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CA VERSAILLES (3e ch.), 9 juillet 2020

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 9 juillet 2020
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 19/01028
Date : 9/07/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/02/2019
Référence bibliographique : 5835 (existence d’une clause), 5838 (professionnel acheteur), 6009 (appréciation globale), 6491 (promesse de vente)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8516

CA VERSAILLES (3e ch.), 9 juillet 2020 : RG n° 19/01028

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le tribunal a considéré que la condition relative à la fourniture d'un cautionnement était potestative et donc nulle. Toutefois, la condition potestative est définie, aux termes de l'article 1170 ancien du code civil, comme celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher. L'exécution d'une condition potestative dépend donc du bon vouloir de la partie qui s'engage. Or, l'obtention d'une caution n'est pas un événement qui dépend de la seule volonté d'une des parties contractantes puisqu'elle implique un tiers, à savoir la banque qui accorde ou pas sa caution.

En admettant même que l'obtention de la caution ait pu dépendre, en l'espèce, de la seule volonté du bénéficiaire de la promesse, il n'en reste pas moins que le titre « caractère gratuit de la promesse de vente » ne laisse place à aucun doute et manifeste très clairement ce qu'était la volonté des parties à la date de conclusion de la promesse.

Les intimés ont ainsi consenti à l'appelante, de manière expresse dépourvue de toute ambiguïté, une immobilisation gratuite de leur terrain jusqu'au 17 juillet 2015, en sorte que conformément aux dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable à la date du contrat, selon lesquelles les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi, les intimés sont particulièrement mal fondés à soutenir qu'ils ont été « victimes » d'une clause potestative, alors qu'ils savaient parfaitement qu'ils avaient consenti, sur une promesse dont la durée maximale était de 17 mois, une période de « gratuité » de 4 mois et demi, à l'issue de laquelle le bénéficiaire était susceptible de ne pas produire de caution bancaire et de ne pas poursuivre l'opération, les vendeurs récupérant la libre disposition de leur bien, sans indemnité. En conséquence, il apparaît que la clause dite de « gratuité » doit recevoir application comme correspondant à la commune intention des parties. En l'absence de caution bancaire le 17 juillet 2015, la promesse de vente est devenue caduque, sans aucune faute de la part de la société LNCI. »

2/ « Les intimés invoquent à titre subsidiaire le code de la consommation et le caractère abusif de cette clause. Ils invoquent un « déséquilibre significatif ». Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La clause ici en cause a pour effet de permettre au bénéficiaire de la promesse, professionnel, de disposer d'un délai de quatre mois et demi pour obtenir le cautionnement d'une banque pour le versement d'un séquestre de 80.000 euros, et de lui permettre de se départir de son engagement au terme de ce délai, sans être soumise au paiement d'une indemnité au profit des promettants. Le fait que les promettants, qui étaient en discussion avec la société LNCI depuis un an, au moins, et espéraient tirer le meilleur profit de leur terrain, aient consenti à son immobilisation gratuite pendant 4 mois et demi, en des termes parfaitement clairs, n'a pas créé de déséquilibre « particulièrement » significatif à leur détriment, contrairement à ce qu'ils soutiennent sans argumenter plus avant leur affirmation.

Il sera ajouté que la disposition en cause ne correspond pas à celle décrite dans les clauses présumées de manière irréfragable abusives pas plus qu'à celle présumées abusives telles que définies par les articles R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation.

Le seul fait que les intimés n'aient finalement vendu leur terrain que le 23 janvier 2019 à des particuliers au prix de 360.000 euros démontre l'intérêt qu'ils pouvaient avoir à conclure une promesse de vente avec un promoteur qui leur en offrait 800.000 euros.

Dans ces conditions, il n'est nullement démontré que la clause en cause créait en mars 2015 un déséquilibre significatif entre les parties, une immobilisation non génératrice d'indemnité à la charge du bénéficiaire de la promesse limitée à une durée de 4 mois et demi ne constituant pas une clause abusive.

