CASS. CIV. 1re, 8 janvier 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8317
CASS. CIV. 1re, 8 janvier 2020 : pourvoi n° 17-27073 ; arrêt n° 16
Publication : Legifrance
Extrait : « Mais attendu qu’ayant relevé que les emprunteurs avaient souscrit le prêt litigieux afin d’acquérir, sous le statut de loueur en meublé professionnel, des lots de copropriété destinés à la location, la cour d’appel, qui a souverainement estimé que la banque n’avait pas accepté de soumettre le contrat aux dispositions du code de la consommation, en a justement déduit que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur ; qu’abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les trois premières branches, le moyen n’est pas fondé ; Et attendu qu’en l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne, en particulier des directives n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 et n° 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 8 JANVIER 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 17-27073. Arrêt n° 16.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur et Madame X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société Lyonnaise de banque
Mme Batut (président), président. Maître Le Prado, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur les deux moyens, réunis :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 13 juillet 2017), que, suivant acte notarié du 29 juin 2006, la société Lyonnaise de banque (la banque) a consenti à M. et Mme X. (les emprunteurs) un prêt destiné à l’acquisition de lots de copropriété ; qu’elle a, le 13 juin 2013, fait pratiquer une saisie-attribution, dont les emprunteurs ont contesté la validité devant le juge de l’exécution ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que les emprunteurs font grief à l’arrêt de valider la saisie-attribution, après avoir écarté la prescription de l’action en recouvrement, alors, selon le moyen :
1°/ qu’est un consommateur au sens de la directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011 et de la directive 2014/17/UE du 4 février 2014, reprenant les termes des directives antérieures, notamment de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, une personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; que, transposant cette directive, l’article 3 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a inséré un article préliminaire dans le code de la consommation aux termes duquel, au sens du présent code, est considérée comme consommateur toute personne qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; que ces dispositions sont d’application immédiate ; qu’en considérant que des particuliers qui exercent une activité salariée comme les emprunteurs, et qui agissent à des fins autres tout à fait distinctes du cadre de cette activité professionnelle en faisant l’acquisition à l’aide de prêts, à des fins fiscales et patrimoniales d’un immeuble de rapport loué temporairement en meublé, activité totalement étrangère à leur activité professionnelle, ne peuvent être considérés comme des consommateurs car ils exerceraient de ce fait une activité professionnelle « accessoire », ce qui supposerait en droit qu’elle fût indissociable de leur activité « principale » ou du moins liée à cette activité, ce qui n’est pas le cas des emprunteurs, pas plus que le statut de loueur ne constitue nécessairement une activité professionnelle au sens de la loi, la cour d’appel a violé l’article liminaire du code de la consommation transposant la directive 2011/83/UE et la directive 2014/17/UE, ainsi que la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives ;
2°/ qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que la définition du consommateur en droit communautaire reposait sur deux critères, un critère finaliste correspondant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de l’activité professionnelle de la personne concernée mais aussi une finalité personnelle du contrat permettant de savoir si on est en présence d’un consommateur nécessitant d’être protégé ou d’un professionnel avisé ; qu’en s’abstenant de rechercher si, dans les faits, les emprunteurs pouvaient sérieusement être considérés comme des professionnels avisés de l’immobilier et non comme de simples consommateurs au sens du droit communautaire, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions précitées de l’article liminaire du code de la consommation et des directives 2011/83/UE, 2014/17/UE et 93/13/CEE ainsi que des règlements de Bruxelles n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 portant refonte du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, entrée en vigueur le 10 janvier 2015, et de Rome n° 598/2008 du 17 juin 2008 ;
