CA DOUAI (3e ch.), 2 avril 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8400
CA DOUAI (3e ch.), 2 avril 2020 : RG n° 18/04156 ; arrêt n° 20/128
Publication : Jurica
Extrait : « Au titre des trois prêts immobiliers litigieux, une clause intitulée « conditions financières », reprise dans les conditions générales, est rédigée comme suit : « les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».
La cour rappelle que les modalités de calcul du taux conventionnel doivent être conformes aux dispositions du décret explicatif n° 2002-928 du 10 juin 2002, lui-même issu d'un décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, avec lequel il forme un ensemble indivisible.
Pour les crédits remboursables par mensualités, ce décret prévoit, dans les exemples 5 et 6 de son annexe, une formule mathématique qui prescrit que « tous les mois sont réputés égaux, on utilise la notion de mois normalisé ». Cette formule implique que les intérêts sont toujours calculés sur la base d'un douzième d'année, quel que soit le nombre de jours composant les mois (28, 29, 30 ou 31), soit 30,41666 jours selon l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Il en résulte qu'en matière de crédit remboursable par mensualités, ce décret consacre la validité de la clause 30/360 critiquée par les époux X. En effet, la règle de calcul des mensualités est équivalente, quelle que soit la formule employée : - taux d'intérêt fixe conventionnel annuel / 12 - taux d'intérêt fixe conventionnel X 30,41666 (durée du mois normalisé) / 365 - taux d'intérêt fixe conventionnel annuel X 30 / 360.
Cette équivalence se vérifie dans les tableaux d'amortissement des trois prêts litigieux, dont il résulte qu'à une date quelconque, le montant des intérêts est toujours égal au capital restant dû le mois précédent multiplié par le taux nominal fixe divisé par 12. A titre illustratif, les intérêts de l'échéance n° 82 du prêt n° 086XXX45 d'un montant de 454,45 euros sont ainsi valablement calculés sur la formule 126.822,94 X 4,300 % / 12.
A l'inverse, ce même décret ne recourt à l'année civile de 365 jours que pour les calculs faisant intervenir un taux quotidien. En effet, dans cette seule hypothèse, l'utilisation d'un diviseur de 360 jours au lieu de 365 jours a une incidence financière sur le calcul des intérêts intercalaires, dès lors que le calcul ne s'effectue alors pas par fractions d'année rapportée à l'année, mais par jours rapportés au nombre de jours de l'année.
Ainsi, l'exemple d'un calcul des intérêts sur une période de 45 jours qu'invoquent les époux X. pour établir l'inexactitude de la formule appliquée n'est pas pertinent, dès lors que les trois prêts souscrits sont payables mensuellement.
Il est ainsi démontré que la clause insérée dans chaque crédit litigieux ne constitue qu'une règle d'équivalence financière, qui ne modifie pas le montant des intérêts conventionnels versés par les emprunteurs.
Ces considérations conduisent à limiter la portée de la recommandation n°05-02 établie par la Commission des clauses abusives et publiée le 20 septembre 2005 au BOCCRF. En effet, ce texte vise exclusivement à éliminer des conventions de comptes bancaires, les clauses ayant pour objet ou pour effet de « permettre à l'établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d'en apprécier l'incidence financière ». Le caractère abusif d'une telle clause est ainsi justifié par la majoration du coût du crédit qui pourrait résulter d'un calcul des intérêts sur une année de 360 jours, et non sur une année civile. Dès lors, outre qu'elle n'a pas valeur de norme impérative, cette recommandation n'a surtout pas vocation à s'appliquer à l'espèce, dès lors qu'il a été établi précédemment qu'en matière de crédits remboursables par mensualités, la formule adoptée par la banque est dépourvue d'incidence financière pour les emprunteurs.
La clause litigieuse ne crée par conséquent aucun déséquilibre significatif au préjudice du consommateur, et ne présente ainsi pas un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de sorte qu'elle n'a pas lieu d'être déclarée non écrite. Il convient de confirmer le jugement critiqué de ce chef. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 2 AVRIL 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/04156. Arrêt n° 20/128. N° Portalis DBVT-V-B7C-RWVP. Jugement rendu le 20 juin 2018, par le tribunal de grande instance de LILLE.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], [adresse]
Représentés par Maître Éric L., avocat au barreau de DOUAI et Me Fiona B., avocat au barreau de Paris
INTIMÉE :
SA BANQUE POPULAIRE DU NORD
[adresse], représentée par Maître Philippe V., avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 27 février 2020, tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Duffosé.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Hélène Château, première présidente de chambre, Guillaume Salomon, président de chambre, Sara Lamotte, conseillère/
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 2 avril 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hélène Château première présidente de chambre et Véronique Cailliez, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 décembre 2019.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon offres de prêt émises les 22 novembre 2011 et 6 avril 2012, M. X. et Mme Y. épouse X. (ci-après « les époux X. ») ont conclu avec la banque populaire du Nord (ci-après « la banque ») trois prêts soumis aux dispositions du code de la consommation relatives aux prêts immobiliers, dans leur version antérieure au 1er juillet 2016.
- un prêt n° 086XXX45 d'un montant principal de 146.500 euros, remboursable en 300 mois moyennant un taux intérêt nominal de 4,300 %, un taux de période de 0,410 % et un taux effectif global (ci-après TEG) de 4,92 %.
- un prêt n° 086YYY27 d'un montant principal de 210.000 euros, remboursable en 240 mois moyennant un taux intérêt nominal de 3,750 %, un taux de période de 0,385 % et TEG de 4,62'%.
- un prêt n° 086ZZZ26 d'un montant principal de 92.300 euros, remboursable en 240 mois moyennant un taux intérêt nominal de 3,750 %, un taux de période de 0,392 % et TEG de 4,70 %.
Ces trois prêts ont été intégralement remboursés.
Par acte du 21 novembre 2016, les époux X. ont assigné la banque populaire du Nord devant le tribunal de grande instance de Lille, en invoquant une irrégularité tant du TEG que des taux d'intérêts de chaque prêt souscrit.
Le 20 juin 2018, le tribunal de grande instance de Lille a débouté les époux X. de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés à payer à la banque populaire du Nord la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 17 juillet 2018, les époux X. ont formé appel à l'encontre de ce jugement, dont ils ont sollicité l'infirmation en ce qu'il les a :
- déboutés de leur action pour clause abusive de la clause prévoyant le calcul des intérêts sur la base de 360 jours, de leur action en nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts et de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamnés à payer à la banque populaire du Nord la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
[*]
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 9 décembre 2019, les époux X. demandent à la cour de :
- constater les erreurs de calcul dans les coûts des crédits ;
- constater les erreurs de calcul des taux de période des prêts litigieux ;
- constater les erreurs de calcul des TEG des prêts litigieux ;
- constater que les intérêts sont calculés sur la base d'une année bancaire dans chacun des prêts litigieux.
En conséquence,
A titre principal,
- déclarer abusives et par conséquent réputées non écrites les clauses figurant dans les contrats de prêt prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours et d'un mois de 30 jours ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 22.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt n° 086XXX45 depuis la conclusion du contrat, jusqu'au 14 octobre 2015, date du remboursement intégral du prêt, sauf à parfaire ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 10.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt n° 086ZZZ26 depuis la conclusion du contrat, jusqu'au 12 octobre 2015, date du remboursement intégral du prêt, sauf à parfaire ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 23.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt n° 086YYY27 depuis la conclusion du contrat, jusqu'au 31 octobre 2015, date du remboursement intégral du prêt, sauf à parfaire.
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêts de chacun des prêts ;
- prononcer la substitution au taux d'intérêt conventionnel, du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion des prêts, soit 0,38 % pour le contrat de prêt n° 086XXX45, et 0,71 % pour les contrats de prêt n° 086ZZZ26 et n° 086YYY27 ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 22.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt n° 086XXX45 depuis la conclusion du contrat, jusqu'au 14 octobre 2015, date du remboursement intégral du prêt, sauf à parfaire ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 10.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt n° 086ZZZ26 depuis la conclusion du contrat, jusqu'au 12 octobre 2015, date du remboursement intégral du prêt, sauf à parfaire ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 23.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt n° 086YYY27 depuis la conclusion du contrat, jusqu'au 31 octobre 2015, date du remboursement intégral du prêt, sauf à parfaire.
