CA GRENOBLE (ch. com.), 21 novembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8285
CA GRENOBLE (ch. com.), 21 novembre 2019 : RG n° 17/00741
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « L'indemnité de résiliation vise à compenser la perte des loyers subis par le crédit-bailleur. Ainsi que soutenu par l'appelante, elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties, et n'est pas manifestement excessive au sens de l'article 1152 du code civil, alors qu'elle n'est que la contrepartie de l'acquisition du matériel par elle, sur demande de l'intimé, le coût de cette acquisition devant être couvert, outre la garantie de la prise de risque. Elle compense de même le préjudice résultant de la gestion du contrat en phase contentieuse d'autant que l'intimé a conservé l'usage du matériel sans rien verser depuis plus de deux ans, ce qui a engendré une dépréciation importante de l'investissement.
Cette indemnité n'a pas la nature d'une clause pénale, mais a la nature d'une évaluation conventionnelle des dommages et intérêts dus en cas de résiliation anticipée du contrat du fait du locataire. Par contre, sa majoration de 10'% à titre de clause pénale est manifestement excessive, dans le sens où le crédit-bailleur peut obtenir la restitution du matériel financé, en plus de l'indemnité compensant la perte des loyers. Cette clause pénale, chiffrée à 18.994,75 € TTC dans les décomptes proposés, sera ainsi ramenée à 1.000 € TTC. »
2/ « La demande de dommages et intérêts est nouvelle devant la cour. Elle n'est cependant pas irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile, tendant à opposer compensation et à faire écarter les prétentions adverses.
En outre, au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction antérieure applicable au litige, cette prétention est recevable, l'action tendant à l'obtention de dommages et intérêts en matière de clause abusive étant ouverte à toute personne justifiant d'un intérêt à agir.
Sur le fond, il a été dit plus haut que les modalités de calcul de l'indemnité de résiliation ne créent pas un déséquilibre significatif entre les parties, étant la contrepartie de la charge financière et du risque financier couru par le crédit-bailleur, d'autant que sa demande en paiement est faite sous la déduction du prix de revente du matériel financé.
La demande de dommages et intérêts de Monsieur X. ne peut ainsi qu'être rejetée. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/00741. N° Portalis DBVM-V-B7B-I4MK. Appel d'un jugement (R.G. n° 2015J113) rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 9 janvier 2017, suivant déclaration d'appel du 10 février 2017.
APPELANTE :
SAS CLAAS FINANCIAL SERVICES
S.A.S au capital de XX € immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° YYY agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [...], représentée par Maître Pascale M. de la SELARL E.M., avocat au barreau de GRENOBLE, substituée par Maître Elise Q., avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], représenté par Maître Pascale H., avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Patricia GONZALEZ, Présidente, Madame Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller, Monsieur Lionel BRUNO, Conseiller, Assistés lors des débats de Monsieur Frédéric STICKER, Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 9 octobre 2019, Monsieur BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport, Les avocats ont été entendus en leurs conclusions, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
La société CLAAS FINANCIAL SERVICES a consenti à Monsieur X. un contrat de crédit-bail relatif à un tracteur agricole de marque CLAAS/AXION 920, pour les besoins de son activité professionnelle, prévoyant un financement de 221.260 euros TTC remboursable de la manière suivante :
- un loyer de 28.456,05 euros HT,
- un loyer annuel de 30.000 euros HT,
- six loyers annuels de 24.839,95 euros HT,
- avec option d'achat pour une valeur résiduelle de 9.250 euros HT à terme.
Le 2 mars 2017, la Société CLAAS FINANCIAL SERVICES a assigné Monsieur X. devant le tribunal de commerce de GRENOBLE afin de le voir condamner notamment :
- à payer la somme de 212.983,69 euros outre intérêts
- à restituer le matériel objet du contrat de crédit-bail, et au besoin se faire autoriser à le récupérer.
Par jugement du 9 janvier 2017, le tribunal a rejeté les demandes de la Société CLAAS FINANCIAL SERVICES au motif que le contrat ne pouvait être considéré comme résilié au 31 décembre 2014 et a condamné la société CLAAS FINANCIAL SERVICES à payer à Monsieur X. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société CLAAS FINANCIAL SERVICES a interjeté appel de cette décision selon déclaration du 10 février 2017. Cet appel est recevable en la forme.
