 8 février et 5 avril 2016 ;
Attendu que dans ces conditions, les premiers juges ont pu valablement considérer justifiée la demande de rupture du contrat aux torts exclusifs de la SARL Koredge et y faire droit ; que cependant il y a lieu de requalifier la demande de résiliation du bail en résolution, sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil compte tenu de la cause de la rupture et l'anéantissement rétroactif de la convention expressément invoqués par la SARL Ma Cabane ; que le jugement sera partiellement infirmé de ce chef ;
* Sur la demande de remboursement des sommes versées,
Attendu que la résolution du contrat de prestation ayant été prononcée aux torts de la SARL Koredge, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné celle-ci à restituer à la SARL Ma Cabane les sommes de 3.400 euros et 2.543,04 euros versés à titre d'acomptes, soit une somme totale de 5.943,04 euros ; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;
* Sur les demandes d'indemnisation,
Attendu que pas plus qu'en première instance la SARL Ma Cabane n'apporte la démonstration d'un préjudice économique en lien direct avec les manquements contractuels de la SARL Koredge ; que la courbe statistiques de revenus et de fréquentation du site, qui n'a rien d'officiel et par conséquent d'objectif au regard des impératifs probatoires puisqu'elle est intégrée dans un courriel émanant du dirigeant de la SARL Ma Cabane, étant insuffisante à cet égard ; que le préjudice moral invoqué par l'intimée à l'appui de son appel incident n'est pas davantage caractérisé devant la cour ; que le jugement déféré doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts fondée sur les préjudices ainsi invoqués ;
Attendu enfin que les manquements contractuels de la SARL Amenothès Conception aux droits de laquelle vient la SARL Koredge ayant été démontrés, de même que le bien-fondé de la rupture des relations contractuelles, la demande de dommages-intérêts formée par cette dernière du chef de rupture abusive a été à juste titre rejetée par les premiers juges ;
* Sur les demandes accessoires,
Attendu que les faits de la cause et l'issue du litige à hauteur de cour commandent de mettre à la charge de l'appelante une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles que son contradicteur a été contraint d'exposer à hauteur d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la SARL Koredge, qui succombe en sa voie de recours, supportera les dépens d'appel, les dispositions accessoires du jugement déféré étant enfin confirmées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Besançon le 13 septembre 2017 sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de prestation de services.
L'infirme de ce seul chef, statuant de nouveau et y ajoutant,
Prononce la résolution judiciaire de la convention de prestation de services intervenue entre la SARL Ma Cabane et la SARL Amenothès Conception aux droits de laquelle vient la SARL Koredge.
Condamne la SARL Koredge à payer à la SARL Ma Cabane une indemnité de deux mille euros (2 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL Koredge aux dépens d'appel et autorise la SELARL S. W. P. De M. S. à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.
Le Greffier, le Président de chambre
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 6274 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Internet - Création de site Internet