CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 19 mars 2019

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 19 mars 2019
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 5
Demande : 18/00479
Décision : 2019/082
Date : 19/03/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/12/2017
Numéro de la décision : 82
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8121

CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 19 mars 2019 : RG n° 18/00479 ; arrêt n° 2019/082 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les conditions générales de la requête de vente, signée le 10 février 2009 par M. X. et dont il ne conteste pas avoir pris connaissance, disposent par ailleurs que : « Les lots invendus devront être repris dans le mois suivant la vente sauf accord entre les deux parties pour une remise en vente à une date ultérieure. Au-delà de ce délai ALDE n'est plus responsable des dégâts, dégradations ou pertes occasionnées aux biens » et que « la société de vente se réserve le droit, après avertissement par lettre simple, de faire déposer les biens dans un garde-meubles professionnel, les frais d'acheminement et de garde étant alors à la charge du vendeur ». Il en résulte qu'à l'issue de la vente pour laquelle la société ALDE avait reçu un mandat express, les lots invendus demeuraient sous sa responsabilité durant un mois, à défaut d'accord pour une remise en vente à une date ultérieure.

Il n'est justifié d'aucun accord sur cette remise en vente, lequel ne peut se déduire ni du silence gardé pendant près de trois ans de la part de M. X. quant au sort de ces biens, ni de l'attestation datée du 23 avril 2016 de l'ancien gérant de la libraire G.B., M. Z., selon lequel : « L'ensemble de ces livres était prévu pour une vente publique ultérieure. Ils ont donc stationné à la librairie un assez long temps, ne pouvant être présentés dans un délai trop proche d'une vente dans laquelle ils n'avaient pas trouvé acquéreur. N'ayant plus les documents nécessaires, je ne puis préciser le temps qu'ils sont restés à la librairie, mais il a toujours été implicitement prévu avec M. X. de les disperser en vente publique. M. X., souvent éloigné de Paris, a toujours gardé à ce sujet avec la librairie des relations épisodiques », cette attestation étant au surplus contredite quant au lieu précis où les livres ont été endommagés, par celle datée du 1er décembre 2016, produite par la société ALDE en pièce n° 8, émanant de M. A., ancien salarié de la librairie G. B. certifiant, contrairement à ce que déclare M. Z. que « les ouvrages invendus de M. X. n'ont jamais été entreposés dans le garage personnel de M. Y. et n'ont donc pas pu subir un dégât des eaux à cet endroit ».

En effet, le mandat donné à une société de ventes volontaires, appelé également réquisition de vente, qui est un contrat par lequel le propriétaire d'un bien charge un opérateur de le vendre aux enchères publiques, doit faire l'objet d'un écrit, lequel comporte les coordonnées du vendeur, la description de l'objet et les modalités de la vente : date et lieu, montant des frais de vente et des frais annexes, éventuellement prix de réserve etc., voire de la revente du lot s'il n'est pas vendu aux enchères. A défaut pour M. X. de justifier d'un tel contrat, ou de l'accord des parties pour la remise en vente à une date ultérieure des invendus, la société ALDE est fondée à lui opposer la clause exonératoire de responsabilité qu'elle invoque.

Cette clause ne contrevient nullement aux dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation, au terme duquel « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». En effet, comme le soutient la société ALDE, le dépôt n'est qu'un accessoire du mandat, celui-ci ayant pour terme la fin de la vente publique aux enchères pour lequel il a été formalisé. Il s'en déduit que le délai d'un mois suivant la vente aux enchères qui est donné au mandant pour récupérer ses lots invendus, faute de quoi le dépositaire n'est plus responsable des « dégâts, dégradations ou pertes occasionnées aux biens », ne vide pas le contrat de l'une de ses obligations essentielles, à savoir l'obligation de garde et de conservation, et ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dès lors que M. M. a été informé de cette obligation de reprise dans la clause elle-même. Cette clause n'est donc pas abusive et elle est opposable à M. X. »

En revanche, la société ALDE ne saurait s'exonérer in fine de sa propre responsabilité dans l'exécution de ses obligations de dépositaire, en invoquant le fait que M. X. dont la famille disposait d'une très importante collection de livres, plusieurs ventes ayant été faites par l'entremise de l'étude T., en 1996 et 1998, et d'elle-même, en 2009, à l'initiative de son père Jean X., est bibliophile et grand connaisseur des livres, de sorte qu'il ne peut ignorer l'obligation qu'il avait de reprendre les invendus faute de mandat exprès donné pour une nouvelle vente. En effet, si elle n'avait pas contractuellement l'obligation de solliciter M. X. afin qu'il récupère ses invendus, elle ne justifie pas lui avoir fait part, par lettre simple, de l'avertissement prévu aux conditions générales rappelées ci-dessus, lui donnant le droit de faire déposer les biens dans un garde-meuble professionnel, et plus largement, de transférer les choses qui lui avait été déposées avec l'obligation essentielle de conservation et de restitution en nature en même état, chez un tiers. En agissant de la sorte, la société ALDE a nécessairement renoncé à se prévaloir de la clause exonératoire de responsabilité liant les parties. En sa qualité de dépositaire, elle devait prendre les mesures nécessaires à la conservation, dans l'état de leur dépôt, soit un état propre à la vente aux enchères publiques, des livres que lui avaient confiés M. X.

Or, il est constant qu'à la suite d'un dégât des eaux survenu dans le lieu de stockage des livres, certains ont été détruits, d'autres endommagés, de sorte que la société ALDE s'est placée dans l'impossibilité d'une part pour les livres détruits de les restituer en nature et d'autre part pour les livres endommagés de les restituer identiquement à leur état au moment du dépôt, commettant ainsi un manquement à ses obligations contractuelles de dépositaire, dont elle est responsable à l'égard de M. X. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 19 MAS 2019