CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 23 juin 2005
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 820
CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 23 juin 2005 : RG n° 04/01755 ; arrêt n° 381
Publication : Juris-Data n° 292399
Extrait : « Or, attendu que l'avenant, ci-dessus mentionné, à la convention d'ouverture de compte du 18 septembre 2000 prévoyait très clairement que les documents d'information prévus aux contrat d'ouverture de compte et au mandat de gestion seraient, hormis les documents à caractère fiscal, conservés dans les bureaux de la société ING, étant observé sur ce dernier point que l'adresse à TOULOUSE des bureaux de la société ING figuraient très clairement sur les documents contractuels et en particulier sur la convention d'ouverture de compte ;
Que cet avenant précisait en outre que Mme X. avait été tout particulièrement attentive aux risques encourus du fait d'un manque d'information et de vérification d'écritures dans les délais prescrits par les textes législatifs et réglementaires ainsi que par les conventions la liant à la société ING et qu'elle reconnaissait expressément assumer intégralement ces risques ;
Attendu que Mme X., pas plus qu'elle ne prétend que les documents d'information nécessaires à la gestion de ses avoirs n'ont pas été établis par la société ING, ne prétend davantage que l'accès à ces documents détenus par la société ING lui aurait été d'une façon quelconque refusé, étant ici souligné, au passage, s'agissant des documents de nature fiscale que la société ING, selon les termes de l'avenant, devait continuer à lui communiquer, que le seul fait qu'au mois de mars 2002 le fils de Mme X. ait réclamé à Mme Y. communication des éléments nécessaires à la déclaration fiscale de sa mère ne saurait suffire à démontrer que la société ING aurait sur ce point failli à ses obligations ;
Attendu par ailleurs que cet avenant par lequel la société ING s'est donc trouvée uniquement dispensée de communiquer par courrier à Mme X. les documents d'information relatifs à ses comptes (et non point, il convient à nouveau de le souligner, d'établir ces documents), et dont il y a lieu au passage d'observer qu'il avait nécessairement pour conséquence de diminuer au profit de Mme X. les coûts de gestion de ses comptes, ne peut être considéré comme ayant créé un avantage excessif pour la société ING et par conséquent comme ayant engendré un déséquilibre significatif, au détriment de Mme X., dans les droits et obligations des parties ;
Que cet avenant ne peut donc, contrairement à ce que soutient l'appelante, être analysée comme constituant une clause abusive susceptible d'être annulée ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 23 JUIN 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/01755. Arrêt n° 381. Décision déférée du 10 mars 2004 - Tribunal de Commerce de Toulouse - RG n° 03/4968.
APPELANT(E/S) :
Madame X.
[adresse], représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour, assistée de Maître MONFERRAN, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ(E/S) :
SA ING SECURITIES BANK FRANCE, venant aux droits de ING PATRIMOINE BANQUE
[adresse], représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assistée de Maître Alexandre VARAUT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 mai 2005 en audience publique, devant la Cour composée de : J.-P. SELMES, président, V. VERGNE, conseiller C. BABY, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. THOMAS.
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par J.P. SELMES, président, et par R. GARCIA, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Attendu que Mme X. a, suivant convention en date du 18 septembre 2000, ouvert un compte auprès de la société ING SECURITIES BANK FRANCE (la société ING), cette convention donnant procuration à Mme Y., qui est une petite fille de Mme X. et qui était par ailleurs salariée de la société ING ;
Que par convention du même jour elle a ouvert auprès du même établissement un plan d'épargne en actions (PEA) dont elle a confié la gestion à la société ING par mandat figurant expressément sur le même acte ;
Que par avenant, également en date du 18 septembre 2000, à la convention d'ouverture de compte, il avait été convenu que la société ING conserverait dans ses bureaux les documents d'information prévus par le mandat de gestion et par la convention d'ouverture de compte ;
Qu'il est constant que par courrier en date du 10 décembre 2001, Mme X. a indiqué qu'elle résiliait le mandat de gestion du compte PEA qu'elle avait confié à la société ING sur son compte PEA, ce dont la société ING a pris acte par courrier en retour du 11 décembre 2001 ;
Qu'il est également constant que les sommes de 600.000 francs et de 400.000 francs ont été placées par Mme X., respectivement sur le PEA et sur le compte ;
Attendu qu'exposant qu'elle avait constaté, en septembre 2002, que l'ensemble des fonds ainsi placés avaient subi une perte de près de 600.000 francs, et soutenant que la responsabilité contractuelle de la société ING à raison de ces pertes se trouvait engagée, Mme X. a, par acte d'huissier de justice en date du 5 mai 2003, assigné la société ING devant le Tribunal de Commerce de TOULOUSE en vue, à titre principal, de la faire condamner à lui verser la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;
Attendu que par jugement en date du 10 mars 2004, le Tribunal de Commerce de TOULOUSE a débouté Mme X. de l'intégralité de ses demandes, a écarté la demande reconventionnelle de dommages-intérêts de la société ING mais a condamné Mme X. à verser à la société ING une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que Mme X., appelante de ce jugement, en sollicite la réformation et demande à la Cour, à titre principal, de :
- [minute page 3] déclarer abusive la clause de domiciliation de courrier contenue dans l'avenant en date du 18 septembre 2000 à la convention d'ouverture de compte
- prononcer en conséquence la nullité de cette convention d'ouverture de compte
- remettre en conséquence les parties en l'état
- condamner la société ING au versement d'une indemnité de 4.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Qu'à titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater l'inexécution par la société ING de ses obligations contractuelles et de la condamner en conséquence à lui verser 150.000 euros de dommages-intérêts, outre une indemnité de 4.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société ING conclut en réplique au rejet de toutes les demandes de Mme X. et à la condamnation de cette dernière à lui verser 15.000 euros de dommages-intérêts ainsi qu'une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Vu les conclusions signifiées et déposées par l'appelante et par l'intimée, respectivement le 4 avril 2005 et le 9 décembre 2004,
Attendu qu'il apparaît, à la lecture tant du mandat de gestion que de la convention d'ouverture du plan d'épargne en actions qui avaient été souscrits le 18 septembre 2000 par Mme X., que les opérations sur ce plan dont la gestion était ainsi confiée à la société ING étaient bien décrites à l'article 2 du mandat relatif aux « opérations autorisées » et qu'à ces conventions était d'ailleurs annexé le texte des principales dispositions de la loi du 16 juillet 1992 relatives aux plans d'épargne en actions, étant ajouté que dans ce même article 2 du mandat de gestion Mme X. reconnaissait avoir peine connaissance de l'étendue des risques financiers pouvant découler de l'exécution des opérations faisant l'objet du mandat, étant ici souligné, en tant que de besoin, que le mandat de gestion qui avait été ainsi confié à ING par Mme X. n'était pas un mandat général concernant l'ensemble des avoirs financiers de cette dernière ni même la gestion de la totalité des valeurs confiées à ING, mais uniquement un mandat de gestion des avoirs placés sur le PEA ;
Qu'il apparaît ainsi que Mme X. avait donc bien bénéficié, avant la signature de ces actes, des informations et conseils nécessaires de la part de son cocontractant la société ING; tels que prévus par les dispositions [minute page 4] légales en la matière (résultant notamment de la loi de 1996 relative aux prestataires de services d'investissement, du Code de la Consommation et du règlement général du conseil des Marchés Financiers) tant en ce qui concerne la nature des placements opérés que des risques qui s'y attachaient ainsi que la nature et les objectifs de ces placements et des différentes opérations pouvant être effectuées dans le cadre du mandat confié à la société ING ;
Que Mme X. ne peut donc venir véritablement soutenir n'avoir pas reçu les informations nécessaires préalablement à la signature de ces actes, étant au surplus souligné que, de fait, Mme Y., qui est la propre petite fille de Mme X. était collaboratrice salariée de la société ING à TOULOUSE et qu'elle avait donc constitué, même s'il est vrai qu'hormis une procuration sur le compte de sa grand mère, elle n'était pas mandataire à titre personnel de cette dernière pour la gestion du plan PEA, un vecteur privilégié d'informations complémentaires sur les placements opérés et gérés pour le compte de sa grand mère ;
Attendu que s'agissant du fonctionnement proprement dit du plan PEA et de la gestion de ce plan, Mme X. ne peut davantage prétendre ne pas avoir reçu les informations nécessaires ou n'avoir pas été en mesure de prendre connaissance de ces informations ;
Attendu, en effet, que les dispositions de l'article 3 du mandat de gestion et des articles 4, 6 et 7 de la convention d'ouverture de compte énuméraient les documents devant être communiqués au mandant relativement aux opérations réalisées (avis d'opéré, relevés de compte mensuels, évaluations trimestrielle du portefeuille...)
