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CA AMIENS (1re ch. civ.), 27 septembre 2018

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. civ.), 27 septembre 2018
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. civ.
Demande : 16/01948
Date : 27/09/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/04/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7849

CA AMIENS (1re ch. civ.), 27 septembre 2018 : RG n° 16/01948

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2018-017208

 

Extraits : 1/ « Selon les dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi.

Cependant, conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation (devenu L. 212-1), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont réputées non écrites comme étant abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Par ailleurs, dans sa recommandation n° 91-01 relative aux établissements d'enseignement, la Commission des Clauses Abusives préconise l'élimination des clauses suivantes :

- clause insérée dans un contrat de formation prévoyant que le montant du contrat est dû en totalité et ne retenant aucun motif pour une éventuelle annulation

- clause d'un contrat d'inscription à une école privée prévoyant qu'à compter du huitième jour de la signature et après la date de la rentrée scolaire tout désistement entraîne le paiement immédiat du solde de la scolarité annuel, aucune remboursement ni réduction des frais de scolarité ne pouvant être consenti en cas de départ volontaire

- clause d'un contrat proposé par un établissement d'enseignement qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat et ne permet une dispense partielle du règlement de la formation qu'en cas de force majeure, dès lors qu'elle ne réserve pas le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux.

En l'espèce, le 14 octobre 2013, M. X. en tant qu'étudiant et Mme X. en qualité de « répondant financier » ont formalisé avec l'Ecole Supérieure de Commerce - International School of Management un « DOSSIER D'INSCRIPTION - FORMATION INITIALE - BTS MANAGEMENT DES UNITÉS COMMERCIALES - 2ème année - Année scolaire 2013-2014 », l'établissement s'engageant « expressément à fournir la prestation convenue dans les conditions fixées par la documentation remise lors de l'inscription » et « Mme X., en qualité de mère de l'étudiant » s'engageant « à payer l'intégralité des frais de scolarité ».

Le dossier comporte notamment un paragraphe « FRAIS DE SCOLARITÉ BTS 2ème Année - 2013 - 2014 / Réinscription » ainsi rédigé :

« MONTANT ANNUEL DES FRAIS DE SCOLARITÉ (OU FRAIS D'ETUDES) selon l'échéancier, hors cotisation Association et cotisation Sécurité Sociale Etudiant. Le montant annuel des frais de scolarité constitue un forfait pour l'année scolaire. Dans le seul but de faciliter la trésorerie des familles, l'Etablissement accepte les modalités des paiements ci-dessous ».

A été coché la case paiement en 11 fois, soit une première échéance de 800 euros (droit de réservation) au comptant lors de l'inscription, les autres par prélèvement de 450 euros le 10 de chacun des mois, d'octobre à juin, soit un total de 5.300 euros.

Au paragraphe « RÈGLEMENT A L'INSCRIPTION » il est indiqué :

« TOUTE ÉCHÉANCE IMPAYÉE ENTRAÎNE LA PERTE DE CETTE FACILITE DE PAIEMENT ET L'EXIGIBILITÉ DU SOLDE ANNUEL DES FRAIS DE SCOLARITÉ ».

Figurent au verso les « CONDITIONS GÉNÉRALES du contrat et notamment les articles suivants :

« 9. ANNULATION - RÉSILIATION PAR LE RÉPONDANT FINANCIER :

Par lettre recommandée ou par simple déclaration contre récépissé au secrétariat de l'Etablissement, le répondant financier signataire du présent contrat d'études peut décider de l'annulation ou de la résiliation de l'inscription :

a) avant la rentrée, la date de la rentrée est fixée par la direction. Elle est communiquée aux étudiants et aux parents avant le 1er septembre. En cas d'annulation avant le début des cours, seul le droit d'inscription est conservé par l'école les autres frais étant intégralement remboursés. Toutefois aucun remboursement ne pourra être exigé avant la première quinzaine d'octobre

b) à partir du jour de la rentrée scolaire : dans ce cas, la totalité des frais annuels de scolarité est due (sous réserve de l'application du § ci-après)

c) dans les 7 jours de la signature ou de la remise du présent contrat d'études et lorsque le paiement en plusieurs échéances a été choisi : l'intégralité des sommes versées sera remboursée. »

