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CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 13 septembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 13 septembre 2019
Pays : France
Juridiction : Reims (CA), ch. civ. sect. inst.
Demande : 18/02701
Date : 13/09/2019
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/12/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8212

CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 13 septembre 2019 : RG n° 18/02701 

Publication : Jurica

 

Extraits (rappel des faits) : « Le 5 mai 2016, sur le site de la Foire de Paris, Madame X. a signé un bon de commande auprès de la SARL C De F INDUSTRIE portant sur la livraison d'un bar et d'une console en pierre réalisés sur mesure, moyennant le prix de 6.400 €. Un chèque d'acompte a été versé le jour même à hauteur de 1.000 €, et encaissé le 20 avril 2017. Les relations contractuelles entre les parties ont été rompues.

Par acte d'huissier du 21 décembre 2017 Madame X. a fait assigner la SARL C De F INDUSTRIE devant le tribunal d'instance Troyes aux fins d'obtenir la restitution de l'acompte de 1.000 € et l'indemnisation de son préjudice.

La SARL C DE F Industrie a reconventionnellement demandé au tribunal de constater que les biens commandés avaient été exécutés et étaient à la disposition de Madame G Y et de la condamner à lui régler la somme de 5.400 € au titre du solde du prix, outre 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 2.500 € au titre des frais irrépétibles. » 

Extrait (motifs) : 1/ « Les conditions du consentement donné par Monsieur X. interrogent d'autant plus que, dans un mail daté de quelques jours auparavant, soit le 10 mars 2017, il avait expressément indiqué ne pouvoir accepter d'annuler la commande compte tenu du fait qu'« énormément de temps a été investi dans cette affaire pour vous satisfaire » et que les deux meubles (bar AKL et console) étaient fabriqués et à la disposition des clients. Enfin, le 20 avril 2017 (près d'un an après la commande et 9 jours avant la scène litigieuse), le chèque d'acompte a été encaissé par l'entreprise, ce qui démontre encore qu'elle n'envisageait pas d'annuler la commande.  Dans ce contexte, la pression publique mise sur l'artisan à l'occasion d'un événement commercial important, susceptible d'avoir des répercussions envers la clientèle, notamment en terme d'image, doit s'analyser, comme l'a fait, le premier juge en une violence au regard aux termes des textes susvisés et, c'est à juste titre que le premier juge a déterminé que l'annulation n'avait pas été donnée par un libre consentement. » 

2/ « a) Sur le moyen tiré de l'absence de mention des délais de livraison dans le bon de commande : A l'appui de sa demande de résolution du contrat, Madame Y. fait en premier lieu valoir que le bon de livraison ne prévoyait aucun délai de livraison précis, en contravention avec les dispositions du code de la consommation. Elle ajoute que la mention du bon de commande selon laquelle « les délais de livraison ne sont donnés qu'à titre indicatif » constitue une clause abusive.

L'article L 216-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause prévoit : « En cas de manquement du professionnel à son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l'expiration du délai prévus au premier alinéa de l'article L. 216-1 ou, à défaut, au plus tard trente jours après la conclusion du contrat, le consommateur peut résoudre le contrat, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par un écrit sur un autre support durable, si, après avoir enjoint, selon les mêmes modalités, le professionnel d'effectuer la livraison ou de fournir le service dans un délai supplémentaire raisonnable, ce dernier ne s'est pas exécuté dans ce délai.

Le contrat est considéré comme résolu à la réception par le professionnel de la lettre ou de l'écrit l'informant de cette résolution, à moins que le professionnel ne se soit exécuté entre temps.

Le consommateur peut immédiatement résoudre le contrat lorsque le professionnel refuse de livrer le bien ou de fournir le service ou lorsqu'il n'exécute pas son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article L. 216-1 et que cette date ou ce délai constitue pour le consommateur une condition essentielle du contrat. Cette condition essentielle résulte des circonstances qui entourent la conclusion du contrat ou d'une demande expresse du consommateur avant la conclusion du contrat. »

L'article L 111-1 énonce « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ; 2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L 112-1 à L. 112-4 ; 3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service (...) » ;

En l'espèce le bon de livraison mentionne les prestations suivantes « un bar AKL 140 x 30 x H 110, une console X² 80 x 80 x H 80, et 1 retour non chiffré à préciser ».  A la mention « livraison prévue » il est indiqué « à confirmer en fonction des travaux ».

Il n'est pas sérieusement contestable, au vu des nombreux échanges produits, que le bar ainsi commandé, fait sur mesure par l'entreprise, devait s'insérer dans un ensemble dans le cadre de la rénovation d'une maison et notamment de la pièce principale de vie, travaux qui étaient alors en cours.

Ensuite de la signature du bon de commande, de nombreuses demandes de précisions ont été faites par la SARL pour permettre d'agencer au mieux les articles commandés dans cet ensemble, notamment au regard du « retour » commandé en sus de la console et du bar. Ainsi, et sans que cela ne soit exhaustif : - mails du 4 novembre 2016 en lien avec la question du gabarit de l'évier ; - mail du 28 janvier2017 « il serait risqué et déraisonnable d'implanter la zone bar avant d'arrêter le principe d'implantation de la pièce » ; - question des mesures par rapport aux arrivées d'eau et d'évacuation, ainsi que de la distance par rapport au placard (mail du 26 janvier 2017) ; - Indication de ce que le plan d'architecte n'est pas fiable et rappel des mesures à prendre avec soin (mail du 2 février 2017) ; - nouveau mail en lien avec le rappel du métrage à communiquer le 3 février 2017 ; - mail du 10 mars 2017 indiquant notamment : « Vous comprendrez par exemple que concernant la conception du retour intégrant l'évier nous avons besoin de nous appuyer sur un plan de pièces fiables et, sur ce plan fiable, des positions précises des points d'arrivée et d'évacuation des fluides. Vous comprendrez aussi que la conception de ce retour suppose que l'on sache tant techniquement qu'esthétiquement et cela dans votre intérêt si les usagers du bar seront amenés à y accéder ou non. Vous comprendrez encore qu'accès ou non accès dépend de votre choix d'implantation des meubles et des fonctions dans la pièce, ce que vous n'avez au final jamais tranché malgré tous nos efforts pour vous éclairer et pour avoir réponse ».

Dans ce contexte, et à l'évidence, les parties ont pu légitimement ne pas prévoir de date de livraison précise, et ne pas faire de cet élément une condition essentielle du contrat.

Au surplus, Madame Y. n'a jamais adressé à l'artisan une quelconque demande de livraison, ni récrimination par rapport aux dits délais.

Il n'y a par conséquent pas lieu de prononcer la résolution du contrat au regard de l'absence d'indication de délais de livraison précis qui n'ont pas conditionné ce contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE REIMS

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION INSTANCE

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2019