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CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 16 mai 2019

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 16 mai 2019
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 1
Demande : 18/00502
Décision : 19/547
Date : 16/05/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 547
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7951

CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 16 mai 2019 : RG n° 18/00502 ; arrêt n° 19/547 

Publication : Jurica

 

Extrait (rappel des faits) : « Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que selon une offre préalable émise et acceptée le 14 janvier 2013, la société CA Consumer Finance a consenti à Monsieur X. et Madame X. un crédit d'un montant de 18.000 euros, affecté à la vente d'un véhicule automobile de marque Fiat Scudo, ce crédit étant remboursable par soixante-douze mensualités successives de 339,78 euros chacune avec assurance, incluant des intérêts au taux nominal fixe de 6,5 % l'an ;

Que les emprunteurs s'étant montrés défaillants dans le remboursement de ce crédit, la société CA Consumer Finance, par deux lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 21 janvier 2015 dont Monsieur X. et Madame X. lui ont, chacun, accusé réception le 27 janvier suivant, a notifié aux intéressés la déchéance du terme du concours ainsi consenti et les a mis en demeure de lui régler sans délai la somme de 18.601,77 euros au titre du solde restant dû avant, par un acte du 10 mars 2012, de les assigner en paiement devant le tribunal d'instance de Valenciennes qui a rendu le jugement déféré ».

Extrait (motifs) : « Attendu, sur la demande relative à la clause abusive, que selon l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible ;

Attendu par ailleurs que selon l'article L. 311-8, devenu L. 312-14 du code de la consommation, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 311-6, devenu L. 312-12 ; qu'il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement ; que ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur ; que lorsque le crédit est proposé sur un lieu de vente, le prêteur veille à ce que l'emprunteur reçoive ces explications de manière complète et appropriée sur le lieu même de la vente, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges ;

Attendu que pour prétendre au caractère abusif de la clause du contrat selon laquelle elle reconnaît « avoir reçu et pris connaissance de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, avoir renseigné et signé la fiche de dialogue, être en possession, en avoir pris connaissance et accepté les termes du contrat de crédit doté d'un formulaire détachable de rétractation et de la notice d'information des contrats collectifs d'assurance souscrits par le prêteur », Madame X. fait valoir que, par sa rédaction abstraite et générale, cette clause ne permet pas d'apprécier le caractère personnalisé des explications fournies à l'emprunteur concernant les conséquences du crédit sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement ;

Qu'elle se fonde à cet égard sur un arrêt du 18 décembre 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne qui a dit que la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs s'oppose à ce que, en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 ;

Qu'elle se prévaut également d'un avis du 7 mai 2013 de la Commission des clauses abusives qui a considéré que la clause ainsi rédigée « Je/Nous soussigné(e)(s)(ées) reconnais/(sons)avoir (…) obtenu les explications nécessaires sur les caractéristiques du crédit qui correspondent à mes/nos besoins et déclare/(ons) accepter les termes du présent contrat de crédit » présente un caractère abusif, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, en ce que, par sa rédaction abstraite et générale, elle ne permet pas d'apprécier le caractère personnalisé des explications fournies à l'emprunteur concernant les conséquences du crédit sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement ;

Mais attendu que si le prêteur ne saurait, par l'aménagement dans le contrat d'une clause générale et abstraite, qui ne rend pas suffisamment compte d'une connaissance effective de l'information fournie, se préconstituer la preuve, en toutes circonstances et même dans l'éventualité d'un manquement de sa part, de la bonne exécution du devoir d'explication qui lui incombe en vertu de l'article L. 311-8, devenu L. 312-14 précité du code de la consommation, la clause litigieuse se borne en l'espèce à attester, d'une part, de la remise par le prêteur à l'emprunteur, qui reconnaît en rester en possession et en avoir pris connaissance, de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées mentionnée à l'article L. 311-6, devenu L. 312-12, d'un exemplaire de l'offre doté d'un formulaire de rétractation et de la notice prescrite à l'article L. 311-19, devenu L. 312-29 en cas de proposition d'assurance assortissant l'offre préalable, et à certifier, d'autre part, que la fiche de dialogue mentionnée à l'article L. 311-10, devenu L. 312-17 du code de la consommation a été renseignée et signée par l'emprunteur ;

