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CJUE (5e ch.), 17 mai 2018

Nature : Décision
Titre : CJUE (5e ch.), 17 mai 2018
Pays : UE
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (5e ch.)
Demande : 147/16
Date : 17/05/2018
Numéro ECLI : ECLI:EU:C:2018:320
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 14/03/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8144

CJUE (5e ch.), 17 mai 2018 : Affaire C-147/16

Publication : Curia

 

Extrait : « 1) La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’un juge national statuant par défaut et ayant le pouvoir, selon les règles de procédure internes, d’examiner d’office la contrariété entre la clause qui sert de base à la demande et les règles nationales d’ordre public est tenu d’examiner d’office si le contrat contenant cette clause relève du champ d’application de cette directive et, le cas échéant, le caractère éventuellement abusif de ladite clause.

2) Sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, l’article 2, sous c), de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’un établissement d’enseignement libre, tel que celui en cause au principal, qui, par contrat, est convenu avec l’une de ses étudiantes de facilités de paiement de sommes dues par cette dernière au titre de droits d’inscription et de frais liés à un voyage d’études, doit être considéré, dans le cadre de ce contrat, comme un « professionnel », au sens de cette disposition, de sorte que ledit contrat relève du champ d’application de cette directive. ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

CINQUIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 17 MAI 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Dans l’affaire C‑147/16, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vredegerecht te Antwerpen (justice de paix d’Anvers, Belgique), par décision du 10 mars 2016, parvenue à la Cour le 14 mars 2016, dans la procédure :

 

Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen VZW

contre

Susan Romy Jozef Kuijpers,

 

LA COUR (cinquième chambre), composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, MM. E. Levits, A. Borg Barthet, Mme M. Berger (rapporteur) et M. F. Biltgen, juges,

- avocat général : Mme E. Sharpston,

- greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,

Vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 mars 2017,

Considérant les observations présentées :

- pour le gouvernement belge, par Mmes J. Van Holm, M. Jacobs et L. Van den Broeck ainsi que par M. J.‑C. Halleux, en qualité d’agents, assistés de MM. P. Cambie et B. Zammitto, experts,

- pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,

- pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

- pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et D. Roussanov, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 novembre 2017,

rend le présent

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen VZW, établissement d’enseignement libre établi à Anvers (Belgique) (ci-après le « KdG »), à Mme Susan Romy Jozef Kuijpers, au sujet du remboursement, par cette dernière, de droits d’inscription et de frais liés à un voyage d’études, majorés d’intérêts, ainsi que du paiement d’une indemnité.

 

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3. Le dixième considérant de la directive 93/13 prévoit :

« considérant qu’une protection plus efficace du consommateur peut être obtenue par l’adoption de règles uniformes concernant les clauses abusives ; que ces règles doivent s’appliquer à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ; que, par conséquent, sont notamment exclus de la présente directive les contrats de travail, les contrats relatifs aux droits successifs, les contrats relatifs au statut familial ainsi que les contrats relatifs à la constitution et aux statuts des sociétés ».

4. Le quatorzième considérant de cette directive est libellé comme suit :

« considérant, toutefois, que les États membres doivent veiller à ce que des clauses abusives n’y figurent pas, notamment parce que la présente directive s’applique également aux activités professionnelles à caractère public ».

5. Selon l’article 1er, paragraphe 1, de ladite directive :

« La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. »

6. L’article 2 de la directive 93/13 énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b) « consommateur » : toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ;

c) « professionnel » : toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée. »

7. L’article 3 de cette directive prévoit :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

8. L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

 

Le droit belge

9. La directive 93/13 a été transposée en droit belge aux articles 73 à 78 de la Wet betreffende marktpraktijken en consumentenbescherming (loi relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur), du 6 avril 2010 (Belgisch Staatsblad, du 12 avril 2010, p. 20803). Ces articles ont été, par la suite, abrogés et leur teneur reprise aux articles VI.83 à VI.87 du Wetboek van economisch recht (code de droit économique).

10. L’article VI.83 du code de droit économique prévoit que les dispositions de celui-ci concernant les clauses abusives s’appliquent uniquement aux contrats conclus entre une entreprise et un consommateur.

11. L’article I.1 de ce code définit, à son point 1, la notion d’« entreprise » comme désignant « toute personne physique ou personne morale poursuivant de manière durable un but économique, y compris ses associations ».