Par conséquent, dès lors que LNCI n'a pas produit de caution bancaire le 17 juillet 2015, la promesse de vente est devenue caduque à cette date. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 9 JUILLET 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01028. N° Portalis DBV3-V-B7D-S6Q5. Code nac : 50G. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 janvier 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre (2e ch.) : R.G. n° 16/00319.

LE NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SA LES NOUVEAUX CONSTRUCTEURS INVESTISSEMENT

[adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Katell F.-L. de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20190059, Représentant : Maître Adrien-Pierre O., Plaidant, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉS :

1/ Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse]

2/ Monsieur Je. D.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse]

Représentant : Maître Stéphanie A., Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

 

Composition de la cour : L'affaire était fixée à l'audience publique du 5 juin 2020 pour être débattue devant la cour composée de : Madame Marie-José BOU, Président, Madame Françoise BAZET, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

En application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le président que la procédure susvisée se déroulerait sans audience. Les parties en ont été avisées par le greffe le 4 mai 2020 et ces dernières ne s'y sont pas opposées dans le délai de quinze jours. Ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 4 avril 2013, la société de promotion immobilière, Les Nouveaux Constructeurs Investissement (LNCI) a transmis à M. Jo. Y. et Mme X. une proposition d'achat de leur terrain situé [...] au prix de 780.000 euros HT.

Cette offre était faite sous les deux conditions suspensives suivantes :

- l'obtention d'un permis de construire valant permis de démolir, devenu définitif, d'une surface plancher de 3286 m² minimum, pour un programme de logements vendus en financement libre sur les D 343 et D 346 ;

- l'absence de pollution, d'amiante, de fondation spéciale, de fouille archéologique et de prescription de toute nature.

Elle prévoyait en outre un planning prévisionnel, en vue de la signature de l'acte authentique de vente en avril 2013, et un dépôt de la demande du permis de construire au mois d'août 2013, et ajoutait qu' 'à défaut d'avoir déposé ce permis dans les délais, les parties retrouveraient leur liberté sans indemnité de part et d'autre'.

M. Y. et Mme X. ont accepté cette proposition le 7 avril 2013, en précisant que leur accord valait « pour autant que dans le délai de 4 mois à compter de [leur] acceptation, toutes assurances [leur] soient fournies par écrit quant à la recevabilité du permis de construire objet de la condition suspensive figurant au présent protocole ».

Par acte notarié du 2 mars 2015, M. Y. et Mme X. ont conclu, en qualité de promettants, une promesse unilatérale de vente portant sur ce même bien, au bénéfice de la société LNCI, pour un prix de 800.000 euros.

Cette promesse stipulait en son article 4 que « les parties déclarent que les clauses et engagements pouvant figurer dès avant ce jour dans tout acte régularisé entre elles ou document établi par elles sont désormais réputés non écrits.

En conséquence, aucune des parties ne pourra, ce qu'elles acceptent expressément, se prévaloir ultérieurement, à quelque titre que ce soit, de clauses et engagements contraires à ceux des Présentes ou de clauses et engagements ne figurant pas aux présentes ».

L'article 16.2 prévoyait par ailleurs une indemnité d'immobilisation de 80.000 euros, à la garantie du paiement de laquelle la société LNCI s'engageait à fournir une caution bancaire. Selon cet article, cette caution devait être adressée au notaire des promettants au plus tard le 17 juillet 2015.

La société LNCI n'a pas adressé de caution bancaire au notaire de M. Y. et Mme X. à la date du 17 juillet 2015.

Par courrier du 12 septembre 2015, le conseil de ces derniers a mis la société LNCI en demeure de justifier, d'une part, de sa demande d'autorisation de construire, et d'autre part, d'une caution bancaire.

Par courrier du 16 septembre 2015, la société LNCI a répondu qu'en vertu des dispositions de l'article 16.2 de la promesse celle-ci était devenue caduque le 18 juillet 2015, et que les parties étaient libres de tout engagement l'une envers l'autre.

C'est dans ce contexte que, le 6 janvier 2016, M. Y. et Mme X. ont assigné la société LNCI devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin de la voir condamner à exécuter le contrat et à les indemniser de leurs préjudices pour rupture abusive.

M Jo. Y. est décédé le 11 novembre 2016. Son fils, M Je. Y., fils et unique héritier de Jo. Y. a repris l'instance.

Par jugement du 17 janvier 2019, le tribunal a :

- constaté que M. Je. Y., unique héritier de M. Jo. Y., a repris l'instance initiée par ce dernier,

- dit que la vente intervenue le 7 avril 2013 entre la société LNCI et M. Jo. Y. et Mme X. est parfaite,

- débouté M. Je. Y. et Mme X. de leur demande tendant à voir s'exécuter le contrat de vente conclu le 7 avril 2013,

- dit que la société LNCI a rompu unilatéralement et de manière fautive la promesse de vente du 2 mars 2015 et les a déboutés en conséquence de leur demande indemnitaire à ce titre,

- dit que M. Je. Y. et Mme X. ne rapportent pas la preuve de la réalité du préjudice qu'ils prétendent subir du fait de cette rupture unilatérale,

- condamné la société LNCI à payer à M. Je. Y. et Mme X. la somme de 80.000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse de vente du 2 mars 2015,

- condamné la société LNCI aux entiers dépens,

- condamné la société LNCI à payer la somme de 2.500 euros à M. Je. Y. et Mme X. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

[*]

Par acte du 14 février 2019, la société LNCI a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 4 mars 2020, demande à la cour de :

réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- constaté la reprise par M. Je. Y. de l'instance initiée par son père, Jo. Y.,

- débouté M. Je. Y. et Mme X. de leur demande tendant à voir s'exécuter « le contrat de vente conclu le 7 avril 2013 », de leur demande indemnitaire au titre de la rupture de la promesse de vente du 2 mars 2015 et du surplus de leurs demandes,

- dit que ceux-ci n'ont pas rapporté la preuve de la réalité du préjudice qu'ils prétendent avoir subi du fait de la rupture unilatérale de la promesse susvisée.

et, statuant à nouveau :

- juger qu'il n'y a eu aucune vente parfaite en 2013 des biens immobiliers situés [...] entre Jo. Y. et Mme X., d'une part, et elle-même, d'autre part,

- constater, non seulement, que les parties ont expressément renoncé à cette vente aux termes de la promesse unilatérale de vente qu'elles ont conclue le 2 mars 2015, mais encore, que M. Je. Y. et Mme X. ont vendu les biens susvisés le 23 janvier 2019,

- juger en conséquence qu'à supposer qu'il y ait eu vente parfaite en 2013 des biens susvisés, M. Je. Y. et Mme X. sont irrecevables, pour défaut d'intérêt à agir, et infondés en leurs demandes à son encontre, d'une part, d'exécution de cette vente et, d'autre part, de « résolution en dommages et intérêts du paiement du prix de vente ou du défaut d'exécution de ladite vente »,

- juger que la promesse unilatérale de vente du 2 mars 2015 entre Jo. Y. et Mme X., d'une part, et elle-même, d'autre part, est devenue caduque du fait du défaut de remise par ladite société d'une caution bancaire au notaire des vendeurs au plus tard le 17 juillet 2015,

- constater qu'elle n'a pas fait d'aveu judiciaire relatif à son utilisation de la clause 16.2 de la promesse unilatérale de vente du 2 mars 2015 à l'appui de sa caducité dans la mesure où elle n'a fait que confirmer, en première instance puis en appel, les termes de sa lettre du 16 septembre 2015 au conseil de Jo. Y. et Mme X.,

- juger que l'ensemble des demandes de M. Je. Y. et Mme X. à son encontre sont irrecevables et, en tout état de cause, infondées,

- rejeter en conséquence ces demandes,

- déclarer infondées et rejeter les demandes nouvelles en appel de M. Je. Y. et Mme X., tendant à la voir condamner à leur payer les sommes de 440.000 euros au titre d'un manque à gagner et 3 680,48 euros au titre de frais d'huissier,

