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CA VERSAILLES (16e ch.), 12 mars 2020

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 12 mars 2020
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 18/04187
Date : 12/03/2020
Nature de la décision : Irrecevabilité
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/06/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8385

CA VERSAILLES (16e ch.), 12 mars 2020 : RG n° 18/04187

Publication : Jurica

 

Extraits : « Il est avéré qu'à la date de souscription du contrat de crédit-bail le 29 septembre 2006, les articles L. 212-1 et R. 212-2 étaient inexistants et que les dispositions relatives aux clauses abusives étaient énoncées aux articles L. 132-1 à L. 132-5 et R. 132-1 à R. 132-2.1 du code de la consommation. Force est de constater, que les appelants ne peuvent invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation en vigueur au moment de la souscription du contrat dès lors qu'ils ne peuvent revendiquer la qualité de consommateurs ; que comme l'a relevé le premier juge, les contrats de crédit-bail ont été conclus par un artisan inscrit au registre des métiers en tant que transporteur fluvial (n° Siret XX) ; que le contrat de crédit-bail intitulé « contrat de crédit-bail de bateau de navigation fluviale » est d'ailleurs soumis aux dispositions de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier régissant la location de matériel professionnel. Les appelants ne sont donc pas fondés à prétendre voir appliquer les dispositions du code de la consommation alors qu'ils n'ont pas la qualité de consommateurs, le bien étant destiné à l'usage professionnel de transport fluvial et les clauses attaquées ne sauraient, dans ces conditions, être déclarées abusives.

L'article L. 442-6 du code de commerce issu de la loi du 2 août 2005 permet d'engager la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de : 2° a) D'obtenir ou tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Cependant, la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article 442-6 du code de commerce et l'inobservation de ce texte est sanctionnée par une fin de non-recevoir. Ce moyen soulevé par les époux X. est donc irrecevable. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 12 MARS 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/04187. N° Portalis DBV3-V-B7C-SOHU. Code nac : 53F. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES : R.G. n° 15/06354.

LE DOUZE MARS DEUX MILLE VINGT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, après prorogation, dans l'affaire entre :

 

APPELANTS :

Monsieur X.

Né le [date] à [ville], de nationalité française, [adresse],

Madame Y. épouse X.

Née le [date] à [ville], de nationalité française, [adresse],

Représentant : Maître Catherine C. de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.404 - N° du dossier 150232, Représentant : Maître Emmanuel L., Plaidant, avocat au barreau de REIMS

 

INTIMÉE :

SA LIXXBAIL

N° Siret XXX (RCS Nanterre), [adresse], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Jean G., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 93, Représentant : Maître Ghislain H. de la SELARL ADEKWA, Plaidant, avocat au barreau de LILLE

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 4 décembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia GRASSO, Président chargé du rapport et Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Patricia GRASSO, Président, Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 29 septembre 2006, la société Lixxbail a consenti à M. X. et Mme X. née Y. un premier contrat de crédit-bail portant sur un bateau de navigation fluviale d'une durée irrévocable de 120 mois, moyennant 40 loyers trimestriels de 6.415,54 euros HT et hors assurance avec une option finale d'achat de 1 % du prix HT majoré de la TVA en vigueur.

Par acte sous seing privé du 26 octobre 2006, la société Lixxbail a consenti un second contrat de crédit-bail aux époux X. portant sur le financement de travaux d'un montant de 61.775 euros HT sur le bateau loué, d'une durée irrévocable de 117 mois moyennant 40 loyers trimestriels de 3.452,01 euros HT et hors assurance avec option d'achat des matériaux de 1 % du prix HT.

Par lettres recommandées avec AR du 30 avril 2012, la société Lixxbail a mis en demeure M. et Mme X. de payer la somme de 138.712,13 euros TTC au titre des loyers impayés depuis le 27 septembre 2008.

