CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 18 janvier 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8063
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 18 janvier 2019 : RG n° 17/03011
Publication : Jurica
Extrait : « La société appelante soutient sur le fondement de l'article R. 131-2, 3° du Code de la consommation le caractère abusif d'une clause ayant pour objet ou pour effet d'imposer au non professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations, une indemnité d'un montant manifestement disproportionné.
Le caractère abusif d'une clause s'appréciant en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre, il résulte de l'examen du contrat souscrit que l'indemnité stipulée ne constitue pas une clause d'un montant manifestement disproportionné, dès lors que des remises sont accordées en contrepartie d'une souscription du contrat pour une durée de 36 mois et que la résiliation anticipée entraîne la perte pour Orange de la durée contractuelle et met à néant l'équilibre économique du contrat, de sorte que la demande d'annulation est rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 18 JANVIER 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/03011 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7B-B2T5W. Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 novembre 2016 - Tribunal de Commerce de Paris – R.G. n° 2015037207.
APPELANTE :
SARL R.
prise en la personne des représentants légaux, N° SIRET : […] (Reims), assistée de Maître Béatrice L. B., avocat au barreau de REIMS substitué par Maître Emmanuel N., avocat au barreau de PARIS, toque : C1647
INTIMÉE :
SA ORANGE
prise en la personne des représentants légaux,N° SIRET : YYY (Paris), assistée de Maître Marie-Claude R., avocat au barreau de PARIS, toque : C0299
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Présidente de chambre. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente de la chambre, Madame Françoise BEL, Présidente de chambre, Madame Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère.
Greffier, lors des débats : Madame Saoussen HAKIRI.
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente et par Madame Saoussen HAKIRI, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Le 17 octobre 2012, la société R. a souscrit un contrat d'abonnement Orange Business Open Pro mobilité entreprise qui regroupe trois services, la téléphonie fixe, la téléphonie mobile et l'accès internet avec la fourniture du matériel mobile.
R. a également signé le même jour une « demande de transfert vers l'Offre Mobilité Entreprise » pour le transfert de son ancien contrat France Telecom Orange vers le nouveau contrat souscrit.
R. a reçu des factures d'Orange Business et des factures de France Telecom Orange pour la même ligne fixe et n'a pas obtenu la régularisation de la facturation. Elle a rompu le contrat en avril 2013, de manière anticipée et a conclu avec un autre opérateur.
Orange a facturé les indemnités de résiliation en application des conditions générales de vente.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 février 2014, R. a demandé l'annulation des factures qu'elle estimait injustifiées et indues au titre d'indemnité de résiliation et pénalités de résiliation, dont une facture de 2.778,89 euros qui a été prélevée. Orange n'a pas fait droit à la demande de R.
Par assignation en date du 5 septembre 2014, R. a fait délivrer assignation à la société Orange devant le tribunal d'instance de Reims. Par jugement en date du 26 mars 2015, le tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.
La société R. a demandé la condamnation de la société Orange à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts, à lui rembourser la somme de 2.778,89 euros prélevée au titre de frais de résiliation anticipée, a sollicité l'annulation de la facture de frais de résiliation anticipée d'un montant de 3.280,444 euros.
Par jugement contradictoire rendu en date du 9 novembre 2016 assorti du bénéfice de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société R. de toute ses demandes, l'a condamnée à payer à la société Orange la somme de 1.954,53 euros majorée des intérêts à compter du 16 février 2016 et la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée aux dépens.
Le tribunal a jugé que R. avait pris l'initiative de rompre unilatéralement le contrat en avril 2013 sans en avoir préalablement informé Orange, prenant le problème de facturation et l'absence de réponse Orange comme un manquement grave de sa part et que les circonstances ne sont pas de nature à caractériser une quelconque gravité dans le comportement d'Orange qui justifierait l'application des dispositions de l'article 1184 du code civil.
Les pièces produites ne démontrent ni tromperie ni manœuvres dolosives, Orange reconnaissant la double facturation et l'attribuant à une erreur de synchronisation entre les systèmes de facturation des différentes entités du groupe Orange.