Attendu tout d'abord que l'appelante ne prétend pas, dans ses écritures susvisées, que les documents d'information relatifs à la gestion de ses comptes et avoirs tels que prévus par les dispositions légales et contractuelles en la matière n'ont pas été établis et qu'elle prétend en réalité, pour l'essentiel (pages 8 à 10 de ses écritures), que ces documents et informations ne lui ont pas été communiqués et que ce n'est en définitive que sur l'insistance de son propre fils en mars 2002, qui en avait en effet besoin pour les besoins des déclarations fiscales de sa mère, qu'elle a pu avoir connaissance des documents qui lui ont alors révélé la situation catastrophique de ses comptes ;
Or, attendu que l'avenant, ci-dessus mentionné, à la convention d'ouverture de compte du 18 septembre 2000 prévoyait très clairement que les documents d'information prévus aux contrat d'ouverture de compte et au mandat de gestion seraient, hormis les documents à caractère fiscal, conservés dans les bureaux de la société ING, étant observé sur ce dernier point que l'adresse à TOULOUSE des bureaux de la société ING figuraient [minute page 5] très clairement sur les documents contractuels et en particulier sur la convention d'ouverture de compte ;
Que cet avenant précisait en outre que Mme X. avait été tout particulièrement attentive aux risques encourus du fait d'un manque d'information et de vérification d'écritures dans les délais prescrits par les textes législatifs et réglementaires ainsi que par les conventions la liant à la société ING et qu'elle reconnaissait expressément assumer intégralement ces risques ;
Attendu que Mme X., pas plus qu'elle ne prétend que les documents d'information nécessaires à la gestion de ses avoirs n'ont pas été établis par la société ING, ne prétend davantage que l'accès à ces documents détenus par la société ING lui aurait été d'une façon quelconque refusé, étant ici souligné, au passage, s'agissant des documents de nature fiscale que la société ING, selon les termes de l'avenant, devait continuer à lui communiquer, que le seul fait qu'au mois de mars 2002 le fils de Mme X. ait réclamé à Mme Y. communication des éléments nécessaires à la déclaration fiscale de sa mère ne saurait suffire à démontrer que la société ING aurait sur ce point failli à ses obligations ;
Attendu par ailleurs que cet avenant par lequel la société ING s'est donc trouvée uniquement dispensée de communiquer par courrier à Mme X. les documents d'information relatifs à ses comptes (et non point, il convient à nouveau de le souligner, d'établir ces documents), et dont il y a lieu au passage d'observer qu'il avait nécessairement pour conséquence de diminuer au profit de Mme X. les coûts de gestion de ses comptes, ne peut être considéré comme ayant créé un avantage excessif pour la société ING et par conséquent comme ayant engendré un déséquilibre significatif, au détriment de Mme X., dans les droits et obligations des parties ;
Que cet avenant ne peut donc, contrairement à ce que soutient l'appelante, être analysée comme constituant une clause abusive susceptible d'être annulée ;
Attendu que s'agissant ensuite de la gestion proprement dite des avoirs de Mme X. par la société ING, gestion que cette dernière juge « désastreuse » et de nature selon elle à engager la responsabilité de cette société, il y a lieu tout d'abord de souligner :
* que la gestion du compte proprement dit de Mme X. et sur lequel avait été placé un montant global de 400.000 francs n'était pas assurée par la société ING et constituait donc un compte « libre » géré par la titulaire elle-même, de sorte que, contrairement à ce que soutient l'appelante, nul « mystère » ne vient entourer le fonctionnement de ce compte et que la responsabilité des pertes enregistrées sur ce compte ne saurait en toute hypothèse être imputée à la société ING, étant ici souligné qu'il n'est [minute page 6] nullement établi que les opérations analysées par l'appelante dans ses écritures sur ce point avaient été, en violation de la convention de compte, ordonnées et exécutées sur la seule initiative de la société ING ;
* que le mandat de gestion du compte PEA confié à la société ING a été résilié dès le mois de décembre 2001, de sorte que la responsabilité de la société ING ne saurait, en toute hypothèse être engagée pour la gestion de ce compte PEA que pour la seule période septembre 2000 - décembre 2001 ;
Attendu, ensuite, qu'il apparaît que les opérations qui ont été accomplies par la société ING sur ce compte PEA et durant la période où elle en avait la gestion ont été des opérations somme toute classiques sur ce type de placements et que, d'une façon générale, les pertes enregistrées par Mme X. sur ce plan PEA ont été à la mesure des pertes enregistrées sur l'ensemble des valeurs boursières à cette même époque ;
Attendu que dans ses écritures sur ce point (pages 15 et 16) l'appelante semble reprocher à la société ING, en substance, d'avoir investi sur des titres à haut risques, c'est-à-dire dans des « actions de la bulle technologique » (ALCATEL, CAP GEMINI...), mais que force est de constater que la société ING indique en réplique, avec chiffres à l'appui, et sans être démentie, que des valeurs plus traditionnelles sur lesquelles l'appelante indique regretter que son PEA n'ait pas été orienté, ont connu durant la même période des dépréciations tout à fait comparables à celles qui figuraient dans sur le PEA de Mme X. ;
Attendu au total que le portefeuille de l'appelante qui, contrairement à ce que cette dernière a indiqué, n'a pas été géré en direction de placements très spéculatifs et à très hauts risques a en réalité subi les aléas inhérents au marché boursier et qu'il n'est apporté en réalité absolument aucun élément de nature à considérer que la responsabilité de la société ING à raison de la dépréciation des valeurs constituant ce PEA pourrait être d'une quelconque façon engagée ;
Attendu, au total, que les prétentions de l'appelante ne sont pas fondées et que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, la société ING ne démontre pas ce en quoi l'attitude de Mme X. a constitué une attitude d'une « exceptionnelle » mauvaise foi et animée d'une intention délibérée de nuire et que cette demande doit donc être écartée ;
[minute page 7] Attendu en revanche qu'il y a lieu d'allouer à la société ING, en cause d'appel, une nouvelle indemnité, d'un montant de 3.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Déboutant l'appelante de son appel et de toutes ses prétentions,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Condamne Mme X. à verser à la société intimée une nouvelle indemnité, d'un montant de 3.000 euros, en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne l'appelante aux entiers dépens et accorde à la SCP BOYER LESCAT MERLE qui le demande, le bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
Le Greffier. Le Président.
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