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CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 23 mai 2019

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 23 mai 2019
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 2
Demande : 17/09843
Décision : 2019-173
Date : 23/05/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 15/05/2017
Numéro de la décision : 173
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8041

CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 23 mai 2019 : RG n° 17/09843 ; arrêt n° 2019-173

Publication : Jurica

 

Extrait (rappel des faits) : « La société André Chenue spécialisée dans ce domaine, effectue régulièrement des prestations de transport, de logistique, de manutention et de déménagement pour le Musée Marmottan qui, avec sa bibliothèque, sont regroupés au sein de la Fondation Paul Marmottan, dénuée de personnalité juridique et placée sous l'égide de l'Académie des beaux-arts. Suivant devis en date du 16 juillet 2013, la société André Chenue s'est vue confier la manutention du Lustre aux musiciennes du rez-de-chaussée au premier étage du musée, cette prestation incluant sa dépose et son accrochage. Lors de ce déplacement, la sangle utilisée pour hisser le lustre jusqu'au plafond a cédé à quelques centimètres du plafond et le lustre est tombé, abîmant le parquet dans sa chute. Un récapitulatif des événements ainsi qu'un constat contradictoire des dommages ont été établis et si, la société André Chenue a admis le principe d'une indemnisation, elle a opposé à la demande de l'Académie des beaux-arts la clause de limitation de responsabilité figurant à l'article 6-3 de ses conditions générales. »

Extrait (motifs) : « Considérant que la société André Chenue oppose à sa cliente, l'Académie des beaux-arts, les dispositions suivantes de l'article 6-3 de ses conditions générales de vente :

En tout état de cause lorsque la responsabilité de la Société est engagée pour quelque cause que ce soit et à quelque titre que ce soit (« organisateur de transport et/ou emballeur ») elle est strictement limitée :

- pour les pertes ou dommages à la marchandise et pour toutes les conséquences pouvant en résulter, à 150 FFR / 23 Euros par kilo de poids brut pour chacun des objets compris dans l'envoi, avec un maximum de 4.500 FFR / 750 Euros par colis et en tout état de cause une limite de 50.000 FFR / 7.623 Euros par envoi, quels que soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur, sans que l'indemnité puise dépasser la valeur initiale de l'objet mobilier ni le préjudice réellement subi s'il est inférieur à cette limite,

- pour les envois expédiés en vrac, l'indemnité ne peut excéder 5 FFR le kilo de marchandise manquante ou avariée avec un maximum de 50.000 FFR / 7.623 Euros par envoi.

Il est convenu en outre que la responsabilité de la Société est limitée aux seuls dommages matériels, à l'exclusion de tout autre préjudice, notamment commercial et moral ;

Considérant qu'en application de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, les conditions générales de vente ne peuvent être invoquées à l'encontre d'une partie à un contrat que si celle-ci en a eu pleine et entière connaissance et qu'elle en a accepté le contenu avant de conclure le contrat et que, s'agissant de relations commerciales entre professionnels, cette acceptation peut découler, suivant les circonstances, de l'existence de relations d'affaires et notamment de la réception préalable de factures comprenant les conditions générales pour des commandes antérieures sans protestation de la part du professionnel ; que la preuve de l'acceptation des conditions générales par son client incombe à l'entreprise prestataire ;

Qu'avant la prestation de juillet 2013, la société André Chenue avait proposé ses services à l'Académie des beaux-arts selon des devis qu'elle produit et dont aucun ne fait référence et ne reproduit ses conditions générales ; que si la société André Chenue continue à affirmer dans ses conclusions que ses conditions générales figurent au verso de tous les documents commerciaux, bons de manutention, bordereaux de livraison et factures de la société (page 4 § 3), les copies des factures produites et remises à la cour (recto verso) ne contiennent aucune référence aux conditions générales, ni leur reproduction ; que la société André Chenue admet, désormais, que ces documents ne sont qu'une ré-impression des données de son système SAP, progiciel de gestion, et non l'original ou le duplicata des factures adressées à l'Académie des beaux-arts, qui pour certaines sont produites par l'Académie des beaux-arts et au verso desquelles ne figurent nullement les conditions générales de vente de la société André Chenue ;

Que les autres documents produits par la société André Chenue soit, selon la prestation en cause, le bon de manutention, le bon de livraison, le bon d'emballage ou le bon d'enlèvement et d'emballage, sont issus d'une liasse auto-carbonée comprenant quatre volets (de couleur distincte) dont aucun ne précise leur destinataire, ni même l'identification de leur signataire ; que seul le premier volet reproduit à son verso les conditions générales de vente de l'entreprise ; qu'il peut être déduit des mentions qui y figurent, tant pré-imprimées que manuscrites, que ces documents accompagnent les marchandises ou objets, livrés, déplacés ou/et accrochés, celui relatif à la manutention du Lustre des musiciennes précisant d'ailleurs, l'incident survenu et dans l'encadré instructions particulières, l'envoi d'une déclaration de sinistre ; qu'ils ne constituent nullement un document contractuel et que rien ne permet d'affirmer la remise systématique de son premier volet à une personne pouvant engager l'Académie des Arts ;

Que dès lors, en l'absence de preuve de la communication de ses conditions générales lors de l'envoi de ses devis et factures à l'occasion de prestations exécutées avant juillet 2013 et au constat que la société André Chenue échoue dans la démonstration d'une acceptation, par un représentant de l'Académie des beaux-arts, des conditions générales figurant au dos des documents accompagnant ses prestations, la clause de limitation de responsabilité y figurant est inopposable à l'Académie des beaux-arts ;

Considérant que la société André Chenue prétend également voir constater que les stipulations de ses conditions générales ne peuvent pas être, ainsi qu'il est jugé au dispositif du jugement déféré, déclarées abusives au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Que dès lors que l'Académie des beaux-arts, personne morale, a commandé la prestation litigieuse non dans le cadre de la gestion de son patrimoine mais à l'occasion de l'exploitation des œuvres dont elle est propriétaire, elle a la qualité de professionnel et elle ne peut pas se prévaloir de la protection accordée aux consommateur ou non-professionnel par les dispositions protectrices du code de la consommation relatives aux clauses abusives, que la décision déférée sera, par conséquent, infirmée en ce qu'elle déclare abusive la clause limitative de responsabilité des conditions générales de la société André Chenue ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 2

ARRÊT DU 23 MAI 2019