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CA POITIERS (2e ch. civ.), 25 février 2020

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (2e ch. civ.), 25 février 2020
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 2e ch. civ.
Demande : 18/02995
Décision : 20/113
Date : 25/02/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 1/10/2018
Numéro de la décision : 113
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8362

CA POITIERS (2e ch. civ.), 25 février 2020 : RG n° 18/02995 ; arrêt n° 113 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Il est de principe désormais constant que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Ce principe, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, impose uniquement l'envoi d'une mise en demeure actualisant le décompte des arriérés et donnant un délai pour régulariser sous peine de s'exposer au prononcé de la déchéance du terme ; il n'exige pas que cette première mise en demeure - dont le prêteur peut se dispenser s'il le prévoit expressément au contrat- soit suivie d'une autre mise en demeure prononçant formellement la déchéance du terme, dès lors que l'emprunteur a suffisamment été alerté de cette possibilité de sanction.

En l'occurrence, la clause du contrat du 22 juin 2007 intitulée « déchéance du terme - exigibilité du présent prêt » prévoyait qu'en « cas de survenance d'un cas de déchéance du terme », le prêteur pourra se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée adressée à l'emprunteur. Le prêt deviendra alors de plein droit exigible, si bon semble à la banque, en capital, intérêts, frais et accessoires' ».

En l'occurrence, il est justifié de ce que le Crédit Agricole a adressé à Mme X. un courrier de mise en demeure en date du 7 septembre 2016 réceptionné par cette dernière le 10 septembre 2016 (pièce intimée 6) aux termes duquel la banque mettait en demeure la cliente de régulariser sous dix jours l'arriéré de 3.336,60 €, à défaut de quoi, « conformément aux dispositions contractuelles : la déchéance du terme sera appliquée sans autre avis » ; la banque précisant en outre que sans nouvel avis, elle procédera au recouvrement de sa créance par voie judiciaire et réclamera l'indemnité forfaitaire, outre les frais de procédure.

Ce courrier répond tout à la fois au principe rappelé ci-dessus et aux stipulations contractuelles, en ce qu'il comporte mise en demeure de régulariser dans un délai précis, de manière à éviter le prononcé de la déchéance du terme.

Ainsi, Mme X. a été mise à même de faire obstacle au prononcé de la déchéance du terme qui n'avait pas à lui être autrement signifiée, la banque pouvant, au cas de persistance des impayés, s'autoriser à la prononcer sans autre avertissement. »

2/ « L'appelante demande la suppression de cette indemnité conventionnelle, et subsidiairement elle en demande la réduction de cette somme, invoquant les dispositions de l'article R. 212-2-3° code de la consommation qui présument abusive, la clause ayant pour objet ou effet d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné.

Cependant la clause contractuelle fixant le taux de l'indemnité conventionnelle à 7 % des sommes restant dues n'est pas manifestement disproportionnée dans son taux au regard des taux habituellement pratiqués et fixés réglementairement jusqu'à 8 %, son calcul a été fait selon les termes de la clause figurant au contrat, il n'y a donc pas lieu à sa suppression ou réduction, Mme X. sera déboutée de cette demande. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/0299. Arrêt n° 113. N° Portalis DBV5-V-B7C-FR4R. Décision déférée à la Cour : jugement du 13 juillet 2018 rendu(e) par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES.

 

APPELANTE :

Madame X. divorcée Y.

née le [date] à [ville], [adresse], Ayant pour avocat postulant Maître Jérôme C. de la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant Maître Marie-Anne B., avocat au barreau de LA ROCHELLE.

 

INTIMÉS :

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], [adresse], Défaillant

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SEVRES.

[...], Ayant pour avocat plaidant Maître Hervé B. de la SCP F.-B. & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Claude ANTONI, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre, Madame Sophie BRIEU, Conseiller, Monsieur Emmanuel CHIRON, Conseiller.

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU.

ARRÊT : - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant contrat en date du 22 juin 2007, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charentes Maritime Deux Sèvres (le Crédit Agricole) a consenti à M. Y. et Mme X. à l'époque épouse Y. (divorcée depuis lors selon jugement de divorce du [date]), un prêt (7000XXX933) d'un montant de 37.061,52 destiné à financer la réalisation de travaux sur leur résidence principale, au taux d'intérêts de 4.36 % et TEG de 5,1629 %, remboursable moyennant 179 échéances mensuelles de 280,87€ et une dernière de 281,77 €, l'assurance obligatoire étant prélevée à part.