A titre infiniment subsidiaire,
- prononcer, la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion des contrats, soit 0,38 % pour le contrat de prêt n° 086XXX45, et 0,71 % pour les contrats de prêt n° 086ZZZ26 et n° 086YYY27 ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 22.000 euros, correspondant à la différence entre le montant des intérêts versés en application du taux conventionnel depuis la conclusion du contrat n° 086XXX45 et le montant des intérêts au taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat de prêt, soit 0,38 %, jusqu'au 14 octobre 2015, date du remboursement intégral du prêt, sauf à parfaire ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 10.000 euros, correspondant à la différence entre le montant des intérêts versés en application du taux conventionnel depuis la conclusion du contrat n° 086ZZZ26 et le montant des intérêts au taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat de prêt, soit 0,71 %, jusqu'au 12 octobre 2015, date du remboursement intégral du prêt, sauf à parfaire
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 23.000 euros, correspondant à la différence entre le montant des intérêts versés en application du taux conventionnel depuis la conclusion du contrat n° 086YYY27 et le montant des intérêts au taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat de prêt, soit 0,71 %, jusqu'au 31 octobre 2015, date du remboursement intégral du prêt, sauf à parfaire.
En tout état de cause,
- débouter la banque populaire du Nord de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son manquement à son obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté ;
- condamner la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la banque populaire du Nord aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Alexandre B., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A l'appui de leurs demandes, les époux X. indiquent à titre liminaire qu'ils ont produit une analyse financière établie par M. R., expert, dont il résulte la démonstration des manquements par la banque à ses obligations dans le calcul des taux litigieux.
Ils estiment que le tribunal de grande instance a rejeté leur demande, en considérant que leur argumentaire reposait sur ce seul avis, alors qu'ils indiquent :
- d'une part, qu'il appartenait à cette juridiction de prendre en compte cette analyse financière, dès lors qu'elle a été soumise à la discussion contradictoire des parties en application de l'article 16 du code de procédure civile ;
- d'autre part, que la preuve des manquements invoqués résulte des développements figurant dans leurs conclusions, indépendamment de cet avis technique.
Ils font valoir :
- à titre principal, que les clauses de stipulation d'intérêts conventionnels doivent être déclarées abusives et donc non écrites sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors que les intérêts sont calculés sur la base d'une année de 360 jours dans chacun des prêts. Ils indiquent que la clause litigieuse ne permet pas à un consommateur d'évaluer le surcoût qui est susceptible de résulter d'un tel mode de calcul, de sorte qu'elle est en soi de nature à créer un déséquilibre significatif à son encontre.
- à titre subsidiaire, que les clauses de stipulations d'intérêts conventionnels sont nulles, dès lors que le calcul des TEG insérés dans les contrats de prêt n'est pas conforme aux dispositions du code de la consommation relatives aux offres de contrats de crédit immobilier.
Ils estiment qu'une jurisprudence constante sanctionne l'erreur dans le calcul du TEG par la nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels, dès lors que l'inexactitude de la mention du taux visant une année bancaire de 360 jours équivaut à son absence, sans qu'il soit nécessaire de prendre en compte l'importance des sommes indûment versées par les emprunteurs en application de la clause litigieuse.
Ils ajoutent que l'interprétation faite par la banque de l'article R. 313-1 code de la consommation est erronée, dès lors que la tolérance d'une décimale ne concerne pas le TEG, mais le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire.
Ils précisent que l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 n'impose pas la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à hauteur du taux d'intérêt légal comme la seule sanction applicable en cas d'erreur dans le calcul du taux contractuel.
Ils indiquent que le TEG de chaque prêt litigieux est erroné pour n'avoir pas été calculé conformément aux dispositions de l'article L. 313-1-II du code de la consommation, dans la mesure où il n'est pas proportionnel au taux de période indiqué.
Ils précisent que si la banque populaire du Nord estime que la durée de période n'est pas fixée à 30 jours, en dépit des conditions générales des contrats litigieux, cette banque est alors dans l'incapacité d'indiquer où est inscrite la mention obligatoire d'une telle durée, dont l'absence est sanctionnée par la nullité de la clause d'intérêts contractuels.