3°/ que, par une décision n° 2017-689 QPC du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution les dispositions de l’article 151 septies du code général des impôts réservant certains avantages fiscaux aux contribuables exerçant une activité de location d’appartements meublés à titre professionnel dès lors qu’elles subordonnaient la reconnaissance de la qualité de loueur en meublé professionnel à l’inscription au registre du commerce et des sociétés ; le Conseil constitutionnel a en effet considéré, dès lors que l’activité de location de biens immeubles ne constituait pas un acte de commerce au sens de l’article L. 110-1 du code de commerce, que les personnes physiques exerçant cette activité ne pouvaient avoir la qualité de commerçant conférée exclusivement à « ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » aux termes de l’article L. 121-1 du même code et être inscrites au registre du commerce et des sociétés en application de l’article L. 123-1 du même code ; que, dès lors, en déduisant de l’inscription au registre du commerce et des sociétés de l’un des emprunteurs le caractère professionnel de l’activité de loueur en meublé qu’il aurait exercée à titre accessoire et en excluant ainsi du champ d’application des dispositions du code de la consommation le prêt souscrit pour financer le bien donné en location quand les personnes physiques qui exercent cette activité n’ont pas la qualité de commerçant et ne peuvent légalement être inscrites au registre du commerce et des sociétés, la cour d’appel a violé les articles L. 110-1, L. 121-1, L. 123-1 du code de commerce, ensemble les articles L. 312-3, L. 312-4 et L. 137-2 du code de la consommation ;
4°/ que l’article L. 137-2 du code de la consommation dispose que l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels ; que sont exclus du champ d‘application des dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier les prêts qui sont destinés à financer une activité professionnelle ; que cependant la destination professionnelle d’un crédit ne peut résulter que d’une stipulation expresse ; que, selon les constatations de l’arrêt, le prêt consenti aux emprunteurs fait expressément référence à la procédure de la loi Scrivener, ce dont il résulte que le prêt n’a pas été conclu dans le but de financer les besoins d’une quelconque activité professionnelle mais bien sous l’égide du code de la consommation tel que cela résulte de la volonté même des parties exprimée dans l’acte ; qu’en considérant, néanmoins, que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables en l’espèce, l’arrêt attaqué, qui ne s’est pas attaché à la destination contractuelle du crédit, a méconnu les dispositions des articles L. 312-3, L. 312-4 et L. 137-2 du code de la consommation ;
5°/ que la prescription abrégée s’applique à tous les prêts bancaires contractés par une personne physique dans un but étranger à son activité professionnelle ; qu’elle s’applique même à une opération réalisée à des fins spéculatives ou fiscales dès lors que la personne physique agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; qu’il n’est pas douteux en l’espèce que le financement litigieux était étranger à l’activité professionnelle des emprunteurs, tous les deux salariés ; qu’en considérant, néanmoins, que les emprunteurs exerçaient la profession habituelle de loueur en meublé à titre accessoire et qu’ils ne pouvaient revendiquer la qualité de consommateur pour invoquer la prescription biennale, alors même qu’il résultait des énonciations de l’arrêt attaqué que le prêt litigieux avait été souscrit à des fins purement fiscales et d’investissements personnels totalement étrangères à l’activité professionnelle respective des emprunteurs, la cour d’appel a violé l’article L. 137-2 du code de la consommation ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’ayant relevé que les emprunteurs avaient souscrit le prêt litigieux afin d’acquérir, sous le statut de loueur en meublé professionnel, des lots de copropriété destinés à la location, la cour d’appel, qui a souverainement estimé que la banque n’avait pas accepté de soumettre le contrat aux dispositions du code de la consommation, en a justement déduit que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur ; qu’abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les trois premières branches, le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’en l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne, en particulier des directives n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 et n° 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X. et Mme X.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR confirmé le jugement déféré ayant validé la saisie-attribution pratiquée par la SA Lyonnaise de Banque après avoir dit n’y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne et D’AVOIR débouté M. et Mme X. de leurs demandes ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE Sur la demande de renvoi préjudiciel en interprétation devant la cour de justice de l’Union européenne : La question préjudicielle qui est soumise à la cour par les époux X. porte sur le point de savoir si les dispositions du droit de l’Union européenne, et en particulier celles de la Directive du 25 octobre 2011 qui définissent le consommateur comme une personne physique agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle, doivent être interprétées en ce sens que des particuliers, personnes physiques qui, parallèlement à leur activité professionnelle, souscrivent un emprunt auprès d’une banque en vue d’acquérir un lot de copropriété destiné à la location au sein d’une résidence hôtelière, principalement en vue de l’obtention d’avantages fiscaux, développant leur patrimoine, constituent des