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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 19 décembre 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 19 décembre 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 16/25325
Date : 19/12/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 5 mai 2021, CASS. CIV. 1re, 30 mars 2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8163

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 19 décembre 2018 : RG n° 16/25325 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que Madame X. prétend que son action est parfaitement recevable ; que le réputé non écrit d'une clause abusive n'entre pas dans le champ d'application de la prescription extinctive, que la demande du consommateur tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive est imprescriptible et qu'en tout état de cause, même si l'emprunteur ne formulait pas une telle demande, le juge serait tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses d'un contrat dont il est saisi ; qu'elle rappelle, subsidiairement, que le point de départ du délai de prescription de n'importe quelle action doit s'apprécier en fonction du moment où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer, conformément à l'article 2224 du code civil, et qu'au jour de la souscription du prêt, l'emprunteur pouvait d'autant plus légitimement ignorer l'existence d'un déséquilibre significatif que la banque lui a affirmé lui vendre un « produit sécurisé » ; qu'elle précise que 'ce n'est d'ailleurs qu'à l'issue de l'information judiciaire (qu'elle) a eu pleinement conscience des faits lui permettant d'agir, ce qui repousse d'autant le point de départ du délai de prescription et qu'il résulte des éléments de fait et de droit débattus devant la cour (qu'elle) ne disposait pas lors de la conclusion du contrat de l'ensemble des circonstances dont le professionnel pouvait avoir connaissance audit moment et qui étaient de nature à influer sur l'exécution ultérieure de celui-ci’ ; qu'elle conclut que le point de départ du délai de prescription est glissant ; que retenir comme point de départ du délai de prescription le jour de la souscription du contrat constituerait manifestement une atteinte au droit, conventionnellement protégé, au recours effectif au juge ; qu'elle soutient que la clause d'indexation, constituée par les clauses de monnaie de compte et de paiement, qui comprennent les clauses « description de votre crédit », « financement de votre crédit », « ouverture d'un compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit » « opération de change », « remboursement de votre crédit », du contrat Helvet Immo, qui ne porte ni sur l'objet principal du contrat, ni sur son prix, mais constitue une modalité d'exécution de l'obligation de remboursement des emprunteurs, est abusive, en ce qu'elle expose les consommateurs, et seulement eux, à un risque financier illimité et qu'elle est, en tout état de cause, inintelligible pour un consommateur moyen, tout comme la clause d'option pour un changement de monnaie de compte et la clause de reconnaissance de la parfaite information du bordereau d'acceptation ; qu'elle demande que ces clauses soient réputées non écrites et qu'en conséquence, le contrat de crédit « Helvet Immo » soit requalifié en contrat de crédit en euros, et qu'elle soit replacée dans la situation dans laquelle elle aurait dû se trouver si le prêt si le prêt avait été en euros dès sa conclusion ;

Considérant que BNP Paribas Personal Finance soutient que les demandes formées par Madame X. sur le fondement des clauses abusives sont, à titre principal, prescrites, à titre subsidiaire, mal fondées, puisque, à titre principal, la clause de monnaie de compte stipulée en francs suisses définit l'objet principal du contrat et est rédigée de manière claire et compréhensible, à titre subsidiaire, la clause de monnaie de compte stipulée en francs suisses dans le prêt Helvet Immo ne créé pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisque le décrochage de l'euros en 2010 n'était pas anticipé, la variation du taux de change est supportée de façon réciproque par les parties, la clause de monnaie de compte n'est pas révélatrice d'un déséquilibre au regard de l'économie générale du contrat, ensuite que la clause d'option n'est pas abusive et que l'accusé de réception et d'acceptation de l'offre de prêt n'est pas une clause abusive ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient Madame X., la cour ne peut tirer, ni de la rédaction de l'article R. 632-1 du code de la consommation qui prévoit que le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application et qu'il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat, ni des arrêts rendus le 4 juin 2009 par la CJCE (arrêt Pannon) et le 29 mars 2017 par la 1ere chambre civile de la cour de cassation (16-13.050 et 15-27.231) la conclusion qu'aucune limite temporelle ne saurait être imposée à l'action du juge, tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses d'un contrat dont il est saisi ;

Qu'en effet l'article R. 632-1 du code de la consommation, qui figure au chapitre II intitulé « office du juge », du titre troisième intitulé « compétence du juge », effectue seulement une distinction entre ce que le juge peut et ce qu'il doit relever d'office ; que ce texte ne traite pas du problème de la prescription, étant précisé qu'il est constant que le juge, qui examine d'office certains moyens, est soumis aux mêmes conditions de temps et de délais que les parties elles-mêmes et qu'il ne peut s'en affranchir ;

Que la CJCE dans l'arrêt PANNON et la cour de cassation dans les arrêts du 29 mars 2017 ont seulement dit, sans aborder la question de la prescription, que le juge national était tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ;

Considérant que la jurisprudence de la cour de Luxembourg invoquée (arrêt Cofidis CJUE 21 novembre 2002 C 473/00) édicte seulement le principe selon lequel, en matière de clause abusive, la fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut être opposée au consommateur qui forme sa demande par voie d'exception ou au juge qui la relève d'office ;

Considérant en effet que la cour a dit pour droit :

« XXXV. Il apparaît dès lors que, dans les procédures ayant pour objet l'exécution de clauses abusives, introduites par des professionnels à l'encontre de consommateurs, la fixation d'une limite temporelle au pouvoir du juge d'écarter, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, de telles clauses est de nature à porter atteinte à l'effectivité de la protection voulue par les articles 6 et 7 de la directive. Il suffit en effet aux professionnels, pour priver les consommateurs du bénéfice de cette protection, d'attendre l'expiration du délai fixé par le législateur national pour demander l'exécution des clauses abusives qu'ils continueraient d'utiliser dans les contrats.

XXXVI. Il y a donc lieu de considérer qu'une disposition procédurale qui interdit au juge national, à l'expiration d'un délai de forclusion, de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par un consommateur, le caractère abusif d'une clause dont l'exécution est demandée par le professionnel, est de nature à rendre excessivement difficile, dans les litiges auxquels les consommateurs sont défendeurs, l'application de la protection que la directive entend leur conférer.

XXXVII. Cette interprétation n'est pas contredite par le fait que, comme le font valoir Cofidis et le gouvernement français, la Cour a jugé à diverses reprises que des délais de forclusion plus brefs que celui en cause dans l'affaire au principal ne sont pas incompatibles avec la protection des droits conférés à des particuliers par le droit communautaire (arrêts précités Rewe et Palmisani). Il suffit en effet de rappeler que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l'application du droit communautaire doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l'ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales (arrêt du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93, Rec. p. I-4599, point 14). Les arrêts précités Rewe et Palmisani invoqués par Cofidis et le gouvernement français ne sont donc que le résultat d'appréciations au cas par cas, portées en considération de l'ensemble du contexte factuel et juridique propre à chaque affaire, qui ne sauraient être transposées automatiquement dans des domaines différents de ceux dans le cadre desquels elles ont été émises.

XXXVIII. Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que la protection que la directive assure aux consommateurs s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » ; (souligné par la cour)

Considérant qu'il résulte clairement de cette décision que la cour n'a envisagé que le cas de l'action intentée par le professionnel qui demande, à l'encontre du consommateur, l'application d'une clause qui pourrait être qualifiée d'abusive ; qu'elle ne traite pas de l'action engagée par le consommateur à l'encontre du professionnel, qui est le cas d'espèce, puisque Madame X. est demanderesse à l'action et non pas défenderesse ;

Considérant en outre qu'il s'évince des termes même et du sens de la décision que la cour, non seulement ne consacre pas la thèse du caractère imprescriptible de l'action tendant à faire déclarer non écrite une clause qualifiée d'abusive, mais qu'au contraire, elle part du constat que l'action n'est pas, par elle-même, imprescriptible et qu'elle est soumise à des délais de prescription par le droit national, et qu'elle en déduit qu'il faut, afin d'assurer la protection du consommateur, absolument éviter que le professionnel 'attend(e) l'expiration du délai fixé par le législateur national pour demander l'exécution des clauses abusives'(souligné par la cour) ;

Considérant qu'aucun texte, en droit français, ne prévoit l'imprescriptibilité de l'action tendant à voir réputée non écrite une clause qui serait abusive ;

Considérant qu'il résulte des écritures procédurales des parties et des pièces qu'elles versent aux débats que le sujet est débattu et que la doctrine est partagée ;

Considérant que certes la cour de cassation, (3ème chambre) a jugé, en substance, que tout copropriétaire peut, sans que l'on puisse lui opposer la prescription, agir sur le fondement de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, pour faire modifier le règlement de copropriété quand il contient des clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 17, 19 à 37 et 42 de la loi, lesquelles sont réputées non écrites, et étant non avenues par le seul effet de la loi, sont censées n'avoir jamais existé ;

Considérant qu'elle a aussi (3ème chambre civile 10 juillet 2013 12-14569 par exemple) jugé que la décision de réputer non écrite de telles clauses, contraires à des dispositions légales, ne vaut que pour l'avenir et ne prend effet qu'à compter de la date à laquelle la décision a acquis l'autorité de la chose jugée ;

Considérant que la cour de cassation a également dans un arrêt (3ème civile 23 janvier 2008 06-19129), censuré les juges d'appel qui avaient déclaré non écrite une clause d'un bail commercial, au lieu de prononcer sa nullité, étant précisé qu'ainsi ils avaient évité de constater l'acquisition de la prescription ;

Considérant que cependant dans un tel cas, les deux contractants étaient deux professionnels qui connaissaient le statut d'ordre public qui avait vocation à se substituer à la clause illicite ;

Considérant que la transposition des jurisprudences précitées aux clauses abusives de l'article 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 du dit code, ne revêt aucun caractère d'évidence ;

Considérant qu'admettre que par une fiction juridique la clause abusive de l'article 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 du dit code, réputée non écrite, est censée n'avoir jamais existé, pose de sérieuses questions ;

Considérant en effet, tout d'abord, que pour qualifier une clause d'abusive au visa de ce texte, le juge ne doit pas examiner sa concordance avec des dispositions légales ou règlementaires précises, qu'il doit se livrer à une triple analyse et apprécier, d'abord, si la clause litigieuse porte sur la définition de l'objet principal du contrat ou sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert et ensuite si, dans le premier cas, elle est rédigée de façon claire et compréhensible ; qu'en cas de réponse positive cumulative à ces deux questions, toute discussion à propos du caractère abusif de la clause est exclue ; que ce n'est qu'en cas de réponse négative que le juge doit dire si la dite clause a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Considérant, ensuite, que les conséquences de la décision du juge, qui déclare abusive, et donc non écrite, une clause d'un contrat, sont radicalement différentes, puisque la situation des parties doit être revue à la date de la conclusion du contrat et que tous les effets que la dite clause a produits doivent être anéantis dans le passé ;

Considérant qu'il est dès lors manifeste qu'autoriser un co-contractant à agir à tout moment, même si le contrat a été exécuté, pour soumettre à l'appréciation du juge le caractère abusif d'une clause d'un contrat et la voir déclarer non écrite, imposer au juge, d'agir d'office, et d'écarter une telle clause, sans limite de temps, ni sans aucune autre condition, constitueraient des atteintes réelles à l'ordre social qui ne peut admettre que des situations acquises soient remises en cause sans prévisibilité aucune, et dépendent d'aléas judiciaires ;

Considérant que consacrer l'imprescriptibilité de cette action et la possibilité d'anéantir rétrospectivement les effets du contrat, de façon perpétuelle, créerait une insécurité juridique majeure ;

Considérant que le contrat est soumis, par sa date, aux dispositions de la loi n° 208-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile ;

Considérant que cette loi a eu parmi ses objectifs essentiels, celui de raccourcir le temps et modifier la durée de la prescription jugée le plus souvent excessive, celui d'harmoniser les délais, et d'intégrer les enjeux européens pour rendre le système juridique français plus sécurisé, plus performant et attractif pour les opérateurs économiques et le droit contractuel plus attrayant aux yeux des investisseurs ;

Considérant qu'il y a lieu, notamment, de rappeler que les deux délais de prescription de l'action en nullité absolue et relative ont été unifiés, par cette loi, en un seul délai de 5 ans, de sorte qu'il n'existe plus, du point de vue du délai de la prescription, aucune différence entre l'ordre public de direction et l'ordre public de protection, et de souligner que les conséquences du prononcé de la nullité d'une clause et de la qualification de clause abusive sont identiques, puisque la clause nulle est réputée n'avoir jamais existé ;

Considérant que Madame X. ne peut pas sérieusement soutenir que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où elle a découvert le déséquilibre significatif, c'est-à-dire au jour où elle a été en mesure de percevoir l'augmentation de la durée de son crédit et la possibilité d'un déplafonnement total de ses échéances lors des cinq années supplémentaires, et non pas au jour de la convention ;

Considérant, tout d'abord, qu'il y a lieu de rappeler que la présente cour a eu à se prononcer sur le caractère abusif des clauses du prêt Helvet Immo, lorsque les demandes ont été présentées devant elle par les emprunteurs dans le délai de la prescription ; qu'elle a jugé, en se fondant sur les décisions de la CJUE, que la clause de monnaie de compte, dont toutes les autres ne sont que la déclinaison, définit l'objet principal du contrat et est rédigée de manière claire et compréhensible ; que la cour de cassation a rejeté le pourvoi ( 1ère civ 3 mai 2018 1713593) qui avait été formé contre un des arrêts qui a retenu cette solution ;

Considérant ensuite qu'il importe de constater que Madame X. exerce la profession de notaire, c'est-à-dire qu'elle est une praticienne du droit et qu'elle est rompue aux contrats ; que dès lors elle ne peut pertinemment pas prétendre qu'elle n'a pas compris, avant que le risque ne se réalise, qu'elle était soumise au risque de change et que les opérations de change pouvaient avoir un impact sur la charge et la durée du plan de remboursement ;

Considérant qu'il résulte de la simple lecture de l'offre de prêt, dont les stipulations essentielles ont été reproduites ci-dessus que l'emprunt porte sur des sommes chiffrées en francs suisses et que le capital emprunté permettra de débloquer le montant du prix de vente de l'immeuble chiffré en euros chez le notaire et de payer les frais de change correspondant à cette opération ; que le fonctionnement du prêt en devises est décrit de façon transparente avec un compte interne en francs suisses pour connaître à tout moment l'état de remboursement du crédit, « les sommes en francs suisses correspondant au solde (des règlements) mensuels en euros après opération de change en francs suisses selon les modalités décrites au paragraphe « Opérations de change », valeur au jour de la réception de vos règlements » et un compte interne en euros pour permettre le paiement des échéances du crédit ; que l'article « Opérations de change » précise le mécanisme des opérations de change réalisées au cours de la vie du crédit et indique que le taux de change euros contre francs suisses sera celui applicable deux jours ouvrés avant la date de l'événement qui détermine l'opération et qui est publié sur le site internet de la Banque Centrale Européenne ; qu'il stipule que le prêt, qui est un prêt de francs suisses et ne constitue pas une opération de crédit international, suppose que les versements ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses ; qu'il spécifie qu'en acceptant la présente offre de crédit l'emprunteur « accepte les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement (du crédit) » ; qu'il prévoit que le prêteur opérera « la conversion en francs suisses du solde (des) règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes (du) crédit » ; qu'il est indiqué que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels, que s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance du crédit sera inscrite au solde débiteur du compte interne en francs suisses ; que s'il résulte de l'opération de change une somme supérieure à l'échéance en francs suisses, l'amortissement du capital sera plus rapide et le crédit sera remboursé plus rapidement ; qu'il est explicitement stipulé que si le prêt en francs suisses n'est pas remboursé en totalité au terme de la durée initiale du crédit, la durée de celui-ci sera allongée dans la limite de 5 ans et que le montant des échéances sera augmenté ;

Considérant ainsi que Madame X. a été, dans l'offre de prêt elle-même, clairement, précisément, expressément, et spécialement informée sur le risque de variation du taux de change et sur son influence sur la durée et le montant du prêt et donc sur la charge totale de remboursement de ce prêt et a reconnu avoir bénéficié de cette information lorsqu'elle a accepté l'offre ;

Considérant en conséquence que Madame X. ne peut se prévaloir d'un quelconque report du point de départ du délai de prescription ;

Considérant qu'elle ne peut non plus invoquer la violation qui en découlerait pour elle de son droit à un recours effectif au juge, prévu par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;

Considérant en effet que ce droit n'est pas absolu, qu'il se prête à certaines limitations et appelle une réglementation par l'État, jouissant à cet égard d'une certaine marge d'appréciation ; qu'en l'espèce le droit au tribunal de Madame X. ne se trouve pas atteint dans sa substance même ; que les délais de prescription, qui ne sont pas exagérément courts, poursuivent un but légitime, en ce que l'appréciation du délai à respecter pour former une demande vise à assurer une administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique ;

Considérant en définitive et compte tenu de ce qui précède, qu'il y a lieu de dire que l'action engagée par Madame X. pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d'abusives relève du droit commun des contrats ; qu'elle est donc soumise, comme les demandes, à la prescription quinquennale ; que le point de départ de cette prescription est la date de l'acceptation de l'offre, soit le 22 juin 2008 ; que Madame X. a, pour la première fois, prétendu que les clauses de son offre de prêt étaient abusives, dans des conclusions datées du 15 octobre 2018, c'est-à-dire postérieurement à l'expiration du délai de prescription intervenu le 23 juin 2014 ;

Considérant ainsi que la fin de non-recevoir tirée de la prescription doit être accueillie et que les demandes formées par Madame X. doivent être déclarées irrecevables ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2018