CA TOULOUSE (3e ch. 1re sect.), 22 septembre 1998
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 837
CA TOULOUSE (3e ch. 1re sect.), 22 septembre 1998 : RG n° 97/03873 ; arrêt n° 533/98
Publication : Juris-Data n° 044134
Extrait : « Il résulte donc clairement de ces dispositions que la perception de ces indemnités par l'assuré constitue une condition du maintien de la garantie. Ce type de stipulation, fréquent en matière de contrat d'assurance complémentaire à un crédit à la consommation, ne figure pas dans l'annexe à l'article L. 132-1 du code de la consommation, qui fournit une liste indicative des clauses pouvant être regardées comme abusives. De même la commission des clauses abusives, qui a analysé, dans sa recommandation N° 90-91, les conditions restrictives pouvant limiter la garantie perte d'emploi dans de tels contrats, n'a pas formulé d'objection de principe contre cette pratique. Il est inexact de prétendre que de telles clauses vident la garantie de sa substance : en l'espèce il y a eu prise en charge partielle du remboursement du crédit. Ces dispositions se justifient par la nécessité d'éliminer de la garantie les situations d'inactivité résultant de la seule volonté de l'assuré, ce qui aurait pour effet de faire disparaître le caractère aléatoire du contrat d'assurance. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TROISIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 1998
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 97/03873. Arrêt n° 533/98.
Prononcé : A l'audience publique du VINGT DEUX SEPTEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX HUIT, par J.Y. CHAUVIN, président, assisté de D. MICAUD, greffier.
Composition de la cour lors des débats :
Magistrat : J.L. LAMANT, magistrat chargé du rapport avec l'accord des parties (articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile).
Greffier lors des débats : D. MICAUD
Débats : A l'audience publique du 22 juin 1998. Les parties ont été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Composition de la cour lors du délibéré :
Président : J.Y. CHAUVIN. - Conseillers : F. HELIP - J.L. LAMANT
Nature de l'arrêt : CONTRADICTOIRE
APPELANT (E/S) :
Madame X.
[adresse] Ayant pour avoué la SCP NIDECKER PRIEU, Ayant pour avocat la SCP PECH DE LACLAUZE, MARGUERIT LAGRANGE du barreau de TOULOUSE, Aide Juridictionnelle 15 % du […]
INTIME (E/S) :
- SOCIETE COVEFI
[adresse] Ayant pour avoué la SCP BOYER LESCAT MERLE, Ayant pour avocat Maître MUSQUI du barreau de TOULOUSE
[minute page 2]
- CNP (Caisse Nationale de Prévoyance)
[adresse] Ayant pour avoué la SCP SOREL DESSART, Ayant pour avocat Maître CATALA du barreau de TOULOUSE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
En décembre 1994, la société COVEFI accordait un prêt de 20.000 francs à Madame X. Celle-ci contractait simultanément une assurance « décès-invalidité - perte d'emploi » auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance (CNP).
Madame X. faisait l'objet d'une mesure de licenciement le 5 septembre 1995. Elle informait l'assurance de sa situation par l'intermédiaire de l'organisme de crédit.
Le 29 mars 1996, la COVEFI avisait Madame X. que la CNP prenait en charge le remboursement du crédit à compter de l'échéance du 5 février 1996. Mais deux mois plus tard, la COVEFI informait l'emprunteuse de ce que, ne percevant plus les indemnités ASSEDIC, elle ne remplissait plus les conditions du maintien de la prise en charge, qui avait cessé le 5 mars 1996.
Après mise en demeure du 4 juin 1996, l'organisme de crédit prononçait la déchéance du terme.
Les 6 et 12 août 1996, Madame X. assignait la CNP, afin d'obtenir qu'elle soit condamnée à prendre en charge le remboursement du prêt, et la société COVEFI, aux fins de faire prononcer la nullité de la déchéance du terme.
Par jugement du 28 avril 1997, le tribunal d'instance de Toulouse déboutait la demanderesse.
Madame X. est appelante de cette décision.
Elle fait valoir que la police d'assurance prévoit au chapitre « perte d'emploi » que :
« La perte d'emploi suppose un licenciement, c'est-à-dire une rupture du contrat de travail à durée indéterminée, à l'initiative de l'employeur et imputable à celui-ci, faisant l'objet pendant plus de 90 jours consécutifs :
« - soit d'allocations uniques dégressives d'une caisse ASSEDIC,
« [minute page 3] - soit de prestations chômage versées par l'Etat, les collectivités locales ou les établissements publics, administratifs à ses agents civils non fonctionnaires ou non titulaires,
« - soit d'allocations de formation lorsque l'assuré est admis dans un Centre de formation professionnelle agréé. »
L'appelante soutient que les trois hypothèses envisagées par ce texte constituent des cas d'ouverture à garantie et non des conditions de la garantie, comme le prétend la CNP.
Madame X. considère que l'interprétation de l'assurance dénature le contrat.