Le tribunal a débouté la société R. de sa demande relative aux frais de résiliation anticipée, précisant qu'elle a pris l'initiative de la rupture du contrat en avril 2013, cinq mois après sa signature, et n'a pas respecté son engagement de 36 mois contenu à l'article 2 des conditions spécifiques à la « remise privilège ». Le tribunal précise, sur le fondement de l'article 3.2 des conditions spécifiques à la « remise privilège », que des frais de résiliation anticipée ont été facturés à la société R. pour un montant de 2.765,86 euros TTC inclus dans la facture du 30 juin 2013, payée par prélèvement ; d'autres frais de résiliation ont été facturés sur la facture de juillet 2013 dont le montant s'élève à 3.280,44 euros TTC et qui est restée impayée.
Au titre de l'erreur de facturation, Orange reconnaît devoir à R. la somme de 1.325,91 euros qu'elle propose de déduire du montant de 3.280,44 euros dus par R., laissant R. devoir après déduction la somme de 1.954,53 euros.
Vu les conclusions notifiées et déposées le 5 mai 2017 par la société R. aux fins de voir la Cour :
Infirmer le jugement rendu le 9 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,
- condamner la société Orange au payement de la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts, au payement de la somme de 2.778,89 euros qu'elle a indûment prélevée au titre de la résiliation anticipée, au payement de la somme de 1.325,91 euros au titre de la double facturation,
- dire que les sommes mises à la charge de la société Orange porteront intérêts à compter du 7 Décembre 2015, jusqu'à parfait règlement ;
- annuler la facture du 31 Juillet 2013 d'un montant de 3.280,44 euros au titre des frais de résiliation anticipée, non justifiés, ni dûs ;
- condamner la société Orange au payement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société appelante fait valoir que la société Orange a commis un dol au préjudice de R. en n'informant pas celle-ci de la durée du contrat de 36 mois assortie du versement d'une indemnité dans le cas de résiliation anticipée, n'a pas respecté son obligation pré-contractuelle d'informations et de conseils justifiant l'allocation de dommages et intérêts.
Elle demande la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Orange sur le fondement de manquements graves d'Orange résultant d'une double facturation et de son inertie.
Elle soutient le caractère abusif de la clause d'indemnité de résiliation.
Vu les conclusions notifiées et déposées le 27 juin 2017 par la société Orange aux fins de voir la Cour au visa des articles 1103 et 1217 du Code civil :
Confirmer le jugement du 9 novembre 2016,
Dire que la société ORANGE a respecté son obligation d'information ;
Dire que la durée contractuelle est de 36 mois et dire que les documents contractuels sont parfaitement compréhensibles ;
Dire que la société R. a rompu avant terme le contrat et qu'elle est en conséquence tenue au paiement des indemnités de résiliation contractuelles, la société R. ne démontrant ni tromperie ni manquement grave justifiant une résiliation unilatérale ;
Dire que l'indemnité de résiliation est contractuelle et qu'elle est bien due en cas de rupture avant terme des conventions ;
Dire qu'il n'y a pas lieu à annuler la facture de résiliation ;
Dire que les doublons de facturation résultant d'une erreur il n'y a aucune intention dolosive ;
Donner acte à la société ORANGE qu'elle reconnaît devoir la somme de 1.325,91 euros au titre des doublons de facturation ;
Dire que cette somme se compensera avec les indemnités de résiliation dues ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société R. à payer à la société ORANGE la somme de 3.280,44 euros - 1.325,91 euros = 1.954,53 euros outre intérêts à compter du 4 décembre 2013.
Rejeter en conséquences toutes les prétentions de la société R. ;
Et y ajoutant condamner la société R. à payer à la société ORANGE la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
Condamner la société R. aux entiers dépens.