Selon acte du 21 mars 2014, les contrats initiaux ont fait l'objet d'un avenant de réaménagement allongeant la durée du contrat de 33 mois (d'une durée égale au moratoire de 10 trimestres) et fixant 75 échéances mensuelles à 3.532,15 euros TTC outre assurance de 99,97 euros à compter du 27 avril 2013.

Aux termes de courriers recommandés avec AR du 20 novembre 2014, la société Lixxbail a notifié la résiliation du contrat, demandé la restitution du bateau et le paiement de sommes dues.

Par exploit du 20 juillet 2015, la société Lixxbail a assigné M. X. et Mme Y. devant le tribunal de grande instance de Versailles.

Par ordonnance du 29 mars 2015, le juge de la mise en état a débouté les époux X. de leur incident tendant au renvoi devant la juridiction néerlandaise. Le 19 septembre 2016, la demande des époux X. portant sur la production sous astreinte du livret d'hypothèque de Rotterdam ayant trait au bateau objet du contrat de crédit-bail a été rejetée par le juge de la mise en état. Le 27 février 2017, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel de l'ordonnance du 19 septembre 2016. Enfin par ordonnance du 27 février 2017, les époux X. ont été déboutés de leur demande de sursis à statuer.

Par jugement en date du 7 juin 2018, le tribunal de grande instance de Versailles a :

- déclaré l'action de la société Lixxbail recevable,

- condamné M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Lixxbail les sommes suivantes :

* 41.912,68 € HT au titre des échéances impayées, plus la TVA en vigueur et aux intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2015,

* 60.000 € au titre de l'indemnité forfaitaire de résiliation,

* 1.000 € au titre de la clause pénale,

* 130.689,55 € au titre de l'indemnité d'usage du 20 novembre 2014 au 20 décembre 2017,

* la somme mensuelle de 3.512,15 € du 21 décembre 2017 jusqu'à restitution du bateau, au titre de l'indemnité d'usage ;

- ordonné la restitution du bateau auto-moteur immatriculé à Lille sous le n° LI010567F portant devise « Moskova » à la société Lixxbail,

- dit qu'à défaut de restitution volontaire, l'appréhension forcée du bateau se poursuivra conformément aux dispositions des articles L. 4123-1 et suivants du code des transports,

- condamné M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Lixxbail la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. X. et Mme Myriam B. épouse X. aux dépens.

M. et Mme X. ont relevé appel de cette décision par déclaration du 14 juin 2018.

[*]

Dans leurs dernières conclusions transmises le 16 janvier 2019, auxquelles il est reporté pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions des parties M. X. et Mme Y. épouse X., appelants, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Lixxbail de sa demande de condamnation à leur encontre au versement de la somme correspondant au montant cumulé des cotisations d'assurance ;

Et statuant à nouveau,

- débouter la société Lixxbail de l'ensemble de ses demandes ;

A titre principal,

- dire que l'action de la société Lixxbail est prescrite ; Subsidiairement si par impossible la cour rejetait cette fin de non-recevoir :

- dire que leur consentement a été vicié du fait de la violence économique exercée par la société Lixxbail lors de la conclusion du contrat de crédit-bail ;

en conséquence, prononcer l'annulation de ce contrat ;

- condamner la société Lixxbail à la restitution de toutes les sommes versées par eux au titre du contrat de crédit-bail ;

- condamner la société Lixxbail au paiement de la somme de 166.000 € sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice souffert par eux de perte de chance de contracter à de meilleures conditions dépourvues de toute violence économique ;

- condamner la société Lixxbail au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral découlant de la violence économique exercée sur eux.

Très subsidiairement, si par extraordinaire la cour décidait que le contrat de crédit-bail n'est pas affecté par la nullité :

- dire qu'ils ont la qualité de consommateur dans le cadre du contrat de crédit-bail souscrit avec la société Lixxbail,

- dire que les dispositions du code de la consommation sont applicables au présent litige,

- dire que la clause de réparation est abusive,

- dire que la clause d'utilisation du matériel est abusive.

Encore plus subsidiairement, si la cour estimait que ladite clause n'est pas abusive, la requalification en clause pénale sera ordonnée,

- dire que la clause pénale est manifestement excessive et particulièrement au regard du caractère inexploitable de la péniche,

- la rejeter et subsidiairement la fixer à la somme de 1 euro symbolique,

En tout état de cause,

- surseoir à statuer dans l'attente de la procédure d'expertise formulée par M. X. devant le président du tribunal de commerce de Nanterre,

- débouter la société Lixxbail de toutes ses demandes et notamment de sa demande d'augmentation de l'indemnité de résiliation et de toute demande annexe ou complémentaire,

- condamner la société Lixxbail au paiement de la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Dans ses conclusions récapitulatives en réponse, transmises le 30 octobre 2019, auxquelles il est reporté pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions des parties, la société Lixxbail, intimée, entend voir la cour :

- déclarer M. X. et Madame X. née Y. irrecevables en leur prétention nouvelle visant à voir prononcer l'annulation du contrat de crédit-bail et, a fortiori, en leurs demandes subséquentes ;

- déclarer M. et Mme X. irrecevables en leurs prétentions tirées, au visa de l'article L. 442-6 du code de commerce, du prétendu caractère abusif des clauses de réparation et d'utilisation du matériel ;

- déclarer M. et Mme X. irrecevables en leurs prétentions tirées de prétendus désordres qui affecteraient la péniche ;

- débouter, à titre principal comme à titre subsidiaire, M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce que les premiers juges, d'une part, ont limité le montant de l'indemnité de résiliation à la somme de 60.000,00 € et réduit la clause pénale à la somme de 1.000 €, et, d'autre part, l'ont

- déboutée de ses demandes au titre du remboursement des primes d'assurance payées pour le compte des preneurs ;

- condamner in solidum M. et Mme X. à lui payer la somme de 258.607,63 € TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2015 au titre de l'indemnité de résiliation due en exécution du contrat de crédit-bail n° 549988B60, et ce jusqu'à parfait paiement ;

- condamner in solidum M. et Mme X. à lui payer la somme correspondant au montant cumulé des cotisations d'assurance qu'elle a été contrainte de régler en lieu et place des crédits-preneurs au titre du matériel, objet du contrat de crédit-bail susvisé, et ce compte tenu de la défaillance de ces derniers dans le règlement des cotisations d'assurance depuis les échéances du 18 décembre 2009, soit la somme de 70.755,04 €, sauf à parfaire des sommes réglées à ce titre après l'année 2015 ;

- condamner in solidum M.et Mme D. à lui payer la somme de 1.020 € en remboursement des frais exposés par la bailleresse au titre de l'expertise préalable obligatoire à l'obtention du titre de navigation provisoire ;

- condamner in solidum M. et Mme X. à lui payer la somme de 4.695,00 € en remboursement des frais exposés par elle au titre du déplacement en urgence du bateau « M. » ;

- condamner in solidum M. et Mme X. à lui payer la somme de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et manquement à leur obligation d'exécuter de bonne foi leurs engagements contractuels ;

- condamner in solidum M. et Mme X. à lui payer la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner sous la même solidarité M. et Mme X. aux entiers frais et dépens de la présente instance.

[*]

La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 novembre 2019.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de sursis à statuer :

M. et Mme X. demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la demande d'expertise introduite devant le président du tribunal de commerce de Nanterre au motif que la péniche est affectée de désordres et que la société Lixxbail aurait commis une fraude au regard de l'interdiction totale de circuler dont elle fait l'objet.

La société Lixxbail soutient que les appelants sont irrecevables en leurs prétentions dès lors qu'ils ne sont pas propriétaires de ladite péniche et que les vices dont elle serait affectée résultent de l'utilisation qui en a été faite par ces derniers et non d'un quelconque problème de conformité aux règles de l'art.

Il est avéré, indépendamment des circonstances énoncées par les appelants, que l'exception de sursis à statuer doit être, conformément à l'article 74 du code de procédure civile être formée in limine litis, avant toute défense au fond.

Faute de satisfaire à ces prescriptions, la demande des époux X. tendant à voir prononcer un sursis à statuer est irrecevable.

 

Sur la prescription de l'action introduite par la société Lixxbail :

M. et Mme X. concluent qu'ils ont été défaillants dans le règlement de leurs loyers à compter du mois de juin 2007 et que l'assignation étant en date du 12 juillet 2015, la prescription était acquise au 19 juin 2013, eu égard à l'application de la loi du 17 juin 2008 à compter du 19 juin 2008 ; que la prescription n'a pas été interrompue, la lettre du 17 août 2013 n'intervenant que dans le cadre de pourparlers et ne constituant qu'une proposition.

La société Lixxbail réplique que son action n'est pas prescrite ; qu'elle se fonde sur un avenant au contrat de crédit-bail qui consacre, de manière expresse et non équivoque, la reconnaissance de dette des époux X. ; que ses prétentions reposent sur des échéances impayées à compter du 27 septembre 2013 qui l'ont conduite à prononcer la résiliation du contrat et à actionner les époux X. en paiement.

Il résulte des pièces du dossier que si les époux X. ont été défaillants à compter du mois de juin 2007, la situation a été régularisée ce que confirme le courrier de la société Lixxbail du 30 avril 2012 ; que dès le mois de septembre 2008, les échéances étaient de nouveau impayées et par lettres recommandées AR, M. et Mme X. ont été mis en demeure de s'acquitter des loyers impayés soit pour un montant de 138.172,13 euros jusqu'en décembre 2011, primes d'assurance comprises ;

que le 22 juillet 2012, M. X. a sollicité le report de loyers impayés en fin de contrat et la mensualisation des échéances ; que par lettre du 17 août 2013, M. X. a proposé un apurement de sa dette moyennant des échéances mensuelles de 4.600 euros tout en maintenant sa demande de prorogation du règlement des impayés en fin de contrat ; que deux avenants ont été signés par les époux X. le 21 octobre 2013 puis le 21 mars 2014 en raison d'une erreur affectant le premier acte, aux termes duquel la société Lixxbail acceptait un allongement de la durée du contrat ce qui a entrainé des conditions financières nouvelles à savoir : le paiement à compter du 27 décembre 2010 de 10 loyers trimestriels à 0 euro HT outre assurance de 299,92 euros et 75 loyers mensuels à 3.532,15 euros HT outre assurance de 99,97 euros ; que le 18 juin 2014, la société Lixxbail a adressé aux époux X. de nouveaux échéanciers au titre des contrats de crédits-bail et le même jour a adressé un courrier à ces derniers les mettant en demeure vainement de régulariser leur situation ; que le 17 septembre 2014, les époux X. étaient à nouveau mis en demeure de s'acquitter d'un montant de 133.075,55 euros soit jusqu'au mois d'août 2014 et le 20 novembre 2014, par lettres recommandées avec AR, la société Lixxbail a prononcé la résiliation du contrat et réclamé le paiement de 398 481,52 euros suivant décompte de résiliation.

L'article 2240 du code civil dispose : « La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ».

Il ressort de l'analyse des faits, tels que relatés ci-avant, que les appelants ne sont pas fondés à voir dans le courrier du 17 août 2013 de M. X. des pourparlers et une simple proposition, dès lors que ce dernier fait état du « remboursement de ma dette à votre organisme » ce qui constitue une reconnaissance de dette claire, non équivoque et non de une tentative d'arrangement amiable ou des pourparlers ; qu'en tout état de cause, aux termes de l'avenant du 21 mars 2014 ayant servi de base au prononcé de la résiliation du contrat de crédit-bail, M. et Mme X. ont reconnu leur dette dans son principe et dans son montant et ont accepté de nouveaux engagements contractuels qui n'encourent pas la prescription.

