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CA PARIS (15e ch. sect. B), 24 juin 2005

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (15e ch. sect. B), 24 juin 2005
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 15e ch. sect. B
Demande : 04/06974
Date : 24/06/2005
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 15/07/2002
Décision antérieure : TGI PARIS (5e ch. 1re sect.), 26 juin 2002
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 792

CA PARIS (15e ch. sect. B), 24 juin 2005 : RG n° 04/06974

Publication : Juris-Data n° 274908

 

Extrait : « Considérant que le contrat stipule que « si au cours d'un mois, les demandes d'arbitrage portant sur les parts ou actions d'un support excédaient 5 % de son capital, la date d'arbitrage de ce support pourrait être différée pour une durée maximum de 6 mois afin de préserver les intérêts de nos assurés » ; que Madame X. soulève la nullité et l'inopposabilité de cette clause en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Considérant que cette clause, qui fait suite dans le contrat à la clause de cours connu qui traite de la date de valeur, ne présente pas de caractère abusif, dès lors qu'elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, mais qu'elle est simplement destinée à planifier un nombre brutalement important de demandes d'arbitrages ; qu'il en résulte que ce seuil de 5 % doit être apprécié à partir de la somme totale des arbitrages effectués par l'ensemble des souscripteurs sur un même support, cette disposition étant manifestement modératrice des effets de la clause de cours connu ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

QUINZIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 24 JUIN 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 04/06974. Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 juin 2002 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 2000/18027.

 

APPELANTE :

SA CIE AVIVA VIE anciennement dénommée CIE ABEILLE VIE

prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège [adresse] représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour, assistée de Maître Bruno QUINT, de la SCP GRANRUT, avocat au barreau de PARIS, Toque : P 14

 

INTIMÉE :

Madame X.

Demeurant [adresse] représentée par la SCP NARRAT - PEYTAVI, avoués à la Cour, assistée de Maître Nicolas LECOC-VALLON, avocat au barreau de PARIS, toque : L. 187

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2005, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Claire DAVID, conseiller faisant fonction de président, et Madame Evelyne DELBES, conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Claire DAVID, conseiller faisant fonction de président, Madame Evelyne DELBES, conseiller, Monsieur Louis DABOSVILLE, conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PALOQUE.

[minute page 2] ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par Madame Claire DAVID, conseiller faisant fonction de président - signé par Madame Claire DAVID, conseiller faisant fonction de président et par Madame Violaine PALOQUE, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les 28 avril 1995 et 4 avril 1997, Mme X. a souscrit auprès de la Compagnie Abeille Vie deux contrats d'assurance sur la vie multi-supports, intitulé « SELECTION INTERNATIONAL », permettant des versements libres, l'investissement du capital reposant sur des parts ou actions de supports financiers, acquis et gérés par Abeille Vie, ces contrats ayant la particularité d'autoriser l'arbitrage à cours connu.

La liste des supports éligibles était annexée au contrat.

Mme X. a versé sur chacun de ces contrats les sommes de 20.000 francs et de 92.178 francs et a effectué des versements ultérieurs, portant le capital du premier contrat à 869.688 francs et le capital du second contrat à 458.119 francs.

Mme X. a effectué des arbitrages dans le cadre de ces contrats.

Reprochant à Abeille Vie d'avoir modifié la liste des supports et d'avoir dénaturé le contrat, Mme X. a saisi, par assignation du 6 juin 2000, le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 26 juin 2002, a :

- dit Mme X. recevable en ses prétentions, à l'exception de celles relatives à l'application de la clause de 5 % antérieures au 16 juin 1998,

- débouté Mme X. de sa demande visant au prononcé de la nullité ou de l'inopposabilité de la clause de 5 %,

- dit que Mme X. pourra bénéficier de tous les supports proposés par l'avenant qui lui fut soumis selon correspondance en date du 16 juin 1998 ou de leurs équivalents et que la Compagnie sera redevable en cas de non-exécution d'une astreinte de 2.500 € par manquement constaté,

- ordonné une mesure d'expertise, aux fins de proposer une évaluation de la perte de chance subie éventuellement par Mme X.

