CA RENNES (2e ch.), 10 juillet 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8514
CA RENNES (2e ch.), 10 juillet 2020 : RG n° 16/09622 ; arrêt n° 391
Publication : Jurica
Extrait : « En conséquence, contrairement à l'appréciation du tribunal, l'absence de la signature de M. X. sur la notice d'information importe peu dans la mesure où la preuve de sa remise est rapportée tant par la mention figurant sur la lettre de mission signée par l'intimé que par sa signature figurant sous la mention « notice remise », étant observé en outre que cette notice est agrafée à la lettre de mission sur l'exemplaire produit par la société Aelis Patrimoine.
Par ailleurs, il n'est absolument pas contesté par M. X. que la notice d'information ne comporte pas plusieurs pages mais une seule ni que la clause litigieuse figure au verso de cette page, en italique, dans un corps de caractère identique au reste des autres mentions de sorte et qu'elle est donc bien visible. Elle est de surcroît, parfaitement compréhensible. Cette clause ne saurait non plus être considérée comme abusive au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, dans la mesure où d'une part, il ne s'agit pas d'une clause de médiation obligatoire et d'autre part, elle ne confère nullement un pouvoir discrétionnaire à la société de conseil pas plus qu'elle n'empêche le recours à l'action en justice.
Enfin, cette clause est suffisamment précise sur les modalités de procédure obligatoire convenue puisqu'elle prévoit dans un premier temps, une tentative d'arrangement amiable entre les parties avant d'informer la Commission Arbitrage et Discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine dont l'adresse est précisée dans un second temps. La clause litigieuse est bien assortie des conditions particulières de sa mise en œuvre. Elle peut donc être qualifiée de clause de conciliation préalable obligatoire de sorte que sa violation est sanctionnée par une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile.
En l'occurrence, le courrier adressé par le conseil de M. X. à la société Aelis Pagtrimoine ne peut être considéré comme une recherche d'arrangement amiable, dont l'intéressé semblait de toute façon, selon ses propres écritures, peu convaincu. Il n'est pas allégué ni démontré en outre, que la Commission Arbitrage et Discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine ait été informée de la situation par M. X. En conséquence, la clause préalable de conciliation s'imposant aux parties comme au juge, l'action de M. X. à l'encontre de la société Aelis Patrimoine est irrecevable et ses demandes doivent être rejetées comme telles. Le jugement déféré sera donc infirmé. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 10 JUILLET 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/09622. Arrêt n° 391. N° Portalis DBVL-V-B7A-NR66.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller, Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère, rédacteur
GREFFIER : Madame Marlène ANGER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 18 février 2020
ARRÊT : Rendu par défaut, prononcé publiquement le 10 juillet 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré
APPELANTE :
SARL AELIS PATRIMOINE
[...], [...], Représentée par Maître Jean-David C. de la SCP JEAN-DAVID C., Postulant, avocat au barreau de RENNES, Assistée de Maître Dounia H., Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse], Représenté par Maître Gildas J. de la SELARL SIAM CONSEIL, avocat au barreau de BREST
Société NORTHWESTERN MONETARY INSTITUTE INC
dont le siège social est [...] exploitée sous le nom commercial LYNX INDUSTRIE LYNX FINANCE venant aux droits de le société DOM TOM DEFISCALISATION [...], [...], Assignée en appel provoqué par M. X., acte de transmission de la demande de notification dans un état étranger à l'union européenne adressé aux autorités compétentes le 3 mai 2017, n'ayant pas constitué avocat
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la SA COVEA RISKS
[...], [...], Représentée par Maître Sylvie P. de la SELARL AB LITIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Assistée de Maître Philippe G. de la SELAS V.A.J.F. et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
SA MMA IARD venant aux droits de la SA COVEA RISKS
[...], [...], Représentée par Maître Sylvie P. de la SELARL AB LITIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Assistée de Maître Philippe G. de la SELAS V.A.J.F. et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Fin 2007 et fin 2008, M. X. a souscrit par l'intermédiaire de la société Aelis Patrimoine anciennement dénommée AJS Partenaires, un produit de défiscalisation type « Girardin industrielle » proposé par la société Dom Tom Défiscalisation (ci-après la société DTD) dissoute puis radiée mais dont le patrimoine a été transmis à son associé unique la société Northwestern Monetary Institute Inc. Les souscriptions ont été matérialisées par des lettres de mission signées le 10 décembre 2007 et le 25 octobre 2008.
Les apports de fonds effectués par M. X. avaient pour but de permettre l'acquisition de matériel par la société DTD en sa qualité de gérant de diverses sociétés en participation dont M. X. devenait l'associé, auprès de la société Lynx Industrie pour créer des centrales solaires qui devaient être louées à la société Solar, créée par Lynx Industries. La société Solar devait en confier l'exploitation effective à une société sous-traitante l'Eurl Lynx Industries caraïbes, filiale de Lynx Industries. La réception du matériel devait être assurée par Lynx industries caraïbes également chargée du stockage avant son installation. Cette société devait aussi jouer l'intermédiaire avec EDF pour le raccordement du réseau.
Le 20 janvier 2008 et le 12 mai 2009, M. X. a reçu confirmation de la société DTD des réductions d'impôts octroyés en contrepartie de ses investissements.
Mais l'administration fiscale, constatant l'absence de réalisation des investissements au 31 décembre de chaque année, après interrogation des douanes et d'EDF, a remis en cause le bénéfice des réductions d'impôts accordées au motif que le matériel n'avait pas été livré. Il s'est avéré en outre, que la société Lynx Industries caraïbes n'avait été immatriculée que le 30 janvier 2008 et que les demandes de raccordement au réseau distribution n'avaient pas été formées avant 2010.
M. X. a contesté la remise en cause des réductions d'impôts devant le tribunal administratif de Rennes qui, par décision du 19 novembre 2014, l'a débouté de ses requêtes au motif que les réductions d'impôts litigieuses s'appuyaient sur des investissements matériellement inexistants en 2007 et qui ne pouvaient en tout état de cause faire l'objet d'une exploitation effective avant 2010.
Par acte d'huissier en date du 19 janvier 2015, M. X. a assigné devant le tribunal de grande instance de Quimper la société Aelis Patrimoine, ses assureurs, les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, ainsi que la société Northwestern Monetary Institute venant aux droits de la société DTD, et enfin AXA France Iard, assureur de la société Lynx Industrie.
Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Quimper a :
- mis hors de cause la compagnie d'assurance AXA IARD,
- déclaré la SARL Aelis Patrimoine et la société Nothwestern Monetary Institute Inc, responsables du préjudice subi par M. X. à hauteur de 89.011 euros,
- les a condamnées en conséquence in solidum avec les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, ces dernières à hauteur seulement de 74 011 euros en principal, à payer cette somme,
- condamné les compagnies d'assurances précitées à garantir la SARL Aelis Patrimoine à hauteur de cette dernière somme,
- condamné in solidum la Sarl Aelis Patrimoine et la société Northwestern ainsi que les compagnies d'assurances précitées à payer à M. X. la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que dans leurs rapports entre elles, les compagnies d'assurances MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles garantiront intégralement la Sarl Aelis Patrimoine des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration du 20 décembre 2016, la société Aelis Patrimoine a relevé appel de cette décision.
Par déclaration en date du 23 décembre 2016, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ont également interjeté appel.
Le 3 mai 2017, M. X. a assigné la société Northwestern Monetary Institue Inc en appel provoqué.