12. Il ressort de la décision de renvoi que la loi relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur a introduit le terme « entreprise » dans le code de droit économique, lequel s’est substitué à celui de « vendeur ».

13. L’article 806 du Gerechtelijk Wetboek (code judiciaire) se lit comme suit :

« Dans le jugement par défaut, le juge fait droit aux demandes ou moyens de défense de la partie comparante, sauf dans la mesure où la procédure, ces demandes ou moyens sont contraires à l’ordre public ».

 

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14. À la date du 3 février 2014, Mme Kuijpers, alors étudiante au KdG, était redevable à l’égard de ce dernier d’une somme totale de 1 546 euros, au titre, d’une part, des droits d’inscription afférents aux années académiques 2012/2013 et 2013/2014 ainsi que, d’autre part, de frais liés à un voyage d’études.

15. Mme Kuijpers n’étant pas en mesure de s’acquitter de sa dette en un seul versement, l’intéressée et le KdG studievoorzieningsdienst (ci-après le « département KdG Stuvo ») sont convenus, en vertu d’un contrat écrit, d’un remboursement calculé selon un plan d’apurement sans intérêts. Conformément à ce contrat, le département KdG Stuvo devait avancer à Mme Kuijpers le montant dont elle avait besoin pour payer sa dette envers le KdG, à charge pour l’intéressée de verser audit département KdG Stuvo, chaque mois à compter du 25 février 2014, et ce pendant sept mois, la somme de 200 euros. Il était également prévu que le solde de la dette, d’un montant de 146 euros, serait payé le 25 septembre 2014.

16. En outre, le contrat contenait une clause applicable en cas de défaut de paiement, rédigée comme suit :

« Si la somme empruntée n’est pas remboursée (en tout ou en partie) dans les délais, un intérêt de 10 % par an, calculé sur le montant échu de la dette, est dû de plein droit et sans mise en demeure, et ce à partir du lendemain de l’échéance non respectée. Une indemnité est alors également due pour les frais de recouvrement, laquelle est fixée conventionnellement à 10 % du montant échu impayé avec un minimum de 100 euros. »

17. Bien qu’elle ait reçu une lettre de mise en demeure du département KdG Stuvo, Mme Kuijpers est restée en défaut de paiement.

18. Le 27 novembre 2015, le KdG a assigné Mme Kuijpers devant le vredegerecht te Antwerpen (justice de paix d’Anvers, Belgique) aux fins de voir celle-ci condamnée à lui payer la somme due en principal de 1.546 euros, assortie des intérêts de retard de 10 % à compter du 25 février 2014, soit 269,81 euros, ainsi qu’une indemnité de 154,60 euros. Mme Kuijpers n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter devant cette juridiction.

19. Par jugement interlocutoire du 4 février 2016, la juridiction de renvoi a accueilli la demande du KdG concernant la somme due en principal. S’agissant des intérêts et de l’indemnité également sollicités, elle a ordonné la réouverture des débats et a invité le KdG à formuler toute observation sur une éventuelle saisine de la Cour à titre préjudiciel.

20. La juridiction de renvoi indique que, étant donné que Mme Kuijpers n’a pas comparu, elle est tenue, en vertu de l’article 806 du code judiciaire, de faire droit à la demande du KdG, sauf dans l’hypothèse où la procédure ou cette demande seraient contraires à l’ordre public.

21. À cet égard, en premier lieu, la juridiction de renvoi se demande si, dans le cadre d’une procédure par défaut, elle peut examiner d’office la question de savoir si le contrat sur lequel est fondée la demande du KdG relève du champ d’application de la réglementation nationale mettant en œuvre la directive 93/13. Il ne serait notamment pas certain que, en Belgique, la réglementation sur les clauses abusives soit d’ordre public. Ainsi, cette juridiction s’interroge sur la conformité des règles procédurales nationales avec cette directive, dans la mesure où elles s’opposeraient à un tel examen.

22. En second lieu, la juridiction de renvoi se demande si le contrat conclu entre le KdG et Mme Kuijpers relève du champ d’application de la réglementation nationale sur les clauses abusives. Dans ce cadre, cette juridiction nourrit des doutes quant à la conformité de cette réglementation avec la directive 93/13, le champ d’application de ladite réglementation étant défini non pas par rapport aux contrats conclus entre un consommateur et un « professionnel », mais par rapport aux contrats conclus entre un consommateur et une « entreprise ». En tout état de cause, ladite juridiction se demande si un établissement d’enseignement tel que le KdG, dont le financement est assuré, pour l’essentiel, par des fonds publics, doit être considéré comme étant une « entreprise » et/ou un « professionnel » lorsqu’il consent à un étudiant un plan d’apurement du type de celui en cause dans l’affaire au principal.