L'action en paiement introduite par la société Lixxbail est donc recevable.

 

Sur la nullité du contrat de crédit-bail :

Les appelants invoquent la nullité du contrat de crédit-bail en invoquant l'état de dépendance et de contrainte économiques dans lequel ils se trouvaient lors de la souscription du contrat de crédit-bail de sorte que la nullité est encourue pour violence.

La société Lixxbail s'oppose à la demande qui est nouvelle devant la cour et totalement infondée.

Il ressort des articles 564 du code de procédure civile que : « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, de la survenance ou de la révélation d'un fait' et l'article 565 du même code que 'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Etant observé que les époux X. n'ont pas sollicité la nullité du contrat de crédit-bail en cause devant le premier juge et que leur demande ne correspond pas aux cas visés dans l'article 564 sus-énoncé et ne satisfait pas aux conditions énoncées par l'article 565 du code de procédure civile, ils sont irrecevables à agir en nullité dudit contrat devant la cour.

Il convient de déclarer leur demande afin de voir prononcer la nullité du contrat de crédit-bail irrecevable.

 

Sur les demandes d'indemnités de la société Lixxbail :

M. et Mme X. font, tout d'abord, valoir au visa des articles L. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation, que les dispositions de l'article 9 du contrat de crédit-bail qui prévoit une indemnité de réparation du préjudice égale au montant total HT des loyers restant à échoir et une indemnité d'utilisation sont présumées abusives parce que d'un montant manifestement disproportionné ; qu'en tout état de cause, l'indemnité de résiliation est également abusive en application de l'article L. 442-6 du code de commerce.

La société Lixxbail soutient que les articles L. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation sont inapplicables en l'espèce ; que les époux X. n'ont pas la qualité de consommateur mais de professionnel et qu'à la date de souscription du contrat en cause, ces dispositions étaient inexistantes ; que le moyen tiré de l'article 442-6 du code de commerce est irrecevable ; qu'en tout état de cause, il est mal fondé.

Il est avéré qu'à la date de souscription du contrat de crédit-bail le 29 septembre 2006, les articles L. 212-1 et R. 212-2 étaient inexistants et que les dispositions relatives aux clauses abusives étaient énoncées aux articles L. 132-1 à L. 132-5 et R. 132-1 à R. 132-2.1 du code de la consommation. Force est de constater, que les appelants ne peuvent invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation en vigueur au moment de la souscription du contrat dès lors qu'ils ne peuvent revendiquer la qualité de consommateurs ; que comme l'a relevé le premier juge, les contrats de crédit-bail ont été conclus par un artisan inscrit au registre des métiers en tant que transporteur fluvial (n° Siret XX) ; que le contrat de crédit-bail intitulé « contrat de crédit-bail de bateau de navigation fluviale » est d'ailleurs soumis aux dispositions de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier régissant la location de matériel professionnel.

Les appelants ne sont donc pas fondés à prétendre voir appliquer les dispositions du code de la consommation alors qu'ils n'ont pas la qualité de consommateurs, le bien étant destiné à l'usage professionnel de transport fluvial et les clauses attaquées ne sauraient, dans ces conditions, être déclarées abusives.

L'article L. 442-6 du code de commerce issu de la loi du 2 août 2005 permet d'engager la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de : 2° a) D'obtenir ou tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu.

Cependant, la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article 442-6 du code de commerce et l'inobservation de ce texte est sanctionnée par une fin de non-recevoir.

Ce moyen soulevé par les époux X. est donc irrecevable.