La Compagnie Abeille Vie a interjeté appel de cette décision le 5 juillet 2002.

Par ordonnance du 19 mars 2004, le conseiller de la mise en état a prononcé le retrait de l'affaire du rôle général de la Cour, à la demande des deux parties.

L'affaire a été remise au rôle par conclusions déposées par Mme X. le 13 avril 2004.

La SA Aviva Vie, anciennement dénommée Abeille Vie, dans des dernières écritures du 22 avril 2005, demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement,

- de dire prescrites les demandes de Mme X.,

- de constater qu'elle a procédé à une parfaite exécution des contrats de Mme X.,

- de la condamner à lui verser la somme de 12.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

[minute page 3]

Mme X. dans des dernières conclusions signifiées le 21 avril 2005, demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les demandes n'étaient pas prescrites,

- de dire que son recours n'est pas prescrit pour les raisons suivantes :

* aux termes de l’article L. 114-1 du Code des assurances, seules les « actions dérivant d'un contrat d'assurance » sont prescrites par deux ans,

* subsidiairement, l'assureur est déchu de son droit de se prévaloir de la prescription biennale, compte tenu de son comportement blâmable,

* subsidiairement, l'assureur ne peut invoquer les dispositions de l’article L. 114-1 du Code des assurances, faute de stipulation dans ses conditions générales,

* subsidiairement, si l'article L. 114-1 s'applique, la prescription est en l'espèce de dix ans,

* subsidiairement, le point de départ de la prescription correspond au décès de l'assuré,

* subsidiairement, l'Abeille Vie a renoncé à se prévaloir de la prescription, compte tenu des accords intervenus avec d'autres assurés,

- si par impossible, la Cour devait dire que la prescription biennale est applicable en l'espèce, elle jugera que celle-ci n'a pas commencé à courir et n'était pas acquise au jour de la délivrance de l'assignation,

- à titre infiniment subsidiaire, l'action n'est pas prescrite en ce qui concerne les supports offerts à l'arbitrage postérieurement au 6 juin 2000,

- de dire que la Compagnie a illégalement supprimé les supports,

- de la condamner sous astreinte de 30.000 € par semaine de retard à rétablir l'intégralité des supports dont elle bénéficiait, à savoir :

* VICTOIRE ACTIONS EURO (FCP d'actions internationales)

* VICTOIRE AMÉRIQUE (FCP d'actions internationales à dominantes actions Amérique du Nord)

* VICTOIRE EUROPE (ex VICTOIRE VALEURS) (SICAV d'actions européennes)

* FONDS DE CROISSANCE AMÉRICAIN (FCP d'actions américaines de croissance)

* FONDS DE PAYS EMERGENTS (FCP d'actions de sociétés implantées dans les pays émergents)

* FONDS OR (fonds d'actions indexées sur l'or)

* VICTOIRE ASIE (actions et obligations asiatiques)

* VICTOIRE JAPON (actions et obligations japonaises)

* VICTOIRE FRANCE OPPORTUNITE (ex CROISSANCE ACTIONS) (SICAV actions françaises)

* VICTOIRE FRANCE (actions françaises)

* VICTOIRE SIRIUS (SICAV diversifiée comprenant des actions obligations françaises et étrangères)

* CROISSANCE BRITANNIA D (actions britanniques)

* VICTORIEL (SICAV/FCP VICTOIRE +OPCVM extérieurs)

y ajoutant,

- de dire que Mme X. pourra bénéficier de tous supports nouveaux rajoutés sur le contrat en cause par la Compagnie depuis le 6 juin 2000, ou tout support équivalent jusqu'à l'arrivée du terme de son contrat, correspondant notamment à la liste suivante :

* VICTOIRE AMÉRIQUE

* VICTOIRE ACTIONS EURO

* VICTOIRE ACTIONS INTERNATIONALES

* VICTOIRE VALEURS FRANCAISES

* VICTOIRE DÉVELOPPEMENT

* [minute page 4] SICAV EUROSOCIETALE

* VICTOIRE PATRIMOINE (SICAV diversifiée actions et obligations)

* VICTOIRE PERFORMANCE (FCP diversifié actions et obligations)

