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CA CHAMBÉRY (2e ch.), 25 juin 2020

Nature : Décision
Titre : CA CHAMBÉRY (2e ch.), 25 juin 2020
Pays : France
Juridiction : Chambery (CA), 2e ch.
Demande : 19/00060
Date : 25/06/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/01/2019
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8471

CA CHAMBÉRY (2e ch.), 25 juin 2020 : RG n° 19/00060 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les époux X. et Y. soutiennent à juste titre que le recours à l'année bancaire au lieu de l'année civile constitue une clause abusive, la commission des clauses abusives ayant, dans le cadre d'une recommandation n° 05-02 du 20 septembre 2005, prohibé le recours à l'année de 360 jours.

Mais il est constant, contrairement à ce qu'affirment péremptoirement les époux X. et Y., que l'emprunteur, consommateur ou non professionnel, doit, pour obtenir l'annulation ou la déchéance du taux conventionnel d'un prêt en raison de son calcul sur la base d'une année de 360 jours, apporter une double preuve : d'une part, démontrer que le taux conventionnel a effectivement été calculé sur la base d'une année de 360 jours et d'autre part, établir que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 et son annexe relative au calcul des intérêts conventionnels des prêts immobiliers.

Les dispositions du code de la consommation sont d'ordre public. Il a été vu et il n'est pas contesté que les époux X. et Y. sont des consommateurs empruntant pour construire une maison ayant vocation à constituer leur domicile conjugal. Il est tout aussi établi que les taux conventionnels des trois prêts sont calculés sur la base d'une année de 360 jours ; deux des trois actes de prêt produits le stipulent expressément, l'analyse de chacun des trois prêts le met en exergue et la banque le reconnaît et en défend la licéité.

En revanche, rien, pas même les trois rapports d'analyse financière de chacun des trois prêts, met en évidence le surcoût subséquent aux calculs des intérêts sur la base d'une année de 360 jours en lieu et place de l'année civile. Les époux X. et Y. seront donc déboutés de leurs demandes relatives au calcul des intérêts contractuels sur la base d'une année bancaire de 360 jours. »

 

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY  

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 25 JUIN 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/00060. N° Portalis DBVY-V-B7D-GEG4. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 5 décembre 2018 : R.G. 16/01303.

 

Appelants :

M. X.

né le [date] à [ville],

et

Mme Y. épouse X.

née le [date] à [ville],

demeurant ensemble [adresse], Représentés par la SCP B.A.B., avocat postulant au barreau de CHAMBERY et par Maître Virginie A., avocat plaidant au barreau de PARIS

 

Intimée :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE

dont le siège social est sis [...] prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Hélène R., avocat au barreau d'ANNECY

 

COMPOSITION DE LA COUR : Suivant l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, l'affaire a été retenue sans audience avec l'accord des représentants des parties, et l'affaire a été délibéré avec : - Monsieur Franck MADINIER, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente - Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, - Monsieur Philippe GREINER, Conseiller hors hiérarchie.

Vu l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 ;

L'affaire a fait l'objet d'une procédure sans audience. Les avocats des parties ont été avisés par message électronique le 14 avril 2020.

Les Conseils des parties ne se sont pas opposés, les dossiers des parties ont été déposés et l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2020.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie a consenti à M. X. et à Mme Y. épouse X., pour l'achat d'un terrain et la construction de leur maison, trois prêts en devises (francs suisses) :

- selon offre du 25 juin 2008, pour un montant de 190.000 euros ou 307.665,07 CHF au taux de conversion au jour de l'offre,

- selon offre du 27 mars 2009, pour un montant de 286.177 euros ou 437.850,86 CHF,

- selon offre du 16 avril 2010, pour un montant de 265.000 euros ou 380.089,51 CHF.

Par exploit d'huissier en date du 8 août 2016, les époux X. et Y. ont assigné le Crédit agricole devant le tribunal de grande instance en nullité des stipulations d'intérêts des trois prêts et remboursement des intérêts perçus.