Prétentions et moyens de la société CLAAS FINANCIAL SERVICES, appelante :
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 22 novembre 2017, elle demande, au visa des articles 564 et suivants du Code de Procédure Civile, 1134 et suivants du Code Civil, dans leur version applicable, 1343-1 et suivants, 1353 du Code Civil, 1153 devenu 1344-1, 1254 devenu 1343-1, 1154 devenu 1343-2 du code civil, R. 222-11, R. 222-14 et suivants du Code des Procédures Civiles d'Exécution, L. 441-6 du Code de Commerce :
- d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer recevables et bien fondées l'ensemble de ses demandes ;
- de rejeter l'ensemble des demandes de M. X. ;
- de constater que le contrat de crédit-bail a été résilié au 17 novembre 2014, et subsidiairement au plus tard au 31 décembre 2015 ;
- de juger que la clause prévoyant le paiement de l'indemnité de résiliation est valide, qu'elle ne crée aucun déséquilibre significatif, qu'elle n'est pas manifestement excessive ;
- de dire que toute demande de dommages et intérêts est irrecevable comme étant nouvelle, sinon de la déclarer infondée et de la rejeter ;
- de rejeter toute contestation du quantum de la créance, dont l'indemnité de résiliation, ou les intérêts et pénalités de retard ;
- de condamner M. X. à lui payer la somme de 260.070,58 euros TTC selon décompte arrêté au 1er mars 2017, outre intérêts de retard postérieurs jusqu'à parfait règlement de sa dette, sauf à déduire le prix de vente du matériel si celui-ci est restitué en bon état ;
- de condamner M. X. à restituer le matériel objet du contrat de crédit-bail, à savoir un tracteur agricole CLAAS / AXION 980 « N° de Lot 001 » N° A2300652, et tous ses papiers et accessoires, dont elle est propriétaire, dans les 8 jours de la signification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- de l'autoriser à appréhender ce matériel en tout lieu qu'il se trouve, et y compris entre les mains de tout tiers détenteur et au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, et ce aux frais exclusifs de M. X. ;
- de rejeter toute demande de délais de paiement ;
- à titre subsidiaire, si des délais doivent être accordés à Monsieur X., de dire qu'ils resteront sans incidence sur l'obligation de restituer le matériel, et de juger que M. X. devra alors s'acquitter de sa dette en 24 mensualités égales payables le 5 de chaque mois à compter de l'arrêt ; de dire que l'intégralité de la créance redeviendra immédiatement et de plein droit exigible dès le premier incident, ou en cas de non-restitution du tracteur 15 jours après mise en demeure infructueuse ;
- en tout état de cause, de condamner M. X. à payer la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL E.M., comprenant les frais de récupération du matériel objet du contrat de crédit-bail.
L'appelante expose :
- que si M. X. a soutenu devant le tribunal que le contrat n'est pas résilié dans la mesure où il ne prévoit pas de date limite de paiement des loyers annuels, ce que le tribunal a retenu au motif que si le contrat prévoyait bien une annuité en 2014 de 30.000,00 euros HT, soit 36.649,35 euros TTC assurance comprise, la date exacte de son arrivée à échéance n'était pas précisée, si bien que Monsieur X. aurait eu jusqu'au 31 décembre 2014 pour régler cette somme, la décision entreprise ne pourra qu'être infirmée, puisque même en comptabilisant tous les versements effectués avant le 31 décembre 2014, l'annuité de 2014 n'a pas été intégralement réglée, les deux versements de 10.500 euros chacun, soit 21.000 euros au total, étaient insuffisants pour un arriéré de 22.249,35 euros ;
- que contrairement à ce qu'a pu retenir le tribunal, il était bien convenu entre les parties que l'annuité de 2014 arrivait à échéance le 19 février 2014, même si cette précision n'apparaît pas sur le contrat lui-même, puisque la facture envoyée à Monsieur X. mentionne une date de paiement au 19 février 2014 ; que si le contrat détermine effectivement les obligations des parties, celles-ci résultent plus généralement de tout accord conclu, sans qu'il soit besoin d'un contrat en matière commerciale, la preuve étant libre ; que le contrat a prévu que les dates d'échéances seront indiquées au locataire par un calendrier des loyers adressé lors de la prise en charge du dossier, de sorte que l'intimé a accepté les dates d'échéances qui seraient mentionnées dans ce calendrier, ce que confirme son courrier du 15 décembre 2014 dans lequel il reconnaît être en retard pour le paiement de l'échéance de février 2014 alors qu'un avis d'échéance lui avait été adressé, suivi du paiement d'un acompte le 1er mars 2014 ;
- que M. X. a été régulièrement mis en demeure de régulariser la situation par courriers recommandés avec accusé de réception envoyés les 9 juillet 2014, 20 août 2014, 27 août 2014 et 19 novembre 2014, la résiliation étant ainsi acquise le 17 novembre 2014, d'autant qu'il n'a pas effectué le moindre règlement, à l'exception d'un acompte de seulement 1.500 euros versé le 24 février 2017 après rendu du jugement frappé d'appel ;
- que sa demande en paiement ne constitue pas une prétention nouvelle en cause d'appel, tendant aux mêmes fins que les demandes de première instance, sinon étant accessoire aux précédentes prétentions, s'y rattachant de façon suffisante, et justifiée par l'évolution du litige tenant compte de l'absence de règlement des loyers postérieurs, alors que cette demande tendant à obtenir paiement de la somme de 260.070,58 euros TTC correspond à la somme réclamée en première instance, après actualisation ;
- que la demande d'annulation de l'indemnité de résiliation au motif qu'elle créerait un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I 2° alinéa du code de commerce ne peut qu'être rejetée, cet article ne prévoyant que l'octroi de dommages et intérêts, à la condition qu'un tel déséquilibre soit démontré, et non une annulation de la clause correspondante, ce texte n'autorisant que le ministre chargé de l'économie, ou le ministère public à solliciter également l'annulation de la clause discutée ;
- qu'en outre, cette indemnité ne crée aucun déséquilibre significatif entre les parties, et n'est pas manifestement excessive au sens de l'article 1152 du code civil, alors qu'elle n'est que la contrepartie de l'acquisition du matériel par elle, sur demande de Monsieur X., le coût de cette acquisition devant être couvert, outre la garantie de la prise de risque, son montant correspondant à l'indemnisation du préjudice résultant de la gestion du contrat en phase contentieuse d'autant que l'intimé a conservé l'usage du véhicule sans rien verser depuis plus de deux ans, ce qui va engendrer une dépréciation importante de l'investissement ;
- que la demande de dommages et intérêts par laquelle Monsieur X. sollicite le versement de 260.000 euros est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel, alors qu'aucune faute ne peut être retenue, les clauses et indemnités prévues au contrat étant parfaitement justifiées et que l'intimé ne peut se prévaloir du moindre préjudice, disposant gratuitement d'un tracteur sans la moindre contrepartie depuis déjà plusieurs années ;
- de l'article 1153 (devenu 1344-1) dispose que tout débiteur est tenu à paiement d'intérêts de retard à compter de la première mise en demeure, alors que selon article L. 441-6 du code de commerce, tout non-paiement à échéance entre professionnels emporte de plein droit et obligatoirement calcul d'intérêts de retard à un « taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage », et qui ne peut être inférieur à 3 fois le taux légal, de sorte que Monsieur X. ne peut réclamer la réduction du taux au seul taux légal ;
- qu'en outre, il ne peut s'y opposer en prétendant que les intérêts ne seraient dus qu'à compter de la résiliation du contrat, alors que le droit à perception d'intérêt pour le créancier court dès l'arrivée à échéance des sommes réclamées en principal, les intérêts de retard étant dus même s'ils ne sont pas expressément prévus au contrat :
- que la demande de délais de paiement ne peut qu'être rejetée, l'intimé n'étant pas de bonne foi et disposant du véhicule depuis plus de deux ans sans rien régler en dehors d'un acompte de 1.500 euros, alors que l'octroi de délais de paiement ne peut avoir d'effet sur l'obligation de restituer le matériel.
Prétentions et moyens de M. X. :
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 18 octobre 2017, il demande :
- la confirmation du jugement déféré ;
- de dire que la demande subsidiaire tendant à voir juger que le contrat a été résilié au plus tard le 31 décembre 2015 est irrecevable car nouvelle ;
- subsidiairement, au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, de juger que l'article 9 du contrat de crédit-bail qui prévoit la restitution du matériel loué en cas de résiliation anticipée en complément du paiement de l'intégralité des loyers outre une pénalité de 10 % des loyers dus, contient des clauses abusives créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, et en conséquence, d'en prononcer l'annulation ;
- de déclarer recevable sa demande tendant à la condamnation de la société CLAAS FINANCIAL SERVICES à lui payer la somme de 260.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la clause abusive et de condamner celle-ci à lui régler cette somme ;
- au titre de l'article 1231-5 nouveau du Code Civil, de dire que les dispositions prévues aux articles 8 et 9 du contrat en cas de résiliation anticipée constituent une clause pénale et que l'appelante ne justifie pas avoir subi un préjudice correspondant aux sommes demandées, de ramener ainsi cette clause pénale à de plus justes proportions comme étant manifestement excessive ;
- de dire que le montant que pourrait réclamer la société ne pourrait être que de 207.622,29 euros et de lui accorder 24 mois de délais de paiement sur le fondement de l'article 1244-1 du Code Civil ;
- de condamner la société CLAAS FINANCIAL SERVICES à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile outre les dépens distraits au profit de Maître H., avocate.
L'intimé soutient :
- sur l'absence de résiliation du contrat de crédit-bail signé le 14 octobre 2013, qu'il a prévu un remboursement du crédit en 78 mensualités avec un premier versement de 28.456,05 euros HT puis un versement de 30.000 euros HT pour une échéance annuelle et enfin six échéances annuelles de 24.839,95 euros HT chacune, sans prévoir la date limite dans l'année des paiements des échéances annuelles, renvoyant à un futur calendrier de loyers, et qu'en l'espèce, l'acompte de 28.456,05 euros HT a été payé en 2013 et l'échéance annuelle suivante de 36.649,35 euros TTC a été payée en 2014 comme suit :
- 5.000 euros en avril
- 5.000 euros début juin
- 5.000 euros fin juin
- 1.249,35 euros en octobre
- 10.500 euros en novembre
- 10.500 euros en décembre ;
- qu'il n'a jamais reçu le calendrier concernant les dates des paiements, alors que ce document ne peut suppléer le silence du contrat au titre de l'article 1120 du code civil et qu'il n'était pas indispensable sur le plan comptable ; que les facturations ne peuvent démontrer l'existence d'un accord sur les dates d'échéances ; que le fait qu'il ait réglé un acompte le 27 mars 2014 ne démontre pas qu'il savait que l'annuité était exigible au 19 février 2014 ;
- que la société CLAAS FINANCIAL SERVICES n'était pas fondée avant le 31 décembre 2014 à invoquer une absence de paiement des loyers et à réclamer le paiement d'une indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail le 17 novembre 2014 ; que l'échéance annuelle de l'année 2014 a été entièrement payée avant le 31 décembre 2014 ;
- que si devant la Cour, la société CLAAS FINANCIAL SERVICES indique que les annuités 2015 et 2016 n'ont pas été réglées, cela ne peut fonder la demande de juger que le contrat de crédit-bail a été résilié au 17 novembre 2014 ;
- que si devant la cour, l'appelante soutient pour la première fois que le contrat de crédit-bail a été résilié au plus tard au 31 décembre 2015, il s'agit là d'une prétention nouvelle qui doit être déclarée irrecevable au sens de l'article 564 du Code de procédure Civile, puisqu'elle a demandé devant le tribunal de commerce le payement de 212.983 euros à titre d'indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail suite à une lettre recommandée du 17 novembre 2014 lui notifiant la résiliation dudit contrat, ce que le tribunal a rejeté ; que cette demande ne repose pas de la survenance ou de la révélation d'un fait nouveau depuis le jugement, l'absence de paiement des loyers pendant l'année 2015 étant survenue avant le jugement du 9 janvier 2017 ;
- concernant l'annulation de la clause abusive figurant au contrat, qu'il résulte de l'article L. 442-6 du Code de Commerce qu'en engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, l'action étant introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt ;
- qu'en l'espèce, l'article 8 du contrat stipulant que la résiliation entraîne de plein droit, au profit du bailleur, le paiement par le locataire ou ses ayants droit, en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, d'une indemnité égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation, majorée d'une somme forfaitaire égale à 10 % de ladite indemnité à titre de clause pénale, est abusif au sens de l'article L. 442-6-I-2° du Code de Commerce car créant un déséquilibre significatif permettant au bailleur de recevoir l'intégralité des loyers et en même temps la restitution du matériel loué, l'article 9 du contrat prévoyant qu'en cas cas de non levée de l'option d'achat au terme convenu ou de résiliation anticipée du contrat, le locataire ou ses ayants droits, sont tenus de restituer le matériel en bon état d'entretien au bailleur et à l'endroit désigné par celui-ci, les frais de transport incombant au locataire ;
- que ces clauses sont ainsi excessive en ce qu'elles prévoient, en cas de résiliation anticipée du contrat, la restitution du matériel, une indemnité de résiliation égale au montant des loyers restant à échoir et une indemnité égale à la majoration de 10 % des loyers ;
- que s'il doit être jugé qu'il ne peut réclamer la nullité desdites clauses, la société CLAAS FINANCIAL SERVICES doit lui payer des dommages et intérêts à hauteur du montant des sommes réclamées par elle au titre de l'article 8 du contrat, soit la somme de 260.000 €, outre la valeur du matériel restitué afin de réparer le préjudice causé par ces clauses, cette demande nouvelle étant recevable en cause d'appel au titre de l'article 564 du Code de Procédure Civile, s'agissant d'opérer compensation ;
- que constitue une clause pénale celle mettant à la charge du débiteur la totalité des loyers à échoir au jour de la résiliation, et qu'en l'espèce, les demandes de paiement de la totalité de ces loyers, outre une indemnité de 10'%, jointe à la demande de restitution du bien financé, constituent une clause pénale manifestement excessive au sens de l'article 1231-5 du code civil ;
- que les décomptes présentés sont inexacts, l'indemnité de 10 % ne pouvant être réclamée deux fois lors de la même année, alors qu'un paiement n'a pas été pris en compte ; que la pénalité de 10'% ne peut représenter que 18.274,37 euros ; qu'il ne peut être inclus d'intérêts de retard puisque le contrat n'est pas résilié ; que le montant de la créance doit être ramené à 207.662,29 euros ;
- que sa demande de délais est fondée sur sa qualité d'exploitant agricole, ne générant que des revenus très limités.
Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
La clôture de cette procédure a été prononcée par ordonnance du président de la chambre du 4 juillet 2019 et cette procédure a été renvoyée pour être plaidée à l'audience tenue le 9 octobre 2019. A l'issue, le présent arrêt a été prononcé conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
1) Concernant la résiliation du contrat de crédit-bail :
Les conditions générales de cet acte sous seing privé signé le 14 octobre 2013 sont laconiques dans le sens où il est fait référence à des loyers donnant lieu à un paiement annuel, mais sans fixation de date précise concernant leur paiement.
Une lecture attentive des conditions générales permet par contre de relever que « la location prend effet à compter de la date de la livraison du matériel et le premier loyer est exigible à cette date ».
Cette clause explique que dans son courrier adressé à M. X. le 14 octobre 2013, la société CLAAS ait fixé la date du premier loyer au 19 septembre 2013, soit une date antérieure à la signature du contrat de crédit-bail, mais correspondant bien à la date du procès-verbal de réception du matériel financé.
Le contrat de crédit-bail prévoyant ainsi un départ de la location à compter du 19 septembre 2013, pour un paiement annuel de chaque terme, il s'ensuit que le paiement de chaque annuité était exigible le 19 septembre de chaque année suivante. Le calendrier détaillé par le bailleur dans son courrier du 14 octobre 2013 est de ce fait sans fondement contractuel. Peu importe à ce titre que Monsieur X. réfute l'avoir reçu.
Au titre de l'année 2014, il appartenait ainsi à Monsieur X. de régler, avant le 19 septembre, 30.000 € HT. Selon ses conclusions, il a réglé, au titre de l'année 2014, un total de 36.649,35 € TTC. Cependant, les paiements ont été échelonnés du mois d'avril au mois de décembre 2014, et ainsi l'intégralité du loyer exigible au 19 septembre 2014 n'a pas été réglé, puisque 22.249,35 € ont été payés postérieurement à cette date.
Les conditions générales ont prévu une résiliation de plein droit en cas d'inexécution d'une obligation, dont le paiement de toute somme due au titre du contrat. Si la société CLAAS n'a pu valablement mettre en demeure Monsieur X. avant le 19 septembre 2014, elle lui a par contre exactement délivré une mise en demeure le 20 octobre 2014 visant le paiement du solde de 22.249,35 €, en sollicitant la restitution du matériel loué, avant de demander le 17 novembre 2014 le paiement de la totalité de l'indemnité de résiliation pour 229.942,40 €.
Le jugement déféré n'a pu ainsi rejeter les demandes de la société CLAAS FINANCIAL SERVICES au motif que le contrat ne pouvait être considéré comme résilié au 31 décembre 2014, puisqu'en raison des stipulations liant les parties, il doit être regardé comme étant résilié au 19 septembre 2014, date anniversaire de la livraison du matériel et point de départ de la location.
Ce jugement sera ainsi infirmé en toutes ses dispositions, sans qu'il soit nécessaire de statuer plus amplement sur les autres moyens des parties concernant la date de la résiliation du contrat qui sont de ce chef surabondants.
Sur le montant des sommes dues par Monsieur X. :
L'article 8 des conditions générales met à la charge du locataire, en cas de résiliation du contrat, le paiement d'une indemnité égale au montant des loyers restant à échoir au jour de la résiliation, majorée de 10'% à titre de clause pénale, outre la résiliation du matériel.
Un décompte a été arrêté par la société CLAAS le 19 janvier 2015, pour 208.942,40 € outre 4.041,29 € au titre des intérêts de retard, soit un total TTC de 212.983,69 €. Ce décompte est conforme aux données contractuelles, à l'exception du calcul des intérêts de retard qui n'est pas détaillé, et reprend les acomptes réglés jusqu'au 31 octobre 2014 inclus.
Le second décompte arrêté au 1er mars 2017, pour un total TTC de 260.070,58 € part sur les mêmes bases, seuls le montant des intérêts de retard ayant varié avec l'écoulement du temps. Le montant de ces intérêts n'est pas plus détaillé que précédemment, ni concernant le taux applicable, ni concernant les modalités de calcul.
L'indemnité de résiliation vise à compenser la perte des loyers subis par le crédit-bailleur. Ainsi que soutenu par l'appelante, elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties, et n'est pas manifestement excessive au sens de l'article 1152 du code civil, alors qu'elle n'est que la contrepartie de l'acquisition du matériel par elle, sur demande de l'intimé, le coût de cette acquisition devant être couvert, outre la garantie de la prise de risque. Elle compense de même le préjudice résultant de la gestion du contrat en phase contentieuse d'autant que l'intimé a conservé l'usage du matériel sans rien verser depuis plus de deux ans, ce qui a engendré une dépréciation importante de l'investissement.
Cette indemnité n'a pas la nature d'une clause pénale, mais a la nature d'une évaluation conventionnelle des dommages et intérêts dus en cas de résiliation anticipée du contrat du fait du locataire. Par contre, sa majoration de 10'% à titre de clause pénale est manifestement excessive, dans le sens où le crédit-bailleur peut obtenir la restitution du matériel financé, en plus de l'indemnité compensant la perte des loyers. Cette clause pénale, chiffrée à 18.994,75 € TTC dans les décomptes proposés, sera ainsi ramenée à 1.000 € TTC.
Il en résulte qu'au 31 octobre 2014, date de l'arrêté du compte avant contentieux, M. X. était redevable des sommes suivantes :
- loyers échus impayés : 21.000 € TTC
- indemnité de résiliation : 189.947,65 € TTC
- clause pénale : 1.000 € TTC
soit 211.947,65 € TTC.
Cette somme portera intérêts à compter de cette date, conformément à l'article 10 des conditions générales, prévoyant que le taux d'intérêt de référence est la moyenne des derniers taux connus et publiés au jour du contrat de «'l'EURIBOR 12 mois'» et du «'TEC 5'». Les deux acomptes de 10.500 € TTC encaissés en novembre et décembre 2014 viendront en déduction des sommes dues, ainsi que les sommes pouvant résulter de la revente du véhicule après restitution, l'appelante ayant expressément sollicité la condamnation de Monsieur X., sauf à déduire ce prix de revente. Aucun motif ne permet la réduction du taux des intérêts au taux légal.
Il sera fait droit à la demande de restitution du matériel loué sous astreinte, et l'appelante sera autorisée, à défaut de restitution volontaire, à l'appréhender par tous moyens de droit.
Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur X. :
La demande de dommages et intérêts est nouvelle devant la cour. Elle n'est cependant pas irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile, tendant à opposer compensation et à faire écarter les prétentions adverses.
En outre, au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction antérieure applicable au litige, cette prétention est recevable, l'action tendant à l'obtention de dommages et intérêts en matière de clause abusive étant ouverte à toute personne justifiant d'un intérêt à agir.
Sur le fond, il a été dit plus haut que les modalités de calcul de l'indemnité de résiliation ne créent pas un déséquilibre significatif entre les parties, étant la contrepartie de la charge financière et du risque financier couru par le crédit-bailleur, d'autant que sa demande en paiement est faite sous la déduction du prix de revente du matériel financé.
La demande de dommages et intérêts de Monsieur X. ne peut ainsi qu'être rejetée.
Il en sera de même concernant sa demande de délais de paiement, puisque d'une part il ne justifie pas d'une situation actuelle permettant d'en motiver l'octroi, alors qu'il en a bénéficié en fait, rien n'ayant été réglé depuis le 10 décembre 2014, à l'exception d'un acompte de 1.500 € le 24 février 2017.
Il est équitable de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elle a engagés en application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.
M. X. sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1134 et 1153 (anciens) du code civil, L. 411-6 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019 ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
Déboute M. X. de l'intégralité de ses demandes, à l'exception de celle concernant la réduction de la clause pénale ;
Dit que le crédit-bail souscrit par M. X. auprès de la société CLAAS FINANCIAL SERVICES a été résilié le 17 novembre 2014 ;
Condamne en conséquence M. X. à payer à la société CLAAS FINANCIAL SERVICES les sommes suivantes, arrêtées au 31 octobre 2014, date de l'arrêté du compte avant contentieux :
- au titre des loyers échus impayés : 21.000 € TTC
- au titre de l'indemnité de résiliation : 189.947,65 € TTC
- au titre de la clause pénale : 1.000 € TTC
soit 211.947,65 € TTC ;
Dit que cette somme portera intérêts à compter de cette date, au taux d'intérêt de référence constitué par la moyenne des derniers taux connus et publiés au jour du contrat des indices « EURIBOR 12 mois » et « TEC 5 » ;
Dit que les deux acomptes de 10.500 € TTC encaissés en novembre et décembre 2014 viendront en déduction des sommes dues, ainsi que les sommes pouvant résulter de la revente du matériel loué après restitution ou appréhension ;
Condamne M. X. à restituer le tracteur agricole CLAAS / AXION 980 « N° de Lot 001 » N° A2300652, et tous ses papiers et accessoires, dans les 8 jours de la signification du présent arrêt, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
Autorise la société CLAAS FINANCIAL SERVICES à appréhender ce matériel en tout lieu qu'il se trouve, et y compris entre les mains de tout tiers détenteur et au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, et ce aux frais de M. X. ;
Dit que chaque partie conservera la charge des frais qu'elle a engagés par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SELARL E.-M., avocats;
SIGNE par Madame GONZALEZ, Président et par Monsieur STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
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