* VICTOIRE SIRIUS (SICAV diversifiée actions et obligations)

* CSEF GLOBAL FOOD (SICAV luxembourgeoise actions internationales)

* CSEF GLOBAL FINANCIALS (SICAV luxembourgeoises actions internationales)

* FF INDUSTRIALS FOUND (SICAV luxembourgeoise actions internationales)

* SAINT HONORE TECNO MEDIA (SICAV actions internationales)

* VICTOIRE EUROPE (SICAV diversifiée à dominante actions européennes)

- de dire que cette demande n'est pas nouvelle,

- d'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a dit que la réduction importante du nombre et de la diversité des supports a fait perdre à Mme X. une chance de réaliser des plus-values supérieures à celles qu'elle a effectivement obtenues,

- de dire que son préjudice n'est pas une perte de chance, mais un dommage certain correspondant à la non prise en compte par l'assureur des arbitrages effectivement réalisés sur les contrats en cause à cours connu,

- de dire qu'il a subi un préjudice allant du 1er janvier 1998 au jugement entrepris,

- de confirmer la désignation de l'expertise, tout en précisant que sa mission ne saurait consister dans l'évaluation d'une perte de chance, mais dans la reconstitution d'un préjudice certain en l'absence de tout aléa dans le cadre du fonctionnement de la clause d'arbitrage à cours connu,

- de dire que la clause des 5 % est nulle ou inopposable,

subsidiairement,

- de dire qu'elle ne concerne que les ordres d'arbitrage donnés sur une période d'une semaine par les seuls souscripteurs du contrat dès lors que la dite clause ne précise pas que d'autres assurés, souscripteurs de contrats différents, peuvent être pris en compte dans son calcul,

- de condamner la Compagnie à lui verser 12.200 € H.T. au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CELA ÉTANT EXPOSÉ,

LA COUR :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Considérant que la société Aviva Vie soulève la prescription biennale de l'action, ce à quoi Mme X. réplique que la prescription qui s'attache à son action est décennale ;

Considérant que Mme X. soutient, en premier lieu, que son action ne dérive pas du contrat d'assurance, mais repose sur l'article 1134 du Code civil, puisqu'elle reproche à la société d'avoir unilatéralement modifié le contrat en supprimant des supports litigieux, la privant de la possibilité d'arbitrer sur les supports financiers disparus ;

Mais considérant, d'une part, que l'action est exercée par le souscripteur du contrat et, d'autre part, que ladite action est née à l'occasion de l'exécution du contrat ; qu'il en résulte que l'action, qui porte sur des stipulations contractuelles, dérive du contrat d'assurance ;

Que cette action est ainsi soumise aux prescriptions de l'article L. 114-1 du Code des assurances qui sont d'ordre public et qui ne peuvent être modifiées par convention ;

[minute page 5] Considérant que Mme X. expose, en second lieu, qu'à supposer l'article L. 114-1 du Code des assurances applicable, le litige est soumis à la prescription décennale de l'alinéa 6 de ce texte qui dispose que « la prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance-vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur » ;

Que tel est le cas en l'espèce, Mme X. ayant désigné ses enfants comme bénéficiaires ;

Considérant que cette disposition, issue de la loi du 31 décembre 1989, ne nécessite aucune interprétation littérale ; qu'en conséquence, le sens de la loi, tel qu'il résulte de sa rédaction, n'étant ni obscur, ni ambigu, doit être tenu pour certain ; que la Compagnie Aviva Vie ne peut donc pas être suivie par la Cour, lorsqu'elle lui demande de se référer aux travaux préparatoires et de rechercher la volonté du législateur en-dehors de la formule de la loi, dès lors que sa rédaction est claire et précise ;

Considérant que l'action de Mme X. relève donc de la prescription décennale édictée par l'article L. 114-1 du Code des assurances ; que la fin de non-recevoir tirée de la prescription doit dès lors être rejetée ;

 

Sur le fond :