- condamner solidairement ou in solidum M. Je. Y. et Mme X. à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement ou in solidum M. Je. Y. et Mme X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Par dernières conclusions du 8 décembre 2019, M. Y. et Mme X. demandent à la cour de :

« réformer le jugement entrepris de ce chef',

- donner acte à la société LNCI de son aveu judiciaire de son utilisation de la clause 16.2 du contrat, laquelle est une clause abusive car potestative en sa faveur qu'elle a utilisée pour rompre ses obligations résultant de l'acte du 2 mars 2015, soit le paiement de l'indemnité d'immobilisation,

- confirmer le jugement entrepris lequel a dit la vente parfaite, en application de l'article 1388 et 1583 du code civil du fait que le 7 avril 2013 M. Y. et Mme X. avaient accepté l'offre d'achat du 4 avril 2013 au prix de 780.000 euros,

- réformer le jugement entrepris lequel a dit que les parties auraient renoncé à se prévaloir de la vente du fait de la signature de la promesse du 2 mars 2015 au visa de l'article 4 de cet acte, alors que cet article 4 stipule « aucune des parties ne pourra ce qu'elles acceptent expressément, se prévaloir ultérieurement, à quelque titre que ce soit, des clauses ou engagements contraires à ceux des présentes... », que cet article 4 ne vise pas l'acceptation de M. Y. et de Mme X. et n'a pas à le faire, car leur acceptation résulte du 7 avril 2013 et que l'offre du 7 avril 2013 ne contient aucune condition suspensive de leur fait car seule l'offre de la société LNCI contenait les engagements restrictifs,

- juger que cet article 4 de la promesse de vente du 2 mars 2015 vise les conditions suspensives incombant à la société LNCI auxquelles cette société renonce à se prévaloir du fait que les seuls engagements ayant précédé l'acte du 2 mars 2015 étaient les conditions suspensives stipulées dans l'offre d'achat du 7 avril 2013,

- juger que la société LNCI est tenue d'exécuter de bonne foi le contrat du 7 avril 2013 avec toutes ses conséquences de droit et que conformément à l'article 1142 du code civil toute exécution de faire se résout en dommages et intérêts,

en conséquence, statuant à nouveau de ce chef :

- condamner la société LNCI au paiement de la somme de 780.000 euros augmentée des intérêts légaux à leur profit,

- confirmer le jugement entrepris qui a dit que la société LNCI a unilatéralement et volontairement rompu la promesse de vente du 2 mars 2015 comme elle l'a reconnu dans ses conclusions devant la cour, ce qui est une faute,

- confirmer le jugement dont appel qui a condamné la société LNCI à leur payer la somme de 80.000 euros au titre de rupture fautive de la promesse de vente du 2 mars 2015,

- réformer le jugement entrepris du chef de l'indemnisation du préjudice résultant de l'inexécution de mauvaise foi de la promesse de vente,

statuant à nouveau :

- condamner la société LNCI à leur payer la somme de 440.000 euros représentant le manque à gagner, étant avéré qu'ils ont vendu le bien faisant l'objet de la promesse de vente unilatéralement rompue par la société LNCI au prix de 360.000 euros selon l'attestation de maître Dominique A. notaire du 23 janvier 2019,

- les juger recevables et bien fondés à demander l'indemnisation du coût de l'exécution forcée du jugement dont appel,

- condamner la société LNCI à leur rembourser la somme de 4.680,48 euros de frais d'huissier de justice pour l'exécution forcée du jugement,

- condamner la société LNCI à la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- rejeter toutes les demandes de la société LNCI au titre de l'article 700 du code de procédure civile à son profit et sa demande tendant à voir réduire leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

La cour renvoie aux dernières écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Sur la clôture :

Les parties ont été destinataires de l'avis adressé en application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 et ont déposé leurs dossiers.

