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TI MANTES-LA-JOLIE, 18 août 2000

Nature : Décision
Titre : TI MANTES-LA-JOLIE, 18 août 2000
Pays : France
Juridiction : Mantes la Jolie (TI)
Demande : 11-99-001072
Date : 18/08/2000
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 1/12/1999
Décision antérieure : CA VERSAILLES (1re ch. B), 4 octobre 2002
Numéro de la décision : 745
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CERCLAB - DOCUMENT N° 82

TI MANTES-LA-JOLIE, 18 août 2000 : RG n° 11-99-001072 ; jugement n° 745

(sur appel CA Versailles (1re ch. B), 4 octobre 2002 : RG n° 2000/8016)

 

Extrait : « Il apparaît d'une part que ni les époux Y. ni Madame X. ne sont des éleveurs professionnels mais restent des éleveurs amateurs possédant des chatteries avec moins de huit animaux. Ils exercent chacun une profession distincte et principale, les vendeurs étant artistes lyriques et l'acheteur moniteur d'auto-école. Ainsi, la première condition visée à l'article L. 132-1 du Code susvisé n'est pas remplie, chacune des parties ayant des connaissances suffisantes et éclairées en matière félinotechnique et des règles importantes à respecter dans le cadre d'une transaction. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE MANTES-LA JOLIE

JUGEMENT DU 18 AOÛT 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-99-001072. Jugement n° 745. Audience publique de ce Tribunal d'Instance, tenue le 18 août 2000. Au siège du Tribunal, sous la Présidence de BAUDOT-RENAULT Cécile, Juge d'Instance, assistée de Nicole LEFRANCOIS, Greffier ;

 

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR :

Madame X.

[adresse], représentée par Maître RAOULT Christian, avocat du barreau de VERSAILLES

 

ET :

DÉFENDEURS ;

- Monsieur Y.

[adresse], représenté par Maître BARUCHEL BEURDELEY, avocat du barreau de PARIS

- Madame Y.

[adresse], représenté par Maître BARUCHEL BEURDELEY, avocat du barreau de PARIS

 

DÉBATS : Audience publique du 9 juin 2000. Les parties ont été avisées par le Président de la juridiction que le jugement serait prononcé à l'audience du 18 août 2000.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 17 septembre 1997, Madame X. a acheté à Monsieur et Madame Y. un chat de race RAGDOLL, de sexe femelle dénommée N. de S. moyennant le prix de 7.500 francs.

L'attestation de vente signée par les deux parties contient plusieurs clauses dont une qui stipule que la chatte est limitée à être couverte exclusivement par des RAGDOLLS autorisés par l'éleveur.

Monsieur et Madame Y. se trouvant au domicile de Madame X. le 15 mars 1998 ont constaté que la chatte N. avait été saillie par un chat Persan et l'ont repris.

[minute page 2] Suite à une plainte pénale pour vol classée sans suite, et à une médiation pénale qui a échoué, Madame X. a saisi le Tribunal de céans par acte du 1er décembre 1999 afin d'obtenir la nullité de la convention annexe à l'attestation de vente comme étant abusive, la condamnation des époux Y. à restituer le prix de l'animal soit 7.500 francs avec intérêts au taux légal, ainsi qu'à payer la somme de 20.000 francs à titre de dommages et intérêts complémentaires, celle de 10.000 francs pour préjudice moral outre celle de 5.000 francs en application de l'article 700 du NCPC.

Madame X. déclare que les vendeurs se sont emparés de la chatte par la force et sans son accord, qu'ils ont transformé la réalité des faits lors de leurs dépositions devant les gendarmes, qu'ils ont conservé la chatte et les chatons nés depuis, lui causant un préjudice important étant donné la valeur de ces animaux.

Elle explique que les termes de l'attestation et de son annexe sont purement abusifs, d'autant qu'il est prévu qu'en cas de reprise de l'animal aucune compensation n'est due pour l'acheteur, et que ces conditions créent un avantage excessif à une partie sans dédommagement pour l'autre, ce qui justifie l'annulation de la clause.