 

Sur l'indemnité d'utilisation :

Les époux X. soutiennent que l'indemnité en réparation du préjudice subi et l'indemnité d'utilisation prévue par l'article 8.3) du contrat de crédit-bail indemnisent deux fois le même préjudice ; qu'en conséquence, l'indemnité d'utilisation est abusive.

La société Lixxbail rétorque que ladite indemnité sanctionne tout retard dans la restitution du matériel en arguant du fait qu'elle a été privée de la possibilité de remettre le bien en location ou de le vendre de sorte qu'elle n'a pas le même fondement que l'indemnité en réparation du préjudice subi.

L'article 9 du contrat de crédit-bail prévoit que dès la résiliation du contrat, le locataire doit immédiatement restituer le bateau.

L'article 8.3) du contrat portant sur la restitution du bateau stipule : « Tout retard dans la restitution du bateau, soit au terme du contrat soit après résiliation entraînera l'exigibilité d'une indemnité d'utilisation correspondant au terme locatif moyen calculé sur la base mensuelle (toute période commencée étant due en totalité '.) ».

Il n'est pas discuté que la résiliation du contrat de crédit-bail a été prononcée le 20 novembre 2014 et que les époux X., mis en demeure de restituer le bateau, n'ont pas déféré à cette injonction. Ce faisant, ils ont indiscutablement privé la société Lixxbail, propriétaire, de la possibilité de relouer ou de revendre le matériel en évitant tout préjudice de dépréciation.

Les époux X. ayant manqué à leur obligation de restitution du bateau découlant du contrat qu'ils ont signé, il y a lieu de les condamner au paiement de ladite indemnité calculée selon le terme locatif moyen soit la somme mensuelle de 3.532,15 euros HT par mois à compter du 20 novembre 2014 jusqu'au 20 décembre 2017 puis à compter de cette date et jusqu'à la restitution, une indemnité égale à 3.532,15 euros HT par mois.

Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

 

Sur l'indemnité de résiliation :

M. et Mme X. voient dans l'indemnité de résiliation une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès et demandent à la cour de la rejeter ou subsidiairement la fixer à la somme de 1 euro.

Ils estiment que ladite indemnité n'a pas lieu d'être appliquée au regard de la fraude commise par la société Lixxbail au vu de l'état de la péniche et de l'interdiction totale de circuler dont elle fait l'objet.

La société Lixxbail argumente que la clause prévoyant une indemnité en réparation du préjudice subi égale au montant des loyers à échoir ne peut être assimilée à une clause pénale ; qu'elle n'est que la juste contrepartie attendue au titre du contrat consenti et n'a aucun caractère excessif ; que les époux X. ne peuvent prétendre voir la dite indemnité écartée au motif que la péniche serait affectée de désordres l'empêchant de circuler : qu'enfin, l'indemnité litigieuse ne saurait être appréciée à l'aune de l'indemnité d'utilisation du matériel, les deux indemnités ayant un fondement différent.

L'article 9 -3° des conditions générales du contrat de crédit-bail stipule que :

« Dès la résiliation du contrat, le locataire doit immédiatement restituer le bateau comme prévu à l'article « fin de location-promesse de vente- restitution du bateau » ci-dessus, et verser au bailleur, outre les sommes impayées au jour de la résiliation :

- une indemnité en réparation du préjudice subi égale au montant total HT des loyers restant à échoir à la date de résiliation majorée d'un montant égal à l'option d'achat,

- une clause pénale de 5 % des sommes impayées et du montant total des loyers HT restant à échoir à la date de résiliation ».

Il est ainsi réclamé aux époux X. une indemnité de résiliation de 237.360,63 euros TTC et une somme de 14.382,78 euros TTC à titre de clause pénale soit 5 %.

C'est à bon droit que M. et Mme X. qualifie l'indemnité en réparation du préjudice subi de clause pénale dès lors que la majoration des charges financières pesant sur les débiteurs, résultant de l'exigibilité des loyers, dès la date de la résiliation, a été stipulée à la fois comme un moyen de les contraindre à l'exécution et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le crédit-bailleur du fait de l'accroissement de ses frais et risques, à cause de l'interruption des paiements prévus.

Par ailleurs, les époux X. ne peuvent valablement solliciter l'inapplicabilité de l'indemnité de résiliation en raison d'une prétendue fraude commise par la société Lixxbail et des désordres dont serait affectée la péniche, dès lors qu'ils n'en sont pas propriétaires et qu'ils l'ont purement et simplement abandonnée depuis le 15 novembre 2018.

Il est constant que la clause pénale excessive est susceptible de modération en application des articles 1152 et 1231 du code civil anciens.

Il est de principe que le caractère manifestement excessif d'une clause pénale ne peut résulter que de la comparaison entre le préjudice effectivement subi et le montant de l'indemnité prévue.

En l'espèce, il apparaît que compte tenu des modalités de calcul de l'indemnité de résiliation prévue par l'article 9 des contrats et des autres sanctions attachées à la résiliation, l'indemnité en réparation du préjudice subi présente un caractère manifestement excessif à l'aune du préjudice réellement subi et doit être ramenée à la somme de 150.000 euros.

Quant à la clause pénale de 5 % du montant total des loyers à échoir, le cumul avec l'indemnité en réparation du préjudice subi est manifestement excessif de sorte qu'il convient de la réduire à la somme de 1 euro.

 

Sur les primes d'assurance :

Sur la demande en paiement de la société Lixxbail au titre des cotisations d'assurance depuis les échéances du 18 décembre 2009 soit la somme de 70.755,04 euros.

Force est de constater que cette demande figure dans le dispositif des conclusions de la société Lixxbail, sans qu'il en soit fait mention dans le corps de ses conclusions ; qu'elle produit, sans aucune explication, des appels de cotisation de la compagnie Allianz assurant la société Crédit agricole Leasing ne comportant aucune information sur le bien assuré ; qu'il n'est pas plus justifié du paiement de ces appels.

Il convient de rejeter cette demande.

 

Sur le remboursement des frais exposés par la société Lixxbail au titre de l'expertise préalable obligatoire à l'obtention d'un titre de navigation provisoire et celui de la somme de 4.695 euros au titre du déplacement en urgence du bateau « M. ».

La société Lixxbail verse aux débats les factures relatives à l'expertise exigée par la DRIEA afin de permettre le déplacement du bateau M. du pont de Bonneuil sur Marne jusqu'à la Grande Paroisse soit la somme de 1.020 euros TTC ainsi que celle du déplacement en urgence du bateau « M. » à hauteur de 4.695 euros TTC. Ces sommes sont dues à la société Lixxbail par les époux X. qui n'ont pas restitué le bateau comme ils le devaient, ce qui a généré des frais dont ils sont redevables.

 

Sur la demande de dommages et intérêts :

La demande de la société Lixxbail qui entend voir sanctionner la résistance abusive des appelants, leur absence de bonne foi et l'abandon de la péniche, ne peut prospérer faute d'administrer la preuve de l'existence d'un préjudice non déjà réparé.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DÉCLARE irrecevable la demande de M. X. et Mme Y. épouse X. afin de sursis à statuer ;

DÉCLARE irrecevable la demande de M. X. et Mme Y. épouse X. tendant au prononcé de la nullité du contrat de crédit-bail ;

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné M. X. et Mme Y. épouse X. au paiement d'une indemnité de résiliation de 60.000 euros, d'une clause pénale de 1.000 euros ;

L'INFIRME sur ces deux chefs ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Lixxbail la somme de 150.000 euros au titre de l'indemnité en réparation du préjudice subi et celle de 1 euro au titre de la clause pénale de 5 % ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Lixxbail les sommes de 1.020 euros TTC et celle de 4.695 euros TTC ;

DÉBOUTE la société Lixxbail de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Lixxbail la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                            Le président,