Ils estiment qu'il appartient à la banque d'intégrer le juste montant des frais dès l'émission de l'offre de prêt ou à tout le moins au jour de l'acte notarié si la banque rapporte la preuve de ce qu'elle ne pouvait avoir connaissance de ces frais au jour de l'émission de l'offre.
A cet égard, ils indiquent que s'agissant du prêt de 146.500 euros, les frais de constitution d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque n'ont été qu'évalués par la banque, et non précisément chiffrés pour permettre de fixer le coût exact du crédit dans le calcul du TEG.
Ils sollicitent la répétition des sommes indûment versées au titre de l'application du TEG erroné qui figure dans chaque prêt, après substitution du taux d'intérêt légal.
À titre infiniment subsidiairement, les emprunteurs demandent que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels soit appliquée pour sanctionner l'emploi de l'année bancaire dans chaque prêt litigieux.
En tout état de cause, ils invoquent un manquement de la banque populaire du Nord à son obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté à leur égard, pour solliciter la condamnation de la banque à leur payer des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil.
Les époux X. réclament enfin la condamnation de la banque populaire du Nord à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2019, la banque populaire du Nord demande à la cour :
- A titre principal de confirmer le jugement querellé et de condamner solidairement les époux X. aux dépens d'appel et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
- A titre subsidiaire, si la cour retenait l'existence d'une erreur de calcul et/ou considérait que la présence de la clause de rapport 30/360 affectait la régularité de l'offre de prêt, de dire irrecevable la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et dire que la sanction ne peut être que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, qui ne devrait être appliquée en l'espèce en l'absence de préjudice subi par les emprunteurs.
A l'appui de ses prétentions, la banque populaire du Nord fait valoir que :
- la clause litigieuse est une clause de rapport ou d'équivalence financière, qui ne concerne pas les modalités de fixation du TEG, mais seulement le calcul des intérêts conventionnels.
La banque estime qu'une telle clause est conforme à l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa fixation des rapports périodiques à retenir pour le calcul du TEG.
Elle indique à cet égard que les intérêts conventionnels des trois prêts sont remboursés selon une périodicité mensuelle et que ce taux mensuel est équivalent quelque soit la formule adoptée :
- taux d'intérêt mensuel = taux d'intérêt conventionnel annuel /12 ;
- taux d'intérêt mensuel = (taux d'intérêt conventionnel annuel /360) x 30 ;
- taux d'intérêt mensuel = (taux d'intérêt conventionnel annuel /365) x 30,41666,
dès lors que le rapport reste égal à 0,08333 ou 1/12, de sorte que le montant des mensualités mensuelles reste identique dans l'application de chacune de ces méthodes de calcul.
La banque fait part en outre de l'existence d'un revirement de jurisprudence sur ce point par rapport aux décisions invoquées par les époux X.
La clause litigieuse n'est pas abusive, en fonction d'une telle analyse, dès lors qu'elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties aux prêts.
Elle ajoute que la recommandation de la commission des clauses abusives ne concerne pas les prêts dont les intérêts sont calculés mensuellement sur la base d'un mois normalisé ou 1/12 de l'année. Elle conteste d'ailleurs qu'une périodicité de 45 jours ait été fixée par les parties.
Subsidiairement, la banque estime que si le caractère abusif de la clause est retenu, seule cette clause est non écrite, alors que le contrat reste applicable dans ses autres stipulations, et notamment celles ayant fixé le taux d'intérêt contractuel, que les emprunteurs ne contestent pas.
La clause litigieuse n'est pas nulle, dès lors que les emprunteurs sont défaillants à prouver l'existence d'une erreur de calcul à leur détriment et alors que la seule présence de cette clause 30/360 ne suffit pas à entraîner l'annulation de la stipulation d'intérêts.
La banque considère ainsi que les emprunteurs ne prouvent pas un différentiel d'intérêts qui conduirait à majorer le TEG affiché dans l'offre et à déterminer à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation.
La seule sanction d'un manquement du prêteur aux dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation n'est pas la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels, mais la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, de sorte que la demande de nullité est irrecevable.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la clause 30/360 serait sanctionnée, la banque indique que la déchéance du droit aux intérêts est facultative, de sorte que la cour peut l'écarter en fonction des circonstances. A cet égard, elle estime qu'en l'absence de préjudice subi par les emprunteurs, cette sanction n'a pas lieu à s'appliquer.