consommateurs. La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs propose, sur le modèle des autres directives communautaires, une définition du consommateur qui est la reprise exacte de la définition donnée par la proposition de directive du 8 octobre 2008 relative aux droits des consommateurs. Le consommateur est ainsi désigné, dans l’article 2 de la directive de 2011, comme « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». Il est constant que tant la directive de 2011 retranscrite en droit interne par la loi Hamon que celle de 2008 n’avaient aucune existence juridique à la date de la signature des prêts litigieux par les époux X. Par ailleurs, avant cette directive, les textes européens, les directives ou les règlements de Bruxelles et de Rome, et la jurisprudence de la cour de justice des communautés européennes limitent le bénéfice des dispositions consuméristes destinées à corriger le déséquilibre entre les parties aux personnes physiques contractant pour la satisfaction de leurs besoins personnels et pour un usage étranger à leur activité professionnelle. Le conseil des communautés européennes puis de l’Union européenne a été conduit à plusieurs reprises à élaborer des directives tendant à harmoniser la réglementation des rapports entre professionnels et consommateurs au nombre desquelles la directive 93/13/ “contribution à l’entretien et l’éducation” du Conseil du 5 avril 1993 relative à l’élimination des clauses abusives dont l’article 2, sous b) définit le consommateur comme toute personne physique qui dans les contrats ... agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle et sous c), définit le terme «professionnel» comme visant «toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée». Ainsi l’analyse de la définition de consommateur en droit communautaire permet d’établir que celle-ci repose sur deux critères, un critère finaliste qui renvoie au fait que le consommateur doit agir à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle, et plus particulièrement de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale (en d’autres termes, le consommateur ne peut être que celui qui contracte pour ses besoins personnels ou domestiques) et une finalité personnelle du contrat conclu, critère essentiel qui permet de savoir si on est en présence ou non d’un consommateur nécessitant d’être protégé sur le terrain du droit de la consommation. L’article L 312-3 du code de la consommation applicable en l’espèce (devenu L313-2 dudit code) exclut du champ d’application des dispositions protectrices du code de la consommation les prêts destinés sous quelque forme que ce soit à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques qui à titre habituel même accessoire à une autre activité, procurent sous quelque forme que ce soit des fractions d’immeuble en jouissance. Les époux X. ne démontrent pas que cet article serait contraire aux dispositions communautaires, aucune d’elles ne visant expressément « une activité professionnelle » exclusive de l’exercice par une même personne physique de deux activités professionnelles à titre habituel, l’une à titre principal et l’autre à titre accessoire, qui l’une comme l’autre relève de la qualification « professionnelle ». Ils estiment que la Cour de Cassation dans ses deux arrêts du 12 octobre 2016 et du 25 janvier 2017 n’a pas fait application du critère de finalité professionnelle de la transaction pour définir le statut ou non du consommateur, conformément au principe 2014/17/EU du 4 février 2014 et à la directive 93/13 CE modifiée par la directive 2011—83 du 25 octobre 2011. Or, la Cour de cassation relevant que les lots de copropriété acquis étaient destinés à la location et que le propriétaire emprunteur était inscrit au registre du commerce des sociétés en qualité de loueur en meublé professionnel, en a déduit que le prêt contracté pour financer l’acquisition des dits lots était destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire. La location habituelle, et ce, bien que saisonnière, de tels lots en meublés caractérise, aux termes d’une jurisprudence bien établie émanant tant de la Cour de cassation que du Conseil d’Etat, préexistante aux affaires dites « Apollonia », l’utilisation professionnelle des lots et l’exercice par le loueur en meublés d’une activité professionnelle. La jurisprudence apprécie au cas par cas le caractère habituel de la location. Dès lors, la Cour de cassation a bien fait dans ses arrêts critiqués des 12 octobre 2016 et 25 janvier 2017 application du critère de finalité professionnelle. Le reproche des appelants n’est pas fondé. En effets, M. ils ont signé tous les deux la « fiche de réservation produit » pour un investissement « LMNP » soit Loueur en Meublé Non Professionnel, le 16 janvier 2006. Compte tenu de l’ampleur de leur investissement immobilier, M. X. s’est inscrit au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce d’Avignon en qualité de loueur meublé professionnel à compter du 27 janvier 2006. En effet, il est établi que les époux X. ne se sont pas limités à la seule acquisition du lot e copropriété financée par la Lyonnaise de banque mais en ont acquis dix-sept au total pour plus de 3 millions d’euros d’investissement financé à 100 % par des prêts d’une durée oscillant