La société appelante fait valoir que la durée du contrat est stipulée dans les documents contractuels et que l'article 2 du contrat précise les conditions spécifiques à la remise privilège détaillant le principe de la remise au regard de la durée du contrat et une remise de 15 % par mois liée à un engagement de 36 mois, et que la société R. a pris connaissance de la durée du contrat et l'a acceptée sans réserve. Elle conteste que le contrat signé fasse double emploi avec un précédent contrat, la double facturation ne constituant qu'une erreur dans la prise en compte du contrat souscrit le 17 octobre 2012, réfutant tout comportement dolosif et tout manquement contractuel de sa part susceptible de fonder une résiliation unilatérale.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
1. Sur le dol et les manquements préjudiciables :
L'appelante n'établissant pas un comportement dolosif de la société Orange, ni des manquements à l'obligation de conseil et d'information lors de la souscription du contrat Business Open Pro - mobilité entreprise, dès lors qu'il résulte clairement du contrat souscrit que la société R. déclare avoir reçu toutes les conditions contractuelles « mentionnées ci-avant, en avoir pris connaissance et en accepter sans réserve les dispositions », ce qui comprend les conditions spécifiques à la durée du contrat et la remise privilège, il s'ensuit que c'est exactement que le tribunal a débouté la société R. de sa demande en dommages et intérêts.
2. Sur la demande de résiliation du contrat aux torts de la société Orange :
L'existence d'une double facturation Orange et France Telecom pour le même service est reconnue par Orange, qui l'explique par une erreur de synchronisation des outils de facturation entre les entités du Groupe Orange, pour la téléphonie fixe et la téléphonie mobile, à raison d'un décalage dans le temps du transfert des abonnements existants avec la nouvelle offre souscrite.
L'appelante justifie bien avoir adressé sept courriers de réclamation portant sur la double facturation litigieuse, entre le 7 février 2013 et le 27 mars 2013, mais ces correspondances ont été adressées au service commercial (identité du numéro de fax du destinataire des messages) qui a vendu le contrat, alors que les factures de détail mentionnaient la possibilité de joindre un conseiller par téléphone et le service clients par courrier, le Business Services mentionnait une adresse de contact à joindre par courrier, un numéro de téléphone d'un conseiller, enfin une adresse mail « orange-business », et qu'il appartenait dès lors au client de se conformer aux formalités précisées pour contester la double facturation, de sorte que l'appelante ne peut valablement reprocher à Orange son défaut de réponse.
La rupture unilatérale au mois d'avril 2013 des contrats souscrits le 17 octobre 2012 sans avoir informé préalablement Orange ainsi que le relève exactement le tribunal, ne peut être tenue pour justifiée au motif d'un manquement d'Orange d'une telle gravité qu'il justifie la résiliation du contrat, dès lors que la société R. n'a mis en œuvre aucune formalité préalable à la résiliation anticipée, et qu'elle ne démontre pas, alors qu'elle pouvait normalement agir auprès d'Orange en suivant les préconisations des factures, provoquer une réponse d'Orange et ensuite seulement résilier le contrat si la double facturation se poursuivait.
L'appelante ne caractérisant pas de la sorte un manquement d'une gravité suffisante pour résilier unilatéralement et de manière anticipée le contrat donnant lieu à des remises, c'est à bon droit que le tribunal a débouté la société R. de ses demandes au titre de la résiliation du contrat et de condamnation de la société Orange à restituer divers montants.
La société appelante soutient sur le fondement de l'article R. 131-2, 3° du Code de la consommation le caractère abusif d'une clause ayant pour objet ou pour effet d'imposer au non professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations, une indemnité d'un montant manifestement disproportionné.
Le caractère abusif d'une clause s'appréciant en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre, il résulte de l'examen du contrat souscrit que l'indemnité stipulée ne constitue pas une clause d'un montant manifestement disproportionné, dès lors que des remises sont accordées en contrepartie d'une souscription du contrat pour une durée de 36 mois et que la résiliation anticipée entraîne la perte pour Orange de la durée contractuelle et met à néant l'équilibre économique du contrat, de sorte que la demande d'annulation est rejetée.
L'appelante succombant dans ses prétentions, la demande en condamnation fondée sur des clause contractuelles est fondée.
La société Orange reconnaissant devoir à la société R. une somme de 1.325,91 euros, c'est à bon droit que le tribunal a opéré compensation entre les créances connexes des parties et condamné la société R. à payer à la société Orange la somme de 1.954,53 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2016.
Le jugement dont appel est confirmé en toutes ses dispositions.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Ajoutant,
DÉBOUTE la société R. de sa demande d'annulation de la clause stipulant une indemnité de résiliation ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
REJETTE les demandes ;
REJETTE toute demande autre ou plus ample ;
CONDAMNE la société R. aux entiers dépens.
Le greffier Le président
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