CA VERSAILLES (1re ch. B), 4 octobre 2002
CERCLAB - DOCUMENT N° 1718
CA VERSAILLES (1re ch. B), 4 octobre 2002 : RG n° 2000/8016
Publication : Bull. inf. C. cass., 15 juillet 2003, n° 939
Extraits 1/ : « Considérant que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'à titre indicatif constitue une clause abusive celle qui a pour effet d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé »
2/ « Considérant qu'il ne suffit pas que Monsieur et Madame Y. se désignent dans la convention annexe comme éleveurs pour affirmer qu'ils sont éleveurs professionnels ; que d'ailleurs Madame X. leur a reproché aux termes de ses conclusions de première instance d'avoir établi « un contrat à peu près copié sur celui du CAT CLUB DE GENÈVE alors qu'ils n'étaient pas professionnels au moment des faits » ; Considérant qu'il ressort d'un article de la revue « FELIMAG » du mois de mai 1998, que l'élevage des chats RAGDOLLS par Monsieur et Madame Y. sous la dénomination [nom de l’enseigne] est une passion ; que ces derniers veulent préserver la race et attachent une grande importance à la lignée des chats ; que c'est la raison pour laquelle ils utilisent des contrats type comportant une stipulation, très restrictive en ce qui concerne la reproduction ; Considérant que la pratique d'une passion ne se confond pas avec l'exercice professionnel d'une activité ; que la vente consentie à Madame X. s'inscrit dans le cadre de cette passion et non dans celui de l'exercice d'une profession ; qu'il est d'ailleurs établi que les vendeurs exercent par ailleurs tous deux une activité professionnelle comme artistes lyriques ; qu'il est de surcroît justifié qu'ils ne font l'objet d'aucune immatriculation SIRET ; Considérant que pour avoir des compétences félinotechniques, Monsieur et Madame Y. ne sont pas des éleveurs professionnels ; […] Considérant de ce qui précède qu'il résulte que la vente est intervenue entre un vendeur et un acquéreur qui avaient tous deux des compétences félinotechniques sans qu'il soit établi que le vendeur était un professionnel ; que Madame X. n'est en conséquence pas fondée à se prévaloir des dispositions protectrices prévues par l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ».
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 4 OCTOBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2000-8016. Appel d’un jugement du Tribunal d’Instance de Mantes La Jolie du 18 août 2000.
APPELANTE :
Madame X.
INTIMÉ :
Monsieur et Madame Y.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Madame X. a relevé appel du jugement du Tribunal d'Instance de MANTES LA JOLIE rendu le 18 août 2000, dont le dispositif est le suivant :
- déboute Madame X. de l'ensemble de ses demandes,
- condamne Madame X. à payer aux époux Y. la somme de 762,25 € pour préjudice moral et celle de 762,25 € pour procédure abusive, avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1999,
- dit que Madame X. devra restituer aux vendeurs la carte de tatouage, le carnet de santé et le pedigree original de la chatte N. sans astreinte,
- condamne Madame X. à payer aux défendeurs la somme de 762,25 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamne Madame X. aux dépens.
Au dernier état des conclusions des parties, l'appelante a réclamé :
vu les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation et ses annexes,
- constater que le contrat d'adhésion soumis par Monsieur et Madame Y. sous l'enseigne [nom de l’enseigne] à Madame X. le 17 septembre 1997 et annexé à l'attestation de vente de la chatte « N. de S. » établie le même jour comporte en son dernier paragraphe une clause abusive au sens des dispositions des articles susvisés,
- constater qu'en application des mêmes articles cette clause est réputée non écrite,
- en conséquence, réformer en ses entières dispositions le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de MANTES LA JOLIE le 18 août 2000,
statuant de nouveau,
- condamner Monsieur et Madame Y., pris conjointement et solidairement, à payer à Madame X. la somme de 1.143,37 € en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1999,
- condamner Monsieur et Madame Y., pris conjointement et solidairement, à payer à Madame X. la somme de 762,25 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- condamner Monsieur et Madame Y., pris conjointement et solidairement, à payer à Madame X. la somme de 1524,49 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamner sous la même solidarité Monsieur et Madame Y. aux entiers dépens.
