T. COM. TOULOUSE, 8 janvier 1992
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 811
T. COM. TOULOUSE, 8 janvier 1992 : RG n° 91/3664
(sur appel CA Toulouse (2e ch.), 10 janvier 1994 : RG n° 809/92)
Extrait : « Attendu qu’il apparaît, trop fréquemment, que des sociétés telles la SARL DPM, démarchent des petits commerçants à la périphérie de grandes villes, souvent désarmés sinon naïfs et leur promettent, grâce à leurs produits, des recettes nouvelles. Attendu qu’en l’espèce, il est certain que Monsieur X. n’aurait jamais contracté avec DPM s’il avait connu les prix de location de vidéo cassettes pratiqués par un autre commerçant de [ville A.]. Attendu que Monsieur X., dont l’activité était sans rapport avec l’exploitation de point location de vidéo, doit bénéficier des dispositions de l’article 8 de la loi du 22 décembre 1972 modifiée par la loi du 31 décembre 1989. Attendu qu’il convient de constater que DMP a superbement ignoré l’obligation qu’elle avait d’accorder à son client un délai de réflexion de 7 jours et a passé outre l’interdiction qui lui était faite de percevoir une contrepartie. »
TRIBUNAL DE COMMERCE DE TOULOUSE
JUGEMENT DU 8 JANVIER 1992
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 91/3664. JUGEMENT DU HUIT JANVIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DOUZE. Prononcé en audience publique par : Monsieur CATHALA, Président, Assisté de Monsieur PUJOL, Greffier, après débats en audience publique le 20 NOVEMBRE 1991 devant MM. : CATHALA, Président, MM. COURTOIS, VAZQUEZ, FRATANI, ROBARDEY, Juges, qui en ont délibéré et ont concouru au jugement, chacun suivant les droits et qualités qui lui sont attribués par la loi.
CAUSE D’ENTRE :
SARL DPM
[adresse], Partie demanderesse, Représentée par Maître COMBES
C/ :
EURL « CHEZ Y. »
[adresse], Partie défenderesse, Représentée par le Cabinet BOUCHE-RENARD
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par exploit du 8 juin 1991, enrôlé sous le numéro 3664 du ministère de la SCP A.-B., Huissiers de justice à [ville], la SARL DPM a assigné en redressement judiciaire l’EURL « CHEZ Y. », en demandant :
- de constater le non-paiement d’une créance certaine, liquide et exigible.
- d’en déduire l’état de cessation des paiements de l’EURL « CHEZ Y. ».
- d’ordonner en conséquence l’ouverture du redressement judiciaire de l’EURL « CHEZ Y. ».
- de la condamner au paiement de la somme de 2.000 Francs sur le fondement des dispositions de l’article 700 du NCPC.
- de la condamner aux dépens, lesquels seront passés en frais privilégiés.
À LA BARRE
L’EURL « CHEZ Y. » ayant soulevé la nullité de la vente, la SARL DPM abandonne sa demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et par nouvelles conclusions sollicite que :
- lui soit donné acte de ce qu’elle abandonne sa demande initiale tendant à l’ouverture du redressement judiciaire de l’EURL « CHEZ Y. ».
Vu l’ordonnance de référé en date du 6 avril 1990 :
- soit déboutée l’EURL « CHEZ Y. » de l’ensemble de ses demandes.
- soit condamnée en conséquence à lui payer :
* la somme de 37.500 Francs,
* les intérêts de droit de ladite somme à compter du 26 mars 1990,
* la somme de 5.000 Francs à titre de dommages et intérêts,
* celle, enfin, de 3.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du NCPC.
Que soit ordonnée l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Monsieur X., Gérant de l’EURL « CHEZ Y. » demande :
- de prononcer la nullité de la commande en date du 23 janvier 1990.
- de condamner la Société DPM à la somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts.
- de la condamner à la somme de 6.000 Francs au titre de l’article 100 du NCPC ainsi qu’aux entiers dépens.