S'agissant du TEG, la preuve de taux de période erronés n'est pas rapportée par les époux X., alors que la seule production d'un rapport non contradictoire établi à la demande des emprunteurs ne suffit pas à établir le bien-fondé de leurs demandes.
Sur ce point, la banque indique que l'argumentaire des époux X. repose exclusivement sur l'analyse de la société Humania Consultants, alors que l'attestation de M. R. est elle-même obtenue non contradictoirement et ne concerne pas l'analyse précitée, dont il n'a pas vérifié les calculs.
Elle considère qu'il ne pèse pas sur le prêteur la charge de la preuve de la régularité du taux de période, alors qu'elle conteste l'analyse de la société Humania Consultants. Sur ce point, elle indique que les époux X. ne produisent pas le TEG réel des trois prêts, de sorte qu'ils n'établissent pas une différence de TEG supérieure à la décimale.
Le calcul du TEG est proportionnel au taux de période afférent, dès lors qu'aucune stipulation contractuelle ne prévoit que la durée de la période unitaire du TEG serait de 30 jours, alors qu'ils mentionnent à nouveau que la clause 30/360 ne concerne pas le calcul du TEG, mais le seul calcul des intérêts conventionnels. Elle estime que la durée de période unitaire est de 30,41666 jours.
En outre, la banque relève que l'erreur alléguée reste inférieure à la décimale.
La mention d'une durée de période mensuelle, et non de 30 jours, figure aux contrats litigieux, estimant qu'une telle information fournie aux emprunteurs satisfait aux injonctions de l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Les frais de garantie du contrat de prêt n° 086XXX45 ont été intégrés au calcul du TEG pour un montant de 2.430 euros, sans que cette évaluation ne soit valablement contestée par les emprunteurs et alors que ces derniers ne prouvent pas qu'une telle erreur entraîne une variation du TEG supérieure à la décimale.
Aucune faute n'est établie au titre de la violation d'une obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté, alors que les emprunteurs ne justifient aucun préjudice. En outre, la substitution du taux d'intérêts légal au taux d'intérêts conventionnel est la sanction exclusive d'un TEG erroné.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, la cour observe que les premiers juges n'ont pas écarté des débats l'avis établi non contradictoirement par M. R. au motif qu'il constituerait la seule pièce à l'appui de leur démonstration, mais ont estimé que cet avis porte exclusivement sur la conformité de la méthode mathématique employée par la société Humania, et non sur les données spécifiques relatives aux prêts étudiés. Il en résulte qu'ils ont au contraire pris en compte un tel avis.
La banque populaire du Nord ne sollicite d'ailleurs pas que ces deux pièces invoquées par les époux X. soient écartées des débats.
Dans ces conditions, aucune violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile n'est valablement invoquée par les époux X.
Sur le caractère abusif de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels :
Au titre des trois prêts immobiliers litigieux, une clause intitulée « conditions financières », reprise dans les conditions générales, est rédigée comme suit : « les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».
La cour rappelle que les modalités de calcul du taux conventionnel doivent être conformes aux dispositions du décret explicatif n° 2002-928 du 10 juin 2002, lui-même issu d'un décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, avec lequel il forme un ensemble indivisible.
Pour les crédits remboursables par mensualités, ce décret prévoit, dans les exemples 5 et 6 de son annexe, une formule mathématique qui prescrit que « tous les mois sont réputés égaux, on utilise la notion de mois normalisé ».
Cette formule implique que les intérêts sont toujours calculés sur la base d'un douzième d'année, quel que soit le nombre de jours composant les mois (28, 29, 30 ou 31), soit 30,41666 jours selon l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Il en résulte qu'en matière de crédit remboursable par mensualités, ce décret consacre la validité de la clause 30/360 critiquée par les époux X.
En effet, la règle de calcul des mensualités est équivalente, quelle que soit la formule employée':
- taux d'intérêt fixe conventionnel annuel / 12
- taux d'intérêt fixe conventionnel X 30,41666 (durée du mois normalisé) / 365
- taux d'intérêt fixe conventionnel annuel X 30 / 360.
Cette équivalence se vérifie dans les tableaux d'amortissement des trois prêts litigieux, dont il résulte qu'à une date quelconque, le montant des intérêts est toujours égal au capital restant dû le mois précédent multiplié par le taux nominal fixe divisé par 12.
A titre illustratif, les intérêts de l'échéance n° 82 du prêt n° 086XXX45 d'un montant de 454,45 euros sont ainsi valablement calculés sur la formule 126.822,94 X 4,300 % / 12.
A l'inverse, ce même décret ne recourt à l'année civile de 365 jours que pour les calculs faisant intervenir un taux quotidien. En effet, dans cette seule hypothèse, l'utilisation d'un diviseur de 360 jours au lieu de 365 jours a une incidence financière sur le calcul des intérêts intercalaires, dès lors que le calcul ne s'effectue alors pas par fractions d'année rapportée à l'année, mais par jours rapportés au nombre de jours de l'année.
Ainsi, l'exemple d'un calcul des intérêts sur une période de 45 jours qu'invoquent les époux X. pour établir l'inexactitude de la formule appliquée n'est pas pertinent, dès lors que les trois prêts souscrits sont payables mensuellement.
Il est ainsi démontré que la clause insérée dans chaque crédit litigieux ne constitue qu'une règle d'équivalence financière, qui ne modifie pas le montant des intérêts conventionnels versés par les emprunteurs.
Ces considérations conduisent à limiter la portée de la recommandation n°05-02 établie par la Commission des clauses abusives et publiée le 20 septembre 2005 au BOCCRF. En effet, ce texte vise exclusivement à éliminer des conventions de comptes bancaires, les clauses ayant pour objet ou pour effet de « permettre à l'établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d'en apprécier l'incidence financière ».
Le caractère abusif d'une telle clause est ainsi justifié par la majoration du coût du crédit qui pourrait résulter d'un calcul des intérêts sur une année de 360 jours, et non sur une année civile.
Dès lors, outre qu'elle n'a pas valeur de norme impérative, cette recommandation n'a surtout pas vocation à s'appliquer à l'espèce, dès lors qu'il a été établi précédemment qu'en matière de crédits remboursables par mensualités, la formule adoptée par la banque est dépourvue d'incidence financière pour les emprunteurs.
La clause litigieuse ne crée par conséquent aucun déséquilibre significatif au préjudice du consommateur, et ne présente ainsi pas un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de sorte qu'elle n'a pas lieu d'être déclarée non écrite.
Il convient de confirmer le jugement critiqué de ce chef.
Sur la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels résultant d'un calcul sur la base d'une année de 360 jours :
L'emprunteur doit, pour obtenir l'annulation de la stipulation d'intérêts, démontrer que ceux-ci ont été calculés sur une base d'une année de 360 jours, et que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Contrairement aux prétentions des époux X., la seule insertion d'une clause 30/360 dans un crédit n'est ainsi pas sanctionnée systématiquement par la nullité de la stipulation d'intérêts et la substitution corrélative du taux d'intérêt légal au taux conventionnel.
A l'inverse, il a été démontré en l'espèce que le calcul des intérêts conventionnels selon cette formule ne génère aucun surcoût au préjudice du consommateur.
Par conséquent, il n'y a pas lieu d'annuler la clause d'intérêts conventionnels et le jugement critiqué sera confirmé de ce chef.
Sur la durée unitaire de période et sur le calcul du taux de période :
Aux termes de l'article R. 313-1 II du code de la consommation, applicable aux crédits immobiliers, « le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimer pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur. (…)
Lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire'».
En l'espèce, s'agissant des trois prêts consentis aux époux X., les conditions particulières mentionnent que « le taux effectif global annuel s'élève à :
- 4,92 %, soit un taux de 0,410 % par période mensuelle », pour le prêt de 146.500 euros
- 4,62 %, soit un taux de 0,385 % par période mensuelle », pour le prêt de 210.000 euros
- 4,70 %, soit un taux de 0,392 % par période mensuelle », pour le prêt de 92.300 euros.
