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6009 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation globale

Nature : Synthèse
Titre : 6009 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation globale
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Notice :
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6009 (8 octobre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

PRINCIPES GÉNÉRAUX - APPRÉCIATION GLOBALE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

Présentation. Depuis la directive du 5 avril 1993 et la loi du 1er février 1995, les textes prévoient que la recherche de l’existence d’un déséquilibre significatif doit s’effectuer selon une approche globale (A), principe qui entraîne de multiples corollaires ou conséquences précises qu’il convient d’expliciter, sans oublier la principale, qui est de conférer à la notion de déséquilibre significatif une grande plasticité lui permettant de s’adapter à toutes les situations (B). Certains éléments ne sont cependant pas pris en compte (C).

A. PRINCIPE : APPRÉCIATION GLOBALE DE LA SITUATION

Directive du 5 avril 1993. L’art. 4 § 1 de la directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993 dispose que « sans préjudice de l'article 7, le caractère abusif d'une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend ». Directive 93/13/CEE : Cerclab n° 3854.

Pour un rappel du principe : le juge national doit, afin de porter une appréciation sur le caractère éventuellement abusif de la clause contractuelle qui sert de base à la demande dont il est saisi, tenir compte de toutes les autres clauses du contrat. CJUE (1re ch.), 21 février 2013Banif Plus Bank Zrt / Csipai : Aff. C-472/11 ; Cerclab n° 4656. § Le juge national doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, et notamment de la nature du bien ou du service faisant l’objet du contrat considéré, susceptibles de démontrer à quelle fin ce bien ou ce service est acquis. CJUE (4e ch.), 3 septembre 2015, Costea : aff. C‑110/14 ; Cerclab n° 6672 (point n° 23).

Sur la différence entre l’appréciation du caractère abusif d’une clause au regard de l’ensemble du contrat et l’examen d’office de toutes les clauses du contrat : l’art. 4 § 1 et l’art. 6 § 1 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, s’il est vrai que, pour apprécier le caractère abusif de la clause contractuelle servant de base aux prétentions d’un consommateur, il convient de prendre en compte toutes les autres clauses du contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, cette prise en compte n’implique pas, en tant que telle, une obligation, pour le juge national saisi, d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif de toutes ces clauses. CJUE (3e ch.), 11 mars 2020, Györgyné Lintner / UniCredit Bank Hungary Zrt. : Aff. C‑511/17 ; Cerclab n° 9187.

Loi du 1er février 1995. Ce texte a été introduit en droit français, par la loi du 1er février 1995, à l’ancien art. L. 132-1 al. 4 C. consom. : « sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux art. 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre. » Il est resté sur ce point inchangé dans les textes ultérieurs : loi du 4 août 2008, loi du 17 mars 2014 et ordonnance du 14 mars 2016, sous réserve d’une modification des renvois aux textes du Code civil.

Comparaison des textes. Les deux rédactions sont assez proches, même s’il existe quelques différences. Tout d’abord, la référence à l’art. 7 de la directive a été remplacée par un renvoi aux dispositions du Code civil concernant l’interprétation du contrat. Placé au début du texte, ce renvoi peut entraîner une confusion sur le sens exact de l’alinéa 4, dont le contenu déborde très largement l’interprétation du contrat et qui concerne en fait principalement les modalités d’appréciation de la condition légale de « déséquilibre significatif ». L’ambiguïté est d’autant plus forte que le principe posé par l’alinéa 4 rappelle pour partie l’ancien art. 1161 C. civ. [1189 nouveau], texte relatif à l’interprétation du contrat, qui dispose que « toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier ». (sur l’articulation de l’interprétation et de la protection contre les clauses abusives, V. Cerclab n° 6008). § Pour une décision distinguant clairement les deux questions : TI Nîmes, 9 octobre 2001 : RG n° 11-01-000509 ; Cerclab n° 1043 (ancien art. 1161 utilisé préalablement pour déterminer la nature de la clause, en l’espèce de révision unilatérale des conditions financières d’un contrat de téléphonie mobile, le caractère abusif étant examiné ensuite).

Ensuite, l’ancien art. L. 132-1 C. consom. ne reprend pas l’invitation de la directive de tenir « compte de la nature des biens ou services », omission curieuse puisqu’une approche similaire était déjà présente dans l’art. 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 (« en distinguant éventuellement selon la nature des biens et des services concernés »).

Enfin, la référence à l’influence éventuelle d’un groupe de contrats est explicitée de façon plus détaillée (voire plus extensive, compte tenu d’une référence à la conclusion et à l’exécution du contrat).

B. CONSÉQUENCES

Présentation. Sur un plan technique, l’affirmation du principe d’une appréciation globale se démultiplie en de nombreux corollaires ou conséquences, qu’il faut présenter ici de façon générale, leur exposé précis pouvant être réalisé dans d’autres notices de façon approfondie.

Analyse individuelle de chaque clause. La protection instituée par l’art. L. 212-1 [ancien art. L. 132-1] C. consom. n’a pas pour objet de contrôler le principe du contrat et elle ne peut entraîner sa disparition que dans le cas limité où le contrat ne peut subsister sans la disposition réputée non écrite (V. Cerclab n° 5748). Elle vise avant tout à déterminer si une ou plusieurs clauses précises créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Elle suppose donc l’existence d’une stipulation, faisant partie intégrante du contrat, et, par exemple, ne peut concerner une simple pratique adoptée dans l’exécution du contrat (Cerclab n° 5835), sauf si celle-ci révèle l’intention véritable des parties (Cerclab n° 6010). § Sur l’absence d’influence de la renonciation du professionnel à tout ou partie de la clause litigieuse, V. aussi Cerclab n° 6010.

Par ailleurs, étant concentrée sur l’examen du caractère abusif d’une clause précise, elle reste applicable même si le contrat a fait l’objet, globalement, d’un contrôle ou d’une appréciation favorable par des instances censées prendre en compte les intérêts du consommateur. § V. par exemple, pour les avis du Conseil national de la consommation (CNC) ou les normes Afnor, Cerclab n° 6000. § V. également, pour l’Institut national de la consommation (INC), examinant explicitement ce problème : le fait que l’Institut national de la Consommation ait pu noter que le contrat-type d’un loueur de voitures était le plus complet des sept contrats examinés n’interdit pas d’examiner, clause par clause, le respect de l’équilibre contractuel. TGI Grenoble (6e ch.), 16 septembre 1999 : RG n° 9800991 ; jugt n° 343 ; Cerclab n° 3159, sur appel CA Grenoble (1re ch. civ.), 11 juin 2001 : RG n° 99/04486 ; arrêt n° 403 ; Cerclab n° 3116 ; Juris-Data n° 2001-171268. § Comp. lorsque le contenu du contrat résulte d’une négociation entre un professionnel ou un groupement de professionnels et des consommateurs ou groupements de consommateurs, Cerclab n° 6029.

Rappr. : absence d’abus ou de caractère illicite, de la clause analysée en elle-même, et non au regard des nombreuses autres clauses qui « prises ensemble, écartent toute responsabilité de la part » de l’exploitant concernant la sécurité et la confidentialité des données à caractère personnel, la stipulation au contenu plutôt descriptif ne contenant pas de limitations de responsabilité. TGI Paris, 12 février 2019 : RG n° 14/07224 ; Cerclab n° 8252 ; Juris-Data n° 2019-003111 (réseau social ; 1-aa ; Règ. confid. n° 33).

Analyse contextualisée de chaque clause. Le caractère abusif d’une clause doit prendre en compte l’ensemble du contrat, ce qui impose de nombreuses exigences.

* Analyse globale du contrat. Le juge doit, après avoir déterminé la teneur de la clause, le cas échéant après l’avoir interprétée, rechercher la façon dont celle-ci s’insère dans le contrat, tant vis-à-vis des autres clauses qu’au regard de l’équilibre global de l’accord, une clause source d’un déséquilibre apparent pouvant trouver sa contrepartie dans d’autres dispositions (Cerclab n° 6020 et n° 6021).

Pour des décisions faisant allusion à la nécessité d’apprécier le contrat dans sa globalité et/ou de plusieurs clauses les unes par rapport aux autres, V. par exemple : CA Grenoble (2e ch. civ), 17 mars 1997 : RG n° 3930/95 ; Cerclab n° 3105 (construction ; clause devant être interprétée dans son contexte, l’arrêt utilisant implicitement le même raisonnement pour une autre stipulation, interprétée en lien avec une autre) - TGI Grenoble (6e ch.), 31 janvier 2002 : RG n° 2000/03473 ; jugt n° 27 ; Cerclab n° 4375 ; Lexbase (vente de voiture ; action d’une association de consommateurs ; l'appréciation d'une clause doit se faire au regard de l'ensemble du contrat-type) - TI Vienne, 16 mai 2003 : RG n° 11-00-001014 ; Cerclab n° 3194 ; Juris-Data n° 2003-212562 (crédit renouvelable ; clause d’intérêt ; « l'appréciation du caractère abusif doit être appréciée au regard du contrat en sa globalité et il pourrait être retenu que la présence de ces mentions ne suffirait pas à caractériser l'abus, dès lors que la stipulation d'intérêts serait présentée de façon particulièrement claire et transparente, qui compenserait l'ambiguïté relevée ») - TGI Grenoble (4e ch. civ.), 17 novembre 2003 : RG n° 2002/04936 ; jugt n° 242 ; Site CCA ; Cerclab n° 3174 (location saisonnière ; caractère abusif de la clause relative aux nuisances occasionnées par certains occupants, ne respectant par le principe de non-discrimination en prenant en considération l’âge des locataires - « les jeunes » -, mais absence de caractère abusif de la clause rectifiée qui, en ne désignant plus que les occupants, rétablit une prescription acceptable, qui constitue un simple rappel, adapté aux circonstances, dans le cadre d’une résidence de vacances, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’ancien art. L. 132-1 [L. 212-1 al. 6 nouveau] C. consom., des règles générales énoncées à l’art. 1728-1 C. civ.) - TGI Niort, 9 janvier 2006 : RG 2004/01560 ; Cerclab n° 1595 (le caractère abusif d'une clause doit être établi en fonction de l'équilibre général des prestations réciproques, une clause prévoyant une pénalité trop forte par rapport au service rendu par le professionnel étant en conséquence prohibée) - CA Grenoble (1re ch. civ.), 22 mai 2007 : RG n° 05/00795 ; arrêt n° 347 ; Cerclab n° 3134 ; Juris-Data n° 352923 (vente de voiture ; le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant à l'ensemble des clauses d'un contrat) - CA Montpellier (1re ch. B), 12 janvier 2010 : RG n° 09/03189 ; Cerclab n° 2448 (enseignement ; clause de renonciation de l’élève comparée aux prérogatives réciproques de l’école ; rappel de l’al. 4 et admission d’un déséquilibre significatif dès lors qu’il n’existe pas, dans les circonstances de la conclusion du contrat ou dans ses autres dispositions, des avantages consentis au consommateur qui rétabliraient ce déséquilibre) - CA Montpellier (1re ch. B), 11 mai 2010 : RG n° 09/06080 ; Cerclab n° 2450 (idem), sur appel de TI Montpellier, 14 décembre 2006 : Dnd - TGI Grenoble (4e ch. civ.), 7 juin 2010 : RG n° 08/03679 ; site CCA ; Cerclab n° 4078 (« la clause litigieuse ne peut être analysée isolément ») - CA Paris (pôle 4 ch. 9), 20 septembre 2012 : RG n° 11/00482 ; Cerclab n° 3956 (formation en gestion ; il n'existe pas, dans les circonstances de la conclusion du contrat ou dans ses autres dispositions, des avantages consentis au consommateur qui rétabliraient ce déséquilibre), infirmant TI Paris (11e arrdt), 16 février 2010 : RG n° 11-09-001423 ; Dnd - CA Grenoble (1re ch. civ.), 21 juin 2016 : RG n° 13/01940 ; Cerclab n° 5680 (assurance de groupe pour des téléphones mobiles ; absence de caractère abusif d’une clause « date d'effet et durée de l'adhésion » ne rappelant pas la faculté de résiliation de l’ancien art. L. 136-1 [L. 215-1 s. nouveau] C. consom. ou celle de résilier pour motif légitime, dès lors que celles-ci sont évoquées par la stipulation « les cas de résiliation de l'adhésion »), sur appel de TGI Grenoble, 8 avril 2013 : RG n° 10/03470 ; Dnd - CA Reims (ch. civ. 1re sect.), 9 octobre 2006 : RG n° 05/01343 ; arrêt n° 484 ; Cerclab n° 604 ; Juris-Data n° 334070 (appréciation globale des clauses du contrat conformément à l’art. L. 132-1 C. consom.) - CA Paris (pôle 4 ch. 9, 8 décembre 2016 : RG n° 14/13605 ; Cerclab n° 6646 ; Juris-Data n° 2016-026945 (prêt immobilier à une SCI taux fixe de 4,70 % l'an sur une première période de 15 ans puis à taux variable sur une seconde période de 10 ans ; la clause d’intérêts variable qui figure aux conditions générales ne peut être lue qu'au regard des conditions particulières du prêt qui déterminent l'économie du contrat), sur appel de TI Paris (1er arrdt), 8 avril 2014 : RG n° 11-13-000372 ; Dnd - CA Limoges (ch. civ.), 29 juin 2017 : RG n° 16/00888 ; Cerclab n° 6953 (assurance-crédit ; examen et rejet du caractère abusif d’une clause définissant de manière expresse et parfaitement compréhensible la définition de l'incapacité totale de travail personnel, sans la limiter au champ professionnel ; l’arrêt souligne la différence avec la rédaction de la clause relative à l’invalidité totale en notant qu’elle s’inscrit dans un ensemble de clause définissant divers risques couverts par un contrat d'assurance de groupe adossé de manière optionnelle aux prêts souscrits), sur appel de TGI Tulle, 13 juin 2016 : Dnd - CA Montpellier (1re ch. B), 12 septembre 2018 : RG n° 16/02503 ; Cerclab n° 7704 (contrat multirisque d'assurance pour un Gaec ; il est certain que les stipulations contractuelles sont à replacer dans le contexte global du calcul de l'indemnité, après un sinistre), sur appel de TI Rodez, 18 février 2016 : RG n° 11-15-157 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 11), 12 octobre 2018 : RG n° 16/08227 ; Cerclab n° 8160 (accès internet ; caractère abusif de la clause relative aux données personnelles, appréciée dans son ensemble et dans son contexte, notamment en raison du fait de son manque de clarté, associant consentement exprès et tacite, dans le cadre d’un processus complexe de souscription d'un abonnement dont l'objet essentiel est la fourniture de services informatiques et non la possibilité de recevoir des offres d'autres services ou de biens), confirmant TGI Paris, 23 février 2016 : RG n° 13/10357 ; Dnd - CA Rennes (1re ch.), 22 janvier 2019 : RG n° 16/02883 ; arrêt n° 31/2019 ; Cerclab n° 7824 (mandat de vente ; appréciation de la clause pénale sanctionnant l’absence d’information du mandataire de l’existence et des conditions de la vente conclue, à la lumière de la clause sanctionnant la vente à un acheteur présenté par l’intermédiaire sans son intervention), sur appel de TI Redon, 7 avril 2016 : Dnd - CA Versailles (3e ch.), 9 juillet 2020 : RG n° 19/01028 ; Cerclab n° 8516 (promesse unilatérale de vente d’un terrain au profit d’un promoteur, sans indemnité d’immobilisation pendant le délai d’obtention d’une garantie bancaire par le bénéficiaire : caractère abusif écarté par une appréciation globale, dès lors que les promettants pouvaient espérer un prix deux fois supérieur à celui en définitive obtenu après caducité de la promesse), sur appel de TGI Nanterre (2e ch.), 17 janvier 2019 : RG n° 16/00319 ; Dnd - CA Versailles (3e ch.), 29 octobre 2020 : RG n° 19/03738 ; Cerclab n° 8626 (garantie invalidité dans une assurance-crédit ; le caractère abusif d'une clause s'apprécie au regard de toutes les autres clauses du contrat, or la cotisation est aussi la contrepartie des autres garanties souscrites (décès, PTIA et incapacité temporaire de travail) qui sont autant d'obligations à la charge de l'assureur, la garantie incapacité temporaire de travail ayant en l’espèce été mobilisée), sur appel de TGI Versailles (2e ch.), 30 avril 2019 : RG n° 17/02780 ; Dnd - CA Rennes (2e ch.), 19 février 2021 : RG n° 17/06805 ; arrêt n° 121 ; Cerclab n° 8836 (crédit immobilier ; surcoût de 1,2 euros lors du remboursement anticipé et gain de 109,75 euros sur les intérêts intercalaires lors du déblocage des fonds, l’appréciation étant globalement en faveur du consommateur, ce qui exclut l’existence d’un déséquilibre), sur appel de TGI Nantes, 7 septembre 2017 : Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 6), 30 mars 2022 : RG n° 20/02033 ; Cerclab n° 9553 (prêt indexé sur une monnaie étrangère ; appréciation du caractère abusif de l’ensemble de deux clauses, puisque c’est le caractère de l’une d’entre elles qui est contesté), sur appel de TGI Créteil, 19 décembre 2019 : RG n° 18/03404 ; Dnd.

L’exigence est d’autant plus compréhensible que l’appréciation du caractère abusif d’une clause ne dépend pas du caractère principal ou accessoire de l’obligation contractuelle concernée (V. en ce sens : Cass. civ. 1re, 3 mai 2006 : pourvoi n° 04-16698 ; Bull. civ. I, n° 213 ; Cerclab n° 1954) et qu’il est difficile d’envisager l’examen d’une stipulation portant sur une obligation accessoire, sans examiner la place de cette dernière par rapport au reste du contrat et notamment à ses obligations principales.

* Recherche des avantages et désavantages pour les deux parties. La recherche d’un déséquilibre ne peut dans cet esprit se limiter aux seuls effets défavorables de la clause sur le consommateur et l’idée de « déséquilibre » implique une balance des intérêts supposant que le juge examine aussi la situation du professionnel.

N.B. cette idée de réciprocité était peut-être moins explicite dans la version initiale de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 qui n’évoquait qu’un « avantage excessif ». V. cependant pour la Cour de cassation, semblant introduire l’idée même sous l’empire du texte initial : la référence aux seuls désavantages subis par l’assuré, sans les comparer avec les avantages recueillis par l’assureur, ne permet pas de caractériser l’avantage excessif obtenu par celui-ci. Cass. civ. 1re, 12 mars 2002 : pourvoi n° 99-15711 ; arrêt n° 478 ; Bull. civ. I, n° 92 ; Cerclab n° 2033 (refus de prendre en compte un chômage intervenant après un contrat de travail à durée déterminée), cassant CA Versailles (3e ch.), 9 avril 1999 : RG n° 1996-8735 ; Cerclab n° 1743. § V. aussi : Cass. civ. 1re, 1er février 2005 : pourvoi n° 03-18795 ; Cerclab n° 1992 (cassation de l’arrêt n’ayant pas suffisamment recherché sur les avantages et désavantages subis par l’assureur ; délai d’attente). § N.B. Si l’affirmation générale posée par ces arrêts est fondée au regard de la loi du 1er février 1995, il convient de rappeler que ces arrêts sont intervenus dans le cadre la loi du 10 janvier 1978, qui ne contenait aucune restriction quant au contrôle de la définition de l’objet principal et qu’ils semblent viser essentiellement à protéger les assureurs contre un contrôle judiciaire excessif des risques garantis, remettant en cause l’équilibre économique résultant du calcul de risque opéré par ce dernier (aujourd’hui protégé par l’art. L. 212-1 al. 3 C. consom., anciennement l’art.L. 132-1 al. 7 C. consom., excluant le contrôle des clauses définissant clairement l’objet principal).

V. postérieurement à la loi du 1er février 1995 : l'appréciation du caractère abusif d'une clause suppose la comparaison entre les désavantages subis par l'assuré et les avantages recueillis par l'assureur. CA Paris (pôle 2 ch. 5), 5 avril 2016 : RG n° 15/00758 ; arrêt n° 2016/146 ; Cerclab n° 5574 ; Juris-Data n° 2016-006275 (assurance de groupe ; clause de cessation de la prise en charge des échéances à compter de la retraite ou de la préretraite de l'assuré, « quelle qu'en soit la cause », jugée abusive), sur appel de TGI Paris, 20 novembre 2014 : RG n° 13/13976 ; Dnd.

V. cependant, plutôt en sens contraire : CA Versailles (16e ch.), 28 janvier 2021 : RG n° 19/03234 ; Cerclab n° 8773 (dès lors que l'existence d'un déséquilibre significatif doit être appréciée au regard du seul contrat en cause, est inopérante l'argumentation des appelants selon laquelle la banque, bien qu'exposée comme eux au risque financier, se trouve détentrice des outils financiers ci-avant énumérés qui lui permettent de couvrir le risque de change lié aux prêts en devises alors qu'ils n'en disposent pas), sur appel de TGI Versailles, 4 avril 2019 : RG n° 17/05789 ; Dnd - CA Versailles (16e ch.), 28 janvier 2021 : RG n° 19/02664 ; Cerclab n° 8772 (idem), sur appel de TGI Versailles, 31 janvier 2019 : RG n° 17/05785 ; Dnd.

