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CA LYON (3e ch. A), 27 février 2020

Nature : Décision
Titre : CA LYON (3e ch. A), 27 février 2020
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 3e ch.
Demande : 18/08026
Date : 27/02/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/11/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8367

CA LYON (3e ch. A), 27 février 2020 : RG n° 18/08026 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La société Locam relève avec pertinence que la société Body factory a la charge de la preuve de sa connaissance de l'interdépendance entre ces contrats et que son adversaire défaille à établir ce lien. Aucune des pièces du débat ne fait état d'un tel lien et la société Body factory procède par allégation sans offre de preuve. Le visa d'un contrat principal dans l'article 13 des conditions générales du contrat signé avec la société Locam ne fait pas présumer l'existence d'un lien distinct de celui qui est fait en première page avec les matériels fournis par la société Izitek. Ses demandes fondées sur la caducité du contrat signé avec la société Locam doivent être rejetées. »

2/ « En application de l'article 1169 du code civil « un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire. » La société Body factory affirme que les biens financés par la location consentie par la société Locam ont une valeur équivalente à un huitième du coût de la location. La société Locam réplique que la contrepartie de la location n'est pas dérisoire et que la facture qu'elle a payée s'élève à 13.010 € HT. La société Body factory ne verse pas aux débats le bon de commande auprès de la société Izitek alors que la société Locam justifie d'une facture payée à la société Izitek pour des matériels correspondant à ceux mentionnés dans le contrat de location et dans le procès-verbal de livraison et de conformité. »

3/ « En application de l'article 1171 du code civil « dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »

La société Body factory soutient que l'article 12 du contrat qui l'oblige à verser à titre de clause pénale l'intégralité des loyers à échoir créée un déséquilibre significatif car elle conduit à lui faire régler une somme très largement supérieure à la valeur réelle des biens loués.

La société Locam réplique à bon droit que le texte susvisé dispose que le déséquilibre invoqué ne peut porter sur le prix et que l'indemnité de résiliation ne créée aucun déséquilibre pour correspondre à l'économie générale du contrat de location financière.

En effet, la société Body factory ne tente pas de caractériser un déséquilibre qui ne serait pas inhérent au prix des biens loués. Elle n'est pas fondée à demander que cette clause 12 soit réputée non écrite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/08026. N° Portalis DBVX-V-B7C-MBDX. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE, Au fond, du 23 octobre 2018 : RG n° 2018j986.

 

APPELANTE :

SARL BODY FACTORY

[adresse], Représentée par Maître Jacques A. de la SCP JACQUES A. ET PHILIPPE N., avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, Maître Raphaël R., avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SAS LOCAM

[adresse], Représentée par Maître Michel T. de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

 

Date de clôture de l'instruction : 11 octobre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 janvier 2020

Date de mise à disposition : 27 février 2020

Audience tenue par Hélène HOMS, président, et Pierre BARDOUX, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier. A l'audience, Pierre BARDOUX a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne-Marie ESPARBÈS, président - Hélène HOMS, conseiller - Pierre BARDOUX, conseiller.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SARL Body factory, exploitant une salle de fitness, a commandé à la société Izitek la fourniture de divers matériels informatiques et de vidéo-projection pour le financement desquels elle a conclu avec la SAS Locam un contrat de location n° 1311157 prévoyant le règlement de 63 loyers mensuels de 258 € HT chacun et de 15,61 € d'assurance courant du 30 janvier 2017 au 30 mars 2022 s'échelonnant.

La société Body factory a signé un procès-verbal de livraison et de conformité le 29 décembre 2016.

Après une mise en demeure infructueuse visant la clause résolutoire du 14 mai 2018 et par acte du 21 juin 2018, la société Locam a assigné la société Body factory en paiement.

Par jugement réputé contradictoire du 23 octobre 2018, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a condamné avec exécution provisoire la société Body factory à payer à la société Locam les sommes de 16.260,50 € + 1 € à titre de clause pénale, outre intérêts au taux légal à dater de l'assignation, et à supporter les dépens en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 19 novembre 2018, la société Body factory a relevé appel de ce jugement.

[*]

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 23 mai 2019, fondées sur les articles 1169, 1171, 1186, 1231-2, 1231-4 et 1231-5 du code civil, la société Body factory demande à la cour d'infirmer dans sa totalité le jugement entrepris et de :

à titre principal,

- prononcer la caducité du contrat de location conclu avec la société Locam en raison de la disparition du contrat conclu avec la société Radical fitness,

- dire et juger que le montant des loyers qu'elle a versés de décembre 2016 à janvier 2018 inclus, à savoir la somme de 4.334,40 € TTC (3.612 € HT), étant très supérieur à la valeur des biens loués, ceux-ci lui resteront acquis,

- dire et juger, subsidiairement, qu'elle devra restituer à la société Locam les matériels loués ou, alternativement, l'équivalent en numéraire de leur valeur résiduelle au jour du prononcé de l'arrêt,

à titre subsidiaire,

- prononcer la nullité du contrat de location conclu avec la société Locam,

- ordonner les restitutions réciproques entre ses parties, comme suit :

la société Locam lui restituera l'intégralité des loyers versés, soit 14 mois de loyers (décembre 2016 à janvier 2018), à savoir 4.334,40 € TTC (3.612 € HT)

elle restituera à la société Locam les matériels loués ou, alternativement, l'équivalent en numéraire de leur valeur au jour du prononcé de l'arrêt,

à titre très subsidiaire,

- constater que la clause d'exigibilité de la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- réputer non écrite ladite clause,

- rejeter les demandes d'indemnisation de la société Locam,

- dire et juger que le montant des loyers qu'elle a versés de 4.334,40 € TTC (3.612 € HT), étant très supérieur à la valeur des biens loués, ceux-ci lui resteront acquis,

- dire subsidiairement qu'elle devra restituer à la société Locam les matériels loués ou, alternativement, l'équivalent en numéraire de leur valeur résiduelle au jour du prononcé de I'arrêt,

à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que le préjudice éventuellement subi par la société Locam ne justifie pas la perception de l'indemnité contractuelle de résiliation et de la clause pénale qui sont excessives,

- rejeter les demandes d'indemnisation de la société Locam,

en tout état de cause,

- débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins, conclusions et appel incident, notamment sa demande de réformation du jugement sur la réduction du montant de la clause pénale,

- condamner la société Locam à lui payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[*]

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 20 mai 2019, fondées sur articles 1103 et suivants, 1171 alinéa 2,1186 alinéa 3 et 1231-2 du code civil, la société Locam demande à la cour de :

- dire non fondé l'appel et débouter la société Body factory de toutes ses demandes

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a réduit la clause pénale de 10 % à l'euro symbolique et lui allouer à ce titre la somme complémentaire de 1.626 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 mai 2018,

- condamner la société Body factory à lui régler une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens d'instance et d'appel.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la caducité invoquée par la société Body factory :

La société Body factory fait valoir qu'elle a commandé le 28 novembre 2016 un pack de 12 vidéos à la société Radical fitness et que la société Izitek lui a proposé la fourniture du matériel nécessaire à leur diffusion à sa clientèle.

Elle relate que le contrat la liant à la société Radical fitness ayant pris fin le 30 novembre 2017, elle a pris contact avec la société Izitek pour discuter d'une résiliation du contrat.

En application de l'article 1186 du code civil « Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. »

La société appelante soutient que la société Locam connaissait parfaitement l'ensemble contractuel formé entre les contrats qu'elle a respectivement signés avec elle et les sociétés Radical fitness et Izitek.

La société Locam relève avec pertinence que la société Body factory a la charge de la preuve de sa connaissance de l'interdépendance entre ces contrats et que son adversaire défaille à établir ce lien.

Aucune des pièces du débat ne fait état d'un tel lien et la société Body factory procède par allégation sans offre de preuve. Le visa d'un contrat principal dans l'article 13 des conditions générales du contrat signé avec la société Locam ne fait pas présumer l'existence d'un lien distinct de celui qui est fait en première page avec les matériels fournis par la société Izitek.

Ses demandes fondées sur la caducité du contrat signé avec la société Locam doivent être rejetées.

 

Sur la nullité du contrat signé avec la société Locam :

En application de l'article 1169 du code civil « un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire. »

La société Body factory affirme que les biens financés par la location consentie par la société Locam ont une valeur équivalente à un huitième du coût de la location.

La société Locam réplique que la contrepartie de la location n'est pas dérisoire et que la facture qu'elle a payée s'élève à 13.010 € HT.

La société Body factory ne verse pas aux débats le bon de commande auprès de la société Izitek alors que la société Locam justifie d'une facture payée à la société Izitek pour des matériels correspondant à ceux mentionnés dans le contrat de location et dans le procès-verbal de livraison et de conformité.

Les copies d'écran de site internet, non exhaustives, non datées et ne pouvant pas être retenues comme correspondant au coût des matériels financés à la fin de l'année 2016, sont inopérantes à établir que la contrepartie obtenue par la société Body factory était dérisoire.

Son propre historique de ses relations avec les sociétés Radical fitness et Izitek et le paiement des loyers jusqu'en janvier 2018 confirment au contraire qu'elle en avait reçu une contrepartie effective.

La société Body factory n'est ainsi pas fondée à se prévaloir de la nullité du contrat signé avec la société Locam.

 

Sur le déséquilibre significatif :

En application de l'article 1171 du code civil « dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »

La société Body factory soutient que l'article 12 du contrat qui l'oblige à verser à titre de clause pénale l'intégralité des loyers à échoir créée un déséquilibre significatif car elle conduit à lui faire régler une somme très largement supérieure à la valeur réelle des biens loués.

La société Locam réplique à bon droit que le texte susvisé dispose que le déséquilibre invoqué ne peut porter sur le prix et que l'indemnité de résiliation ne créée aucun déséquilibre pour correspondre à l'économie générale du contrat de location financière.

En effet, la société Body factory ne tente pas de caractériser un déséquilibre qui ne serait pas inhérent au prix des biens loués. Elle n'est pas fondée à demander que cette clause 12 soit réputée non écrite.

 

Sur les clauses pénales :

L'article 1231-5 du code civil dispose :

« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. »

La société Body factory affirme que l'indemnité de résiliation et la majoration de 10 % des sommes réclamées sont manifestement excessives, car le préjudice subi par la société Locam ne peut correspondre qu'au coût d'acquisition des matériels loués.

La société Locam est bien fondée à relever qu'elle a subi un préjudice du fait de l'arrêt unilatéral de paiement des loyers et que ce préjudice correspond en application de l'article 1231-2 du code civil également au gain dont elle a été privée.

En l'état d'une carence à établir le caractère dérisoire de la valeur des matériels loués, la société Body factory n'est pas fondée à critiquer les caractéristiques du contrat de location.

Elle a fait le choix délibéré, qu'elle n'a pas essayé de justifier, de cesser de respecter ses obligations et la société Locam, qui a payé le fournisseur et était en droit de recueillir l'intégralité des mensualités prévues dans un contrat stipulant une durée incompressible. L'indemnité de résiliation n'est pas caractérisée comme manifestement excessive et correspond au préjudice subi par le loueur.

Cette attitude de sa locataire qui lui a opposé un arrêt brutal de couverture des loyers sans tenter de lui en expliquer les causes l'a conduite à exposer des frais et impenses qui ne permettent pas plus de considérer comme manifestement excessive la majoration de 10 % prévue au contrat.

La décision entreprise doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a condamné la société Body factory à verser la somme de 16.260,50 €.

La société Locam n'est en revanche pas fondée à se prévaloir d'un préjudice supérieur à l'indemnité de résiliation réclamée, au regard de son paiement au fournisseur Izitek d'une facture de 13.010,59 € HT et de la condamnation de la société Body factory à lui verser un principal de 16.260,50 €, ce qui caractérise l'excès manifeste d'une majoration de 10 %. Les premiers juges qui n'ont pas caractérisé cet excès manifeste doivent être confirmés en ce qu'ils ont réduit cette pénalité à 1 €.

En outre, la demande de confirmation de la course des intérêts moratoires sur le principal de la condamnation à compter de l'assignation ne peut conduire à les faire courir sur cette somme de 1 € à compter d'une mise en demeure antérieure, ce courrier visant d'ailleurs également le principal.

 

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La société Body factory succombe et doit supporter les dépens d'appel et l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société intimée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris et y ajoutant :

Déboute la SARL Body factory de toutes ses prétentions,

Condamne la SARL Body factory aux dépens d'appel et rejette la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la SAS Locam.

Le Greffier,               Le Président,