Qu'ainsi rédigée, cette clause, qui ne comporte aucune reconnaissance par l'emprunteur de ce que le prêteur aurait satisfait au devoir d'explication qui lui incombe en vertu de l'article L. 311-8, devenu L. 312-14 du code de la consommation, n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties contractantes au détriment du consommateur, le jugement étant en cela confirmé ;

Attendu ensuite que Madame X. ayant apposé sa signature sous la mention par laquelle elle déclare avoir pris connaissance et accepté les termes du contrat de crédit dont les conditions particulières figurent sur la même page, elle ne saurait valablement prétendre que le contrat de crédit litigieux lui serait inopposable au motif qu'elle n'en aurait pas signé les conditions générales alors que, d'une part, il n'existe aucune obligation légale à cet égard et que, d'autre part, l'espace resté vierge, dont elle prétend qu'il serait dédié à la signature du co-emprunteur « des conditions générales », ne concerne en réalité que l'adhésion de l'emprunteur ou du co-emprunteur à l'assurance de groupe à laquelle Madame X. n'a donc pas adhéré ;

Attendu en revanche que pour prétendre qu'elle a satisfait au devoir d'explication mis à sa charge par l'article L. 311-8, devenu L. 312-14 du code de la consommation, la société CA Consumer Finance se borne à produire la fiche d'information standardisée prévue à l'article L. 311-6, devenu L. 312-12 du code de la consommation que Madame X. s'est vu remettre à l'occasion de la souscription du crédit litigieux ; que si l'examen de cette fiche, au moyen de laquelle l'intéressée a pu comparer les différentes offres et appréhender, compte tenu de ses préférences, l'étendue de son engagement, permet à la cour de vérifier que les informations prévues à l'article R. 311-3 de ce même code, dans sa rédaction alors applicable, issue du décret n° 2012-1159 du 17 octobre 2012, ainsi que la mention visée au dernier alinéa de l'article L. 311-5 ancien y figurent, il ne ressort d'aucun élément du dossier que la remise de cette fiche ait été accompagnée d'explications permettant à Madame X. de déterminer si le contrat de crédit qui lui était proposé était ou non adapté à ses besoins et à sa situation financière ni davantage que son attention ait été attirée sur les caractéristiques essentielles du crédit ainsi proposé et sur les conséquences que ce crédit pouvait avoir sur sa situation financière, notamment en cas de défaut de paiement ;

Qu'il suit que si la société CA Consumer Finance établit avoir satisfait à l'égard de Madame X. à l'obligation d'informations précontractuelles prévue à l'article L. 311-6, devenu L. 312-12 du code de la consommation, elle ne rapporte en revanche pas la preuve qui lui incombe qu'elle s'est également livrée au devoir d'explication auquel elle était tenue envers elle en vertu de l'article L. 311-8, devenu L. 312-14 précité de ce même code ;

Attendu, sur la sanction applicable, que Madame X. fait valoir qu'en raison du manquement du prêteur à son devoir d'explication et de mise en garde, elle n'a pas été mise dans les dispositions optimales pour conclure le contrat en pleine connaissance de cause ; que la société CA Consumer Finance a accordé le crédit alors même qu'elle avait déclaré dans la fiche de dialogue qu'elle était sans emploi ni ressources de sorte que l'établissement de crédit ne pouvait ignorer qu'en cas de défaillance de Monsieur X. dans le remboursement du crédit litigieux, elle ne pourrait assumer seule la charge du crédit ainsi souscrit ; que les emprunteurs vivant en concubinage, il appartenait au prêteur, en l'absence d'une « communauté financière », d'analyser la situation des parties au contrat de manière distincte et donc de lui refuser l'octroi d'un quelconque crédit en raison de l'endettement excessif que sa souscription aurait eu pour conséquence d'engendrer sur son passif ; qu'elle observe enfin que le véhicule financé était au nom de Monsieur X. sur le compte bancaire duquel étaient prélevées les mensualités de remboursement du crédit litigieux ; qu'elle en déduit que la société CA Consumer Finance doit être condamnée à lui verser, en réparation du préjudice résultant de son manquement au devoir d'explication et de mise en garde, une somme de 18.512,74 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2015 ; qu'elle doit, à défaut, être déchue de la totalité de son droit aux intérêts ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

HUITIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 16 MAI 2019