entre 20 et 25 ans avec pour chaque lot acquis un contrat de réserve location accompagné d’un bail signé le même jour. Le montant de remboursement annuel devait être remboursé pour une grande partie par les revenus des locations. Il n’est pas contesté que certains des lots acquis sont toujours loués à ce jour, dix ans après leur acquisition. La location habituelle des lots acquis est établie. Par ailleurs, le moyen selon lequel il y aurait une discrimination au préjudice de l’épouse puisque seul M. X. est inscrit au RCS et le statut de simple consommateur de Mme X. serait ainsi ignoré par la solidarité prononcée n’est pas opérant dès lors que la Cour de cassation n’a pas considéré dans ses attendus que l’épouse serait inférieure en étant soumis au statut de son mari mais a considéré qu’en sa qualité d’emprunteur solidaire elle avait poursuivi le même but que son mari. Le fait qu’elle ne soit pas inscrite au RCS n’entraîne pas sa négation ou le refus de prendre en compte sa qualité propre. La Cour a considéré que la solidarité s’appliquait dès lors que les conjoints mariés et déclarant sous le même foyer fiscal, avaient eu une stratégie patrimoniale commune. La qualification professionnelle du prêt s’appliquait également à l’épouse. Il n’y a pas ainsi à considérer un statut discriminant de l’épouse, l’immatriculation pouvant être faite au nom du seul conjoint indépendamment du sexe du déclarant, car seule la stratégie commune a déterminé la Cour de cassation à retenir le caractère uniquement professionnel du prêt pour les emprunteurs solidaires. En conclusion, s’il n’est pas contestable que les époux X. aient eu à titre principal une activité salariée, ils ont également eu une activité professionnelle accessoire qui est celle de loueur en meublé. Le fait que le bailleur n’intervienne ni directement, ni indirectement dans l’entretien des meubles et ne pénètre jamais dans les locaux loués ne fait pas obstacle à une telle qualification de cette activité dès lors qu’il peut l’exercer, comme en l’espèce, par l’intermédiaire de mandataire tel la SAS Park and Suites. La jurisprudence de la Cour de cassation n’étant pas contraire à la notion de consommateur définie par les instances communautaires et plus particulièrement à l’article 2 b et c de la directive précitée du 5 avril 1993, rien ne justifie le préjudiciel en interprétation devant la cour de justice de l’Union européenne».
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU’ est un consommateur au sens de la directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011 et de la directive 2014/17/UE du 4 février 2014, reprenant les termes des directives antérieures, notamment de la directive 93/13/CE du 5 avril 1993, une personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; que transposant cette directive, l’article 3 de la loi n° 2014.344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a inséré un article préliminaire dans le code de la consommation aux termes duquel, au sens du présent code, est considérée comme consommateur toute personne qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; que ces dispositions sont d’application immédiate ; qu’en considérant que des particuliers qui exercent une activité salariée comme M. et Mme X., et qui agissent à des fins autres tout à fait distinctes du cadre de cette activité professionnelle en faisant l’acquisition à l’aide de prêts, à des fins fiscales et patrimoniales d’un immeuble de rapport loué temporairement en meublé, activité totalement étrangère à leur activité professionnelle, ne peuvent être considérés comme des consommateurs car ils exerceraient de ce fait une activité professionnelle « accessoire », ce qui supposerait en droit qu’elle fût indissociable de leur activité « principale » ou du moins liée à cette activité, ce qui n’est pas le cas des époux X., pas plus que le statut de loueur ne constitue nécessairement une activité professionnelle au sens de la loi, la Cour d’appel a violé l’article liminaire du code de la consommation transposant la directive 2011/83/UE et la directive 2014/17/UE, ainsi que la directive 93/13/CE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives ;
2°) ALORS QU’ en l’espèce, la cour d’appel a relevé que la définition du consommateur en droit communautaire reposait sur deux critères, un critère finaliste correspondant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de l’activité professionnelle de la personne concernée mais aussi une finalité personnelle du contrat permettant de savoir si on est en présence d’un consommateur nécessitant d’être protégé ou d’un professionnel avisé ; qu’en s’abstenant de rechercher si, dans les faits, les époux X. pouvaient sérieusement être considérés comme des professionnels avisés de l’immobilier et non comme de simples consommateurs au sens du droit communautaire, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions précitées de l’article liminaire du code de la consommation et des directives 2011/83/UE, 2014/17/UE et 93/13/CE ainsi que des règlements de Bruxelles n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 portant refonte du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, entrée en vigueur le 10 janvier 2015, et de Rome n° 598/2008 du 17 juin 2008.
