CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 30 janvier 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8335
CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 30 janvier 2020 : RG n° 16/02495
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Tel est le cas en l'espèce, M. X. ne formant pas de nouvelle demande en appel en réitérant l'action en nullité du contrat de prêt qu'il avait déjà formée en première instance, la fondant néanmoins sur un moyen nouveau tiré de l'illicéité d'une clause, ce qui ne lui confère pas un caractère nouveau. »
2/ « Il résulte clairement de ces dispositions contractuelles que contrairement à ce que soutient M. X., il a bien été prévu que le prêt serait payé en euros conformément à l'article L. 111-1 du code monétaire et financier, le franc suisse n'étant pas la monnaie de paiement mais la monnaie de compte, le remboursement du prêt s'effectuant par un mécanisme d'indexation : une opération de change entre la monnaie de paiement (l'euro) et la monnaie de remboursement (le franc suisse).
S'agissant d'un contrat interne, l'article L. 112-2 du code monétaire et financier soumet la validité de la clause d'indexation à l'existence d'une relation directe avec l'objet de la convention, ou avec l'activité de l'une des parties, ces deux conditions n'étant pas cumulatives. Or, en l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance est un établissement de crédit dont l'activité porte entre autres sur des opérations passées sur les marchés internationaux de devises, notamment pour s'approvisionner en ressources financières, en sorte que son activité a bien un lien direct avec le franc suisse.
L'emprunt critiqué est donc conforme aux dispositions de l'article L. 111-1 du code monétaire et financier et la clause d'indexation qu'il contient est licite au regard des dispositions de l'article L. 112-2 du même code.
Il convient par ailleurs de rechercher d'office si la clause d'indexation n'est pas abusive dès lors que dans ses écritures, M. X. fait implicitement état d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat en exposant notamment : « que le montant du capital restant dû par le demandeur n'a cessé d'augmenter ; qu'ainsi par exemple et au 10 septembre 2014, et compte tenu de l'appréciation du franc suisse par rapport à l'euro, le demandeur restait devoir à la BNP Paribas Personal Fiance la somme de 153.932 euros. »
Or, aux termes de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.
En l'espèce, il résulte des dispositions contractuelles précédemment exposées que la clause d'indexation litigieuse porte sur l'objet principal du contrat de prêt et que son mécanisme s'y trouve expliqué de manière claire et compréhensible, si bien qu'à leur lecture, l'emprunteur a pu non seulement comprendre que la variation du cours de l'euro par rapport au franc suisse allait avoir une incidence sur le montant du capital amorti à chaque échéance, mais également se rendre compte, notamment sur la base de l'exemple donné en annexe, que cette incidence pourrait être rapidement importante.
La clause d'indexation qu'il contient étant ainsi licite et non abusive, le prêt ne saurait être annulé et M. X. sera débouté de sa demande, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Par voie de conséquence, la demande de résiliation du contrat d'assurance sera rejetée, le jugement déféré étant également confirmé de ce chef. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 30 JANVIER 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/02495. N° Portalis DBVT-V-B7A-PXPW. Jugement (R.G. n° 13/01804) rendu le 4 février 2016 par le tribunal de grande instance d'Arras.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Marjorie T., avocat au barreau d'Arras, assisté de Maître Richard J., avocat au barreau de Paris
INTIMÉES :
La SCI [...]
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social, [adresse], représentée par Maître Sophie S., avocat au barreau d'Arras, assistée de Maître Raymond L., avocat au barreau de Toulouse, substitué à l'audience par Maître Hélène S. A., avocat au barreau de Toulouse
La SA BNP Paribas Personal Finance
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social est [adresse], représentée par Maître Stéphanie C.-F., avocat au barreau de Douai, assistée de Maître Philippe M., avocat au barreau de Paris, substitué par Maître Axelle G.-L., avocat au barreau de Paris
La SA CNP Assurances
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social, [adresse], représentée par Maître Cécile V., avocat au barreau d'Arras
La SA CNP Invalidité Accident Maladie - IAM 6
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Cécile V., avocat au barreau d'Arras
La SAS Séquoia Développement
[adresse] - société radiée d'office le 4 décembre 2014 (art. R.123-129-1° du code de commerce)
DÉBATS à l'audience publique du 18 novembre 2019 tenue par Marie-Hélène Masseron magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Marie-Hélène Masseron, président de chambre, Emmanuelle Boutié, conseiller, Marie-Laure Aldigé, conseiller.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Hélène Masseron, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 mai 2019
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La SCI Résidence la B.a réalisé un programme de logements collectifs comportant 164 appartements au sein d'une résidence dénommée « la B.» située [...] sur la commune [ville A.], dont elle a confié la commercialisation au Groupe Carrère afin de proposer la vente en l'état futur d'achèvement au public selon divers dispositifs d'investissements défiscalisés.