Considérant que la clause du contrat prévoyant expressément que « la liste et le nombre des supports sont susceptibles d'évoluer » n'est entachée d'aucune irrégularité ; qu'en revanche, son utilisation peut être abusive, si elle conduit à modifier le contrat au point de le dénaturer ; qu'elle ne constitue pas une condition potestative, comme le prétend Mme X., dès lors qu'elle ne fait pas en elle-même dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de la compagnie de faire arriver ou d' empêcher ; que la référence faite par Mme X. à une autre clause contractuelle visant la force majeure, recouvre le cas de disparition d'un support qui oblige alors la Compagnie à le remplacer par un support de même nature, circonstance qui n'est pas invoquée par la Compagnie dans le présent litige ; qu'enfin, contrairement à ce que prétend Mme X., les dispositions de l'article R. 131-1 du Code des assurances ne sont pas applicables, dès lors qu'elles concernent les cas de disparition des unités de compte, ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce ;

Considérant que des supports diversifiés, dont la majeure partie était composée d'actions, et spécialement d'actions étrangères, ont été proposés à Mme X. lors de la souscription du contrat ; que les supports éligibles sont passés dans le courant de l'année 1997 de 21 à 26 ; que la Compagnie a ensuite supprimé ou déclaré inéligibles les supports composés d'actions les 20 novembre 1997, 1er janvier 1998 et 1er juillet 1998, pour faire passer la liste des supports éligibles à 8 et pour les remplacer par des supports obligataires ou à forte dominante obligataire ;

Considérant qu'Aviva Vie justifie la modification de la liste des supports par l'exigence de protection de l'intérêt de la collectivité des assurés et par l'évolution des supports à la suite de la crise du marché boursier asiatique de 1997 qui les rendait très volatiles ; qu'elle en conclut que les supports ayant perdu leur caractère de stabilité qui avait justifié leur sélection à l'origine, elle a été dans l'obligation de proposer des nouveaux supports, pour assurer notamment la protection des assurés qui n'arbitrent que rarement et qui subissent les variations brutales des cours, comme elle y est tenue en vertu de l'article L. 131-1, alinéa 2 du Code des assurances ;

Mais considérant que le risque de volatilité ne saurait à lui seul être retenu pour justifier la suppression des supports dans un but de protection des assurés ;

[minute page 6] Qu'en effet, d'une part, la clause de cours connu permet de conjurer ce risque en quittant un support à la cotation de la semaine qui précède en cas de baisse brutale des marchés ; que si Aviva Vie invoque l'article L. 131-1 du Code des assurances pour expliquer qu'elle n'a fait que respecter son obligation de protection des assurés afin de leur garantir l'équilibre nécessaire du contrat et le devoir de prudence qui lui incombe, force est de rappeler que l'arbitrage à cours connu est à lui seul un mécanisme de protection de cette épargne pour le souscripteur qui l'utilise à bon escient ;

Que d'autre part, si l'objectif d'Aviva Vie d'assister les assurés qui n'arbitrent que très rarement était parfaitement légitime, le moyen employé pour l'atteindre était inadapté et disproportionné, dès lors qu'il touchait indistinctement tous les assurés, qu'ils arbitrent régulièrement ou non ; qu'elle expose que la majorité des assurés n'arbitrent qu'une fois par an ; qu'elle aurait donc pu prendre des mesures appropriées à l'égard de ceux-ci, en maintenant pour les assurés qui arbitrent souvent la possibilité de continuer à le faire sur les supports spéculatifs qu'ils avaient choisis ;

Considérant que les changements d'orientation du contrat de Mme X. ne sont pas contestés par Aviva Vie qui reconnaît « avoir décidé de rendre inéligibles tous les supports dont la volatilité extrême les rendait incompatibles avec un contrat d'assurance-vie (...) et de rendre inéligibles les 8 autres supports qui, bien que compatibles avec un contrat d'assurance-vie car n'étant pas extrêmement volatiles, sont apparus toutefois, compte-tenu du comportement de certains souscripteurs, incompatibles avec la possibilité d'arbitrer à cours connu. » ; qu'elle se réfère dans ce dernier cas au fait que certains souscripteurs ont « dévoyé la clause de cours connu » et n'ont pas respecté le principe de loyauté attaché à l'exécution de tout contrat ;

Mais considérant que les documents présentant le contrat autorisent la recherche de profit par le souscripteur ;