Dans un premier temps M. Y. et Mme X. ont cessé de rembourser les mensualités du prêt.

M. Y. a ensuite repris le règlement des échéances et régularisé l'arriéré.

Il a, par la suite, saisi la Commission de surendettement des particuliers de la Charente-Maritime le 25 mai 2016 et obtenu un moratoire de deux années pour lui permettre de vendre un bien immobilier et ainsi désintéresser ses créanciers (pièce intimée 4).

Mme X. s'est opposée à tout règlement motif pris de ce que le jugement du Tribunal de Grande Instance de La Rochelle statuant sur une difficulté de partage par jugement en date 28 novembre 2013 (pièce appelant 2) avait mis à la charge de M. Y. le remboursement des emprunts contractés par la communauté (pièce intimée7).

Par exploit du 2 mars 2017, La Caisse de Crédit Agricole a fait assigner Mme X. divorcée Y. aux fins de la voir condamner au paiement de diverses sommes au titre du solde du prêt.

Mme X. a appelé en la cause M. Y. par acte du 16 juin 2017 afin qu'il la relève indemne de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par jugement du 13 juillet 2018, le Tribunal de Grande Instance de Saintes a statué ainsi :

Condamne solidairement Mme X. et M. Y., sous réserve toutefois pour ce dernier des dispositions dont il peut bénéficier dans le cadre d'une procédure de surendettement, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres la somme de Vingt Quatre Mille Trois Cent Soixante et Onze € Six Centimes (24.371,06 €) au titre du prêt n° 7000 XXX 933 avec intérêts au taux de 4,36 % l'an à compter du 10 septembre 2016 ;

Condamne M. Y. à relever indemne Mme X. de cette condamnation sous les mêmes réserves relatives à la procédure de surendettement dont il peut bénéficier ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne Mme X. aux dépens d'instance.

[*]

Mme X. divorcée Y. a interjeté appel par acte du 1er octobre 2018, dans ses dernières conclusions en date du 4 octobre 2019, elle demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1343-5 du Code civil,

Vu les dispositions des articles L 312-36 et R 212-2 3° du code de la consommation,

Vu les pièces,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES le 13 juillet 2018 en ce qu'il a :

- Condamné M. Y. à relever indemne Mme X. de cette condamnation sous les mêmes réserves relatives à la procédure de surendettement dont il peut bénéficier.

Réformer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES le 13 juillet 2018 en ce qu'il a :

- Condamné solidairement Mme X. et M. Y., sous réserve toutefois pour ce dernier des dispositions donc il peut bénéficier dans le cadre d'une procédure de surendettement, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres, la somme de 24.371,06 €, outre intérêts au taux contractuel de 4,36 % l'an à compter du 10 septembre 2016.

- Débouté les parties de leurs autres demandes.

- Condamné Mme X. aux entiers dépens de la procédure.

Statuant à nouveau :

A TITRE PRINCIPAL

Débouter purement et simplement la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A TITRE SUBSIDIAIRE

Dire et juger que M. Y. est seul débiteur à l'égard de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres

Condamner M. Y. à payer, sans réserve, à Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres, la somme de 24.371,06 €, outre intérêts au taux contractuel de 4,36 % l'an à compter du 10 septembre 2016.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

Si par extraordinaire, la Cour de céans devait prononcer la moindre condamnation à l'encontre de Mme X., celle-ci entend formuler les observations suivantes.

Condamner M. Y. à relever indemne Mme X. de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres ;

Reporter à deux ans le paiement des sommes dues et, durant cette période, dire et juger que ces sommes porteront intérêts au seul taux légal.

Supprimer, ou à défaut réduire, la clause pénale sollicitée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

Condamner M. Y. à payer à Mme X. la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et financier subis.

Condamner in solidum M. Y. et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres à payer à Mme X. la somme de 2.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance.

Condamner in solidum M. Y. et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres aux entiers dépens de la procédure de première instance.

Ce Y AJOUTANT

Condamner in solidum M. Y. et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres à payer à Mme X. la somme de 3.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance.

Condamner in solidum M. Y. et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres aux entiers dépens de la procédure d'appel.

L'appelante soutient que la déchéance du terme ne peut produire effet dès lors que la banque n'a adressé que des avertissements sur la nécessité de régulariser la situation, mais aucun courrier prononçant expressément la déchéance du terme, ainsi que l'exige selon elle la jurisprudence.