Le 25 octobre 2008, M. X. a signé un contrat préliminaire portant sur un appartement n° 31 de type T2 d'une surface de 36,70 m² au prix de 123.100 euros TTC.
Aux termes d'un acte authentique du 16 janvier 2009, M. X. a acquis sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement l'appartement n° 31 et un emplacement de stationnement dans la copropriété « la B. » au prix de 123.100 euros TTC.
Par acte authentique du même jour, la société SA BNP Paribas Personal Finance a consenti à M. X. un prêt destiné à financer cette acquisition immobilière, d'un montant de 123.100 euros libellé en francs suisses (soit une contrevaleur de 191.305,59 francs suisses), remboursable sur 25 ans au taux d'intérêt variable de 4,75 %.
Pour garantir ce prêt, M. X. a adhéré à une police d'assurance souscrite auprès des sociétés SA CNP Assurances et CNP Invalidité Accident Maladie IAM.
La livraison et la remise des clefs ont eu lieu suivant procès-verbal du 21 janvier 2010.
Par actes d'huissier de justice en date des 19 et 24 septembre 2013, M. X. a assigné la SCI Résidence la B., la société SAS Séquoïa Développement prise en la personne de son mandataire liquidateur Me S., la société BNP Paribas Personal Finance et les sociétés CNP Assurances et CNP Invalidité Accident Maladie IAM devant le tribunal de grande instance d'Arras, aux fins d'obtenir l'annulation du contrat de vente en l'état futur d'achèvement et l'annulation subséquente du contrat de prêt ainsi que la résiliation du contrat d'assurance.
Par jugement du 4 février 2016 le tribunal de grande instance d'Arras a :
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la nullité du contrat préliminaire sur le fondement du démarchage,
- Débouté M. X. de sa demande en nullité du contrat de vente conclu avec la SCI Résidence la B.,
En conséquence,
- Débouté M. X. de ses demandes subséquentes en nullité du contrat de prêt souscrit auprès de la société BNP et en résiliation du contrat d'assurance conclu avec les sociétés CNP Assurances et CNP Invalidité Accident Maladie IAM,
- Débouté M. X. de sa demande subséquente en restitution par la SCI Résidence la B. du prix de vente contre la rétrocession du bien,
- Débouté M. X. de sa demande subséquente en restitution par la société BNP ainsi que de sa demande en garantie formulée à l'encontre de la SCI Résidence la B.,
- Débouté M. X. de ses demandes subséquentes de dommages et intérêts à l'encontre de la SCI Résidence la B.au titre des sommes qui seraient dues à l'administration fiscale, des cotisations d'assurance vainement payées et de la conversion des sommes prêtées,
- Débouté M. X. Yannick de ses demandes subsidiaires de dommages et intérêts à l'encontre de la SCI Résidence la B.,
- Débouté M. X. de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la SCI Résidence la B.de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la société BNP de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté les sociétés CNP Assurances et CNP Invalidité Accident Maladie IAM de leur demande
sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. X. aux dépens,
- Dit que les dépens pourront être recouvrés en application de l'article 699 du Code de procédure pénale,
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
[*]
M. X. a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de tous les défendeurs.
Par dernières conclusions notifiées le 29 janvier 2019 il demande à la cour :
- de constater l'existence du protocole d'accord transactionnel du 4 décembre 2018 conclu entre elle-même et la SCI Résidence la B.,
- en application de ce protocole d'accord transactionnel,
- constater son désistement d'instance et d'action à l'encontre de la SCI Résidence la B.,
- juger que chacune des parties conservera ses dépens de première instance et d'appel et ses frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel,
- juger que le contrat de prêt conclu entre lui et la société BNP Paribas Personal Finance abrite une clause espèces étrangères illicite,
- en conséquence, prononcer la nullité de ce contrat de prêt,
- en conséquence de la nullité du contrat de prêt,
- juger que la société BNP Paribas Personal Finance devra lui rembourser le montant du capital, des intérêts, frais et accessoires de toute nature du prêt par elle acquittés arrêté à la date de l'arrêt à intervenir,
- juger qu'il sera tenu de rembourser à la société BNP la somme de 123.100 euros mise à sa disposition,
- ordonner la résiliation de son adhésion au contrat d'assurance collectif souscrit auprès de CNP Assurances et CNP Invalidité Accident Maladie IAM, ce à compter de la date à laquelle l'arrêt à intervenir sera devenu définitif et aura été exécuté,
- débouter les défendeurs de toutes leurs demandes formées à son encontre ou, en tout état de cause, les rapporter à de plus justes proportions.
[*]
Par dernières conclusions notifiées le 2 avril 2019, la SCI Résidence le B. demande à la cour de :
- Homologuer le protocole d'accord transactionnel signé le 4 décembre 2018 entre la Société Civile Immobilière La B.et M. X.,
- Donner acte à M. X. de son désistement d'instance et d'action à l'encontre de la Société Civile Immobilière Résidence la B.,
- Donner acte à la SCI Résidence la B.de son acceptation de désistement d'instance et d'action de M. X.,
- Juger que chaque partie conservera ses dépens de première instance et d'appel et ses frais non compris dans les dépens exposés en appel,
- juger qu'aucune demande ne saurait être légitimement dirigée à l'encontre de la Société Civile Immobilière Résidence la B.,
- juger qu'aucune somme ne sera mise à la charge de la Société Civile Immobilière Résidence la B. dans le cadre du présent litige.
[*]
Par dernières conclusions notifiées le 1er mai 2019, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
A titre principal :
- Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Juger irrecevable la demande de nullité du contrat de prêt formée par M. X. sur le fondement de l'article L. 111-1 du code monétaire et financier ;
A titre subsidiaire :
- Juger mal fondée la demande de nullité du contrat de prêt formée par M. X. sur le fondement de l'article L. 111-1 du code monétaire et financier ;
En tout état de cause :
- Juger que la clause de monnaie de compte stipulée en francs suisses dans le prêt Helvet Immo n'entre pas dans le champ des clauses abusives en ce qu'elle définit l'objet principal du contrat et qu'elle est rédigée de manière claire et compréhensible ;
A titre très subsidiaire,
- Juger que la clause de monnaie de compte stipulée en francs suisses dans le prêt Helvet Immo n'est pas abusive en ce qu'elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties ;
- Juger que le prêt Helvet Immo ne comporte pas de clauses abusives et que l'ensemble des clauses sont opposables à M. X. qui doit les exécuter ;
- Débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes ;
- Le condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
[*]
Par dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2016, les sociétés CNP Assurances et CNP Invalidité Accident Maladie IAM demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris,
- Leur donner acte de ce qu'elles s'en rapportent à la parfaite appréciation de la Cour sur le bien-fondé des demandes présentées par M. X.,
- Condamner celui-ci ou subsidiairement la SCI Résidence la B. à leur verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.
[*]
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, MOTIFS :
Sur l'homologation du protocole d'accord transactionnel et les désistements :
Vu le protocole d'accord transactionnel conclu entre la SCI Résidence la B. et M. X. le 4 décembre 2018, dont il résulte des concessions réciproques (versement par la SCI d'une somme de 27.000 euros à M. X. moyennant renonciation par celui-ci à poursuivre l'action judiciaire), qu'il convient d'homologuer à la demande de la SCI sans opposition de M. X., il sera constaté en outre :
- le désistement d'instance et d'action intervenu entre la SCI Résidence la B. et M. X., en conséquence de la transaction ;
- le caractère parfait de ce désistement expressément accepté par la SCI la B. ;
- l'extinction subséquente de l'instance entre ces deux parties et le dessaisissement de la cour.
Sur les demandes dont la cour reste saisie :
La cour reste saisie de l'action formée par M. X. à l'encontre de la société prêteuse BNP Paribas Personal Finance (BNP) aux fins d'annulation du contrat de prêt immobilier et de l'action formée par M. X. à l'encontre des sociétés CNP Assurances et CNP Invalidité Accident Maladie IAM en résiliation du contrat d'assurance garantissant ce prêt immobilier.