Par jugement du 5 décembre 2018, le tribunal de grande instance d'Annecy a :

- déclaré prescrites et irrecevables les demandes des époux X.,

- condamné les époux X. à payer au Crédit agricole des Savoie la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal a déclaré l'action prescrite aux motifs que le point de départ du délai de prescription d'une action ne peut être la date à laquelle ses titulaires se décident à l'introduire mais doit reposer sur un élément objectif, indépendant de la volonté des parties, de sorte que la date à laquelle les époux X. ont décidé de faire analyser leurs prêts, qui n'a dépendu que de leur bon vouloir, ne peut être retenue. La juridiction a estimé que les mentions contenues dans les offres de prêt permettaient de connaître les erreurs prétendues, de solliciter cette analyse et d'assigner la banque avant l'expiration du délai de prescription quinquennale.

[*]

Les époux X. ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe de la cour du 14 janvier 2019.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 27 janvier 2020, ils demandent à la cour de :

- les juger recevables en leurs demandes,

à titre principal,

- juger nulles les clauses d'intérêts insérées dans les trois contrats de prêt,

- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat de prêt au taux conventionnel, et ce pour toute la durée du contrat de prêt et rétroactivement à compter de sa date de prise d'effet,

à titre subsidiaire,

- ordonner la déchéance du Crédit agricole des Savoie de son droit aux intérêts dans les mêmes proportions qu'après substitution du taux légal au taux conventionnel,

en tout état de cause,

- juger abusives les clauses contenues dans les contrats de prêt des 25 juin 2008 et 27 mars 2009,

- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat de prêt au taux conventionnel, et ce pour toute la durée du contrat de prêt et rétroactivement à compter de sa date de prise d'effet,

- condamner la banque, sous astreinte de 200 euros par jour et par document de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir :

* à produire un avenant aux trois contrats de prêt en cours accompagnés d'un tableau d'amortissement à jour avec application du taux d'intérêt légal précité,

* à établir un différentiel chiffré pour chacun des contrats de prêt litigieux, entre les intérêts effectivement versés par les époux X. jusqu'alors et le montant des intérêts qui aurait dû être versé en application du taux légal,

- condamner la banque à leur payer le montant des intérêts trop payés au cours de l'exécution du contrat,

- condamner la banque à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de leurs prétentions, les époux X. font valoir qu'ils ont fait analyser leurs trois prêts le 16 février 2016 par un cabinet spécialisé ayant relevé une disproportion entre le TEG et le taux de période et le recours au calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours.

Ils indiquent qu'au sens de l'article 1304 du code civil ou de l'article L. 110-4 du code de la consommation, le point de départ du délai de prescription de l'action est la date de révélation de l'erreur lorsque les demandeurs sont des consommateurs ou des non professionnels.

Ils invoquent la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle pour que la prescription commence à courir, le demandeur doit avoir été en mesure de déceler lui-même à la lecture de l'acte l'erreur affectant le calcul des intérêts sur une autre base que l'année civile.

Ils ajoutent que le troisième prêt du 16 avril 2010 ne contient pas de clause 'lombarde' alors même qu'il recourt tout de même à l'année bancaire de 360 jours comme base de calcul des intérêts.

Pour les deux autres contrats de prêt, ils estiment qu'en tant que profanes en matière financière, ils n'ont pu être mesure de déceler la disproportion existant entre le TEG et le taux de période à la seule lecture des offres, malgré la stipulation d'une clause lombarde.

Le délai de prescription de leur action ne saurait donc courir qu'à compter de la date de reddition du rapport d'analyse daté du 16 avril 2016 ou à minima à compter de la jurisprudence de principe de la Cour de cassation en date du 19 juin 2013.

Les appelants estiment être ainsi recevables en leurs demandes de nullité des clauses d'intérêts et précisent que leur demande tendant à faire juger abusive la clause lombarde inscrite dans les deux des contrats de prêt de 2008 et 2009 est imprescriptible.

Ils exposent en outre que les rapports d'expertises produits constituent indéniablement un commencement de preuve par écrit que la banque demeure libre de contredire.

Les époux X. sollicitent le prononcé de la nullité des clauses lombardes et la substitution de l'intérêt légal en application de la jurisprudence, sans qu'ils aient à démontrer l'erreur de calcul ou l'existence d'un préjudice.