Par ordonnance en date du 5 mai 2017, les deux procédures d'appel ont été jointes sous le numéro 16/9622.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 15 janvier 2020, la société Aelis Patrimoine demande à la cour de :
- la déclarer recevable en son appel,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Northwestern Monetary Institue Inc responsable du préjudice allégué par M. X. à hauteur de 89.011 euros,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le préjudice allégué par M. X. devait s'analyser en la perte de chance,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Northwestern Monetary Institue Inc à lui payer la somme de 74 011 euros à ce titre et la somme de 7.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'Aelis Patrimoine consistant à ce que l'action de M. X. soit déclarée irrecevable,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Aelis Patrimoine responsable du préjudice allégué par M. X.,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Aelis Patrimoine in solidum avec Northwestern Monetary Institute Inc et MMA IARD et MMA Assurances mutuelles à payer à M. X. la somme de 74 011 euros et condamné in solidum Aelis Patrimoine et Northwestern Monetary Institute Inc à la somme de 7000 euros au titre du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
à titre principal,
- dire et juger qu'en signant le 10 décembre 2007, la notice d'information qui lui a été remise par Aelis Patrimoine, M. X. s'est contractuellement engagé à respecter, en cas de litige, préalablement à la saisie de la présente juridiction, la procédure de conciliation amiable obligatoire, prévue par ladite notice d'information,
- constater que M. X. n'a ni recherché un arrangement amiable, ni saisi la commission arbitrage et discipline de la chambre des indépendants du Patrimoine, nouvellement dénommée CNCGP, préalablement à l'introduction de la présente instance,
En conséquence,
- déclarer l'action de M. X. à l'encontre de Aelis Patrimoine irrecevable et donc la rejeter,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que Aelis Patrimoine n'a commis aucune faute à l'égard de M. X.,
- dire et juger qu'Aelis Patrimoine a parfaitement respecté son obligation d'information, de conseil et de prudence envers M. X. et n'a commis aucune faute à son encontre,
Par conséquent,
- débouter M. X. de toutes ses demandes formulées à l'encontre d'Aelis Patrimoine,
- dire et juger que le préjudice allégué par M. X. ne pourrait constituer en tout état de cause qu'une perte de chance en l'espèce égale à zéro,
à titre infiniment subsidiaire,
si par extraordinaire, la cour devait juger que la société Aelis Patrimoine a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de M. X. :
- condamner les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD à garantir la société Aelis Patrimoine de toutes condamnations éventuelles qui pourraient être mises à sa charge en application de son contrat RCP avec application de la franchise contractuelle prévue par les parties de 15 000 euros dans le cadre d'un sinistre sériel,
Par conséquent, si le jugement entrepris devait être confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés MMA à garantir Aelis Patrimoine :
- dire et juger qu'Aelis Patrimoine ne sera pas tenue de s'acquitter de la franchise de 15 000 euros dans l'hypothèse où cette franchise aurait d'ores et déjà été mise à sa charge dans le cadre d'un sinistre sériel DTD,
en tout état de cause,
- condamner M. X. ou toute succombante à payer à Aelis Patrimoine la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner ou toute succombante aux entiers dépens d'instance.
[*]
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2019, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles (venant aux droits de Covea Risks) demandent à la cour de :
constatant que la société Aelis Patrimoine n'a commis aucune faute,
constatant l'absence de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice invoqué,
constatant que le préjudice allégué par M. X. n'est pas établi,
- infirmer le jugement rendu le 22 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Quimper en toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau,
- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. X. à payer aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles la somme globale de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. X. aux entiers dépens.
Subsidiairement,
constatant que le préjudice allégué ne pourrait constituer qu'en une perte de chance de n'avoir pas souscrit à l'opération litigieuse et d'avoir ainsi pu éviter le paiement des majorations fiscales représentant la somme totale de 8.491 euros,
- constater que la somme correspond à la franchise, soit 15.000 euros, à la charge de la société Aelis Patrimoine est opposable à M. X.,
- infirmer le jugement rendu le 22 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Quimper en ce qu'il a condamné in solidum la société Aelis Patrimoine et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles à hauteur d'un montant de 74 011 euros.
[*]
Dans ses dernières conclusions signifiées le 14 janvier 2020, M. X. demande à la cour de :
- joindre les instances 16/9622 et 16/9714 avec l'appel provoqué de la société Northwestern Monetary Institue INC,
- condamner les sociétés Aelis Patrimoine et Northwestern Monetary Institute Inc avec garanties Covea Risks s'agissant de Aelis à payer à M. X. :
* la somme de 94.011 euros à titre de dommages-intérêts, sauf mémoire pénalités fiscales et frais de garantie bancaire,
* la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- décerner acte à M. X. de ses réserves au sujet des préjudices qu'il pourrait subir du fait de sa qualité d'associé des sociétés en participation s'il venait à être recherché à ce titre,
- condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens.