La demande d'annulation du contrat de prêt :
Au soutien de sa demande d'annulation du contrat de prêt souscrit auprès de la BNP, M. X. soutient que ce contrat contient une clause 'espèces étrangères' illicite, faisant valoir :
- Que conformément aux dispositions de l'article L. 111-1 du code monétaire et financier, la monnaie ayant cours légal en France est l'euro ;
- Qu'à la date des faits litigieux, conformément à une jurisprudence constante et pour les contrats internes, nul ne pouvait déroger à cette règle d'ordre public absolue en stipulant un paiement dans une devise autre que l'euro, et seule était autorisée l'utilisation d'une monnaie étrangère comme simple mécanisme d'indexation (monnaie de compte) ;
- Qu'en l'espèce, force est de constater que le contrat litigieux est un contrat interne et que le franc suisse n'est pas utilisé comme un simple mécanisme d'indexation ;
- Qu'en effet, et si les variations du franc suisse ont, conformément aux termes du contrat, pour effet d'augmenter notamment le solde du capital restant dû, le franc suisse, nonobstant sa présentation comme « monnaie de compte », porte aussi sur l'obligation de remboursement elle-même ;
- Que le contrat litigieux prévoit pour chaque remboursement effectué des frais de change ;
- Que la dernière page de l'offre de prêt intitulée « Informations relatives aux opérations de change qui seront réalisées dans le cadre de la gestion de votre crédit » prévoit ainsi par exemple: « Les règlements que vous nous verserez en euros seront convertis en francs suisses (après paiement des charges annexes) pour venir s'imputer sur votre dette en francs suisses » ;
- Que l'offre de prêt prévoit aussi en page 3 l'existence d'un compte interne en francs suisses où au crédit sont inscrites « les sommes en francs suisses correspondant au solde de vos règlements mensuels en euros après opération de change en francs suisses » ;
- Que si le franc suisse avait été utilisé comme une simple monnaie de compte, il aurait suffi de débiter le compte en euros de l'emprunteur sans que celui-ci ait, comme en l'espèce, à supporter seule un risque de change se traduisant par des frais de change correspondant à l'achat de devises ;
- Que dans un arrêt du 11 juillet 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d'appel de Metz qui dans des conditions d'espèce similaires et pour les motifs précités avait jugé que le contrat litigieux abritait une clause espèces étrangères illicite et, par voie de conséquence, annulé le contrat de prêt.
En réponse, la BNP oppose :
- l'irrecevabilité de la demande comme étant nouvelle en cause d'appel dès lors que cette demande, qui tend à la nullité du contrat de prêt pour stipulation de clause illicite, est différente de la demande initiale qui tendait au prononcé de la nullité du contrat de prêt par accessoire à la nullité du contrat de vente ;
- l'irrecevabilité pour cause de prescription de cette nouvelle demande, formée par conclusions du 29 janvier 2019, le délai de cinq ans ayant commencé à courir à compter de la date de l'acceptation de l'offre de prêt le 11 février 2009 étant acquis depuis le 11 février 2014 ;
- le mal fondé de l'action en nullité du contrat de prêt, la clause « monnaie de compte » du contrat de prêt Helvet Immo, assimilable à une clause d'indexation, étant licite.
Sur le fond elle fait valoir :
- Que la clause de « monnaie de compte » insérée dans le contrat de crédit est assimilable à une clause d'indexation, dans la mesure où le franc suisse est choisi en tant que monnaie de compte ;
- Que s'il est exact que le contrat de prêt est bien un contrat interne, l'article L. 112-2 du code monétaire et financier soumet la validité de la clause d'indexation à l'existence d'une relation directe avec l'objet de la convention, ou avec l'activité de l'une des parties, ces deux conditions n'étant pas cumulatives, et l'article précité n'exige aucunement que les parties à la convention exercent tout ou partie de leur activité sur le lieu où la devise choisie pour « monnaie de compte » a cours officiel, mais que cette dernière ait un lien avec l'activité de l'une d'entre elles ;
- Qu'en l'espèce, la BNP Paribas Personal Finance est un établissement de crédit dont l'activité porte entre autres sur des opérations passées sur les marchés internationaux de devises, notamment pour assurer son approvisionnement en ressources financières ; son activité a donc un lien direct avec le franc suisse ;
- Que le débat relatif à la licéité de la clause d'indexation sur le fondement de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier a été tranché par la cour de cassation dès les deux premiers arrêts rendus concernant des prêts Helvet Immo, en date du 29 mars 2017 ;
- Que la clause de monnaie de compte ne contrevient donc pas aux dispositions de code monétaire et financier, de sorte que la demande de nullité du contrat de prêt, fondée sur ce moyen, doit être rejetée ;
- Que par ailleurs la clause d'indexation ne peut être qualifiée d'abusive comme l'a jugé la cour de cassation, ce que le juge doit rechercher d'office ;
- Qu'en effet, dès lors que cette clause relève de l'objet principal du contrat et est rédigé de façon claire et compréhensible, ce qui a été jugé par cinq arrêts de la cour d'appel de Metz les 16 octobre et 11 décembre 2018, elle échappe au contrôle des clauses abusives c'est à dire à la recherche de l'existence ou non d'un déséquilibre significatif, cela conformément à la position de la cour de cassation.
