CA LYON (1re ch. A), 21 février 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7985
CA LYON (1re ch. A), 21 février 2019 : RG n° 17/03220
Publication : Jurica
Extrait : « Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants et sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance. La résiliation d'un contrat de fourniture ou de prestation de service entraîne la caducité du contrat de financement interdépendant, les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance étant réputées non écrites ; le locataire a la faculté de demander, par voie d'action comme par voie d'exception, en défense à une assignation du bailleur, la résiliation préalable du contrat de fourniture ou de prestation, à condition d'avoir mis en cause le fournisseur ou le prestataire, ou leur liquidateur, puis la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location, peu important que le bailleur ait fait application, au préalable, de la clause résolutoire stipulée dans ce dernier contrat.
À défaut en l'espèce d'avoir mis en cause à l'instance la société Idf solaire, fournisseur du matériel, et/ou d'avoir préalablement obtenu la résiliation du contrat de fourniture, la société Lin ne peut valablement solliciter la résiliation ou caducité subséquente du contrat de location financière conclu avec la société Locam. Elle ne peut donc qu'être déboutée en sa demande de ce chef.
Sa demande indemnitaire fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce ne peut être examinée par la cour d'appel de Lyon, seule la cour d'appel de Paris ayant le pouvoir en application de l'article D. 442-3 du même code de connaître des actions engagées au visa des dispositions légales susvisées ; la demande en paiement de la somme de 16.374 euros à titre de dommages-intérêts de la société Lin doit en conséquence être déclarée irrecevable. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/03220. N° Portalis DBVX - V - B7B - K75Q. Décision du tribunal de commerce de Saint-Étienne, 1ère chambre, Au fond, du 14 mars 2017 : RG n° 2017F00160.
APPELANTE :
SARL LIN
représentée par la SCP ELISABETH L. DE M. & LAURENT L. AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, assistée de la SELARL ANNICK D., avocat au barreau de la CHARENTE
INTIMÉE :
SAS LOCAM
représentée par la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Date de clôture de l'instruction : 9 janvier 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 janvier 2019
Date de mise à disposition : 21 février 2019
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Aude RACHOU, président - Françoise CLEMENT, conseiller - Vincent NICOLAS, conseiller, assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier. A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La société Lin a commandé auprès de la société Idf solaire la fourniture d'une batterie de condensation, financée par la conclusion d'un contrat de location financière conclu auprès de la société Locam, moyennant le versement de 60 loyers mensuels de 217 euros HT.
Le matériel a été livré le 20 mars 2015 selon procès-verbal de livraison et de conformité du même jour.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 octobre 2016, la société Locam a mis en demeure la société Lin d'avoir à lui régler 3 échéances impayées, lui indiquant qu'à défaut de règlement dans les 8 jours, la déchéance du terme interviendrait en application des dispositions contractuelles.
Par acte d'huissier du 16 décembre 2016, la société Locam a fait citer la société Lin devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne qui par jugement réputé contradictoire du 14 mars 2017 a condamné cette dernière au paiement de la somme de 11.873,84 euros et de celle de 1 euro à titre de clause pénale, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, rejetant la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon déclaration du 28 avril 2017, la société Lin a formé appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 novembre 2017 par la société Lin qui conclut à l'infirmation du jugement susvisé et demande à la cour de :
- prononcer la résolution du contrat de location,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer les sommes de 16.374 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les agissements du fournisseur et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 septembre 2017 par la société Locam qui conclut à la confirmation du jugement critiqué sauf en ce qu'il a réduit la clause pénale et fixé le point de départ des intérêts à la date de l'assignation et demande à la cour de :
- rejeter comme irrecevables les demandes indemnitaires formées par la société Lin sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce,
- débouter la société Lin de toutes ses demandes et la condamner à lui payer :
- la somme de 1.187,38 euros au titre de la clause pénale de 10 %,
- les intérêts au taux légal sur la somme principale de 13.061,22 euros à compter de la mise en demeure du 26 octobre 2016, avec capitalisation à compter de la demande du 28 septembre 2017,
- la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 9 janvier 2018.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS ET DÉCISION :
La société Lin soutient que l'inexécution du contrat passé avec le fournisseur qui n'est pas dans la cause n'est pas contestable alors même que les contrats de fourniture et de location sont interdépendants ; elle ajoute qu'elle a été trompée par l'attestation de non-conformité délivrée par un bureau de contrôle, la société Locam ayant agi pour la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce.