Il en résulte que le rapport entre le TEG annuel et le taux de période mensuel est égal à 12.
Les tableaux d'amortissement visent également une périodicité mensuelle.
Pour autant, une telle information ne renseigne pas sur la validité du calcul du TEG, qui doit égaler le produit du taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire, soit TEG = taux de période x 365/durée de la période unitaire. En effet, le taux de période ne résulte pas de la division par 12 du TEG, dans la mesure où le TEG doit être calculé à partir du taux de période, et non l'inverse.
La durée de période se distingue en outre de celle relative à la périodicité mensuelle des échéances de remboursement.
Dans ces conditions, la seule mention d'une périodicité « mensuelle » ne suffit pas à déterminer cette durée de période et à permettre de calculer le TEG selon la formule rappelée ci-dessus.
La détermination de la durée de la période unitaire est ainsi indispensable et constitue à cet égard une mention à communiquer à l'emprunteur.
Sur ce point, la banque populaire du Nord indique que les époux X. ne visent pas la disposition contractuelle qui leur permettrait de calculer le TEG sur une durée de période unitaire de 30 jours pour estimer que le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire serait par conséquent de 365/30, soit 12,166667 au lieu de 12.
La banque estime que la durée de période entre deux échéances n'est pas définie par le paragraphe « conditions financières » des conditions générales de chaque prêt litigieux, qui stipule que « les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ». Elle considère que cette clause ne s'applique qu'au calcul des intérêts conventionnels, et non à celui du TEG. Elle affirme en définitive qu'elle a retenu une période unitaire mensuelle de 30,4166 jours, conformément aux prescriptions de l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Pour autant, une telle mention d'une durée de période unitaire de 30,4166 jours n'est pas expressément inscrite dans les conditions générales ou particulières des prêts litigieux, en dépit de son caractère obligatoire.
Si le défaut de communication du taux et de la durée de la période est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels, une telle sanction n'est toutefois pas appliquée lorsque l'écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l'ancien article R. 313-1 du Code de la consommation. (Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 19-11.939)
En l'espèce, en appliquant la formule TEG = taux de période X 12,2 ou 12,166667, les époux X. indiquent que le TEG réel de chaque prêt est égal à :
- 4,9883347 % pour le prêt de 146.500 euros.
- 4,697'% pour le prêt de 210.000 euros.
- 4,7824'% pour le prêt de 92.300 euros
Pourtant, les contrats litigieux visent respectivement un TEG de :
- 4,92'% pour le prêt de 146.500 euros
- 4,62'% pour le prêt de 210.000 euros
- 4,70'% pour le prêt de 92.300 euros.
Il en résulte que l'écart entre les calculs fournis par les époux X. et le TEG visé par chaque prêt est inférieur à 0,1, qui constitue la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Le défaut de communication de la durée de période unitaire n'est dès lors pas sanctionné.
Sur l'incidence des frais d'actes du prêt n° 086XXX45 :
Les époux X. n'offrent pas de prouver que l'estimation des frais d'acte du prêt n° 086XXX45 de 146.500 euros et le défaut d'intégration corrélatif au TEG de leur coût réel, sont de nature à produire un écart entre le taux effectif global mentionné dans le contrat et le taux réel qui serait supérieur à cette même décimale.
En définitive, aucune irrégularité n'est établie par les époux X. à l'égard des stipulations d'intérêts conventionnels ou de TEG.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement querellé.
Sur la demande de dommages-intérêts :
Les époux X. ne démontrent pas un manquement contractuel par la banque populaire du Nord à une obligation d'information, de loyauté ou d'honnêteté qui leur aurait causé un préjudice.
Le jugement critiqué les ayant déboutés d'une telle demande est par conséquent confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile et à condamner les époux X. aux entiers dépens d'appel.
L'équité ne commande pas en revanche de condamner les époux X. à payer à la banque populaire du Nord une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
A l'inverse, en raison de leur succombance, la demande formulée par les époux X. au titre de ces mêmes dispositions à l'encontre de la banque est enfin rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu le 20 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Lille dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. aux entiers dépens d'appel ;
Déboute la banque populaire du Nord de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La première présidente de chambre
V. Cailliez Hélène Château
- 5996 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Absence de caractère normatif
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