[*]
Assignée en appel provoqué, la société Nothwestern Monetary Institute Inc n'a pas constitué avocat ni fait valoir de conclusions.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 janvier 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre de la clause de conciliation :
La société Aelis Patrimoine conclut à l'irrecevabilité de M. X., sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile, au motif que celui-ci n'a pas mis en œuvre, avant toute assignation devant une juridiction, la procédure de conciliation prévue par la notice d'information qui lui a été remise lorsqu'il a signé la lettre de mission le 10 décembre 2007.
Il figure en effet au verso de la notice d'information la clause suivante mentionnée en italique : « en cas de litige, les parties contractantes s'engagent à rechercher en premier lieu un arrangement amiable, puis en second lieu d'informer la Commission Arbitrage et Discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine ([...]). En cas d'échec, le litige pourrait être porté devant les tribunaux compétents ».
Le tribunal de grande instance de Quimper a considéré que l'action de M. X. était recevable parce que la signature de M. X. ne figurait pas sur la partie comportant la mention en italique du préalable de conciliation et que rien n'indiquait que la notice d'information ne comportait pas plusieurs pages, la page signée n'étant pas numérotée.
M. X. qui demande la confirmation du jugement sur ce point, fait valoir en appel que s'il reconnaît dans la lettre de mission avoir pris connaissance de la notice d'information, celle-ci ne peut être que de nature informative et n'est pas susceptible de consacrer un engagement. Il expose que n'ayant pas signé cette notice qui ne comporte que la signature du conseil en gestion de patrimoine, il peut être mis en doute le fait qu'elle ait été portée à sa connaissance. Il considère par ailleurs que cette clause contrevient à l'article L. 133-2 du code de la consommation dans sa version applicable à la cause, sa présentation étant contestable puisqu'elle figure au verso de la page intitulée 'notice d'information', tout en bas de la page en italique alors que la date et la signature apposées par le cabinet de conseil figurent au recto.
M. X. fait valoir également sur le fond, que la clause de conciliation est une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisqu'elle le contraint à recourir obligatoirement à une médiation avant toute saisine du juge. En outre, il a tenté d'échanger avec la société Aelis Patrimoine et celle-ci s'est abstenue de lui répondre. Ainsi, son conseil a tenté de se rapprocher de la société Aelis Patrimoine par courrier en date du 2 février 2012, en lui indiquant qu'il entendait mettre en jeu sa responsabilité professionnelle, tout en lui proposant de prendre contact directement ou par l'intermédiaire d'un conseil. Il n'a reçu pour toute réponse qu'un courrier en date du 5 mars 2012 de la compagnie Covea Risks, assureur de la société Aelis Patrimoine, lui indiquant avoir pris connaissance de la réclamation. M. X. affirme avoir tenté, en vain, de prendre contact avec la société Aelis Patrimoine par téléphone ou par mail. Il considère par ailleurs, au vu des courriers produits aux débats par la société Aelis Patrimoine elle-même, que celle-ci n'était pas en mesure, au regard de la complexité de l'affaire, de rechercher une solution amiable puisqu'elle semblait considérer avoir été victime d'une escroquerie de la part de la société DTD. Le litige paraissait d'autant plus consommé à M. X. que ses requêtes devant le tribunal administratif [avaient] été rejetées. Enfin, M. X. fait valoir que si la clause contestée prévoyait la recherche d'un arrangement amiable, aucune précision n'était apportée dans le contrat sur la forme que devait prendre cet arrangement de sorte que sa violation ne peut être sanctionnée par une fin de non-recevoir. Pour toutes ces raisons, l'intimé conclut à la recevabilité de son action.