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR dit que la saisie-attribution pratiquée le 13 juin 2013 pat la société Lyonnaise de banque entre les mains de la société Park and suites régulièrement dénoncée le 14 juin 2013 était parfaitement valable et D’AVOIR rejeté les demandes de M. et Mme X. ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU’«Il a été précédemment jugé que : - Les époux X. ont une activité professionnelle principale salariée et une activité professionnelle accessoire qui est celle de loueurs en meublé pour laquelle M. X. est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, - que le prêt authentique du 29 juin 2006 a été consenti pour financer l’acquisition de lots destinés à la location et qu’il constitue donc un prêt destinés à financer une activité professionnelle. Il en découle que ce prêt est exclu du champ d’application des dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier. Si rien n’interdit effectivement aux parties de soumettre volontairement les opérations qu’elles concluent aux dispositions du code de la consommation qui leur sont alors impérativement applicables dans leur intégralité, au cas d’espèce, la référence dans les offres de prêt aux dispositions du code de la consommation ne peut être jugée comme une dérogation volontaire conventionnelle aux dispositions de l’article L.312-3 du code de la consommation que si les époux X. parviennent à démontrer qu’ils avaient informé la banque de leur activité professionnelle de loueur en meublé dès lors qu’on ne peut déroger qu’à ce qui est entré dans le champ contractuel. Or, ils ne rapportent pas la preuve de ce qu’ils ont informé la Lyonnaise de banque de sa volonté d’inscrire leur demande de prêt dans un statut de loueur en meublé professionnel, la fiche patrimoniale du 15 février 2006 ne faisant apparaître aucun patrimoine immobilier et 2165 € de charges pour 7835 € de revenus dont 2654 € de loyers. Mais le montant des revenus locatifs ne pouvait laisser penser à la banque qu’ils avaient un statut de loueur en meublé professionnel et qu’en tout cas aucun élément ne lui permettait de penser qu’ils avaient agi déjà comme tel puisque la fiche de réservation mentionnait une acquisition en loueur non professionnel, concomitamment l’acquisition cumulée de dix-sept lots n’étant nullement apparente. Elle constitue pourtant une activité de loueur professionnel que la banque pouvait ignorer au regard des informations fournies datées te signées des emprunteurs. Les dispositions du code de la consommation ne sont donc pas applicables en l’espèce et les époux X. ne peuvent se prévaloir du non-respect des dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation et de plus un tel non-respect n’était pas de nature à entraîner une perte du caractère authentique de l’acte de prêt. La Lyonnaise de banque dispose bien d’un titre exécutoire, l’acte authentique de prêt du 29 juin 2006 lui autorisant la saisie-attribution pratiquée. Sur la prescription de la créance de la banque, Nonobstant la mention, dans l’acte notarié, de certaines dispositions du code de la consommation, dénuées d’effet au regard de l’article L. 312-1 ancien du code de la consommation, les époux X. pour les raisons évoquées ci-dessus ne peuvent revendiquer la qualité de consommateur au regard des dispositions de l’article L. 312-3 du code de la consommation applicable en l’espèce (devenu L. 313-2 dudit code), de sorte qu’ils ne peuvent invoquer la prescription biennale de l’article L. 137-2 du code de la consommation ancien devenu L. 218-2 du même code. La prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du code de commerce est la seule qui s’applique en l’espèce. A l’examen des pièces, la première échéance impayée remonte au mieux au mois de décembre 2009 et la déchéance du terme a été prononcée le 15 février 2010. La saisie-attribution ayant été pratiquée le 13 juin 2013, l’action de la Lyonnaise de banque n’était pas prescrite. Sur la validation des saisies-attribution. Au vu de ce qui précède, la cour confirme le premier juge en ce qu’il a validé la saisie-attribution