23. C’est dans ce contexte que le vredegerecht te Antwerpen (justice de paix d’Anvers) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Lorsqu’il est saisi d’une action introduite à l’encontre d’un consommateur qui porte sur l’exécution d’un contrat et qu’il a uniquement le pouvoir, selon les règles de procédure internes, d’examiner d’office la contrariété entre la demande et les règles nationales d’ordre public, le juge national a-t-il de la même manière le pouvoir d’examiner et d’établir d’office, même par défaut, si le contrat concerné entre dans le champ d’application de la directive [93/13], telle que transposée en droit belge ?

2) Un établissement d’enseignement libre qui dispense un enseignement subventionné à un consommateur doit-il être considéré comme une entreprise au sens du droit de l’Union dans le cadre du contrat portant sur la prestation de cet enseignement contre paiement d’un droit d’inscription à majorer éventuellement de montants destinés à rembourser les frais exposés par l’établissement d’enseignement ?

3) Un contrat conclu entre un consommateur et un établissement d’enseignement libre subventionné et portant sur la prestation d’un enseignement subventionné dispensé par cet établissement relève-t-il de la directive [93/13] et un établissement d’enseignement libre qui dispense un enseignement subventionné à un consommateur doit‑il être considéré comme un professionnel au sens de cette directive dans le cadre du contrat portant sur la prestation de cet enseignement ? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur les questions préjudicielles :

Sur la première question :

24. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’un juge national statuant par défaut et ayant le pouvoir, selon les règles de procédure internes, d’examiner d’office la contrariété entre la clause qui sert de base à la demande et les règles nationales d’ordre public peut, voire doit, examiner d’office si le contrat contenant cette clause relève du champ d’application de cette directive.

25. Il ressort de la décision de renvoi que cette question est liée à l’existence, en droit belge, de l’article 806 du code judiciaire, lequel impose au juge national statuant par défaut de faire droit aux demandes ou aux moyens de défense de la partie comparante, sauf dans la mesure où la procédure, ces demandes ou ces moyens sont contraires à l’ordre public. Ainsi, le juge national statuant par défaut ne peut soulever d’office que les seuls moyens d’ordre public. Or, dans la mesure où il n’est pas certain que la réglementation belge relative aux clauses abusives soit d’ordre public, ce juge doute qu’il puisse examiner d’office, notamment, si un contrat, tel que celui en cause au principal, relève du champ d’application de la directive 93/13.

26. Afin de répondre à la question posée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêts du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C‑137/08, EU:C:2010:659, point 46 et jurisprudence citée ; du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C‑472/11, EU:C:2013:88, point 19 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 décembre 2017, Banco Santander, C‑598/15, EU:C:2017:945, point 36 et jurisprudence citée).

27. La Cour a également jugé que, eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de cette directive prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (arrêts du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C‑137/08, EU:C:2010:659, point 47 et jurisprudence citée ; du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C‑472/11, EU:C:2013:88, point 20 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 janvier 2017, Banco Primus, C‑421/14, EU:C:2017:60, point 41 et jurisprudence citée).

28. Afin d’assurer la protection visée par ladite directive, la Cour a souligné que la situation d’inégalité entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat (arrêts du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C‑137/08, EU:C:2010:659, point 48 et jurisprudence citée ; du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C‑472/11, EU:C:2013:88, point 21 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 avril 2016, Sales Sinués et Drame Ba, C‑381/14 et C‑385/14, EU:C:2016:252, point 23 et jurisprudence citée).

29. C’est à la lumière de ces considérations que la Cour a jugé que, dans le cadre des fonctions qui incombent au juge national, en vertu des dispositions de la directive 93/13, celui-ci est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel (voir, en ce sens, arrêts du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, EU:C:2006:675, point 38, ainsi que du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C‑472/11, EU:C:2013:88, points 22 et 24 et jurisprudence citée).

