CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA VERSAILLES (1re ch. 1), 9 novembre 2018

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (1re ch. 1), 9 novembre 2018
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 17/02575
Date : 9/11/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/03/2017
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 7901

CA VERSAILLES (1re ch. 1), 9 novembre 2018 : RG n° 17/02575 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Sur la prescription : Considérant que la demande en paiement est fondée sur une facture émise le 15 mars 2011 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 137-2 du code de la consommation, désormais L. 218-2, l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux « consommateurs » se prescrit par deux ans ; Considérant que le bénéfice de cette prescription est réservé aux « consommateurs » ;

Considérant que la loi 2014-344 du 17 mars 2014 a défini le consommateur comme une personne physique ; que des directives européennes, transposées en droit français par ladite loi, ont également réservé la notion de consommateurs aux personnes physiques ; Mais considérant que ces dispositions sont postérieures à la convention conclue entre les parties ; que la définition du consommateur donnée par elles n'est donc pas applicable ;

Considérant qu'aucune disposition ne définissait antérieurement le consommateur ; Considérant, d'une part, que, dans sa version antérieure, le code de la consommation distinguait le consommateur du non professionnel ; Considérant qu'ainsi, l'article L. 136-1 énonçait expressément que ses dispositions étaient applicables « aux consommateurs et aux non-professionnels » ; Considérant qu'il ne peut donc s'évincer du caractère non professionnel d'une partie que celle-ci à la qualité de consommateur ; Considérant que la qualité de non professionnel du syndicat ne lui confère dès lors pas celle de consommateur ; Considérant, également, que le législateur a donc pris soin, lorsqu'il a décidé d'étendre les dispositions assurant la protection des consommateurs à des personnes morales, de préciser que celles-ci s'appliquaient aux non professionnels ; Considérant que l'article L. 137-2 ne contient pas une telle disposition ;

Considérant, d'autre part, que l'article L. 137-2 a pris la suite de l'article 2272 du code civil qui réservait le bénéfice de cette prescription aux « particuliers non marchands » ; Considérant que l'article 2272 ne visait donc que les « particuliers » ; qu'il ne résulte pas des travaux parlementaires que le législateur a entendu étendre le bénéfice de cette disposition à tous les non professionnels ; Considérant, par conséquent, que la qualité de consommateur, seul bénéficiaire de la prescription abrégée, est réservée aux personnes physiques ;Considérant que le syndicat des copropriétaires ne peut donc s'en prévaloir ;

Considérant que la demande de la société Engie a été introduite dans le délai de cinq ans prescrit par l'article 2224 du code civil ; qu'elle est dès lors recevable. »

2/ Sur le fond : Considérant que la société Engie justifie que le syndicat a été « sous facturé » depuis 2007 compte tenu de l'application d'un coefficient de pression inexact ;

Mais considérant que la société Engie était tenue par l'article L. 121-91 du code de la consommation alors applicable de procéder « au moins une fois par an » à une facturation « en fonction de l'énergie consommée » ; Considérant que cette obligation s'entend d'une facturation régulière ; qu'elle ne peut être contournée par l'envoi, plusieurs années après, d'une facture particulièrement importante en raison d'une faute commise lors de l'établissement de la facture annuelle « en fonction de l'énergie consommée » ; Considérant, en outre, que la société Engie doit s'assurer de la fiabilité des factures envoyées au syndicat ; que l'envoi pendant plusieurs années de factures erronées constitue donc un manquement de celle-ci à ses obligations ; Considérant que ce manquement à l'égard de son co-contractant est d'autant plus important que les factures prenaient en compte une pression de 21 mbar applicable à une maison individuelle alors qu'une pression de 300 mbar devait être prise en considération ;

Considérant que la société Engie est professionnelle ; qu'elle connaissait la pression moyenne applicable à une maison individuelle et celle applicable à une copropriété constituée de 56 appartements ; qu'elle était en mesure d'identifier l'erreur commise ;Considérant que la société Engie a donc manqué à ses obligations souscrites à l'égard du syndicat des copropriétaires ;

Considérant que le syndicat - qui a toujours réglé les factures qui lui étaient adressées - n'avait pas les compétences et la capacité pour constater l'anomalie qui, selon le médiateur national de l'énergie dans sa recommandation, amenait à une sous facturation de 27 % ; qu'aucune faute ne peut lui être utilement reprochée ;

Considérant que ce manquement a, comme l'a relevé le médiateur, empêché les habitants de l'immeuble d'apprécier la réalité de leur consommation et, le cas échéant, de l'adapter ; que le redressement mis en œuvre désorganisera la trésorerie du syndicat et des copropriétaires ; Considérant qu'il a donc eu d'importantes conséquences ; Considérant que cette carence de la société Engie dans l'exécution de ses obligations contractuelles justifie qu'en réparation du préjudice ainsi causé, sa demande formée à l'encontre du syndicat des copropriétaires au titre de la régularisation de sa consommation soit rejetée. »

3/ « Sur le recours à l'encontre de la société GRDF : Considérant que si la société Engie a manqué à ses obligations contractuelles, la société GRDF a manqué elle-même à ses obligations en sa qualité de gestionnaire du réseau de distribution ; Considérait qu'il lui appartenait en effet de déterminer, en application tant des dispositions réglementaires que des « conditions standard de livraison » convenues avec ses clients, exactement la quantité livrée et, donc, de s'assurer que le coefficient appliqué était juste ; Considérant qu'elle a commis une faute ; que celle-ci est, sous réserve des développements ci-dessous, la cause du préjudice subi par la société Engie en raison du rejet de sa demande de paiement ;

Considérant que la société Engie, victime, a également commis une faute en ne découvrant pas l'erreur de conversion commise alors qu'elle connaissait la pression moyenne applicable aux bâtiments collectifs ; Considérant que cette faute est à l'origine de son préjudice à hauteur de 30 % ; Considérant que le préjudice subi par elle est constitué par la perte des sommes dues par le syndicat ; Considérant que la société GRDF devra donc payer à la société Engie la somme de 18.991,39 euros outre intérêts légaux à compter de l'assignation qui lui a été délivrée soit le 23 avril 2014. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2018