« 10. ANNULATION PAR L'ETABLISSEMENT :

- Dans le cadre du règlement intérieur ou du non-respect des échéances

- Dans le cadre de résiliation, le calcul du montant de la scolarité dû à l'Etablissement s'effectuera sur la base de l'échéancier suivant :

Date de résiliation Montant dû : Octobre 30 % ; Novembre 40 % ; Décembre 50 % ; Janvier 70 % ; Février 90 % ; Mars 100 %

Lorsque l'effectif de 15 étudiants n'est pas atteint 15 jours avant la date de la rentrée scolaire pour la classe dans laquelle l'étudiant est inscrit, l'Etablissement peut être conduit à proposer une prestation de remplacement au moins équivalent ou à annuler l'inscription. Dans ce dernier cas, l'intégralité des sommes perçues sera remboursée. Conformément aux articles 1152 et 1231 du Code civil, lorsque l'Etablissement ne sera pas ou plus en mesure de fournir sa prestation en cours d'année scolaire, la résiliation de l'inscription sera prononcée et les sommes correspondantes aux prestations non servies seront remboursées, augmentées éventuellement d'une pénalité. »

En bas des « CONDITIONS GÉNÉRALES » figurent également les indications qui suivent :

« Toute absence non excusée de l'étudiant pendant plus de deux semaines consécutives sera considérée comme une résiliation définitive du présent Contrat d'études.

En cas d'annulation ou résiliation de l'inscription, à quelque moment que ce soit, le solde des sommes dues en application du présent Contrat d'études est immédiatement exigible. Cette disposition est également applicable en cas d'abandon des études en cours d'année. »

Il ressort de ce qui précède que les clauses suivantes présentent un caractère abusif :

- à l'article 9 des conditions générales qui n'évoque que deux cas d'annulation ou résiliation à l'initiative de l'étudiant : à savoir, d'une part, avant la rentrée (date communiquée aux étudiants et aux parents avant le 1er septembre) et dans ce cas, l'école conserve le droit d'inscription (60 euros), les autres frais étant intégralement remboursés et d'autre part, à partir du jour de la rentrée scolaire, mais dans ce cas, la totalité des frais annuels de scolarité est due. Il est toutefois prévu un remboursement de l'intégralité des sommes versées en cas de paiement en plusieurs échéance si l'annulation ou la résiliation est effectuée dans les 7 jours de la signature ou de la remise du contrat d'études,

- s'agissant de l'annulation du contrat à l'initiative de l'école, il ressort de l'article 10 que l'école se réserve le droit d'annuler ou de résilier le contrat dans trois hypothèses : dans le cadre du règlement intérieur, en cas de non-respect des échéances et lorsque l'effectif de 15 étudiants n'est pas atteint 15 jours avant la date de la rentrée scolaire pour la classe dans laquelle l'étudiant est inscrit. Dans les deux premiers cas, les frais de scolarité sont néanmoins dus mais leur montant varie entre 30 % et 100 % selon que la date de résiliation se situe entre le mois d'octobre et le mois de mars. Dans le dernier cas, l'intégralité des sommes perçues est remboursée, de même que les sommes correspondantes aux prestations non servies, augmentées éventuellement d'une pénalité qui n'est pas précisée.

En effet, la clause figurant à l'article 9 prévoyant qu'à compter du huitième jour de la signature et après la date de la rentrée scolaire tout désistement entraîne le paiement immédiat du solde de la scolarité annuel, aucune remboursement ni réduction des frais de scolarité ne pouvant être consenti en cas de départ volontaire, il y a lieu de considérer qu'eu égard au montant élevé des frais de scolarité laissés à leur charge, les parents sont empêchés de se dégager du contrat, même pour un motif légitime et impérieux, alors que le contrat réserve la possibilité pour le professionnel d'annuler le contrat en cas d'effectif insuffisant, sans autre précision ; de même, le professionnel a également la faculté d'annuler l'inscription en cours d'année dans le cadre du règlement intérieur là encore sans autre précision ou en cas de non-respect des échéances tout en mettant à la charge de l'étudiant une partie voire la totalité des frais de scolarité.

Il résulte de ce qui précède que les clauses n° 9 et 10 des conditions générales du contrat doivent être déclarées abusives et donc réputées non écrites. »

2/ « Il convient de rappeler que même si les clauses n° 9 et 10 des conditions générales du contrat ont été déclarées abusives et donc réputées non écrites, il n'en demeure pas moins que la convention dans ses autres dispositions subsiste et qu'il est soumis au droit commun des contrats pour le reste. »

3/ « Il résulte des éléments du dossier que M. X. s'est inscrit en première année de BTS MANAGEMENT DES UNITÉS COMMERCIALES (MUC) pour l'année scolaire 2012-2013, qu'il a suivi les cours et payé l'intégralité des frais de scolaires y compris un droit d'inscription de 60 euros, soit la somme totale de 5.360 euros. M. X. s'est de nouveau inscrit, cette fois en deuxième année de BTS MUC, pour l'année scolaire 2013-2014. Il a rempli le dossier d'inscription le 14 octobre 2013 mais n'a cette fois réglé aucune somme. Le fait qu'il ait signé le dossier d'inscription le 14 octobre 2013 n'est pas incompatible avec le fait qu'il ait suivi les cours dès le 1er septembre 2013, ce d'autant qu'il avait déjà effectué une première année de BTS.

Rien ne permet de remettre en cause le « récapitulatif des absences » et le « Détail des heures Stagiaires » produit par l'association AIPF-IDRAC et force est de constater que M. X. n'établit pas, par ailleurs, qu'il a émis un chèque au profit de l'école, chèque dont il ne donne aucune information (date, montant, numéro de chèque et établissement bancaire) et qui aurait été prétendument perdu. M. X. n'établit pas davantage qu'on lui aurait refusé l'accès aux cours et la non-inscription aux épreuves, si elle est avérée ce qui n'est pas le cas, se justifie par l'absence de tout paiement au profit de l'association AIPF-IDRAC, ce qui n'est pas contesté. En réalité, M. X. n'a jamais adressé le moindre courrier à l'association AIPF-IDRAC pour l'informer qu'il souhaitait résilier le contrat et pour quelle raison, de même que ladite association n'a jamais procédé, du moins officiellement, à l'annulation ou la résiliation du contrat.

En l'état, il y a lieu de considérer que le contrat s'est arrêté le 18 novembre 2013 du fait des absences répétées de M. X. et de l'absence de tout versement.

Dans ces conditions, M. X. ne démontrant pas l'existence d'un motif impérieux et légitime suffisant ni de l'inexécution par l'association AIPF-IDRAC de ses engagements, même si le contrat qu'elle a fait signer à M. X. n'est pas exempt de tout reproche, il y a lieu de prononcer la résiliation du contrat liant l'association AIPF-IDRAC et M. X. à la date du 18 novembre 2017 et de condamner ce dernier à régler à celle-ci les seuls cours qu'il a suivi, soit 58 heures sur une base de 525 heures (nombre maximum d'heure de cours suivi figurant sur le document le « Détail des heures Stagiaires » produit par l'association AIPF-IDRAC) soit la seule somme de 585,52 arrondie à 586 euros, ladite association n'établissant pas l'existence d'un préjudice susceptible de résulter du désistement d'un étudiant en cours d'année.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a condamné M. X. à payer l'association AIPF-IDRAC la somme de 5.300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2015. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2018