La société Aelis soutient que M. X. a signé une lettre de mission le 10 décembre 2007 dans laquelle il indique avoir pris connaissance de la notice d'information remise le même jour. Elle considère que la clause est parfaitement visible puisque si elle figure au verso de la notice, elle fait l'objet d'un paragraphe distinct et est en italique. Elle réfute le fait que cette clause qui ne supprime ni n'entrave le droit de M. X. à exercer une action en justice soit une clause abusive, soulignant que la clause n'institue pas une médiation des litiges de la consommation mais une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge. La société Aelis Patrimoine fait valoir que le courrier en date du 2 février 2012 émanant du conseil de M. X., indiquant que son client mettrait en jeu sa responsabilité professionnelle, n'était pas une recherche de règlement amiable. Par ailleurs, elle souligne que M. X. ne démontre pas davantage avoir informé la Commission Arbitrage et Discipline de la Chambre, ce qui était obligatoire avant toute phase judiciaire. Enfin, elle considère que l'absence de mise en œuvre de cette clause constitue bien une fin de non-recevoir, quand bien même les modalités de sa mise en œuvre seraient peu précises.
[*]
Il résulte des pièces communiquées par les parties, que M. X. a signé le 10 décembre 2007 une lettre de mission précisant dès la première ligne « après avoir pris connaissance de la notice d'information qui vous a été remise lors de notre entretien du 10 décembre 2007, vous avez souhaité être conseillé sur la réalisation d'un investissement de 25.000 euros ».
M. X. ne conteste pas avoir signé cette lettre de mission par laquelle il reconnaît avoir pris connaissance de cette notice. Mais cette mention ne saurait, à elle seule, suffire à attester de la réalité de la remise de la notice à M. X. surtout que celui-ci met en doute le fait que cette notice ait été portée à sa connaissance au motif qu'elle ne revêt pas sa signature. Il sera noté toutefois que de manière contradictoire, M. X. questionne la valeur contractuelle de la notice estimant qu'elle n'a qu'une valeur informative ce qui laisserait sous-entendre qu'un exemplaire lui a bien été communiqué.
Or, la société Aelis Patrimoine comme M. X. produisent la notice d'information litigieuse qui n'est effectivement signée que par le Cabinet soit la société AJS Partenaires. Toutefois, l'exemplaire produit par l'appelante comporte sous la mention « notice remise le 10 décembre 2007 » une signature ressemblant à celle figurant sur la lettre de mission sous la dénomination « le client ». M. X. est taisant sur cette signature figurant sur l'exemplaire produit par l'appelante. Aucun élément ne permet de considérer que cette signature a été contrefaite alors qu'elle apparaît tracée avec le même stylo que les signatures de la lettre de mission (trait particulièrement fin). De surcroît, si l'exemplaire produit par l'intimé ne comporte effectivement pas sa signature, c'est qu'il s'agit de la copie de celle qu'il a signée et qui est restée en possession de la société Aelis Patrimoine.
En conséquence, contrairement à l'appréciation du tribunal, l'absence de la signature de M. X. sur la notice d'information importe peu dans la mesure où la preuve de sa remise est rapportée tant par la mention figurant sur la lettre de mission signée par l'intimé que par sa signature figurant sous la mention « notice remise », étant observé en outre que cette notice est agrafée à la lettre de mission sur l'exemplaire produit par la société Aelis Patrimoine.
Par ailleurs, il n'est absolument pas contesté par M. X. que la notice d'information ne comporte pas plusieurs pages mais une seule ni que la clause litigieuse figure au verso de cette page, en italique, dans un corps de caractère identique au reste des autres mentions de sorte et qu'elle est donc bien visible. Elle est de surcroît, parfaitement compréhensible. Cette clause ne saurait non plus être considérée comme abusive au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, dans la mesure où d'une part, il ne s'agit pas d'une clause de médiation obligatoire et d'autre part, elle ne confère nullement un pouvoir discrétionnaire à la société de conseil pas plus qu'elle n'empêche le recours à l'action en justice.
Enfin, cette clause est suffisamment précise sur les modalités de procédure obligatoire convenue puisqu'elle prévoit dans un premier temps, une tentative d'arrangement amiable entre les parties avant d'informer la Commission Arbitrage et Discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine dont l'adresse est précisée dans un second temps. La clause litigieuse est bien assortie des conditions particulières de sa mise en œuvre. Elle peut donc être qualifiée de clause de conciliation préalable obligatoire de sorte que sa violation est sanctionnée par une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile.
En l'occurrence, le courrier adressé par le conseil de M. X. à la société Aelis Pagtrimoine ne peut être considéré comme une recherche d'arrangement amiable, dont l'intéressé semblait de toute façon, selon ses propres écritures, peu convaincu. Il n'est pas allégué ni démontré en outre, que la Commission Arbitrage et Discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine ait été informée de la situation par M. X. En conséquence, la clause préalable de conciliation s'imposant aux parties comme au juge, l'action de M. X. à l'encontre de la société Aelis Patrimoine est irrecevable et ses demandes doivent être rejetées comme telles. Le jugement déféré sera donc infirmé.
Sur les demandes dirigées contre la société Northwestern Monetary Institute Inc. :
Conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'en l'absence de conclusions de la société Northwestern Monetary Institute Inc, elle ne peut faire droit aux prétentions et moyens de M. X. que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien fondés au regard des motifs par lesquels le tribunal s'est déterminé que la partie intimée absente est réputée s'être appropriée en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile.
Rappelant que la société DTD aux droits de laquelle se trouve désormais la société Northwestern Monetary Institue Inc, sous-traitait, à titre exclusif, la commercialisation des solutions et produits qu'elle avait créés et gérés dans le cadre de la loi dite « Girardin Industrielle », par l'intermédiaire de la société Lynx Finances, M. X. soutient que cette société n'a pas été en capacité de concevoir un produit de défiscalisation sécurisé puisque les investissements qu'il a réalisés au sein des sociétés en participation n'ont pas permis d'aboutir en temps utile au raccordement des installations au réseau. Or, la société DTD a laissé clairement entendre dans les documents qu'elle lui a remis que la seule condition de la souscription lui permettait de bénéficier de la réduction d'impôts.
M. X. fait valoir également que le document établi en date du 5 octobre 2007 à l'entête de Lynx Industries prévoit que la société Lynx atteste en sa qualité de courtier industriel que la division Lynx Industries est le fournisseur exclusif de tous les investissements réalisés dans les Dom Tom par la société DTD. Il est précisé qu'à ce titre, la prestation vendue à la société DTD se définit notamment par la livraison, le montage et la construction éventuelle des investissements productifs chez les exploitants locaux qui deviennent locataires pendant cinq ans de la société DTD. M. X. souligne qu'il était prévu des visites régulières des exploitants et un contrôle de la continuité de l'investissement productif pendant les cinq ans de la défiscalisation en loi Girardin. Or, selon lui, la société DTD a été dans l'incapacité de justifier du procès-verbal signé par l'exploitant et du constat d'huissier correspondant à la livraison du matériel. Il ajoute que même si ces documents avaient été produits, la preuve de la mise en exploitation et du raccordement au réseau aurait dû être rapportée. Pour M. X., le non respect des ces obligations est en relation directe avec les préjudices qu'il a subis. Il estime que la société DTD lui a donné l'illusion que tout était en ordre pour bénéficier de la réduction d'impôts, n'hésitant pas même à produire un certificat d'assurance auprès de la société AXA visant les références d'une police d'assurance qui n'existerait pas selon la compagnie d'assurance.
Incontestablement, le but recherché par M. X. en souscrivant à ce produit financier était la défiscalisation annoncée. D'ailleurs, il sera noté que l'annexe numéro I à la convention d'exploitation en commun remis à M. X. au moment de la souscription, indique que « l'objectif de DTD, avec les produits financiers industriels qu'elle monte en SEP, est le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation qui désirent bénéficier des avantages fiscaux apportés par la loi Paul-Giradin Industrielle ». Il est également précisé plus loin dans ce document que « Lynx Industries s'engage, en cas d'échec avec l'un des exploitants et si pour quelque raison que ce soit, elle n'avait pas pu mobiliser toutes les garanties auprès de l'un d'eux, à rembourser à la SEP, le montant de l'avantage fiscal consenti aux investisseurs. Cette garantie s'applique entre autres si cet avantage fiscal était remis en cause par l'administration fiscale en raison de la carence de l'un ou de l'autre exploitant ». Ces éléments étaient de nature à attirer les investisseurs.