Qu'ainsi, les conditions générales du contrat proposent aux souscripteurs d'effectuer des arbitrages entre les différents supports proposés « si vous souhaitez adapter vos choix d'investissement à vos objectifs et à l'évolution de l'environnement économique et financier », la fiche de présentation du contrat insiste sur le fait que le contrat « est à la carte et permet une « gestion personnalisée et dynamique » ; que le guide pratique expose que « l'arbitrage constitue une liberté et une sécurité précieuses... les plus-values réalisées lors des changements de supports sont exonérées d'impôt ;

Considérant, en tout état de cause, qu'il n'est pas soutenu que Mme X. aurait elle-même « dévoyé » la clause d'arbitrage à cours connu ;

Et considérant que la nouvelle politique de la Compagnie, qui a proposé ultérieurement à ses assurés des contrat dits VIE UNIVERSELLE qui n'offrent plus la possibilité d'arbitrer à cours connu, n'est pas opposable à Mme X. qui a signé en connaissance de cause le contrat qui lui offrait la possibilité d'arbitrer sans risque, comme cela était expressément autorisé dans les plaquettes publicitaires qui vantaient les performances des supports attachés au contrat et permettaient aux assurés de « bénéficier d'une grande diversité de supports, des plus sûrs aux plus spéculatifs que vous panachez à votre guise en fonction de votre objectif et de votre personnalité » ;

Considérant qu'en application du principe de la force obligatoire du contrat, il n'est pas possible de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties, et que la Compagnie Aviva Vie ne démontre pas la survenance d'un élément, imprévisible au moment de la conclusion du contrat, qui serait intervenu en cours d'exécution du contrat ; qu' il ne peut être raisonnablement soutenu par la Compagnie que « l'objet essentiel du contrat souscrit par Mme X. n'est pas la possibilité d'arbitrer, mais bien la souscription d'un contrat d'assurance-vie, dont l'arbitrage n'est pas une des clauses essentielles » et que même si la liste des supports a diminué, elle continue à permettre aux souscripteurs d'arbitrer vers des supports variés et mieux adaptés aux objectifs d'épargne à long terme ;

[minute page 7] Considérant en effet qu'une des spécificités essentielles du contrat étant l'arbitrage à cours connu sur une liste de supports qui présentaient un caractère fortement spéculatif, il n'est pas contestable que cette possibilité est fortement réduite en raison de la nature des nouveaux supports ; que l'argument selon lequel les supports de remplacement sont mieux adaptés aux objectifs d'épargne à long terme est indifférent, dès lors que la Compagnie a sciemment fait perdre tout intérêt à la clause d'arbitrage à cours connu ;

Considérant qu'en remplaçant les supports spéculatifs par des supports obligataires ou à forte dominante obligataire, la Compagnie Aviva Vie a donc fait une application abusive de la clause et a dénaturé unilatéralement la spécificité du contrat, en modifiant substantiellement le caractère des supports éligibles ;

Considérant que le contrat stipule que « si au cours d'un mois, les demandes d'arbitrage portant sur les parts ou actions d'un support excédaient 5 % de son capital, la date d'arbitrage de ce support pourrait être différée pour une durée maximum de 6 mois afin de préserver les intérêts de nos assurés » ; que Madame X. soulève la nullité et l'inopposabilité de cette clause en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Considérant que cette clause, qui fait suite dans le contrat à la clause de cours connu qui traite de la date de valeur, ne présente pas de caractère abusif, dès lors qu'elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, mais qu'elle est simplement destinée à planifier un nombre brutalement important de demandes d'arbitrages ; qu'il en résulte que ce seuil de 5 % doit être apprécié à partir de la somme totale des arbitrages effectués par l'ensemble des souscripteurs sur un même support, cette disposition étant manifestement modératrice des effets de la clause de cours connu ;

Qu'enfin, si Mme X. demande subsidiairement que cette clause ne soit appliquée qu'à partir d'un calcul hebdomadaire et non mensuel des arbitrages, cette demande est incompatible avec le contrat qui prévoit expressément une évaluation mensuelle des demandes d'arbitrage ;