[minute page 3]
LES FAITS :
Le 23 janvier 1990, Monsieur X., Gérant de l’EURL « CHEZ Y. » est démarché par un représentant de la société DPM et signe un bon de commande concernant la mise en place d’un Point Club Vidéo sous forme locative pour une période de huit mois et pour un montant total de 37.500 Francs TTC.
Cela représente donc 150 cassettes au prix de 25 Francs Hors taxe pièce et par mois.
Monsieur X. exploite une Librairie-Papeterie Presse Cadeaux a l’enseigne « Chez X. » à [ville A].
Le 30 janvier de la même année, par pli recommandé avec accusé de réception, Monsieur X. informe DPM qu’il est dans l’obligation de résilier le contrat, s’étant rendu compte qu’un Vidéo Club existe déjà à [ville A] qui pratique le prix de 18 Francs par cassette et par jour alors que le contrat qu’il a signé l’impose de s’approvisionner à 25 Francs par cassette et par jour.
Monsieur X., qui avait remis, lors de la signature de la commande, deux chèques d’acomptes pour un total de 12.500 Francs, fait opposition au règlement de ces chèques.
Par la suite, Monsieur X. adressera deux télégrammes à DPM sollicitant des instructions pour réexpédier la marchandise reçue.
Le 6 avril 1990, la Société DPM obtient du Tribunal de Commerce de HONFLEUR une ordonnance de Référé condamnant L’EURL « CHEZ Y. » au paiement de l’intégralité de la somme contractuelle majorée des intérêts de droit et d’une somme de 1.000 Francs par application de l’article 700 du NCPC.
Le 28 juin 1990, l’EURL « CHEZ Y. » assigne devant le Tribunal de Commerce de HONFLEUR, la SARL DPM pour entendre déclarer la nullité de la convention signée le 23 janvier 1990.
Cette affaire, n’ayant jamais été plaidée, a été radiée devant le Tribunal de Commerce de HONFLEUR.
Il est à remarquer que le Tribunal de Commerce de HONFLEUR est désigné comme seul compétent en cas de contestation dans les conditions générales de la SARL DPM.
Le 8 juin 1991, la SARL DPM assigne devant le Tribunal de céans l’EURL « CHEZ Y. » en redressement judiciaire.
Monsieur X. maintenant sa demande de nullité de la commande, l’affaire revient donc au fond.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SARL DPM soutient :
Que malgré l’ordonnance rendue par le Tribunal de COMMERCE de HONFLEUR le 6 avril 1990, dûment signifiée à Monsieur X., [minute page 4] malgré un commandement de payer daté du 12 juin 1990, le recouvrement de la créance est demeuré vain, qu’il a fallu une sommation délivrée le 7 mars 1991 à voir restituer les 150 cassettes pour en obtenir la restitution.
Que Monsieur X. invoque le dol mais qu’il convient de rappeler que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et que de même l’article 1116 du CODE CIVIL précise que le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
Qu’en l’espèce, Monsieur X. n’apporte pas la preuve d’un dol qui résiderait dans le fait qu’il n’aurait contracté qu’à la condition que le prix de revient de l’opération soit comparable à celui pratiqué par son concurrent de [ville A]
Que par ailleurs, Monsieur X. se prévaut de l’application de la loi du 22 décembre 1972 alors que ce texte s’applique au consommateur et non au commerçant.
Que par ailleurs, il n’apporte pas la preuve que l’article 8 de ladite loi, modifié en date du 31 décembre 1989, soit applicable à un contrat passé le 23 janvier de l’année suivante.
Qu’enfin, l’objet du commerce exploité par Monsieur X. concerne la LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE LOTO CADEAUX CONFISERIE, activités qui, à l’exception de la dernière, visent à la diffusion du savoir, de l’information, des jeux et des loisirs.