Quant aux intimés, le dispositif de leurs dernières conclusions s'énonce ainsi :
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de MANTES LA JOLIE en ce qu'il a débouté purement et simplement Madame X. de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de MANTES LA JOLIE le 18 août 2000 en ce qu'il a déclaré recevable et bien fondés Monsieur et Madame Y. en leur demande reconventionnelle,
réformant la décision précitée, sur le quantum des dommages et intérêts alloués,
- condamner Madame X. à verser à Monsieur et Madame Y. à titre de dommages et intérêts, les sommes de :
* 3.048,98 € à titre de procédure abusive,
* 4.573,47 € en réparation de leur préjudice moral,
- condamner, encore, Madame X. à restituer aux époux Y. :
* la carte de tatouage,
* le carnet de santé,
* le pedigree original de la chatte N.,
et ce sous astreinte de 15,24 € par jour à compter de la décision à intervenir,
- condamner Madame X. à verser à Monsieur et Madame Y. la somme de 2.286,74 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été signée le 11 avril 2002 et l'affaire appelée à l'audience du 28 juin 2002.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
1. Sur l'annulation de l'attestation de vente et de son annexe :
Considérant que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'à titre indicatif constitue une clause abusive celle qui a pour effet d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ;
Considérant que Madame X. a acquis le 17 septembre 1997, de Monsieur et Madame Y. une chatte « d'exposition et de reproduction » de race RAGDOLL, appelée N. de S. pour un prix de 1.143,37 € ; que les époux Y. ont remis à Madame X. un certificat de prix d'exposition et le justificatif du pedigree de N. qui démontre que tous ses parents, aïeuls, bisaïeuls et trisaïeuls sont de race RAGDOLL ; que les parties ont signé une convention annexe à l'attestation de vente comportant notamment la clause suivante : « la chatte est limitée à être couverte exclusivement par des RAGDOLLS autorisés » ; qu'il est également précisé qu'en « cas de non respect de ces clauses, l'éleveur a le droit de reprendre la chatte sans aucune compensation pour l'acheteur » ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la chatte a été saillie par un chat mâle persan, présent au domicile de Madame X. ; que la chatte a été reprise par Monsieur et Madame Y. au domicile de Madame X. le 15 mars 1998 ;
Considérant que la vente a été conclue entre Monsieur et Madame Y. et Madame X. ;
Considérant que pour établir que la clause relative à la reproduction contenant sanction est abusive, il convient préalablement de déterminer si la vente a été conclue entre des professionnels et une non-professionnelle ou consommateur ;
Considérant qu'il ne suffit pas que Monsieur et Madame Y. se désignent dans la convention annexe comme éleveurs pour affirmer qu'ils sont éleveurs professionnels ; que d'ailleurs Madame X. leur a reproché aux termes de ses conclusions de première instance d'avoir établi « un contrat à peu près copié sur celui du CAT CLUB DE GENÈVE alors qu'ils n'étaient pas professionnels au moment des faits » ;
Considérant qu'il ressort d'un article de la revue « FELIMAG » du mois de mai 1998, que l'élevage des chats RAGDOLLS par Monsieur et Madame Y. sous la dénomination [nom de l’enseigne] est une passion ; que ces derniers veulent préserver la race et attachent une grande importance à la lignée des chats ; que c'est la raison pour laquelle ils utilisent des contrats type comportant une stipulation, très restrictive en ce qui concerne la reproduction ;
Considérant que la pratique d'une passion ne se confond pas avec l'exercice professionnel d'une activité ; que la vente consentie à Madame X. s'inscrit dans le cadre de cette passion et non dans celui de l'exercice d'une profession ; qu'il est d'ailleurs établi que les vendeurs exercent par ailleurs tous deux une activité professionnelle comme artistes lyriques ; qu'il est de surcroît justifié qu'ils ne font l'objet d'aucune immatriculation SIRET ;
Considérant que pour avoir des compétences félinotechniques, Monsieur et Madame Y. ne sont pas des éleveurs professionnels ;
Considérant de surcroît que Madame X. indique, dans un courrier adressé à Madame Z., Présidente du Club Félin Français (pièce N° 30 communiquée en première instance), être elle-même éleveur de chats persans chinchillas ; que Monsieur et Madame Y. affirment dans leurs conclusions, sans être démentis par Madame X., que cette dernière dispose également d'un élevage félin connu sous la dénomination […] ;
Considérant de ce qui précède qu'il résulte que la vente est intervenue entre un vendeur et un acquéreur qui avaient tous deux des compétences félinotechniques sans qu'il soit établi que le vendeur était un professionnel ; que Madame X. n'est en conséquence pas fondée à se prévaloir des dispositions protectrices prévues par l'article L.132-1 du Code de la Consommation ; que c'est par une exacte appréciation des faits et de la règle de droit que le premier Juge a rejeté les demandes de Madame X. d'annulation de l'annexe de la convention de vente et restitution du prix ; que le jugement sera en conséquence confirmé ;
2. Sur les demandes de dommages et intérêts
Considérant que la détermination de Madame X. à faire reconnaître un droit dont elle n'était pas fondée à se prévaloir l'a conduite à multiplier les démarches auprès de nombreux services ; qu'en effet elle a déposé plainte contre les époux Y. pour vol de la chatte, puis refusé la médiation pénale qui lui était proposée ; que la plainte a été classée sans suite ; qu'elle a également adressé une plainte aux services vétérinaires ; qu'elle a ainsi contribué à envenimer des rapports déjà difficiles ; que le préjudice moral qu'elle invoque est la conséquence de sa propre attitude ; que c'est à bon droit que le premier Juge a rejeté sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant que la multiplication des démarches entreprises par Madame X. auprès tant des autorités judiciaires et administratives que de la Présidente du Club Félin, comme la production de l'attestation de Madame A. qui a délivré à Madame X. dans un premier temps une présentation déformée de la réalité, la réparation du préjudice moral subi par Monsieur et Madame Y. à raison de l'attitude obstinée injustifiée et procédurière de Madame X. a été justement évaluée par le premier Juge à la somme de 762,25 € à titre de dommages et intérêts que le jugement sera également confirmé à cet égard ;
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que Madame X. devra restituer aux vendeurs, la carte de tatouage, le carnet de santé et le pedigree de N., sans astreinte ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à Monsieur et Madame Y. une somme de 800,00 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant que l'appelant qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort.
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Et y ajoutant,
- Condamne Madame X. à payer à Monsieur et Madame Y. la somme de 800,00 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- La condamne aux dépens qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP KEIME et GUTTIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Et ont signé le présent arrêt : Le PRESIDENT, A. CHAIX, Le GREFFIER, N. BOURGUEIL.
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
- 6343 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Animaux