pratiquée le 13 juin 2013 ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE par une décision n° 2017-689 QPC du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution les dispositions de l’article 151 septies du code général des impôts réservant certains avantages fiscaux aux contribuables exerçant une activité de location d’appartements meublés à titre professionnel dès lors qu’elles subordonnaient la reconnaissance de la qualité de loueur en meublé professionnel à l’inscription au registre du commerce et des sociétés; le conseil constitutionnel a en effet considéré, dès lors que l’activité de location de biens immeubles ne constituait pas un acte de commerce au sens de l’article L. 110-1 du code de commerce, que les personnes physiques exerçant cette activité ne pouvaient avoir la qualité de commerçant conférée exclusivement à « ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » aux termes de l’article L. 121-1 du même code et être inscrites au registre du commerce et des sociétés en application de l’article L. 123-1 du même code ; que dès lors en déduisant de l’inscription au registre du commerce et des sociétés de M. X. le caractère professionnel de l’activité de loueur en meublé qu’il aurait exercée à titre accessoire et en excluant ainsi du champ d’application des dispositions du code de la consommation le prêt souscrit pour financer le bien donné en location quand les personnes physiques qui exercent cette activité n’ont pas la qualité de commerçant et ne peuvent légalement être inscrites au registre du commerce et des sociétés, la cour d’appel a violé les articles L. 110-1, L. 121-1, L. 123-1 du code de commerce, ensemble les articles L. 312-3, L 312-4 et L. 137-2 du code de la consommation ;
2°) ALORS QUE l’article L. 137-2 du code de la consommation dispose que l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels ; que sont exclus du champ d‘application des dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier les prêts qui sont destinés à financer une activité professionnelle ; que cependant la destination professionnelle d’un crédit ne peut résulter que d’une stipulation expresse ; que selon les constatations de l’arrêt, le prêt consenti aux époux X. fait expressément référence à la procédure de la loi Scrivener, ce dont il résulte que le prêt n’a pas été conclu dans le but de financer les besoins d’une quelconque activité professionnelle mais bien sous l’égide du code de la consommation tel que cela résulte de la volonté même des parties exprimée dans l’acte ; qu’en considérant néanmoins que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables en l’espèce, l’arrêt attaqué, qui ne s’est pas attaché à la destination contractuelle du crédit, a méconnu les dispositions des articles L. 312-3, L. 312-4 et L. 137-2 du code de la consommation ;
3°) ALORS QUE la prescription abrégée s’applique à tous les prêts bancaires contractés par une personne physique dans un but étranger à son activité professionnelle ; qu’elle s’applique même à une opération réalisée à des fins spéculatives ou fiscales dès lors que la personne physique agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; qu’il n’est pas douteux en l’espèce que le financement litigieux était étranger à l’activité professionnelle des époux X., tous les deux salariés ; qu’en considérant néanmoins que M. et Mme X. exerçaient la profession habituelle de loueur en meublé à titre accessoire et qu’ils ne pouvaient revendiquer la qualité de consommateur pour invoquer la prescription biennale, alors même qu’il résultait des énonciations de l’arrêt attaqué que le prêt litigieux avait été souscrit à des fins purement fiscales et d’investissements personnels totalement étrangères à l’activité professionnelle respective de M. et Mme X., la Cour d’appel a violé l’article L. 137-2 du code de la consommation.
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 5913 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : principes
- 5960 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats mixtes - Contrats conjonctifs associant professionnel et consommateur