En tout état de cause, les appelants soutiennent que la clause lombarde constitue une clause abusive privant l'emprunteur de la capacité de calculer le surcoût clandestin qu'induit, cette référence à l'année lombarde créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Il existerait, en outre, une disproportion entre le TEG et le taux de période dans chacun des trois prêts, manquement devant être sanctionné par la nullité de la clause de stipulation de l'intérêt conventionnel. Aucun texte n'imposerait de rapporter la preuve que l'erreur du TEG doive au moins affecter la décimale.

[*]

En réplique, par conclusions adressées par voie électronique le 25 mars 2020, le Crédit agricole des Savoie demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré prescrites les actions des époux X.,

à titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas la prescription,

- rejeter l'intégralité des demandes des appelants à l'égard du calcul des intérêts conventionnels, du calcul du TEG, et du prétendu caractère abusif de la clause d'intérêt conventionnel,

à titre très subsidiaire, si la cour retenait une erreur de calcul des intérêts conventionnels et du TEG,

- constater que les époux X. ne justifient d'aucun préjudice,

en tout état de cause,

- condamner les époux X. à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et celle de 4.000 euros en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître R.

Dans ses écritures, le Crédit agricole des Savoie expose que conformément aux articles L. 110-4 I du code de commerce et 1304 du code civil, les époux X. auraient dû introduire leur action dans un délai de cinq ans à compter de la signature des prêts. La banque estime que les contrats comportent toutes les informations nécessaires à la vérification du TEG et des modalités de calcul des intérêts conventionnels.

Les emprunteurs auraient dû entamer leur démarche volontaire dans les délais légaux, ce qui justifie que le point de départ de la prescription soit fixé à la date de la convention et non à celle à laquelle ils ont unilatéralement décidé de faire analyser leurs prêts.

La banque indique que la position de la Cour de cassation concernant l'imprescriptibilité de l'action en réputé non écrit est largement contestable de sorte qu'il convient d'appliquer le délai de prescription de cinq ans.

Elle souligne que les analyses financières versées aux débats par les époux X. et sur lesquels ils fondent leurs demandes ne sont pas contradictoires.

Sur le fond, le Crédit agricole indique qu'aucun texte n'encadre les modalités de calcul des intérêts conventionnels et que la règle de recours à l'année civile applicable pour le TAEG/TEG n'est pas d'ordre public.

La banque estime que la jurisprudence de la Cour de cassation du 19 juin 2013 fait fi de la volonté des parties pourtant clairement exprimée dans le contrat de prêt et que la portée générale de cette interdiction prétorienne de recourir à l'année lombarde doit être remise en cause. La banque invoque plusieurs décisions de juridictions s'écartant de la rigueur de l'interdiction posée par la Cour de cassation.

Du reste, elle indique que les trois offres de prêt sont conformes à la jurisprudence de l'époque, de sorte qu'elle n'avait aucune raison de douter de la licéité du calcul des intérêts par référence à une année lombarde.

L'application rétroactive du revirement de jurisprudence ayant rendu soi-disant illicite l'utilisation de l'année lombarde ne saurait être admise, sauf à consacrer un droit fondamental des emprunteurs à bénéficier d'un prêt quasi-gratuit.

La seule mention de la clause lombarde dans le contrat, sans incidence financière démontrée, ne saurait avoir comme sanction automatique la substitution du taux d'intérêt conventionnel par le taux légal.

Aucun manquement du Crédit agricole des Savoie ne saurait être retenu, le calcul des intérêts conventionnels tel que prévu aux contrats de prêt litigieux étant régulier.

La clause lombarde ne saurait être déclarée abusive, celle-ci n'ayant conféré au prêteur aucun avantage excessif ni créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

La banque soutient enfin que le principe de proportionnalité du TEG au taux de période a été respecté, étant précisé que les écarts dont tentent de se prévaloir les appelants sont infimes. Elle ajoute que le recours à l'année lombarde est sans impact sur le montant des intérêts intégré au calcul de chacun des TEG.

[*]

En tout état de cause, seule une éventuelle déchéance du droit aux intérêts proportionnée au réel préjudice subi par les appelants pourrait être envisagée. Or, les époux X. démontrent l'absence de préjudice du fait de la parfaite égalité existant entre les deux méthodes de calcul des intérêts.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur la prescription de l'action :

Que ce soit en application de l'article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008 immédiatement applicable aux prescriptions en cours et constituant le droit commun, qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, où de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en vigueur à la date de souscription des contrats litigieux, qui dispose que l'action en nullité ou en rescision d'une convention dure cinq ans dans tous les cas où cette action n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière ou même de l'article L 110-4 I du code de commerce applicable aux actions en déchéance et restitutions d'intérêts, l'action des époux X. et Y. à l'encontre du Crédit agricole est soumise à une prescription quinquennale.

Il apparaît en l'espèce que les crédits souscrits en 2008 et 2009 stipulent expressément à la rubrique « Taux du prêt » des « Conditions financières et particulières du prêt » que « les intérêts sont calculés sur le montant restant dû en capital du prêt en devises et sur la base d'une année égale à 360 jours conformément aux usages commerciaux », or M. X. Ingénieur en Télécom et Mme Y. épouse X. gérante, ne sont pas des professionnels du crédit ni de la finance, les prêts litigieux ayant pour finalité de financer leur acquisition du terrain sur lequel ils ont fait construire leur résidence principale, de sorte que n'ayant pas non plus de compétence particulière en mathématiques financières, lesdites clauses même visibles n'étaient pas de nature à leur permettre d'appréhender l'illicéité et le surcoût dont le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours pouvait être la source.

Les intérêts du crédit conclu en 2010 sont également calculés sur la base d'une année de 360 jours sans pour autant que cela soit stipulé par les clauses contractuelles, de sorte que les époux X. et Y. n'étaient pas à même, à la seule lecture du contrat, d'appréhender sur quelle base étaient calculés les intérêts.

Ainsi quelles que soient les prétentions des époux X. et Y. et le régime de prescription qui leur est applicable, il ne peut être retenu que le point de départ de leur délai pour agir est la date de signature de chacun des contrats de prêt.

Les emprunteurs ont fait réaliser une analyse financière de chacun des trois prêts souscrits auprès du Crédit agricole par la société européenne d'expertise et d'analyse, spécialisée dans les calculs actuariels, financiers et économiques qui leur a révélé l'erreur affectant le taux effectif global, et il ne peut être soutenu, comme l'a fait le tribunal, que le recours à cette analyse ne peut être le point de départ du délai de prescription dans la mesure où ce qui constitue le jour où les époux X. et Y. ont connu les faits leur permettant d'exercer leur action n'est pas le recours à l'analyse financière, mais le résultat de la dite analyse qui lui ne dépend pas de leur bon vouloir.

Les époux X. et Y. produisent pour les trois prêts souscrits les rapports des analyses auxquelles ils ont fait procéder datées du 16 février 2016, de sortes que leur action introduite par exploits d'huissier délivrés le 8 juin 2016 est recevable.

 

Sur les erreurs affectant les stipulations d'intérêt des trois prêts :

Les rapports d'analyse produits par les époux X. et Y. n'ont certes pas été réalisé de manière contradictoire, mais ils ont été versés aux débats permettant ainsi à la banque, professionnelle du crédit, d'en débattre, de les critiquer et de leurs opposer les propres calculs de ses services financiers de sortes qu'ils constituent des moyens de preuves tout à fait recevables dont il appartient à la cour d'apprécier la valeur probante.

 

Sur le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours :

En application des dispositions des articles 1907 du code civil et L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 (devenu l'article R 314-3) du code de la consommation, ces trois derniers textes étant pris dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le taux d'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte consenti à un consommateur ou à un non professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile.

Les époux X. et Y. soutiennent à juste titre que le recours à l'année bancaire au lieu de l'année civile constitue une clause abusive, la commission des clauses abusives ayant, dans le cadre d'une recommandation n° 05-02 du 20 septembre 2005, prohibé le recours à l'année de 360 jours.