Sur ce,
Sur les fins de non-recevoir :
Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Tel est le cas en l'espèce, M. X. ne formant pas de nouvelle demande en appel en réitérant l'action en nullité du contrat de prêt qu'il avait déjà formée en première instance, la fondant néanmoins sur un moyen nouveau tiré de l'illicéité d'une clause, ce qui ne lui confère pas un caractère nouveau.
La première fin de non-recevoir est donc mal fondée et la seconde l'est aussi par voie de conséquence, le moyen tiré de la prescription de la nouvelle demande étant inopérant dès lors qu'il n'a pas été formé de nouvelle demande, étant rappelé que M. X. a agi en nullité du contrat de prêt en septembre 2013, moins de cinq ans après la souscription de l'emprunt litigieux en janvier 2009.
Les fins de non-recevoir seront donc rejetées.
Sur le fond :
Aux termes de l'offre de crédit souscrite par M. X., il est notamment prévu :
- que le montant du crédit est de 191.305,59 francs suisses ;
- qu'il est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises ;
- qu'il est géré, d'une part, en francs suisses (monnaie de compte) pour connaître à tout moment l'état de remboursement du crédit ; d'autre part, en euros (monnaie de paiement) pour permettre le paiement des échéances du crédit ;
- que sont inscrits au crédit du compte interne en euros les règlements mensuels en euros, valeur au jour de la réception des fonds par le prêteur. Le montant des règlements, après paiement des charges annexes, est converti en francs suisses selon les modalités définies à l'article « opérations de change » ;
- que parallèlement, sont inscrits au crédit du compte en francs suisses les sommes en francs suisses correspondant au solde des règlements mensuels en euros après opérations de change en francs suisses selon les modalités décrites au paragraphe « opérations de change », valeur au jour de la réception des règlements en euros par le prêteur.
Au paragraphe « opérations de change », il est rappelé que le prêt objet de l'offre est un prêt en francs suisses et que ne s'agissant pas d'une opération de crédit international, les versements au titre du prêt ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses.
Il y est notamment indiqué :
- « En acceptant la présente offre de crédit, vous acceptez les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement de votre crédit tels que précisés au sein de celle offre. »
« Le montant de votre prêt, qui comprend les frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit de francs suisses en euros est fixé selon le taux de change de 1 euro contre 1,5200 francs suisses. Ce taux est invariable jusqu'au déblocage complet de votre crédit de sorte que le montant du financement en euros est arrêté définitivement. Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change. »
« Les opérations de change suivantes seront réalisées par le prêteur au cours de la vie de votre crédit :
- la conversion en francs suisses du solde de vos règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes de votre crédit. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant l'arrêté de compte.
- [...] »
Au paragraphe « Remboursement de votre crédit », il est rappelé que la monnaie de paiement est l'euro, les règlements mensuels se faisant en euros. Il est précisé que « l'amortissement du capital de votre prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué à vos règlements mensuels, après paiement des charges annexes, selon les modalités définies au paragraphe 'Opérations de change'.
- S'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance de votre crédit sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en francs suisses.
- S'il résulte de l'opération de change une somme supérieure à l'échéance en francs suisses exigible, l'amortissement du capital sera plus rapide et vous rembourserez plus rapidement votre crédit. […] » (en gras dans le texte) [N.B. cette présentation est perdue dans la version Jurica]
Sont annexée à l'offre de prêt des « informations relatives aux opérations de change qui seront réalisées dans le cadre de la gestion de votre crédit », qui rappellent à nouveau que le prêt est proposé en francs suisses mais que les versements ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses ; que des opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses seront nécessaires aux fonctionnement et remboursement du crédit ; qu'ainsi les règlements seront convertis en francs suisses pour venir s'imputer sur la dette en francs suisses. Il est précisé que l'offre de prêt a été établie sur la base d'un taux de change de 1 euro contre 1,5311 francs suisses et il est donné un exemple chiffré de variation du taux de change au cours de la vie du crédit. Il est ainsi expliqué que dans l'hypothèse où le taux de change initial passerait de 1 euro contre 1,6111 francs suisses, la durée du crédit serait de 281 mois et son coût total de 92.216,58 euros ; dans l'hypothèse où le taux de change initial passerait à 1 euro contre 1,4511 francs suisses, la durée du crédit serait de 324 mois et son coût total de 127 167,57 euros. (Soit une différence de coût de 34.951 euros).
Il résulte clairement de ces dispositions contractuelles que contrairement à ce que soutient M. X., il a bien été prévu que le prêt serait payé en euros conformément à l'article L. 111-1 du code monétaire et financier, le franc suisse n'étant pas la monnaie de paiement mais la monnaie de compte, le remboursement du prêt s'effectuant par un mécanisme d'indexation : une opération de change entre la monnaie de paiement (l'euro) et la monnaie de remboursement (le franc suisse).
S'agissant d'un contrat interne, l'article L. 112-2 du code monétaire et financier soumet la validité de la clause d'indexation à l'existence d'une relation directe avec l'objet de la convention, ou avec l'activité de l'une des parties, ces deux conditions n'étant pas cumulatives. Or, en l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance est un établissement de crédit dont l'activité porte entre autres sur des opérations passées sur les marchés internationaux de devises, notamment pour s'approvisionner en ressources financières, en sorte que son activité a bien un lien direct avec le franc suisse.
L'emprunt critiqué est donc conforme aux dispositions de l'article L. 111-1 du code monétaire et financier et la clause d'indexation qu'il contient est licite au regard des dispositions de l'article L. 112-2 du même code.
Il convient par ailleurs de rechercher d'office si la clause d'indexation n'est pas abusive dès lors que dans ses écritures, M. X. fait implicitement état d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat en exposant notamment : « que le montant du capital restant dû par le demandeur n'a cessé d'augmenter ; qu'ainsi par exemple et au 10 septembre 2014, et compte tenu de l'appréciation du franc suisse par rapport à l'euro, le demandeur restait devoir à la BNP Paribas Personal Fiance la somme de 153.932 euros. »
Or, aux termes de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.
En l'espèce, il résulte des dispositions contractuelles précédemment exposées que la clause d'indexation litigieuse porte sur l'objet principal du contrat de prêt et que son mécanisme s'y trouve expliqué de manière claire et compréhensible, si bien qu'à leur lecture, l'emprunteur a pu non seulement comprendre que la variation du cours de l'euro par rapport au franc suisse allait avoir une incidence sur le montant du capital amorti à chaque échéance, mais également se rendre compte, notamment sur la base de l'exemple donné en annexe, que cette incidence pourrait être rapidement importante.
La clause d'indexation qu'il contient étant ainsi licite et non abusive, le prêt ne saurait être annulé et M. X. sera débouté de sa demande, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Par voie de conséquence, la demande de résiliation du contrat d'assurance sera rejetée, le jugement déféré étant également confirmé de ce chef.
M. X. perdant en son appel, il sera condamné aux entiers dépens et débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité et la situation économique des parties commandant toutefois d'exclure l'application de ce texte au profit des sociétés intimées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Homologue le protocole d'accord transactionnel conclu entre la SCI Résidence la B. et M. X. le 4 décembre 2018,
Constate le désistement d'instance et d'action intervenu entre la SCI Résidence la B. et M. X. en conséquence de cette transaction ;
Dit ce désistement parfait et constate l'extinction de l'instance entre ces deux parties et le dessaisissement de la cour ;
Dit que chacune de ces parties conservera la charge de ses frais et dépens de l'instance éteinte ;
* * *
Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de ses fins de non-recevoir,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande d'annulation du contrat de prêt conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance et de sa demande de résiliation du contrat d'assurance conclu avec les sociétés CNP Assurances et CNP Invalidité Accident Maladie IAM,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, le président,
Delphine Verhaeghe Marie-Hélène Masseron
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