30. Or, cette obligation emporte également, pour le juge national, celle d’examiner si le contrat contenant la clause servant de base à la demande entre dans le champ d’application de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C‑137/08, EU:C:2010:659, point 49, et, par analogie, arrêt du 4 juin 2015, Faber, C‑497/13, EU:C:2015:357, point 46). En effet, apprécier d’office le caractère abusif de clauses figurant dans le contrat en question implique nécessairement, pour ce juge, d’examiner, au préalable, si ce contrat relève du champ d’application de ladite directive.

31. Ces obligations incombant au juge national doivent être considérées comme nécessaires pour assurer au consommateur une protection effective, telle que garantie par la directive 93/13, eu égard notamment au risque non négligeable que celui-ci soit dans l’ignorance de ses droits ou rencontre des difficultés pour les exercer (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, EU:C:2006:675, point 28 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 42).

32. Ainsi, la protection que la directive 93/13 confère aux consommateurs s’étend aux hypothèses dans lesquelles le consommateur qui a conclu avec un professionnel un contrat contenant une clause abusive s’abstient d’invoquer, d’une part, le fait que ce contrat relève du champ d’application de cette directive et, d’autre part, le caractère abusif de la clause en question, soit parce qu’il ignore ses droits, soit parce qu’il est dissuadé de les faire valoir en raison des frais qu’une action en justice entraînerait (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, EU:C:2006:675, point 29 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 43).

33. S’agissant de la mise en œuvre desdites obligations par un juge national statuant par défaut, il convient de rappeler que, en l’absence de réglementation du droit de l’Union en la matière, les modalités des procédures destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent dudit droit de l’Union relèvent de l’ordre juridique interne des États membres, en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers. Cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux consommateurs par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, par analogie, arrêt du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

34. En ce qui concerne le principe d’équivalence, auquel se réfère implicitement la première question préjudicielle et qui est seul en cause en l’occurrence, il convient de souligner que, ainsi qu’il a été rappelé au point 27 du présent arrêt, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 constitue une disposition ayant un caractère impératif (arrêt du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

35. Par ailleurs, la Cour a jugé que, étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que cette directive assure aux consommateurs, l’article 6 de celle-ci doit être considéré comme une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public. Il y a lieu de considérer que cette qualification s’étend à toutes les dispositions de la directive qui sont indispensables à la réalisation de l’objectif poursuivi par ledit article 6 (arrêt du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

36. Il en découle que, lorsque le juge national est compétent, selon les règles de procédure internes, pour examiner d’office la contrariété d’une demande aux règles nationales d’ordre public, ce qui, selon les indications fournies par la décision de renvoi, est le cas dans le système juridictionnel belge du juge statuant par défaut, il doit également exercer cette compétence aux fins d’apprécier d’office si, au regard des critères édictés par la directive 93/13, la clause litigieuse qui fonde cette demande ainsi que le contrat dans lequel celle-ci figure relèvent du champ d’application de cette directive et, le cas échéant, si cette clause est abusive (voir, par analogie, arrêt du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 45).

37. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question posée que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’un juge national statuant par défaut et ayant le pouvoir, selon les règles de procédure internes, d’examiner d’office la contrariété entre la clause qui sert de base à la demande et les règles nationales d’ordre public est tenu d’examiner d’office si le contrat contenant cette clause relève du champ d’application de cette directive et, le cas échéant, le caractère éventuellement abusif de ladite clause.

 

Sur les deuxième et troisième questions :

38. Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande, d’une part, si un établissement d’enseignement libre, tel que le KdG, doit être considéré comme étant une entreprise au sens du droit de l’Union lorsqu’il dispense un enseignement subventionné à un consommateur et qu’il ne perçoit, à ce titre, qu’un droit d’inscription à majorer éventuellement de montants destinés à rembourser les frais exposés par cet établissement. D’autre part, cette juridiction demande si le contrat conclu entre un consommateur et un tel établissement et portant sur la prestation de cet enseignement relève de la directive 93/13 et si cet établissement doit, dans le cadre de ce contrat, être considéré comme un « professionnel », au sens de cette directive.

39. À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à son article 1er, la directive 93/13 s’applique non pas aux contrats conclus entre une « entreprise » et un consommateur, mais à ceux conclus entre un « professionnel » et un consommateur, de sorte qu’il n’y a pas lieu, dans le cadre de l’affaire au principal, de déterminer si un établissement d’enseignement tel que le KdG doit être considéré comme une « entreprise », au sens du droit de l’Union.