Que la demande doit être rejetée ; que de même, il n'y a pas lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à l'expert de vérifier les modalités d'application de la règle de la clause des 5 %, Mme X. n'apportant aucun élément permettant d'estimer que cette règle a reçu une mauvaise application de la part de la Compagnie ;

Considérant, s'agissant du préjudice, que Mme X. demande, d'une part, que soient rétablis sous astreinte tous les supports dont elle bénéficiait à l'origine du contrat, ou des supports équivalents et que soient annexés tous les supports nouveaux rajoutés ultérieurement sur le contrat SELECTION INTERNATIONAL, et d'autre part, qu'une expertise soit ordonnée aux fins de chiffrer le préjudice qu'elle a subi à la suite de la suppression des supports pour la période allant du 1er janvier 1998 au jugement entrepris ;

Considérant que le préjudice de Mme X. résulte, comme il vient d'être analysé, de l'abus commis par la société Aviva Vie dans la suppression de tous les supports spéculatifs, la possibilité de changer ou de supprimer certains supports sans dénaturer le contrat restant à la disposition de la Compagnie ;

Mais considérant que la Cour n'est pas en mesure d'apprécier à partir de combien de supports, comportant les principales caractéristiques des unités de comptes choisies à l'origine par Mme X., l'économie du contrat sera rétablie ;

Que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a ordonné sous astreinte le rétablissement des supports initiaux ;

[minute page 8] Considérant qu'il convient d'ordonner une mesure d'expertise aux fins de demander à l'expert de fournir tous éléments techniques permettant de déterminer le nombre minimum et la liste des supports que la Compagnie devra laisser subsister afin de redonner à la clause d'arbitrage à cours connu son efficacité, telle qu'elle était conçue lors de la souscription du contrat ;

Considérant que le préjudice subi dans le passé par Mme X. à la suite de la disparition des supports spéculatifs ne peut être que la perte d'une chance de ne pas avoir pu arbitrer comme elle avait l'habitude de le faire avant cette disparition ; que son préjudice ne peut pas s'analyser en un préjudice certain, dès lors qu'il ne peut être tenu pour acquis que Mme X. aurait continué à arbitrer avec la même fréquence ;

Qu'il sera ainsi demandé à l'expert de chiffrer la perte subie par Mme X. à partir du 1er janvier 1998, date de suppression des premiers supports, jusqu'au jugement déféré, comme cela est demandé, en tenant compte de ses habitudes d'arbitrage précédentes, ce calcul devant mettre à la disposition de la Cour des éléments qui lui permettront alors d'apprécier la perte de chance subie par Mme X. ;

Considérant que la provision sur honoraires de l'expert est mise à la charge de Mme X. à hauteur de la somme de 8.000 € ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription,

Confirme le jugement entrepris, excepté en ce qu'il a ordonné le rétablissement des supports sous astreinte,

Sursoit à statuer sur le préjudice subi par Mme X.,

Ordonne une mesure d'expertise, modifiant la mission définie par le jugement déféré,

Désigne M. Y., [adresse] en qualité d'expert, avec mission d'entendre les parties, de se faire communiquer tous documents utiles, aux fins

- de fournir tous éléments techniques permettant de déterminer le nombre minimum et la liste des supports que la Compagnie devra rétablir afin que les principales caractéristiques des unités de compte choisies par Mme X. lors de la souscription du contrat subsistent et pour que la clause d'arbitrage à cours connu retrouve son efficacité, telle qu'elle était prévue à l'origine du contrat,

- de fournir à la Cour tous éléments permettant de déterminer la perte de chance de n'avoir pu arbitrer qui a été subie par Mme X. du 1er janvier 1998 jusqu'au jugement entrepris, en tenant compte de ses habitudes d'arbitrage antérieures à la suppression,

Fixe la provision sur honoraires de l'expert à la somme de 8.000 € qui sera consignée par Mme X. auprès du Régisseur de cette Cour dans le délai de deux mois à compter de la présente décision, à peine de caducité de la désignation de l'expert,

[minute page 9] Dit que le rapport, en double exemplaire, devra être déposé par l'expert dans les 6 mois de sa saisine au service de la mise en état de la 15ème chambre,

Réserve les dépens.