Subsidiairement, elle soutient que M. Y. doit être considéré comme seul débiteur de l'emprunt et qu'il n'y a pas lieu de limiter la condamnation de celui-ci au règlement du solde du prêt, comme l'a fait le jugement, « sous réserve des mesures dont il peut bénéficier dans le cadre de la procédure de surendettement » dans la mesure où : le jugement du 28 novembre 2013 et l'acte de partage du 29 avril 2014 mettent à la charge exclusive de l'ex époux l'ensemble des crédits contractés au cours du mariage au profit de la communauté ; il est de mauvaise foi et encourt vraisemblablement la caducité de la procédure de surendettement dont il ne pourra donc plus se prévaloir pour échapper au paiement du prêt, dès lors qu'il ne paraît pas avoir respecté la condition du moratoire tenant à la mise en vente de son bien immobilier ; au demeurant il n'est pas certain qu'il ait informé la commission de son changement de situation sachant qu'il a créé son entreprise en cours de moratoire ; par ailleurs, elle-même n'a pas été mentionnée dans le plan comme créancière, de sorte que ce plan ne lui est pas opposable ; enfin, le moratoire étant arrivé à échéance, les condamnations prononcées à l'encontre de M. Y. n'ont pas lieu d'être assorties de réserves.

En toute hypothèse elle sollicite que la Cour la relève indemne de toutes condamnations solidaires pouvant être prononcées à son encontre.

Sur le montant de la créance, elle soutient que la clause prévoyant au cas de défaillance une indemnité de 7 % des sommes dues est une clause abusive au regard des dispositions de l'article R. 212-2-3° du code de la consommation ; à tout le moins elle est excessive et doit être réduite par application des dispositions de l'article 1231-5 du Code civil, sachant qu'elle est une débitrice malheureuse et de bonne foi.

Enfin elle réitère sa demande de délais de paiement au vu de sa situation financière délicate ; elle s'étonne que lui soient opposés les délais dont elle aurait bénéficié de fait depuis 2016, alors qu'elle ignorait jusqu'à la présente procédure être tenue d'un paiement quelconque, se croyant déchargée par les dispositions de l'acte de partage.

Elle réitère en tout état de cause sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de M. Y. dont la mauvaise foi lui cause un préjudice certain, étant observé que la procédure de surendettement n'exclut pas cette mauvaise foi sachant qu'elle est postérieure de 15 mois au premier incident de paiement ; au demeurant ses défaillances réitérées dans la procédure comme dans le cadre du partage démontrent sa volonté d'échapper à ses obligations ; enfin ne l'ayant pas informée de la procédure de surendettement, il ne l'a pas mise en mesure de solliciter plus tôt des délais de paiement.

[*]

Dans ses dernières conclusions du 12 mars 2019, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres demande à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article 1343-5 du Code civil,

Vu les dispositions des articles L. 312-36 et R. 2312-2-3° [lire sans doute R. 212-2-3°] du Code de la consommation,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES le 13 juillet 2018,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES le 13 juillet 2018

Y ajoutant

Condamner solidairement Mme X. et M. Y. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les condamner aux entiers frais et dépens dont distraction est requises au profit de la SCP F.-B. & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'intimée soutient être en droit d'invoquer la déchéance du terme dès lors que le contrat, qui prévoyait qu'elle pouvait se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée adressée à l'emprunteur, l'autorisait du même coup à prononcer la déchéance sans l'annoncer par une mise en demeure spécifique ; en toute hypothèse elle a adressé un courrier de mise en demeure le 7 septembre 2016 réclamant l'arriéré sous dix jours, sous peine d'application de la déchéance du terme sans autre avis.

La Banque rappelle que Mme X. n'a pas été désolidarisée du prêt, sachant qu'elle était parfaitement informée de ce que la disposition mettant à charge de l'époux le remboursement des emprunts était inopposable au prêteur et ne valait que dans les rapports respectifs entre époux, ainsi qu'il était expressément rappelé à l'acte de partage du 29 avril 2014 ; la mauvaise foi du codébiteur n'a aucune incidence sur l'obligation à la dette de Mme X. ; en toute hypothèse, la banque agit à l'encontre des deux codébiteurs et sollicite également la condamnation de M. Y. au paiement du solde du prêt.

L'intimée s'oppose à la demande de délais de paiement, Mme. X. n'ayant pu ignorer qu'elle demeurait tenue au paiement du prêt ; par ailleurs l'amélioration éventuelle de la situation de M. Y. ne justifie pas l'octroi de délais de paiement ; enfin Mme X. ne justifie pas sérieusement de la précarité de sa situation.