Que la location de cassettes vidéo rentre tout a fait dans le cadre de cette activité.
Pour sa part, Monsieur X., en sa qualité de gérant de l’EURL « CHEZ Y. » oppose :
Que la créance dont se prévaut DPM est devenue sans objet puisque la totalité de la marchandise livrée a été récupérée.
Que par ailleurs ladite créance résulte d’une opération commerciale nulle en raison d’un dol.
Elle est également nulle en vertu de la loi du 22 décembre 72 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, modifiée par la loi du 31 décembre 1989.
Qu’exploitant un fonds de commerce de Librairie-Papeterie, démarché par un représentant de DPM, totalement profane dans le domaine des Vidéos cassettes, il s’est laissé facilement séduire par le représentant.
Ce dernier lui proposait la location de cassettes vidéo au prix unitaire de 25 Francs hors taxe.
C’est dans ces conditions qu’il a passe un accord de création d’un Point Club Vidéo pour un montant total de 37.500 Francs, croyant en toute bonne foi les affirmations de l’employé de DPM et étant persuadé qu’il en retirerait un bénéfice certain.
[minute page 5] Qu’il s’apercevait très rapidement qu’un autre club vidéo de [ville A] proposait à la location des cassettes au prix de 18 francs TTC.
Qu’il a donc tenté, par téléphone, de résilier le contrat mais en vain, DPM lui ayant livré les cassettes litigieuses.
Que, malgré son courrier du 30 janvier et ses télégrammes suivants demandant des instructions pour retourner le matériel jamais utilisé, DPM n’a jamais apporté de réponse se contentant de demander condamnation en référé à ce que lui soit payée la somme contractuellement prévue.
Qu’enfin, en date du 7 juillet 1990, il a cédé son fonds de commerce et la totalité de ses parts sociales.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LE TRIBUNAL :
Attendu qu’il apparaît, trop fréquemment, que des sociétés telles la SARL DPM, démarchent des petits commerçants à la périphérie de grandes villes, souvent désarmés sinon naïfs et leur promettent, grâce à leurs produits, des recettes nouvelles.
Attendu qu’en l’espèce, il est certain que Monsieur X. n’aurait jamais contracté avec DPM s’il avait connu les prix de location de vidéo cassettes pratiqués par un autre commerçant de [ville A.].
Attendu que Monsieur X., dont l’activité était sans rapport avec l’exploitation de point location de vidéo, doit bénéficier des dispositions de l’article 8 de la loi du 22 décembre 1972 modifiée par la loi du 31 décembre 1989.
Attendu qu’il convient de constater que DMP a superbement ignoré l’obligation qu’elle avait d’accorder à son client un délai de réflexion de 7 jours et a passé outre l’interdiction qui lui était faite de percevoir une contrepartie.
Attendu que non seulement Monsieur X., dans les sept jours suivant la signature du bon de commande, dénonçait la convention mais aussi par deux télex faisait part à DPM de son souci de rendre la marchandise.
Que DPM n’a jamais répondu à ces demandes mais a fait retirer les cassettes par Huissier de justice.
Attendu qu’il convient de constater la nullité de la vente et de débouter la SARL DPM de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Attendu que les agissements de DPM ont créé un préjudice certain à Monsieur X., elle devra lui payer une somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts.
Attendu qu’il parait équitable de faire application des dispositions de l’article 700 du NCPC en faveur de Monsieur X., la SARL DPM devra lui payer une somme de 6.000 Francs de ce chef de demande.
[minute page 6] Attendu que la partie qui succombe est passible des dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal jugeant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, après en avoir délibéré.
Prononce la nullité de la commande signée le 23 janvier 1990.
Déboute la SARL DPM de toutes ses demandes, fins et conclusions.
La condamne à payer à Monsieur X. :
- la somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts.
- la somme de 6.000 Francs en vertu des dispositions de l’article 700 du NCPC.
La condamne aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5917 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : création de « points-vidéos »