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CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 19 mai 2020

Nature : Décision
Titre : CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 19 mai 2020
Pays : France
Juridiction : Reims (CA), ch. civ. sect. inst.
Demande : 19/01127
Décision : 20/43
Date : 19/05/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/05/2019
Numéro de la décision : 43
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8425

CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 19 mai 2020 : RG n° 19/01127 ; arrêt n° 43 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Selon l'article R. 212-1 du code de la consommation, « Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (...) 6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ; 7° Interdire au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d'inexécution par le professionnel de ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou de son obligation de fourniture d'un service ; » L'article L. 241-1 du même code, article dont les dispositions sont d'ordre public, répute non écrites les clauses abusives.

Est versé aux débats par M. X. un document manuscrit, par lequel M. Y. déclare avoir acheté un véhicule Renault Scenic immatriculé XXX avec problème électrique au niveau du frein à main, des vitres arrières et de la radio et « s'engage à prendre le véhicule au Garage Auto Service sans garantie et dans l'état où il se trouve. » Ce texte, non daté, est signé de M. Y. et de M. X.

Cet écrit doit être analysé comme une clause de non garantie prohibée par la loi et réputée non écrite. Il ne peut, en aucun cas, constituer une renonciation valide de M. Y. à exercer toute action judiciaire contre son vendeur professionnel. Le jugement est confirmé sur ce point. »

 

COUR D’APPEL DE REIMS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION INSTANCE

ARRÊT DU 19 MAI 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01127. Arrêt n° 43.

 

APPELANT :

d'un jugement rendu le 1er avril 2019 par le tribunal d'instance de Charleville-Mézières (R.G. 11-18-000429)

M. X.

[...], [...] (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Reims), Comparant, concluant par Maître Nicolas V., avocat au barreau des Ardennes

 

INTIMÉ :

M. Y.

chez M. Z., [...], [...], Comparant, concluant par Maître Michel D., avocat au barreau des Ardennes

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Pety, président de chambre, Mme Lefèvre, conseiller, Mme Magnard, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE : Mme Roullet, greffier lors des débats et M. Jolly, greffier lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 10 mars 2020, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 avril 2020, prorogé au 19 mai 2020

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. Pety, président de chambre, et par M. Jolly, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 8 octobre 2017, M. Y. a acquis auprès de M. X., exerçant sous l'enseigne commerciale Garage Auto Service 08, un véhicule de marque Renault modèle Scenic, immatriculé XXX, moyennant le prix de 1.500 euros.

Le véhicule est tombé en panne moteur le 16 octobre 2017 et une expertise amiable a été diligentée par l'assureur protection juridique de M. Y., suite à laquelle celui-ci a sollicité en vain un accord sur l'annulation de la vente avec remboursement de ses frais annexes.

Le 25 juin 2018, M. Y. a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Charleville-Mézières, en application des articles 1641 et 1645 du code civil, aux fins de voir prononcer la résolution du contrat de vente et la condamnation de M. X. à lui payer les sommes de :

- 1.618 euros correspondant à la restitution du prix de vente et aux frais d'immatriculation,

- 1.000 euros de dommages et intérêts,

- 1.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi que les dépens.

Lors de l'audience du 4 mars 2019, M. Y. a porté à 2.000 euros sa demande en dommages et intérêts et a sollicité subsidiairement la désignation d'un expert automobile.

M. X. s'est opposé aux prétentions de M. Y. et a demandé sa condamnation au paiement d'une indemnité de 1.000 euros pour frais irrépétibles.

Par jugement du 1er avril 2019, le tribunal a :

- déclaré l'action de M. Y. recevable,

- prononcé la résolution du contrat de vente du véhicule pour défaut de conformité,

- condamné M. X., exerçant sous l'enseigne commerciale Garage Auto Service 08, à payer à M. Y. la somme de 1.500 euros en restitution du prix de vente,

- ordonné la restitution du véhicule Renault Scenic à M. X., exerçant sous l'enseigne commerciale Garage Auto Service 08,

- condamné M. X., exerçant sous l'enseigne commerciale Garage Auto Service 08, à payer à M. Y. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le défendeur aux dépens.

[*]

M. X. a interjeté appel le 16 mai 2019 de l'intégralité des chefs du jugement.

Par écritures en date du 2 août 2019, il demande à la cour de :

- dire que le rapport d'expertise amiable ne peut à lui seul fonder les prétentions de M. Y. quant aux désordres allégués et le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes,

- dire que le rapport d'expertise amiable ne démontre pas le caractère antérieur du vice au jour de la vente et n'évoque d'ailleurs jamais la notion de vice caché,

- dire que M. Y. n'établit pas de manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme impartie par les articles L. 211-4 et suivants du code de la consommation,

- débouter en conséquence M. Y. de sa demande sur ledit fondement,

- dire que la renonciation à agir contre le cédant fondée sur l'état du véhicule est opposable à M. Y. et rejeter en conséquence toutes ses prétentions,

- dire que M. Y. ne démontre pas l'existence d'un préjudice de jouissance et qu'en tout état de cause, il a concouru à son préjudice en rejetant les propositions de résolution amiable formulées par le vendeur,

- débouter en conséquence M. Y. de sa demande en réparation du préjudice de jouissance,

- condamner M. Y. à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- le condamner aux dépens.

[*]

Aux termes de conclusions du 20 septembre 2019, M. Y. demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente du 8 octobre 2017 et condamné l'appelant à lui payer la somme de 1.500 euros en restitution du prix, outre la restitution du véhicule. Par appel incident, il sollicite la condamnation de M. X. exerçant sous l'enseigne commerciale Garage Auto Service 08 à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts. Il demande également sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Subsidiairement, pour le cas où la cour s'estimerait insuffisamment informée, il demande la désignation d'un expert automobile afin d'examiner le véhicule Renault Scenic, de préciser les causes de la panne-moteur survenue le 16 octobre 2017, de décrire et chiffrer le coût des réparations nécessaires à la remise en état du véhicule et dire si le véhicule est économiquement réparable, de fournir tous éléments permettant de déterminer les préjudices subis par M. Y.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 février 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, la cour :

Sur la recevabilité de l'action de M. Y. au regard de la renonciation à recours qu'il a signée :

Selon l'article R. 212-1 du code de la consommation, « Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (...)

6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ;

7° Interdire au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d'inexécution par le professionnel de ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou de son obligation de fourniture d'un service ; »

L'article L. 241-1 du même code, article dont les dispositions sont d'ordre public, répute non écrites les clauses abusives.

Est versé aux débats par M. X. un document manuscrit, par lequel M. Y. déclare avoir acheté un véhicule Renault Scenic immatriculé XXX avec problème électrique au niveau du frein à main, des vitres arrières et de la radio et « s'engage à prendre le véhicule au Garage Auto Service sans garantie et dans l'état où il se trouve. » Ce texte, non daté, est signé de M. Y. et de M. X.

Cet écrit doit être analysé comme une clause de non garantie prohibée par la loi et réputée non écrite. Il ne peut, en aucun cas, constituer une renonciation valide de M. Y. à exercer toute action judiciaire contre son vendeur professionnel. Le jugement est confirmé sur ce point.

 

Sur la garantie des vices cachés :

Le tribunal a prononcé la résolution du contrat de vente du véhicule pour défaut de conformité et M. Y. sollicite la confirmation de la décision intervenue sur ce fondement. Par suite, aucune demande n'est formulée au titre de la garantie des vices cachés. Les critiques formulées par M. X. relatives à l'absence de preuve d'un vice caché sont donc dépourvues d'objet.

 

Sur la garantie de non-conformité :

L'article L. 217-4 du code de la consommation dispose : « Le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. »

L'article L. 217-5 précise que le bien est conforme au contrat « s'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable ».

L'article L. 217-7 ajoute : « Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Pour les biens vendus d'occasion, ce délai est fixé à six mois. Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué. »

Aux termes de l'article L. 217-10, si la réparation ou le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix. La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur.

M. Y. justifie avoir adressé le 17 octobre 2017 au Garage Auto Service 08 de M. X. une lettre recommandée avec avis de réception (retournée à l'expéditeur au motif « destinataire inconnu à l'adresse », alors que l'adresse du garage est exacte), par laquelle il expliquait que, revenant le 16 octobre 2017 sur l'[...], à bord du véhicule acquis le 8 octobre 2017, il a entendu un bruit de claquement intense au niveau du moteur et s'est arrêté, que le moteur vibrait fortement, qu'après ouverture du capot il y avait de l'huile partout, même sur le pare-brise arrière et la porte du coffre et qu'il a été remorqué jusqu'à son parking. M. Y. demandait au vendeur, par application des articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation, notamment L. 217-7, de prendre en charge les réparations nécessaires à la remise en état du véhicule dans les sept jours de la réception du courrier, sous peine de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires.