En dernier lieu, elle observe que l'indemnité contractuelle de 7 % ne revêt pas de caractère manifestement excessif.

[*]

M. Y. assigné à personne le 3 janvier 2019, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la déchéance du terme :

Il est de principe désormais constant que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Ce principe, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, impose uniquement l'envoi d'une mise en demeure actualisant le décompte des arriérés et donnant un délai pour régulariser sous peine de s'exposer au prononcé de la déchéance du terme ; il n'exige pas que cette première mise en demeure - dont le prêteur peut se dispenser s'il le prévoit expressément au contrat- soit suivie d'une autre mise en demeure prononçant formellement la déchéance du terme, dès lors que l'emprunteur a suffisamment été alerté de cette possibilité de sanction.

En l'occurrence, la clause du contrat du 22 juin 2007 intitulée « déchéance du terme - exigibilité du présent prêt » prévoyait qu'en « cas de survenance d'un cas de déchéance du terme », le prêteur pourra se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée adressée à l'emprunteur. Le prêt deviendra alors de plein droit exigible, si bon semble à la banque, en capital, intérêts, frais et accessoires' ».

En l'occurrence, il est justifié de ce que le Crédit Agricole a adressé à Mme X. un courrier de mise en demeure en date du 7 septembre 2016 réceptionné par cette dernière le 10 septembre 2016 (pièce intimée 6) aux termes duquel la banque mettait en demeure la cliente de régulariser sous dix jours l'arriéré de 3.336,60 €, à défaut de quoi, « conformément aux dispositions contractuelles : la déchéance du terme sera appliquée sans autre avis » ; la banque précisant en outre que sans nouvel avis, elle procédera au recouvrement de sa créance par voie judiciaire et réclamera l'indemnité forfaitaire, outre les frais de procédure.

Ce courrier répond tout à la fois au principe rappelé ci-dessus et aux stipulations contractuelles, en ce qu'il comporte mise en demeure de régulariser dans un délai précis, de manière à éviter le prononcé de la déchéance du terme.

Ainsi, Mme X. a été mise à même de faire obstacle au prononcé de la déchéance du terme qui n'avait pas à lui être autrement signifiée, la banque pouvant, au cas de persistance des impayés, s'autoriser à la prononcer sans autre avertissement.

Le moyen développé de ce chef par l'appelante est mal fondé et le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué en ce sens.

 

Sur la condamnation solidaire des deux codébiteurs :

Il est constant que le contrat de prêt du 22 juin 2007 emporte engagement solidaire des deux emprunteurs ainsi que prévu à la clause des conditions générales « solidarité et indivisibilité ».

Le jugement statuant sur difficulté à l'occasion de la liquidation-partage de la communauté ayant existé entre les époux Y. en date 28 novembre 2013 (pièce appelant 2) a mis à charge de l'époux l'ensemble des crédits contractés au cours du mariage, et cette disposition a été réitérée au stade de l'acte notarié de partage établi par Maître M., notaire à [ville S .] le 29 avril 2014 (pièce appelant3) : la clause « Prise en charge d'emprunt » de l'acte de partage rappelait expressément que la désignation de l'époux comme « solvens » de la charge des emprunts communs « ne vaut que dans les rapports respectifs entre les époux » et « est inopposable au prêteur qui conserve son droit de poursuite originaire à l'encontre de M. et de Mme X. Les parties déclarent avoir été parfaitement informées de ce que, en cas de défaillance de la part de la partie ayant pris la charge du prêt (l'époux), l'autre partie (l'épouse) pourra donc être immédiatement poursuivie en règlement de la totalité des sommes dues sans qu'il soit possible de remettre en cause l'économie des présentes, sauf à exercer tout recours à l'encontre du défaillant après s'être acquitté de la dette » (acte notarié page 13).

Il en résulte clairement que la prise en charge de l'emprunt incombant à l'époux au titre de la contribution à la dette, n'a aucune incidence sur l'obligation au paiement de l'emprunt commun, au remboursement duquel les deux époux se sont engagés solidairement.

La bonne ou mauvaise foi dont a pu faire preuve M. Y. depuis l'origine des impayés, comme le sort de la procédure de surendettement dont il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre du présent litige, d'apprécier le bien-fondé, ni d'en supputer l'issue, n'ont aucune incidence sur cette situation juridique.

Il est normal, ainsi que statué en première instance, que la condamnation solidaire de l'époux réserve évidemment les dispositions dont il peut bénéficier dans le cadre de la procédure de surendettement - dont rien n'exclut qu'elle reprenne au-delà du terme du moratoire.