40. Par ailleurs, il ressort des pièces dont dispose la Cour que le terme « entreprise » figurant à l’article VI.83 du code de droit économique a été employé par le législateur belge pour transposer, dans l’ordre juridique national, le terme « professionnel » défini à l’article 2, sous c), de la directive 93/13.

41. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en appliquant le droit interne, les juridictions nationales sont tenues de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive 93/13 pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, de se conformer à l’article 288, troisième alinéa, TFUE. Cette obligation d’interprétation conforme du droit national est en effet inhérente au système du traité FUE en ce qu’elle permet aux juridictions nationales d’assurer, dans le cadre de leurs compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elles tranchent les litiges dont elles sont saisies (voir, par analogie, arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C‑377/14, EU:C:2016:283, point 79 ainsi que jurisprudence citée).

42. Il en découle que, dans le cadre de l’affaire au principal, la notion d’« entreprise », telle qu’utilisée en droit belge, doit être interprétée par le juge national d’une manière conforme à celle de « professionnel », au sens de la directive 93/13, et, notamment, à la définition figurant à l’article 2, sous c), de celle-ci.

43. En outre, il ressort également des pièces dont dispose la Cour que le contrat en cause au principal, signé par le KdG et Mme Kuijpers, prévoit un plan d’apurement sans intérêts des sommes dues par celle-ci au titre des droits d’inscription et des frais liés à un voyage d’études.

44. Dans ce contexte, il y a lieu de comprendre les deuxième et troisième questions, qu’il convient de traiter ensemble, en ce sens que la juridiction de renvoi demande, en substance, si un établissement d’enseignement libre, tel que celui en cause au principal, qui, par contrat, est convenu avec l’une de ses étudiantes de facilités de paiement de sommes dues par cette dernière au titre de droits d’inscription et de frais liés à un voyage d’études, doit être considéré, dans le cadre de ce contrat, comme un « professionnel », au sens de l’article 2, sous c), de la directive 93/13, de sorte que ledit contrat relève du champ d’application de cette directive.

45. À cet égard, il convient de rappeler que la directive 93/13 s’applique, ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 1, et de son article 3, paragraphe 1, aux clauses des « contrats conclus entre un professionnel et un consommateur » qui n’ont « pas fait l’objet d’une négociation individuelle ».

46. Ainsi que l’énonce le dixième considérant de la directive 93/13, les règles uniformes concernant les clauses abusives doivent s’appliquer à « tout contrat » conclu entre un « professionnel » et un « consommateur », tels que définis à l’article 2, sous b) et c), de cette directive.

47. Aux termes de l’article 2, sous c), de la directive 93/13, la notion de « professionnel » est définie comme visant toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de ladite directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée.

48. Il résulte du libellé même de cette disposition que le législateur de l’Union a entendu consacrer une conception large de la notion de « professionnel » (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

49. En effet, en premier lieu, l’emploi du terme « toute » dans ladite disposition met en évidence que chaque personne physique ou morale doit être considérée comme un « professionnel », au sens de la directive 93/13, dès lors qu’elle exerce une activité professionnelle.

50. En second lieu, cette même disposition vise toute activité professionnelle, « qu’elle soit publique ou privée ». Partant, ainsi que l’énonce son quatorzième considérant, la directive 93/13 s’applique également aux activités professionnelles à caractère public (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2015, Šiba, C‑537/13, EU:C:2015:14, point 25).

51. Il s’ensuit que l’article 2, sous c), de la directive 93/13 n’exclut de son champ d’application ni les entités poursuivant une mission d’intérêt général ni celles qui revêtent un statut de droit public (voir, par analogie, arrêt du 3 octobre 2013, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs, C‑59/12, EU:C:2013:634, point 32). En outre, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 57 de ses conclusions, dans la mesure où les missions à caractère public et d’intérêt général sont souvent effectuées dans un but non lucratif, le fait qu’un organisme est ou non à but lucratif est dénué de pertinence pour la définition de la notion de « professionnel », au sens de cette disposition.

52. Par ailleurs, il résulte du libellé de l’article 2, sous c), de la directive 93/13 que, pour être qualifiée de « professionnel », il est nécessaire que la personne concernée agisse « dans le cadre de son activité professionnelle ». Quant à l’article 2, sous b), de cette directive, il prévoit que la notion de « consommateur » vise toute personne physique qui, dans les contrats relevant de ladite directive, agit « à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ».