L'examen technique organisé par l'assureur protection juridique de M. Y. a permis de constater le 31 janvier 2018, M. X. ayant été convoqué mais ne s'étant pas présenté, que, 8 jours et 1 141 km après son acquisition, l'utilisation du véhicule est impossible parce que le moteur est hors d'usage. « L'origine de la casse est imputable soit à un défaut interne du moteur, ou à un défaut de lubrification. Un démontage complémentaire est nécessaire pour connaître l'origine exacte. » La remise en état du véhicule consiste en un remplacement du moteur, pour un montant de 7.370,60 euros.

La cour adopte la motivation pertinente du premier juge qui a exactement analysé que :

- le dysfonctionnement du moteur, apparu huit jours après la vente, est présumé exister lors de la vente du bien (article L. 217-7),

- M. X. n'apporte aucun élément de nature à combattre cette présomption,

- compte tenu de l'importance des réparations à envisager et de leur coût, eu égard au prix d'achat du véhicule (1.500 euros), il y a lieu de prononcer la résolution de la vente pour défaut de conformité (article L. 217-10).

Le juge ne s'est pas fondé exclusivement sur le rapport technique amiable de l'assureur pour apprécier les désordres allégués. Il s'est appuyé sur le délai très court entre la vente et la survenance de la panne, sur les circonstances non contestées de l'avarie moteur et sur la présomption légale de l'article L. 217-7 du code de la consommation, présomption que le vendeur ne tente aucunement de renverser, puisqu'il ne verse aucun élément technique aux débats.

Le jugement est dès lors confirmé en ce qu'il prononce la résolution du contrat de vente pour défaut de conformité et condamne M. X. à restituer le prix de vente et M. Y. à restituer le véhicule.

 

Sur la demande de M. Y. en dommages et intérêts :

Selon l'article L. 217-11 du code de la consommation, l'application des dispositions de l'article L. 217-10 a lieu sans aucun frais pour l'acheteur et ne fait pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts.

M. Y. demande à être indemnisé du coût de la carte grise (118,76 euros), des frais d'assurance du véhicule du 9 octobre 2017 au 31 décembre 2019 (1.242,70 euros), outre la cotisation d'assurance due pour 2020, et des déplacements effectués de Charleville-Mézières jusqu'à l'hôpital de Sedan du 2 novembre 2017 au 1er mai 2018 à concurrence de 5 euros par aller-retour quatre fois par semaine (ce qui correspond à une somme de 520 euros). Il produit les justificatifs des frais de carte grise et d'assurance et une attestation de la personne qui l'a transporté de Charleville-Mézières à Sedan, ainsi que l'avis de validation de son stage d'interne en médecine au Centre Hospitalier de Sedan de novembre 2017 à mai 2018.

M. Y., étudiant de la faculté de médecine de Reims, alors en première année d'internat, précise qu'il avait acheté le véhicule litigieux afin de se déplacer jusqu'à l'hôpital de Sedan. Il aurait donc nécessairement assumé des frais de déplacement pour se rendre sur son lieu de stage

Le rapport d'expertise de l'assureur de M. Y. mentionne que, dès octobre 2017, M. X. a proposé à M. Y. de monter sur le véhicule un moteur d'occasion, et ce, gracieusement, puis que quelques jours plus tard le garagiste a proposé la reprise et le remboursement du véhicule, propositions refusées par M. Y., désireux d'être indemnisé des frais d'immatriculation.

Par ailleurs, l'appel diligenté par M. X. induit une augmentation du coût de l'assurance automobile assumée par M. Y. pour le véhicule Renault Scenic, le jugement n'étant pas assorti de l'exécution provisoire.

En considération des éléments décrits, il y a lieu de fixer à la somme de 1.600 euros le préjudice souffert par M. Y. et de réformer de ce chef la décision combattue.

 

Sur les autres demandes :

M. Y. est reconnu fondé en son action devant le tribunal d'instance. Dès lors, M. X. a été condamné à juste titre à supporter les dépens de première instance et à lui payer une indemnité de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X. succombe en son recours et doit supporter les dépens de l'instance d'appel. Eu égard à sa situation économique difficile, il est condamné à payer à M. Y. une indemnité de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

Confirme le jugement du 1er avril 2019 en toutes ses dispositions à l'exception du montant de la somme allouée à M. Y. à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne M. X. à payer à M. Y. la somme de 1.600 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne M. X. à payer à M. Y. la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. X. aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux textes en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT