CA CHAMBÉRY (2e ch.), 6 septembre 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7889
CA CHAMBÉRY (2e ch.), 6 septembre 2018 : RG n° 17/00764
Publication : Jurica
Extraits (arguments des appelants) : « Par conclusions notifiées par voie électronique du 18 janvier 2017, M. X. et Mme Y. épouse X. demandent à la Cour de : - dire et juger que la décision critiquée est caractéristique d'une fraude à la loi de nature à faire échec aux règles de la prescription applicables en France, qu'elle est contraire à l'ordre public, - dire et juger que l'action de la banque BNP Paribas Suisse est prescrite depuis le 10 avril 2014 en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, - en conséquence, annuler la signification de la décision de force exécutoire du 13 mars 2014 et la déclarer inopposable aux époux X., - en tout état de cause, condamner la société BNP Paribas Suisse au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de leur avocat.
Les époux X., après avoir rappelé que leur défaillance est liée à la variation brutale des taux de change et l'ensemble des démarches et procédure ayant donné lieu à la transaction judiciaire sous l'égide du juge conciliateur du tribunal de première instance de Genève, affirment que le contrat de prêt à l'origine de leur dette, bien que soumis à la loi Suisse par une stipulation spéciale, relève des règles d'ordre public français relatives à la prescription au motif que le contrat a fait l'objet d'un acte authentique signé devant un notaire français, pour le financement d'un bien immobilier situé en France et alors qu'ils avaient leur domicile en France, ce qui leur permet d'invoquer la qualité de consommateur.
Ils prétendent alors bénéficier des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation, aujourd'hui l'article L. 218-2, qui sont d'application impérative ; ils ajoutent que la déchéance du terme a été prononcée à effet du 10 décembre 2010, que la prescription biennale interrompue a recommencé à courir le 6 juin 2011, date de l'homologation d'une première transaction. Par la suite, la prescription a été interrompue par leurs paiements jusqu'au 10 avril 2012 de sorte que la prescription est acquise au 10 avril 2014.
Considérant que la banque disposait d'un titre exécutoire, que constituait l'acte authentique de prêt, les appelants prétendent que la demande de reconnaissance en France du caractère exécutoire de la transaction conclue à Genève constitue un détournement frauduleux de la loi impérative française, dans le but ou de nature à faire échec à la prescription. En conséquence, ils prétendent que la décision de reconnaissance de force exécutoire de la transaction est manifestement contraire à une loi d'ordre public du for d'exécution et ils en demandent l'annulation. »
Extrait (motifs) : « Aux termes de l'article 509-2 du code de procédure civile, « Sont présentées au greffier en chef du tribunal de grande instance les requêtes aux fins de reconnaissance ou de constatation de la force exécutoire, sur le territoire de la République, des titres exécutoires étrangers en application : (...) - de la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, faite à Lugano le 30 octobre 2007. ».
Cette convention, qui constitue le pendant du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Règlement Bruxelles I », entre l'Union européenne, le Danemark et les États de l'AELE (Royaume de Norvège, Suisse, Islande), a été ratifiée par l'Union européenne et, conformément à la décision du Conseil fédéral du 31 mars 2010, cette convention a été ratifiée par la Suisse avec effet au 1er janvier 2011.
Aux termes de l'article 43 de la convention, un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire peut être formé, par renvoi de l'annexe III, devant la cour d'appel, dans le délai d'un mois à compter de sa signification qui en l'espèce résulte de l'exploit du 11 avril 2014. L'appel formé le 12 mai 2014 est en conséquence recevable, dès lors que le 11 mai 2014 était un dimanche.
Aux termes des articles 34 et 35 de la convention, « Une décision n'est pas reconnue si :
1. la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État requis ;
2. l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été notifié ou signifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire ;
3. elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État requis ;
4. elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État lié par la présente convention ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'État requis. (Article 34).
1. En outre, les décisions ne sont pas reconnues si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du titre II ont été méconnues, ainsi que dans le cas prévu à l'article 68. Une décision peut en outre faire l'objet d'un refus de reconnaissance dans tous les cas prévus à l'article 64, paragraphe 3, ou à l'article 67, paragraphe 4.
2. Lors de l'appréciation des compétences mentionnées au paragraphe précédent, l'autorité requise est liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction de l'État d'origine a fondé sa compétence.
3. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l'État d'origine. Le critère de l'ordre public visé à l'article 34, paragraphe 1, ne peut être appliqué aux règles de compétence. (Article 35). »
Mais l'article 36 de la convention, dispose qu’« en aucun cas la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. »
Et l'article 45 de la convention dispose et rappelle que :
« 1. La juridiction saisie d'un recours prévu à l'art. 43 ou 44 ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35. Elle statue à bref délai.
2. En aucun cas la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond ».
M. X. et Mme Y. épouse X. n'ont formé aucun recours contre la décision du juge conciliateur du Tribunal de première instance de Genève consignant la transaction judiciaire de 6 juin 2011, ainsi que cela ressort de la production par la banque BNP Paribas Suisse de la copie exécutoire de la décision et des certificats établis dans ce sens les 20 et 21 janvier 2014 par le Tribunal de première instance de Genève (pièces 2,3 et 4 de la banque BNP Paribas Suisse) alors qu'ils étaient en mesure de la faire au sens de la convention, ce qui les prive du droit d'invoquer à ce stade, d'éventuelles irrégularités de la procédure antérieure.
En outre, les dispositions du code de la consommation relatives à la prescription biennale de l'article L. 218-2 et aux clauses abusives constituent un ordre public de protection et ne peuvent, en conséquence, être invoquées par M. X. et Mme Y. épouse X. comme étant contraire à la conception française de l'ordre public international.
Il en est de même des dispositions de l'article 2044 du code civil en application desquelles la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître, étant relevé que l'adjonction légale à cette définition de l'existence de « de concessions réciproques » ne date que de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, la décision dont l'exequatur est poursuivie remontant au 6 juin 2011. »
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2018
- 5711 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Obstacles au contrôle du juge - Couverture de la clause
- 5826 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Principe
- 5982 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge du fond - Illustrations diverses