53. C’est donc par référence à la qualité des contractants, selon qu’ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle, que la directive 93/13 définit les contrats auxquels elle s’applique (arrêts du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 30, ainsi que du 3 septembre 2015, Costea, C‑110/14, EU:C:2015:538, point 17 et jurisprudence citée).

54. Ce critère correspond à l’idée, déjà rappelée au point 26 du présent arrêt, sur laquelle repose le système de protection mis en œuvre par la même directive, à savoir que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel, en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles‑ci (arrêts du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 31, ainsi que du 3 septembre 2015, Costea, C‑110/14, EU:C:2015:538, point 18 et jurisprudence citée).

55. Il en résulte que la notion de « professionnel », au sens de l’article 2, sous c), de la directive 93/13, est une notion fonctionnelle impliquant d’apprécier si le rapport contractuel s’inscrit dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel (voir, par analogie, ordonnance du 27 avril 2017, Bachman, C‑535/16, non publiée, EU:C:2017:321, point 36 et jurisprudence citée).

56. En l’occurrence, les gouvernements belge et autrichien ont fait valoir que, en tant qu’établissement d’enseignement supérieur dont le financement est assuré, pour l’essentiel, par des fonds publics, le KdG ne saurait être considéré comme une « entreprise », conformément à l’acception retenue de cette notion en droit de la concurrence de l’Union, et, partant, comme un « professionnel », au sens de la directive 93/13, dans la mesure où la prestation d’enseignement qu’il fournit ne constitue pas un « service », au sens de l’article 57 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 1993, Wirth, C‑109/92, EU:C:1993:916, points 16 et 17).

57. À cet égard, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, en tout état de cause, l’affaire au principal ne porte pas directement sur la mission d’enseignement d’un établissement tel que le KdG. En revanche, est en cause une prestation fournie par cet établissement, à titre complémentaire et accessoire de son activité d’enseignement, consistant à offrir, au moyen d’un contrat, un apurement sans intérêts de sommes qui lui sont dues par une étudiante. Or, une telle prestation revient, par nature, à consentir des facilités de paiement d’une dette existante et constitue, fondamentalement, un contrat de crédit.

58. Partant, sous réserve de la vérification par la juridiction de renvoi des éléments mentionnés au point précédent, il y a lieu de considérer que, en fournissant, dans le cadre dudit contrat, une telle prestation complémentaire et accessoire de son activité d’enseignement, un établissement tel que le KdG agit en tant que « professionnel », au sens de la directive 93/13.

59. Cette interprétation est corroborée par la finalité protectrice poursuivie par cette directive. En effet, dans le cadre d’un contrat tel que celui en cause au principal, il existe, en principe, une inégalité entre l’établissement d’enseignement et l’étudiant, du fait de l’asymétrie de l’information et des compétences techniques entre ces parties. En effet, un tel établissement dispose d’une organisation pérenne et de compétences techniques dont ne dispose pas nécessairement l’étudiant, agissant à des fins privées, qui est confronté de manière incidente à un tel contrat.

60. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, et sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions posées que l’article 2, sous c), de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’un établissement d’enseignement libre, tel que celui en cause au principal, qui, par contrat, est convenu avec l’une de ses étudiantes de facilités de paiement de sommes dues par cette dernière au titre de droits d’inscription et de frais liés à un voyage d’études, doit être considéré, dans le cadre de ce contrat, comme un « professionnel », au sens de cette disposition, de sorte que ledit contrat relève du champ d’application de cette directive.

 

Sur les dépens :

61. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1) La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’un juge national statuant par défaut et ayant le pouvoir, selon les règles de procédure internes, d’examiner d’office la contrariété entre la clause qui sert de base à la demande et les règles nationales d’ordre public est tenu d’examiner d’office si le contrat contenant cette clause relève du champ d’application de cette directive et, le cas échéant, le caractère éventuellement abusif de ladite clause.

2) Sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, l’article 2, sous c), de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’un établissement d’enseignement libre, tel que celui en cause au principal, qui, par contrat, est convenu avec l’une de ses étudiantes de facilités de paiement de sommes dues par cette dernière au titre de droits d’inscription et de frais liés à un voyage d’études, doit être considéré, dans le cadre de ce contrat, comme un « professionnel », au sens de cette disposition, de sorte que ledit contrat relève du champ d’application de cette directive.

Signatures