En revanche, compte tenu de l'obligation de prise en charge finale pesant sur l'époux en exécution du jugement du tribunal de grande instance de La Rochelle du 28 novembre 2013 et de l'acte notarié portant liquidation - partage de la communauté Y.- X. du 29 avril 2014, Mme X. est bien fondée à solliciter que M. Y. la relève indemne de la condamnation qui sera prononcée contre elle, solidairement avec lui, en paiement du solde dû au titre de l'emprunt litigieux.

Les dispositions du jugement entrepris seront donc confirmées sur la condamnation solidaire des deux co-emprunteurs et sur la condamnation de M. Y. à relever indemne Mme X.

 

Sur le montant des sommes dues :

La banque justifie sa créance par production du contrat du 22 juin 2007, du tableau d'amortissement, de l'état des sommes dues au 1er février 2017 ainsi que des courriers de mise en demeure des 20 juillet 2016 et 7 septembre 2016.

Il en résulte une créance en principal et intérêts d'un montant de 22.767,35 € se décomposant ainsi : 4.749,65 € d'arriérés et 18.017,70 € restant à échoir. La banque se prévaut en outre de l'application de l'indemnité contractuelle prévue en cas de défaillance de l'emprunteur « une indemnité égale 7 % des sommes dues (en intérêts et capital) sera demandée par le prêteur à l'emprunteur » qu'elle chiffre à la somme de 1.593,71 €. (Pièce 1 contrat de prêt p 8 1er §)

L'appelante demande la suppression de cette indemnité conventionnelle, et subsidiairement elle en demande la réduction de cette somme, invoquant les dispositions de l'article R. 212-2-3° code de la consommation qui présument abusive, la clause ayant pour objet ou effet d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné.

Cependant la clause contractuelle fixant le taux de l'indemnité conventionnelle à 7 % des sommes restant dues n'est pas manifestement disproportionnée dans son taux au regard des taux habituellement pratiqués et fixés réglementairement jusqu'à 8 %, son calcul a été fait selon les termes de la clause figurant au contrat, il n'y a donc pas lieu à sa suppression ou réduction, Mme X. sera déboutée de cette demande.

La décision déférée sera donc confirmée également sur le montant de la condamnation solidaire prononcée à l'encontre de Mme X. au titre du prêt consenti par le Crédit Agricole.

 

Sur les délais de paiement :

Mme X. sollicite un « moratoire de deux ans » pour s'acquitter de sa dette.

Cependant, outre qu'elle n'expose pas en quoi sa situation devrait s'améliorer dans ce délai et lui permettre à terme de faire face à la dette, il est exact, ainsi que l'ajustement relevé le tribunal, que Mme X. a de fait bénéficié, depuis la mise en demeure de septembre 2016, de près de trois ans et demi de délais ; étant observé qu'elle ne peut sérieusement soutenir n'avoir pas été informée de ce qu'elle demeurait obligée au paiement des échéances nonobstant les termes de l'acte de liquidation partage, dont on a vu qu'il était parfaitement explicite sur ce point.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

 

Sur la demande de réparation formulée par Mme X. à l'encontre de M. Y. :

L'appelante ne caractérise toujours pas devant la Cour les conditions de mise en jeu de la responsabilité de son ex époux, étant observé que la mauvaise foi dont celui-ci a pu faire preuve en cherchant à échapper au paiement ne préjudicie directement qu'au créancier, alors qu'en sa qualité de codébitrice solidaire, Mme X. est tenue à égalité avec son codébiteur, par l'obligation à la dette et pouvait à ce titre tout à fait être appelée en paiement, indépendamment de toute action contre ce dernier.

Par ailleurs, il n'est pas établi que la défaillance du codébiteur, même survenue plusieurs années avant la procédure de surendettement, ait été orchestrée pour nuire à son ex-épouse.

La décision ayant rejeté cette demande sera donc confirmée.

 

Sur les demandes au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

Les dispositions du jugement entrepris seront intégralement confirmées concernant les dépens et les frais irrépétibles demandes dont les parties ont été déboutées.

En appel au regard de la situation respective des parties et de l'équité il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant totalement en son appel, Mme X. en supportera les dépens dont distraction au profit de la SCP F.- B. et associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Saintes en date du 13 juillet 2018

Y ajoutant

- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboute les parties des demandes formées de ce chef

- Condamne Mme X. aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP F.- B. et associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,