Mais il est constant, contrairement à ce qu'affirment péremptoirement les époux X. et Y., que l'emprunteur, consommateur ou non professionnel, doit, pour obtenir l'annulation ou la déchéance du taux conventionnel d'un prêt en raison de son calcul sur la base d'une année de 360 jours, apporter une double preuve : d'une part, démontrer que le taux conventionnel a effectivement été calculé sur la base d'une année de 360 jours et d'autre part, établir que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 et son annexe relative au calcul des intérêts conventionnels des prêts immobiliers.

Les dispositions du code de la consommation sont d'ordre public.

Il a été vu et il n'est pas contesté que les époux X. et Y. sont des consommateurs empruntant pour construire une maison ayant vocation à constituer leur domicile conjugal.

Il est tout aussi établi que les taux conventionnels des trois prêts sont calculés sur la base d'une année de 360 jours ; deux des trois actes de prêt produits le stipulent expressément, l'analyse de chacun des trois prêts le met en exergue et la banque le reconnaît et en défend la licéité.

En revanche, rien, pas même les trois rapports d'analyse financière de chacun des trois prêts, met en évidence le surcoût subséquent aux calculs des intérêts sur la base d'une année de 360 jours en lieu et place de l'année civile.

Les époux X. et Y. seront donc déboutés de leurs demandes relatives au calcul des intérêts contractuels sur la base d'une année bancaire de 360 jours.

 

Sur la disproportion entre le TEG et le taux de période :

Les époux X. et Y. invoquent également, sur le fondement des analyses financières qu'ils ont fait réaliser pour chacun des trois prêts, une disproportion entre le taux effectif global et le taux de période.

S'agissant du rapport entre le taux de période et le taux effectif global, le 5ème alinéa de l'article R. 313-1 résultant de la loi 2002-927 du 10 juin 2002, applicable en l'espèce, dispose que :

« Pour les opérations mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2 [les prêts litigieux sont visés par ce dernier texte] lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre que annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale. »

Or il ressort de l'analyse financière de la société européenne d'expertise et d'analyse, dont se prévalent les époux X. et Y., que :

1 - s'agissant de l'offre du 25 juin 2008, l'analyse financière démontre que :

- le taux de période est de 1,1063 %,

- le taux effectif global est de 4,4252 %

- le coût total du crédit est de 123 438,71 euros,

alors que le prêteur affiche :

- un taux de période est de 1,1063 %,

- un taux effectif global est de 4,4251 %

- un coût total du crédit est de 123 438,71 euros,

2 - s'agissant de l'offre du 27 mars 2009, l'analyse financière démontre que :

- le taux de période est de 0,7209 %,

- le taux effectif global est de 2,8836 %

- le coût total du crédit est de 118 347,05 euros,

alors que le prêteur affiche :

- un taux de période est de 0,7209 %,

- un taux effectif global est de 2,8837 %

- un coût total du crédit est de 118 347,05 euros,

3 - s'agissant de l'offre du 16 avril 2010, l'analyse financière démontre que :

- le taux de période est de 0,8944 %,

- le taux effectif global est de 3,5776 %

- le coût total du crédit est de 142 557,77 euros,

alors que le prêteur affiche :

- un taux de période est de 0,8944 %,

- un taux effectif global est de 3,5774 %

- un coût total du crédit est de 142 557,77 euros.

Les exigences légales sont donc parfaitement respectées ; la discordance mise en exergue par les analyses financières entre le taux de période et le taux effectif global, ressortant de chacun des contrats de prêt, n'apparaît qu'au quatrième chiffre après la virgule et n'a, au demeurant, strictement aucune incidence sur le coût total du crédit.

Là encore la disproportion alléguée n'appelle pas la moindre sanction.

 

Sur les demandes annexes :

Les époux X. et Y. seront condamnés à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de celle d'appel.

Ils supporteront les dépens exposés en première instance et en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare les prétentions de M. X. et de Mme Y. épouse X. recevables,

Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de l'intégralité de leurs demandes.

Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de celle d'appel.

Les condamne à supporter les dépens exposés tant en première instance qu'en appel et autorise maître Hélène R., avocate, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Ainsi prononcé publiquement le 25 juin 2020 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Monsieur Franck MADINIER, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.