La CNP lui ayant opposé les dispositions de la notice d'information qui indique que « la garantie perte d'emploi cesse au jour où les allocations uniques dégressives cessent d'être versées par les ASSEDIC », l'appelante réplique qu'une telle clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 § 5 du code de la consommation, car elle aboutit à vider la garantie de sa substance. En effet, le remboursement par l'assurance prendrait fin au moment où la situation pécuniaire de l'assuré s'aggrave du fait de la cessation du versement des allocations chômage.
Madame X. estime qu'une telle interprétation va l'encontre du principe qui veut que l'on tienne compte de l'effet utile et logique du contrat.
Elle soutient donc que la perception d'indemnités ASSEDIC n'a pas à se poursuivre pendant toute la durée de la garantie pour que celle-ci soit maintenue.
L'appelante demande en conséquence à la Cour de condamner la CNP à prendre en charge le remboursement des échéances du prêt et de constater la nullité de la déchéance du terme prononcée par la COVEFI.
Elle réclame en outre la condamnation solidaire des intimées au paiement de 10.000 francs de dommages-intérêts et de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société COVEFI fait valoir que le prêt et le contrat d'assurance sont distincts l'un de l'autre, qu'il appartient à l'appelante de contraindre son assureur à se substituer à elle et que les formalités légales de résiliation du contrat de crédit ne peuvent être annulées ou effacées en vue d'un hypothétique règlement par la CNP.
[minute page 4] Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Madame X. au paiement de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La Caisse Nationale de Prévoyance soutient que les trois hypothèses envisagées au chapitre « perte d'emploi » de la police ne constituent pas seulement des cas d'ouverture du droit à garantie, mais également des conditions de cette garantie.
Cela fait d'autant moins de doute qu'il est stipulé par ailleurs que la prise en charge cesse « "au plus tard à la date de reprise d'une activité rémunérée totale ou partielle... ou au jour où les Allocations Uniques Dégressives cessent d'être versées par les ASSEDIC ».
L'intimée considère que cette clause n'est nullement abusive, car si la garantie était due jusqu'à la seule reprise d'une activité rémunérée, elle dépendrait uniquement du bon vouloir de l'assuré, ce qui constituerait une condition potestative et ferait disparaître le caractère aléatoire du contrat.
La CNP conclut donc à la confirmation du jugement entrepris et réclame 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1) Sur la déchéance du terme :
L'article 9 des conditions générales du contrat conclu par l'appelante avec la COVEFI prévoit que celui-ci pourra être résilié à l'initiative de la banque, sans formalité préalable, en cas de défaillance de l'emprunteur.
En l'espèce, il est constant que les mensualités du crédit ont cessé d'être acquittées à compter du 5 mai 1996. La COVEFI était donc parfaitement en droit de prononcer la déchéance du terme ainsi qu'elle l'a fait le 17 juin 1996.
Le prêt et l'assurance étant deux conventions distinctes l'une de l'autre, le litige opposant Madame X. à son assureur ne saurait avoir d'incidence sur l'exécution du premier de ces contrats.
La demande de nullité de la déchéance du terme est donc infondée et c'est à juste titre que le premier juge a rejeté les réclamations de l'appelante sur ce point.
[minute page 5]
2) Sur la garantie due par l'assurance :
La notice d'information sur l'assurance remise à l'appelante, après avoir défini la perte d'emploi dans les termes qui ont été rappelés ci-dessus, prévoit que « la prise en charge... cesse, au plus tard, à la date de la reprise d'une activité rémunérée... ou au jour où les Allocations Uniques Dégressives cessent d'être versée par les ASSEDIC ».
Il résulte donc clairement de ces dispositions que la perception de ces indemnités par l'assuré constitue une condition du maintien de la garantie.
Ce type de stipulation, fréquent en matière de contrat d'assurance complémentaire à un crédit à la consommation, ne figure pas dans l'annexe à l'article L. 132-1 du code de la consommation, qui fournit une liste indicative des clauses pouvant être regardées comme abusives. De même la commission des clauses abusives, qui a analysé, dans sa recommandation N° 90-91, les conditions restrictives pouvant limiter la garantie perte d'emploi dans de tels contrats, n'a pas formulé d'objection de principe contre cette pratique.
Il est inexact de prétendre que de telles clauses vident la garantie de sa substance : en l'espèce il y a eu prise en charge partielle du remboursement du crédit. Ces dispositions se justifient par la nécessité d'éliminer de la garantie les situations d'inactivité résultant de la seule volonté de l'assuré, ce qui aurait pour effet de faire disparaître le caractère aléatoire du contrat d'assurance.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé.
Il n'apparaît pas inéquitable, eu égard à la situation économique respective des parties, de laisser à la charge des intimées les frais irrépétibles qu'elles ont exposés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement entrepris ;
Condamne Madame X. aux dépens d'appel, avec autorisation à SCP BOYER-LESCAT-MERLE et à la SCP SOREL-DESSART, avoués, de recouvrer directement ceux dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;
[minute page 6] Déboute la société COVEFI et la Caisse Nationale de Prévoyance de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 6033 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Esprit du contrat - Contrat aléatoire
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