La clôture est intervenue à la date initialement fixée pour l'audience de plaidoiries, soit le 5 juin 2020

 

Sur le fond :

Le tribunal a dit que les consorts Y. F. ayant accepté la proposition d'achat de la société LNCI la vente était parfaite, mais, constatant qu'elle était assortie d'une condition suspensive, qu'aucune des parties n'avait réalisé les démarches prévues en vue de la réalisation de la vente, puisque les vendeurs avaient expressément renoncé à se prévaloir du 'protocole d'accord' du 7 avril 2013, ils ne pouvaient en demander l'exécution.

L'appelante fait valoir qu'il n'y a pas eu vente parfaite en 2013 en raison des termes tant de son offre du 4 avril 2013 que de l'acceptation du 7 avril 2013 des intimés puisque son offre posait deux conditions suspensives qui n'ont pas été réalisées et qu'elle prévoyait qu'à défaut de dépôt de la demande de permis de construire dans les délais, les parties retrouveraient leur liberté sans indemnité de part et d'autre. L'acceptation des intimés n'était en outre pas pure et simple, en sorte que la vente ne pouvait être parfaite.

Elle rappelle qu'en tout état de cause, selon la promesse unilatérale de vente ultérieurement signée, il a été expressément prévu que tous accords antérieurs étaient réputés non écrits, en sorte que les vendeurs ne pouvaient s'en prévaloir pour prétendre à une exécution forcée de la vente, ou désormais à l'obtention de dommages-intérêts.

LNCI, s'agissant de la promesse unilatérale de vente, observe qu'elle ne l'a pas rompue de manière fautive et qu'elle est devenue caduque sans qu'aucune indemnité ne soit due.

* * *

LNCI a établi le 4 avril 2013 une offre d'achat du terrain des intimés au prix de 780.000 euros, en soumettant expressément l'offre 'aux conditions suspensives d'usage suivantes :

- obtention d'un permis de construire valant permis de démolir devenu définitif d'une surface de plancher de 3.286 m² minimum pour un programme de logements vendus en financement libre sur D 343 et D 346.

- absence de pollution, d'amiante, de fondation spéciale, de fouille archéologique et de prescription de toute nature. A cet effet nous diligenterons à notre charge, tous les diagnostics utiles dans un délai de 4 mois à compter de la signature de la dernière promesse de vente (...).

A noter que nous soumettrons un permis de construire en mairie [de ville A.], dans la période de ce protocole d'accord.

Le cas échéant, ce dernier sera automatiquement transformé en promesse de vente que vous vous engagez, d'ores et déjà, à signer dans les conditions énoncées ci-dessus et pour une durée de 12 mois.

A défaut d'avoir déposé ce permis dans les délais, les parties retrouveraient leur liberté sans indemnité de part et d'autre.

Jo. Y. et Mme X. ont apposé la mention suivante au pied de cette offre : « Bon pour accord sur les termes de la présente pour autant que dans le délai de 4 mois à compter de notre acceptation, toutes assurances nous soient données par écrit quant à la faisabilité du permis de construire objet de la condition suspensive figurant au présent protocole ».

Les vendeurs ont ainsi conditionné leur accord à l'obtention « d'assurances » sur la faisabilité d'un permis de construire et cette demande n'a pas été acceptée expressément par LNCI.

Il était en tout état de cause impossible que LNCI obtienne le permis de construire dans le délai de 4 mois, puisqu'elle avait fait état dans son offre d'achat d'un planning prévisionnel prévoyant le dépôt d'une demande d'autorisation de construire en août 2013 avec une obtention prévisionnelle en février 2014, soit bien au-delà de ce que souhaitaient les vendeurs.

C'est donc à tort que le tribunal a jugé que la vente était parfaite le 7 avril 2013, ce qu'elle ne pouvait en tout état de cause pas être compte tenu de l'absence de réalisation des conditions suspensives.

La suite des événements ne fait d'ailleurs que conforter cette analyse puisqu'aucune promesse de vente n'a suivi cette offre d'achat et qu'il a fallu attendre le 2 mars 2015 pour que les parties signent une promesse unilatérale de vente qui, sous le titre « engagements précédents » prévoyait : « les parties déclarent que les clauses et engagements pouvant figurer dès avant ce jour dans tout acte régularisé entre elles ou document établi par elles sont désormais réputés non écrits. En conséquence, aucune des parties ne pourra, ce qu'elles acceptent expressément de se prévaloir ultérieurement à quelque titre que ce soit, de clauses et engagements contraires à ceux des présentes ou de clauses et engagements ne figurant pas aux présentes ».

Il en résulte on ne peut plus clairement que les termes de l'offre d'achat d'avril 2014 ne pouvaient être invoqués par aucune des parties, preuve qu'ils ne pouvaient en aucun cas être interprétés comme consacrant une vente parfaite, seuls les engagements figurant dans la promesse de vente obligeant les parties.

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a dit que « la vente intervenue » le 7 avril 2013 est parfaite mais confirmé en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande tendant à voir s'exécuter ce contrat. La demande nouvelle en appel, consécutive à la vente du terrain par les intimés postérieurement au jugement entrepris, de condamnation de LNCI à leur payer la somme de 780.000 euros à titre « d'exécution en dommages-intérêts » sera donc également rejetée.

La promesse unilatérale de vente sous conditions suspensives conclue le 2 mars 2015 était notamment assortie de la condition suivante en ses articles 16-1 et 16-2 :

Le bénéficiaire, connaissance prise de l'offre qui précède, accepte la présente promesse de vente en tant que promesse et il se réserve pour lui ou ses substitués, la faculté d'acquérir ou de ne pas acquérir suivant ce qui lui conviendra.

Indemnité d'immobilisation

En conséquence, le bénéficiaire s'oblige à verser au promettant en cas de non réalisation de la présente promesse due à son fait, toutes les conditions suspensives ci-après stipulées étant réalisées, une indemnité forfaitaire pour l'immobilisation résultant des présentes, d'un montant total de 80 000 euros.

A la garantie du paiement de la somme de 80 000 euros, le bénéficiaire s'oblige à produire au promettant une caution bancaire d'un établissement bancaire ayant son siège en France, notoirement solvable, aux termes de laquelle cet établissement s'obligera à verser au promettant, en cas de non réalisation de la présente promesse de vente pour un motif imputable au bénéficiaire, toutes les conditions suspensives étant réalisées, la somme de 80 000 euros. (...)

Caractère gratuit de la promesse de vente

L'original de cette caution devra être adressé au notaire participant au plus tard le 17 juillet 2015 et avoir effet jusqu'au 31 octobre 2016. Dans l'hypothèse où ladite caution bancaire ne serait pas remise au notaire participant dans le délai imparti, les présentes seront considérées comme nulles et non avenues, sans formalisme et sans indemnité de part ni d'autre, le promettant acceptant ainsi expressément que la présente promesse de vente soit consentie pour une période gratuite sans charge d'indemnité d'immobilisation pour le délai courant à compter de la signature des présentes et jusqu'à la date autorisée pour la remise de la caution, le 17 juillet 2015.

Après production de la caution bancaire dans le délai ci-dessus stipulé, l'indemnité serait exigible selon le sort des conditions suspensives.

Le tribunal a considéré que la condition relative à la fourniture d'un cautionnement était potestative et donc nulle.

Toutefois, la condition potestative est définie, aux termes de l'article 1170 ancien du code civil, comme celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher. L'exécution d'une condition potestative dépend donc du bon vouloir de la partie qui s'engage.

Or, l'obtention d'une caution n'est pas un événement qui dépend de la seule volonté d'une des parties contractantes puisqu'elle implique un tiers, à savoir la banque qui accorde ou pas sa caution.

En admettant même que l'obtention de la caution ait pu dépendre, en l'espèce, de la seule volonté du bénéficiaire de la promesse, il n'en reste pas moins que le titre « caractère gratuit de la promesse de vente » ne laisse place à aucun doute et manifeste très clairement ce qu'était la volonté des parties à la date de conclusion de la promesse.

Les intimés ont ainsi consenti à l'appelante, de manière expresse dépourvue de toute ambiguïté, une immobilisation gratuite de leur terrain jusqu'au 17 juillet 2015, en sorte que conformément aux dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable à la date du contrat, selon lesquelles les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi, les intimés sont particulièrement mal fondés à soutenir qu'ils ont été « victimes » d'une clause potestative, alors qu'ils savaient parfaitement qu'ils avaient consenti, sur une promesse dont la durée maximale était de 17 mois, une période de « gratuité » de 4 mois et demi, à l'issue de laquelle le bénéficiaire était susceptible de ne pas produire de caution bancaire et de ne pas poursuivre l'opération, les vendeurs récupérant la libre disposition de leur bien, sans indemnité.

En conséquence, il apparaît que la clause dite de « gratuité » doit recevoir application comme correspondant à la commune intention des parties.

En l'absence de caution bancaire le 17 juillet 2015, la promesse de vente est devenue caduque, sans aucune faute de la part de la société LNCI.

Les intimés invoquent à titre subsidiaire le code de la consommation et le caractère abusif de cette clause. Ils invoquent un « déséquilibre significatif ».

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La clause ici en cause a pour effet de permettre au bénéficiaire de la promesse, professionnel, de disposer d'un délai de quatre mois et demi pour obtenir le cautionnement d'une banque pour le versement d'un séquestre de 80.000 euros, et de lui permettre de se départir de son engagement au terme de ce délai, sans être soumise au paiement d'une indemnité au profit des promettants.

Le fait que les promettants, qui étaient en discussion avec la société LNCI depuis un an, au moins, et espéraient tirer le meilleur profit de leur terrain, aient consenti à son immobilisation gratuite pendant 4 mois et demi, en des termes parfaitement clairs, n'a pas créé de déséquilibre « particulièrement » significatif à leur détriment, contrairement à ce qu'ils soutiennent sans argumenter plus avant leur affirmation.

Il sera ajouté que la disposition en cause ne correspond pas à celle décrite dans les clauses présumées de manière irréfragable abusives pas plus qu'à celle présumées abusives telles que définies par les articles R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation.

Le seul fait que les intimés n'aient finalement vendu leur terrain que le 23 janvier 2019 à des particuliers au prix de 360.000 euros démontre l'intérêt qu'ils pouvaient avoir à conclure une promesse de vente avec un promoteur qui leur en offrait 800.000 euros.

Dans ces conditions, il n'est nullement démontré que la clause en cause créait en mars 2015 un déséquilibre significatif entre les parties, une immobilisation non génératrice d'indemnité à la charge du bénéficiaire de la promesse limitée à une durée de 4 mois et demi ne constituant pas une clause abusive.

Par conséquent, dès lors que LNCI n'a pas produit de caution bancaire le 17 juillet 2015, la promesse de vente est devenue caduque à cette date.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant constaté la reprise de l'instance par M Je. Y., unique héritier de Jo. Y., et débouté M. Y. et Mme X. de leur demande tendant à voir s'exécuter le 'contrat de vente' conclu le 7 avril 2013.

M. Y. et Mme X. seront déboutés de toutes leurs demandes.

Succombant, ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel. Ils verseront en outre une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté la reprise de l'instance par M Je. Y., unique héritier de Jo. Y., et débouté M. Y. et Mme X. de leur demande tendant à voir s'exécuter le 'contrat de vente' conclu le 7 avril 2013.

L'infirme en toutes ses autres dispositions.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Constate que la promesse de vente signée le 2 mars 2015 est devenue caduque le 17 juillet 2015 sans faute de la société Les Nouveaux Constructeurs Investissement.

Rejette en conséquence toutes les demandes formées par M. Y. et Mme X.

Condamne in solidum M. Y. et Mme X. à verser à la société Les Nouveaux Constructeurs Investissementla somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum M. Y. et Mme X. aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,               Le Président,