La société Locam fait valoir quant à elle que toute demande fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce relève de la cour d'appel de Paris, étant à titre surabondant relevé qu'aucun des déséquilibres invoqués n'est justifié ; elle ajoute que la société Lin n'a pas agi contre le fournisseur qu'elle n'a pas mis en cause dans la procédure, la privant de toute demande de résolution présentée à son encontre alors même qu'elle justifie elle-même du bien-fondé de sa créance.
Sur ce :
Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants et sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.
La résiliation d'un contrat de fourniture ou de prestation de service entraîne la caducité du contrat de financement interdépendant, les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance étant réputées non écrites ; le locataire a la faculté de demander, par voie d'action comme par voie d'exception, en défense à une assignation du bailleur, la résiliation préalable du contrat de fourniture ou de prestation, à condition d'avoir mis en cause le fournisseur ou le prestataire, ou leur liquidateur, puis la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location, peu important que le bailleur ait fait application, au préalable, de la clause résolutoire stipulée dans ce dernier contrat.
À défaut en l'espèce d'avoir mis en cause à l'instance la société Idf solaire, fournisseur du matériel, et/ou d'avoir préalablement obtenu la résiliation du contrat de fourniture, la société Lin ne peut valablement solliciter la résiliation ou caducité subséquente du contrat de location financière conclu avec la société Locam.
Elle ne peut donc qu'être déboutée en sa demande de ce chef.
Sa demande indemnitaire fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce ne peut être examinée par la cour d'appel de Lyon, seule la cour d'appel de Paris ayant le pouvoir en application de l'article D. 442-3 du même code de connaître des actions engagées au visa des dispositions légales susvisées ; la demande en paiement de la somme de 16.374 euros à titre de dommages-intérêts de la société Lin doit en conséquence être déclarée irrecevable.
La société Locam justifie avoir adressé une mise en demeure de paiement de 3 loyers impayés à la société Lin le 26 octobre 2016 ; faute de tout paiement, la déchéance du terme du contrat de location est donc intervenue conformément à la clause contractuelle prévue en ce sens et il convient de condamner cette dernière au paiement de la somme justement retenue par le premier juge à hauteur de 11.873,84 euros.
Il n'est pas démontré que la clause pénale de 10 % prévue au contrat des parties est manifestement excessive et réformant de ce chef le jugement critiqué, il convient de condamner la société Lin à payer à la société Locam une somme de 1.187,38 euros à ce titre.
Les intérêts au taux légal seront enfin appliqués sur la somme globale de 13.061,22 euros à compter de la mise en demeure du 26 octobre 2016.
L'équité et la situation économique des parties ne commandent enfin l'octroi d'aucune indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance comme en appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 14 mars 2017 par le tribunal de commerce de Saint-Etienne seulement en ce qu'il a condamné la société Lin à payer à la société Locam la somme de 11.873,84 euros et rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déclare irrecevable la demande en dommages-intérêts présentée par la société Lin en cause d'appel au visa de l'article L. 442-6 du code de commerce,
Réformant pour le surplus et y ajoutant,
Condamne la société Lin à payer à la société Locam la somme de 1.187,38 euros à titre de clause pénale,
Condamne la société Lin à payer les intérêts au taux légal sur les condamnations susvisées à compter du 26 octobre 2016, les dits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Lin aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6169 - Code de commerce (L. 442-6-I-2° C. com. ancien) - Domaine de la protection - Victime : partenaire commercial
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale
- 6392 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit postérieur aux arrêts de Chambre mixte