Monsieur et Madame Y. sollicitent le débouté de Madame X. et formulent des demandes reconventionnelles à hauteur de 20.000 francs pour procédure abusive, 30.000 francs en réparation du préjudice moral, 15.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC, et ils demandent en outre la restitution de la carte de tatouage, du carnet de santé et le pedigree original de la chatte N. sous astreinte de 100 francs par jour de retard à compter de la décision.

Ils expliquent avoir été en très bons termes avec Madame X. qui leur a écrit depuis son lieu de vacances et qui les avait invités à prendre le thé le 15 mars 1998, qu'ils ont constaté à cette occasion que la chatte était pleine mais saillie par un chat Persan et non RAGDOLL comme le stipulait le contrat, ce qui les a amenés à se mettre d'accord pour la restitution de l'animal.

Ils ajoutent avoir été très surpris du dépôt de plainte puis du déroulement de la procédure, la médiation pénale ayant d'ailleurs échoué du fait de Madame X., qui s'est acharnée contre eux et a souhaité poursuivre la procédure sur le plan civil, ce qui justifie leur demande de dommages et intérêts à ce titre.

Ils déclarent que les conditions d'espèce ne sont pas réunies pour appliquer l'article L. 132.1 du Code de la consommation relatif aux clauses abusives, qu'ils sont eux-mêmes artistes lyriques et éleveurs amateurs de chats RAGDOLL et que Madame X. possède aussi une chatterie de sorte qu'elle ne peut prétendre être simple consommateur et avoir été abusée par le contrat.

[minute page 3] Ils ajoutent que les clauses de ce contrat sont tout à fait normales dans la mesure où N. est un chat d'exposition et de reproduction, qu'il est nécessaire de contrôler la pureté des lignes pour sauvegarder la race et respecter les règles félinotechniques et que Madame X. y a contrevenu en toute connaissance de cause.

Enfin, ils expliquent que Madame X. est plus animée d'un esprit de jalousie du fait de leur réussite dans l'élevage des chats de race RAGDOLL et d'un souhait de faire une opération financière, alors que les chatons croisés n'ont aucune valeur marchande et qu'ils les ont non vendus mais donnés.

Par note en délibéré non autorisée, Madame X. a fait savoir par l'intermédiaire de son Conseil que les époux Y. ne sont pas des éleveurs professionnels car non inscrits à la Direction des services vétérinaires et qu'elle-même exerce la profession de moniteur d'auto-école et n'est donc pas professionnelle.

Le Conseil des époux Y. rappelle par une autre note en délibéré que Madame X. est propriétaire d'une chatterie et, si elle n'est pas professionnelle, est néanmoins un acheteur parfaitement éclairé.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

La première note en délibéré a été produite en contravention des dispositions de l'article 445 du NCPC mais s'est révélée être contradictoire et contient des éléments intéressant pour le Tribunal ; les deux notes seront donc retenues.

 

I - Sur l'annulation de l'attestation de vente et de son annexe :

L'article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou amateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'attestation de vente de la chatte N. du 17 septembre 1997 a précisé qu'elle était « chatte d'exposition et de reproduction » et l'avenant a stipulé : « la chatte devra vivre au domicile de l'acheteur ; elle ne devra en aucun cas être enfermée dans une cage, ni être revendue ou échangée. Elle ne pourra être confiée en garde à une tierce personne que pour de courtes durées, vacances par exemple. La chatte est limitée à être couverte exclusivement par des RAGDOLLS autorisés par l'éleveur.

En cas de non respect de ces clauses, l'éleveur a le droit de reprendre la chatte sans aucune compensation pour l'acheteur ».

Il apparaît d'une part que ni les époux Y. ni Madame X. ne sont des éleveurs professionnels mais restent des éleveurs amateurs possédant des chatteries avec moins de 8 animaux. Ils exercent chacun une profession distincte et principale, les vendeurs étant artistes lyriques et l'acheteur moniteur d'auto-école.

[minute page 4] Ainsi, la première condition visée à l'article L. 132-1 du Code susvisé n'est pas remplie, chacune des parties ayant des connaissances suffisantes et éclairées en matière félinotechnique et des règles importantes à respecter dans le cadre d'une transaction.

