CAA DOUAI (2e ch.), 22 octobre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8136
CAA DOUAI (2e ch.), 22 octobre 2019 : req. n° 17DA02130
Publication : Jurica
Extrait : « 6. Il résulte de ces dispositions que la copropriété ayant conclu un contrat d’abonnement avec le fournisseur d’eau potable portant sur la totalité de sa consommation d’eau, incluant tant les parties communes que les parties privatives, la clause litigieuse, qui prévoit qu’elle supporte la consommation totale relevée au compteur général après déduction de la consommation des parties communes et de la consommation relevée ou estimée des parties privatives, ne saurait être regardée comme abusive, alors qu’elle a, au contraire, précisément pour fonction d’assurer l’équilibre financier d’un contrat par lequel le fournisseur d’eau s’engage à fournir à la copropriété et aux copropriétaires qui la composent l’intégralité de leurs besoins en eau.
7. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la clause litigieuse n’a pas, par elle-même, pour effet de lui faire supporter la totalité des factures d’eau des propriétaires ou locataires dont la consommation n’a pu être relevée, mais seulement, sur une période de facturation donnée, et au demeurant dans la seule hypothèse où l’estimation réalisée par le fournisseur se révélerait inférieure à la consommation réelle, le coût de la différence entre la consommation générale et les consommations individuelles relevées et estimées. L’article 17 du règlement du service public de distribution de l’eau potable, dont il appartient au syndicat requérant de s’assurer de la bonne application par le fournisseur d’eau potable en recourant au besoin aux voies de droit ouvertes à cette fin, prévoyant en outre, d’une part, que le compte de l’abonné est régularisé à l’occasion du relevé suivant et, d’autre part, dans l’impossibilité de procéder à une telle régularisation, que le branchement est fermé, le règlement du service public de l’eau potable de la communauté d’agglomération Creil Sud Oise ne saurait être regardé comme mettant abusivement à la charge du syndicat des copropriétaires requérant le paiement des factures impayées des occupants des parties privatives. Il appartient également à la copropriété, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, de décider de l’installation de systèmes de « télérelevé » conformément aux dispositions de l’article 36 du règlement du service qui impose ce système lorsque les compteurs se trouvent à l’intérieur des logements. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Req. n° 17DA02130. Mme Courault, président. M. Julien Sorin, rapporteur. Mme Leguin, rapporteur public. LEQUILLERIER, avocat(s).
APPELANT :
Syndicat des copropriétaires de la résidence privée X.
INTIMÉE :
Communauté d’agglomération Creil Sud Oise
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat des copropriétaires de la résidence privée X. a demandé au tribunal administratif d’Amiens d’annuler la décision du 2 février 2015 par laquelle le président de la communauté de l’agglomération creilloise a rejeté sa demande tendant à l’abrogation de la disposition du règlement de service public de l’eau potable en vertu de laquelle la consommation des parties communes d’un immeuble est déterminée par calcul de la différence entre la consommation totale de l’immeuble et la somme des consommations individuelles.
Par un jugement n° 1501031 du 15 septembre 2017, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2017, le syndicat des copropriétaires de la résidence privée X. demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) d’annuler la décision du 2 février 2015, ensemble l’article 36 du règlement de service public de l’eau potable annexé au contrat de délégation de service public de l’eau potable conclu avec la société la Lyonnaise des eaux ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d’agglomération creilloise une somme de 1.500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l’article 36 du règlement de service public de l’eau potable en vertu duquel la consommation des parties communes d’un immeuble est déterminée par calcul de la différence entre la consommation totale de l’immeuble et la somme des consommations individuelles constitue une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation alors applicable, dans la mesure où elle conduit à faire supporter à la copropriété des sommes ne correspondant pas aux mètres cubes d’eau consommés par les parties communes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, la communauté d’agglomération Creil Sud Oise, représentée par Maître C., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat requérant une somme de 2.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen soulevé par le syndicat requérant n’est pas fondé.
La requête a été communiquée à la société Lyonnaise des eaux qui n’a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la consommation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Maître C., représentant la communauté d’agglomération Creil Sud Oise.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat des copropriétaires de la résidence privée X. a demandé au président de la communauté de l’agglomération creilloise d’abroger la disposition du règlement de service de l’eau potable, annexé au contrat de délégation du service public de l’eau potable conclu avec la société la Lyonnaise des eaux, selon laquelle la consommation des parties communes d’un immeuble est déterminée par le calcul de la différence entre la consommation totale de l’immeuble et la somme des consommations individuelles. Par une décision du 2 février 2015, le président de la communauté de l’agglomération creilloise a rejeté cette demande. Le syndicat des copropriétaires de la résidence privée X. demande l’annulation du jugement du 15 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision.
2. Le syndicat des copropriétaires de la résidence privée X. doit être regardé comme demandant l’annulation des dispositions de l’article 36 du règlement du service public de l’eau potable en vertu desquelles : « (...) le propriétaire est redevable : des consommations communes relevées sur les compteurs spécifiques, de la consommation enregistrée au compteur général après déduction des consommations relevées ou estimées sur les compteurs individuels et spécifiques, des abonnements correspondants (...) ».
3. Aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...) Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies. / Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat (...). / Les clauses abusives sont réputées non écrites (...) / Les dispositions du présent article sont d’ordre public ». Aux termes de l’article 93 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains : « Tout service public de distribution d’eau destinée à la consommation humaine est tenu de procéder à l’individualisation des contrats de fourniture d’eau à l’intérieur des immeubles collectifs à usage principal d’habitation et des ensembles immobiliers de logements dès lors que le propriétaire en fait la demande. (...) Le propriétaire qui a formulé la demande prend en charge les études et les travaux nécessaires à l’individualisation des contrats de fourniture d’eau, notamment la mise en conformité des installations aux prescriptions du code de la santé publique et la pose de compteurs d’eau. / Les conditions d’organisation et d’exécution du service public de distribution d’eau doivent être adaptées pour préciser les modalités de mise en œuvre de l’individualisation des contrats de fourniture d’eau, dans le respect de l’équilibre économique du service conformément à l’article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales (...) ».
4. Le caractère abusif d’une clause s’apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l’ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l’exécution d’un service public, des caractéristiques particulières de ce service.
5. Aux termes de l’article 36 du règlement du service public de l’eau potable litigieux : « (...) Les compteurs individuels permettant la mesure des consommations d’eau des logements ou locaux de l’immeuble seront obligatoirement du type agréé par le service des eaux. Ces compteurs seront placés à l’extérieur des logements et locaux desservis, sauf lorsque les conditions particulières de l’immeuble ne le permettent pas. Lorsque ces compteurs ne pourront être installés de manière accessible aux agents du service des eaux et notamment lorsqu’ils se trouveront à l’intérieur des logements, ils seront impérativement équipés de systèmes de télérelevé agréés par le service des eaux (...). Les coûts d’investissement et d’entretien du système de télérelevé sont à la charge du propriétaire (...). Les consommations communes de l’immeuble sont systématiquement mesurées sur des compteurs spécifiques : arrosage, lavage, parties communes. L’ensemble des consommations de l’immeuble fait obligatoirement et dans tous les cas l’objet d’une mesure par un compteur général situé à l’entrée de l’immeuble, qui fait fois (...). A compter de la date d’individualisation des contrats de fourniture d’eau, chaque occupant devient un abonné du service des eaux. Il en est de même pour le propriétaire qui souscrit un abonnement pour le compteur général et les compteurs spécifiques (...) ». Il résulte des dispositions de ce même article que lorsque l’immeuble collectif constitue une copropriété, le terme « propriétaire » désigne la copropriété. Enfin, aux termes de l’article 17 du règlement du service public de l’eau potable : « (...) si le relevé n’a pu être réalisé, la consommation est estimée sur la base de la consommation de l’année précédente. Le compte du client est régularisé à l’occasion du relevé suivant (...) ».
6. Il résulte de ces dispositions que la copropriété ayant conclu un contrat d’abonnement avec le fournisseur d’eau potable portant sur la totalité de sa consommation d’eau, incluant tant les parties communes que les parties privatives, la clause litigieuse, qui prévoit qu’elle supporte la consommation totale relevée au compteur général après déduction de la consommation des parties communes et de la consommation relevée ou estimée des parties privatives, ne saurait être regardée comme abusive, alors qu’elle a, au contraire, précisément pour fonction d’assurer l’équilibre financier d’un contrat par lequel le fournisseur d’eau s’engage à fournir à la copropriété et aux copropriétaires qui la composent l’intégralité de leurs besoins en eau.
7. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la clause litigieuse n’a pas, par elle-même, pour effet de lui faire supporter la totalité des factures d’eau des propriétaires ou locataires dont la consommation n’a pu être relevée, mais seulement, sur une période de facturation donnée, et au demeurant dans la seule hypothèse où l’estimation réalisée par le fournisseur se révélerait inférieure à la consommation réelle, le coût de la différence entre la consommation générale et les consommations individuelles relevées et estimées. L’article 17 du règlement du service public de distribution de l’eau potable, dont il appartient au syndicat requérant de s’assurer de la bonne application par le fournisseur d’eau potable en recourant au besoin aux voies de droit ouvertes à cette fin, prévoyant en outre, d’une part, que le compte de l’abonné est régularisé à l’occasion du relevé suivant et, d’autre part, dans l’impossibilité de procéder à une telle régularisation, que le branchement est fermé, le règlement du service public de l’eau potable de la communauté d’agglomération Creil Sud Oise ne saurait être regardé comme mettant abusivement à la charge du syndicat des copropriétaires requérant le paiement des factures impayées des occupants des parties privatives. Il appartient également à la copropriété, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, de décider de l’installation de systèmes de « télérelevé » conformément aux dispositions de l’article 36 du règlement du service qui impose ce système lorsque les compteurs se trouvent à l’intérieur des logements.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que le syndicat des copropriétaires de la résidence privée X. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande. Sa requête d’appel doit donc être rejetée, y compris les conclusions aux fins d’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à sa charge la somme demandée par la communauté d’agglomération Creil Sud Oise au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat des copropriétaires de la résidence privée X. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté d’agglomération Creil Sud Oise présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de la résidence privée X., à la communauté d’agglomération Creil Sud Oise et à la société Lyonnaise des eaux.
Délibéré après l’audience publique du 8 octobre 2019 à laquelle siégeaient : - Mme E. D., présidente de chambre, - M. Julien Sorin, président-assesseur, - Mme B. A., première conseillère.
Lu en audience publique le 22 octobre 2019.
Le président-rapporteur,
Signé : J. SORIN La présidente de chambre, Signé : C. D.
La greffière, Signé : M.T. LEVEQUE
Pour expédition conforme, La greffière, Marie-Thérèse Lévèque
- 5846 - Code de la consommation - Domaine d’application - Légalité des actes réglementaires - Principe du contrôle
- 6020 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations principales
- 6314 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Eau (fourniture) - Obligations du consommateur