Mais, les investigations menées par l'administration fiscale ont établi que les investissements réalisés n'ont pas été suivis d'effet puisque le matériel livré n'a pas été mis en service comme prévu initialement. D'une part, la société Lynx Industrie caraïbes qui devait jouer le rôle d'intermédiaire avec EDF pour le raccordement du matériel au réseau n'a été créée que le 30 janvier 2008. D'autre part, il est établi qu'aucune demande de raccordement au réseau de distribution n'a été formée avant 2010. Cependant, par courriers en date du 20 janvier 2008 et du 12 mai 2009, la société DTD, a assuré à M. X. que ses investissements donnaient lieu à réduction d'impôts à hauteur de 30 500 euros à la suite de la première lettre de mission et à hauteur de 36.600 euros pour la seconde. Il lui a été délivré les certificats justifiant de cette réduction d'impôts, à joindre à sa déclaration.
Il est clair qu'il appartenait à la société DTD, en charge de l'acquisition des matériels photovoltaïques et de la location de la centrale solaire, de s'assurer de la réalisation et de l'effectivité des installations avant de délivrer des attestations pour l'administration fiscale ce qui lui était possible puisqu'elle avait la maîtrise du projet. Il est donc établi que M. X. a subi un préjudice consécutif aux manquements de la société DTD aux droits de laquelle se trouve la société Northwestern Monetary Institute Inc. Ce préjudice s'analyse en la perte d'une chance de mieux investir ses capitaux.
M. X. fait en effet valoir qu'il aurait été en mesure d'obtenir des réductions d'impôts sur d'autres projets de défiscalisation qui existaient à l'époque et qui n'existent plus actuellement. Il a payé les sommes réclamées par l'administration fiscale début 2015. Soulignant que son préjudice découle de l'inexécution de l'obligation contractuelle et qu'il recherchait une défiscalisation qui ne s'est jamais réalisée, M. X. sollicite l'indemnisation de la perte de chance de n'avoir pu réaliser d'autres opérations, perte de chance qui doit être considérée comme totale selon lui. Il réclame en dédommagement du préjudice subi la somme de 89.011 euros correspondant aux impôts réclamés par l'administration fiscale, augmentés des intérêts de retard et des majorations.
Il est de principe que le paiement de l'impôt mis à la charge du contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf lorsqu'il est démontré que dûment informé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé. En l'espèce, il apparaît que les éléments d'information délivrés à M. X. au moment de la souscription, laissant entendre qu'il ne courrait aucun risque, et l'apparente maîtrise du montage de l'opération de défiscalisation par la société DTD l'ont conduit à souscrire au produit de défiscalisation proposé. Mieux informé du risque de l'opération et de la personnalité du dirigeant du groupe Lynx Industries, mis en examen en mai 2010 pour escroquerie et d'autres infractions financières, telle qu'elle apparaît au travers du courrier en date du 2 novembre 2011 envoyé aux souscripteurs des SEP, M. X. n'aurait pas souscrit à ce produit de défiscalisation et n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé. L'indemnisation du préjudice subi par M. X. correspond donc à l'intégralité des sommes dont il s'est acquitté auprès de l'administration fiscale comme l'ont décidé les premiers juges.
Les demandes formées au titre du préjudice éventuel lié à la qualité d'associé des sociétés en participation, au préjudice matériel et moral consécutifs aux tracas liés à la remise en cause des avantages fiscaux qui ne sont pas suffisamment établis, seront également rejetées en appel.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu de la solution apportée au litige, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Aelis Patrimoine l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera également alloué aux sociétés MMA IARD Assurance mutuelles et MMA IARD sur le même fondement la somme de 1.500 euros.
Pour les mêmes raisons d'équité, la société Northwestern Monetary Institue INC sera condamnée à payer la somme de 2.000 euros à M. X.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme partiellement le jugement rendu le 22 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Quimper ;
Statuant à nouveau sur l'entier litige,
Rejette les demandes de M. X. à l'encontre de la société Aelis Patrimoine, et des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD comme irrecevables ;
Condamne la société Northwestern Monetary Institute Inc à payer à M. X. la somme de 89.011 euros ;
Condamne M. X. à payer à la société Aelis Patrimoine la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. à payer aux sociétés MMA IARD Assurance mutuelles et MMA IARD la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Northwestern Monetary Institute Inc à payer à M. X. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
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