Par ailleurs, il est stipulé que N. est une chatte d'exposition et de reproduction et au moment de la vente les époux Y. ont remis à Madame X. un certain nombre de documents, dont les certificats et prix d'exposition et le justificatif du pedigree de N. qui démontre que tous ses parents, aïeuls, bisaïeuls et trisaïeuls sont de race RAGDOLL.

Les attestations produites par les époux Y. démontrent l'importance pour les parties de préserver la race et lignée des chats. Ainsi, Madame A., non professionnelle mais affiliée à la société centrale féline de France, organe officiel du LOOF qui est le seul habilité par le Ministère de l'agriculture à délivrer des pedigrees, explique le contrôle du LOOF sur les mariages « autorisés » et ceux « non autorisés » qui restent exceptionnels et à but non lucratif, de même, Monsieur B., juge international instructeur en génétique à la TICA (The International Cat Association) et vérificateur de pedigrees, confirme que le mariage PERSAN-RAGDOLL n'est autorisé pour la reproduction par aucun règlement international félinotechnique.

Enfin, les époux Y. signent eux-mêmes des contrats comportant des clauses strictes lors de l'acquisition de chats de race RAGDOLL (pièce 5.1) et s'engagent à faire « couvrir les chattes exclusivement par des RAGDOLLS dont le pedigree est reconnu ».

Ces éléments démontrent l'importance à respecter des règles élémentaires lorsqu'un acheteur éclairé souhaite acquérir un chat de race et les clauses du contrat ne peuvent être considérées comme abusives.

En tout état de cause, le Tribunal de céans n'est pas saisi d'une procédure pénale et peu importe la conduite et déclarations de chacun lors de l'enquête ; de même, il n'est pas saisi d'actes anti-commerciaux comme tend à le faire croire Madame C., qui a produit une attestation à la demande de Madame X. et qui est contredite par les multiples attestations versées aux débats par les époux Y.

En conséquence, les demandes de Madame X. d'annulation de l'annexe de la convention de vente et de restitution de prix seront rejetées.

 

II - Sur les demandes de dommages et intérêts :

A l'appui de ses prétentions, Madame X. a produit uniquement deux attestations. La première de Mme C. susvisée n'est pas intéressante dans le cadre du présent litige et la seconde de Madame D. relate des faits qui lui sont arrivés personnellement et qui ne concernent pas le Tribunal ; de plus, cette attestation s'avère mensongère puisque cette personne déclare que Mr Y. est venu chez elle récupérer « manu militari » sa chatte alors qu'elle avait signé le 31 janvier 1998 un document d'annulation de vente de son chat NK (pièces 43, 44, 45 et 46).

[minute page 5] De même dans le cadre de ce litige, Madame X. a fait appel à une multitude de services et a souvent décrié de manière injustifiée le comportement des époux Y.

Madame X. a refusé la médiation pénale alors que les vendeurs lui proposaient de restituer la chatte ou le prix.

Son attitude incorrecte qui s'est révélée dans ce dossier, la production d'une attestation trompeuse et la multiplication de procédures injustifiées justifient sa condamnation à payer aux époux Y. la somme de 5.000 francs pour préjudice moral et celle de 5.000 francs pour procédure abusive.

Madame X. devra restituer aux vendeurs la carte de tatouage, le carnet de santé et le pedigree original de la chatte N., sans que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire.

Il ne paraît pas inéquitable de condamner Madame X. à payer aux défendeurs la somme de 5.000 francs au titre des frais de procédure que les époux Y. ont dû exposer malgré les tentatives d'arrangements préalables.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire,

Déboute Madame X. de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Madame X. à payer aux époux Y. la somme de 5.000 francs (762,25 euros) pour préjudice moral et celle de 5.000 francs (762,25 euros) pour procédure abusive, avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1999,

Dit que Madame X. devra restituer aux vendeurs la carte de tatouage, le carnet de santé et le pedigree original de la chatte N., sans astreinte,

Condamne Madame X. à payer aux défendeurs la somme de 5.000 francs (762,25 euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Madame X. aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique de ce jour.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT