CA CHAMBÉRY (2e ch.), 20 septembre 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7890
CA CHAMBÉRY (2e ch.), 20 septembre 2018 : RG n° 17/01360
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Selon les dispositions de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts. En matière de crédits consentis à un non professionnel, la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, intentée en présence d'une erreur affectant le TEG, court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur en question.
En l'espèce, si l'organisme bancaire indique que M. X. a eu connaissance de l'erreur affectant le TEG dès l'échéance du 3 août 2006 avec la hausse de son taux d'intérêt de 2,34 % à 2,64 %, il ne verse au dossier aucune pièce permettant de démontrer l'information de l'emprunteur à cette date. Il se limite en effet à produire des copies de lettres simples concernant la révision du taux d'intérêt émises entre le 27 mai 2010 et le 27 février 2016 qui, ne permettent pas de démontrer qu'elles ont été effectivement reçues par l'emprunteur et donc qu'il avait connaissance de l'erreur affectant la stipulation d'intérêts. Au contraire, M. X. verse aux débats un relevé d'information annuelle concernant son prêt en devise du 17 février 2015, envoyé par le Crédit Agricole des Savoie, lui transmettant les renseignements nécessaires à l'appréhension d'éventuels risques liés au change, avec un tableau de contrevaleur en annexe.
Par ailleurs, si l'organisme bancaire invoque comme point de départ du délai de prescription quinquennale applicable, la date de signature du contrat de prêt, il convient de relever qu'il n'établit pas, comme l'a justement relevé le premier juge, que M. X. disposait de connaissances particulières lui permettant de pouvoir légitimement s'apercevoir lors de la conclusion de la convention, des erreurs contenues notamment dans le calcul du TEG, en présence d'une clause d'indexation sur le marché des devises, de l'emploi de la méthode de calcul de l'année lombarde.
Dès lors, faute pour la banque, qui se prévaut de la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt, de démontrer que l'emprunteur a connu l'erreur entachant le TEG avant le 30 novembre 2010, il convient de retenir la date du 17 février 2015 comme point de départ de la prescription quinquennale et partant dire que M. X. avait jusqu'en 2020 pour agir en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels. Son action engagée par acte d'huissier du 30 novembre 2015 est donc parfaitement recevable, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef. »
2/ « * Sur la recevabilité des demandes et moyens invoqués par M. X. : Selon les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. L'article 566 du même code énonce toutefois que les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.
En l'espèce, l'appelante fait valoir que M. X. a obtenu satisfaction devant le premier juge en ce qu'il a fait droit à sa demande de substitution du taux d'intérêt légal au jour du jugement au taux d'intérêt conventionnels et que les demandes tendant à voir déclarer nulles les clauses relatives au calcul du TEG sur 360 jours et à la prise en charge des risques de change qu'il formule devant la cour constituent des demandes nouvelles.
Le premier juge a déclaré nulle la stipulation d'intérêt conventionnel figurant dans l'offre préalable de prêt du 2 septembre 2005 et dit que le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la souscription du prêt y serait substitué, conformément aux demandes formées par M. X. Les demandes formulées par l'emprunteur, qui sollicite devant la cour aux termes de ses dernières écritures, que soient écartées comme étant réputées non écrites, les deux clauses contractuelles suscitées, sur le fondement de leur caractère abusif, constituent donc le complément des demandes formulées devant le premier juge tendant à la nullité de la stipulation d'intérêt et ne peuvent être considérées comme des demandes nouvelles.
Au surplus, ainsi que le soutient l'intimé, l'emprunteur non professionnel peut soulever le caractère abusif d'une clause contractuelle en tout état de cause, sans que cela ne constitue par ailleurs un moyen nouveau, le juge étant tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.
Il convient dès lors de déclarer recevables les demandes tendant à déclarer abusives les clauses relatives au calcul du TEG sur 360 jours et à la prise en charge des risques de change formulées par l'intimé devant la cour. »
2/ « * Sur l'irrégularité du TEG calculé sur l'année lombarde : Le taux annuel de l'intérêt se détermine par référence à l'année civile qui comporte 365 ou 366 jours et non par rapport à l'année bancaire qui en comporte seulement 360. En vertu de l'application combinée de l'article 1907, alinéa 2, du code civil et des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile. En outre, le rejet de l'année lombarde vaut aussi pour les prêts remboursables par mensualités.
En l'espèce, il résulte des conditions générales de l'offre de prêt au point 2.5 « Taux du prêt » que « les intérêts sont calculés sur le montant restant dû en capital du Prêt en devises et sur la base d'une année égale à 360 jours (sauf pour la Livre Sterling = 365 jours), conformément aux usages commerciaux ». Il résulte de l'examen de la clause contractuelle suscitée que l'organisme bancaire a intégré à l'offre de crédit un mode de calcul du taux annuel d'intérêt selon l'année lombarde et non l'année civile alors même que M. X. est profane en la matière. Contrairement à ce qu'allègue l'appelante et comme l'a justement relevé le premier juge, le caractère dérisoire du coût financier imposé à l'emprunteur (en l'occurrence, 412 CHF) est inopérant, les dispositions légales d'ordre public sanctionnant la simple irrégularité formelle. L'emploi par la banque de l'année lombarde dans le calcul du TEG aboutit à une hausse du coût du crédit pour l'emprunteur d'une part et ne permet pas d'informer pleinement ce dernier, ce qui risque de nuire à l'intégrité de son consentement. La sanction du recours à cette pratique est que M. X. peut exiger la répétition de la différence entre intérêts convenus et intérêts légaux, ce que lui a accordé le premier juge. Enfin, ainsi que l'a relevé le premier juge par des motifs pertinents que la cour adopte, l'appelante fait état devant la cour comme en première instance de jurisprudences relatives à la déchéance facultative des intérêts et à la libre appréciation du juge en matière de sanction effective concernant l'hypothèse d'une erreur sur le TEG, alors même qu'il s'agit en l'espèce de sanctionner la violation de règles d'ordre public dont le prêteur ne peut s'affranchir en matière de nullité de la stipulation d'intérêts.
Enfin, il n'y a pas lieu d'étudier le moyen tiré du caractère abusif de la clause contractuelle de stipulation d'intérêt soulevé par l'intimé, la nullité ayant été prononcée en amont.
Si M. X. soutient en cause d'appel que la sanction de substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel ne serait pas efficace et qu'elle relève de la libre appréciation du juge, comme rappelé ci-avant, la nullité de dispositions d'ordre public de stipulation d'intérêt est sanctionnée par la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel et constitue une sanction efficace prononcée à l'encontre de la banque en ce que le taux légal pris en compte est celui applicable au jour de la conclusion du prêt sans qu'il ne soit pris en compte ses évolutions sur la durée de vie du prêt.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle la stipulation d'intérêt conventionnel figurant dans l'offre préalable de prêt du 2 septembre 2005 et dit que le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la souscription du prêt y serait substitué et condamné la banque à la restitution des intérêts indûment perçus après imputation sur les intérêts légaux alors échus et subsidiairement sur le capital restant dû. »
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2018
- 5985 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Présentation générale
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 5985 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Présentation générale
- 6638 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Présentation générale
- 9744 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier – Année civile et lombarde