* Spécificité du contrat. Même si l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. n’a pas indiqué explicitement que le caractère abusif devait s’apprécier en tenant « compte de la nature des biens ou services », comme la directive et la loi du 10 janvier 1978 l’avaient fait, le caractère particulier d’un contrat est un indice effectivement utilisé par les décisions recensées (V. Cerclab n° 6031). « L’esprit » du contrat (aléatoire, financier, de service public, etc.) est même l’une des meilleures illustrations de la manière dont l’appréciation globale peut influer sur l’appréciation du caractère abusif d’une clause qui, isolément, aurait pu paraître déséquilibrée.

Pour une illustration de cette idée : la location de plusieurs chambres meublées au sein d'un même appartement est incontestablement à l'origine de conditions particulières d'occupation, tenant notamment au nombre élevé d'occupants appelés à faire un usage commun de divers équipements, de nature à justifier la création d'obligations particulières. TGI Grenoble (4e ch. civ.), 3 juin 1996 : RG n° 95/04219 ; jugt n° 175 ; Cerclab n° 3152 (logement d’étudiants ; argument justifiant la clause sur la limitation du nombre d’occupants).

L’indice n’est efficace que si la spécificité est réelle. Pour un jugement rejetant l’argument invoqué par le professionnel, pour justifier la transformation d’une obligation de résultat en obligation de moyens, tiré d’une prétendue spécificité du service de fourniture d’accès internet, dès lors qu’un tel argument pourrait être invoqué par n’importe quel prestataire. TGI Nanterre (1re ch. sect. A), 2 juin 2004 : RG n° 02/03156 ; site CCA ; Cerclab n° 3993, sur appel CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 15 septembre 2005 : RG n° 04/05564 ; Cerclab n° 3146 ; Juris-Data n° 2004-283144 ; Lamyline (argument non repris).

* Recherche des justifications des clauses. Lors de l’appréciation globale du contrat, les décisions recensées montrent que les magistrats attachent une importance particulière à l’existence ou non de justifications aux clauses contestées, que celles-ci concernent le professionnel (ex. contraintes juridiques, techniques ou de gestion ; V. les notices correspondantes Cerclab n° 6043, n° 6044 et n° 6041) ou le consommateur (bénéfice d’une option, contraintes légitimes rendant l’exécution d’une clause impossible ou irréaliste, etc.). § Pour une illustration explicite, V. par exemple : TGI Grenoble (4e ch. civ.), 29 janvier 2001 : RG n° 1999/04303 ; jugt n° 17 ; site CCA ; Cerclab n° 3164 (vente de cuisine ; les dispositions incriminées confèrent ainsi au professionnel un avantage excessif qui n’est pas justifié par un motif légitime).

* Appréciation globale étendue à d’autres contrats. Tant la directive, que l’art. L. 212-1 [ancien art. L. 132-1] C. consom., évoquent le fait qu’il peut être nécessaire dans certains cas d’élargir l’appréciation du déséquilibre à d’autres contrats que celui contenant la clause litigieuse. L’exigence correspondant à l’existence de groupes de contrats qui peuvent éclairer l’économie de la relation qui s’est nouée entre le professionnel et le consommateur (contrat financé et contrat de crédit, vente et crédit-bail ou location financière, etc.). § Le caractère disproportionné d’une indemnité de retard d’un contrat de maîtrise d'œuvre doit être apprécié au regard du taux prévu dans le contrat de louage d'ouvrage. CA Montpellier (3e ch. civ.), 7 juillet 2022 : RG n° 17/03487 ; Cerclab n° 9723 (taux de 3 % aboutissant à 21 et neuf euros par jour, alors que ce montant était de 273 euros pour le retard de l’entrepreneur), sur appel de TI Montpellier, 18 mai 2017 : RG n° 11-16-000538 ; Dnd. § Sur la prise en compte du contexte contractuel, V. Cerclab n° 6037 s. et par exemple : CA Paris (15e ch. A), 3 septembre 2002 : RG n° 2000/08216 ; Cerclab n° 903 ; Juris-Data n° 2002-188807 (prêt accessoire d’un contrat de travail : clause de déchéance en cas de cessation du contrat de travail compensée par le taux d’intérêt réduit ; arrêt évoquant explicitement l’al. 4), confirmant TGI Paris (9e ch. 2e sect.), 11 février 2000 : RG n° 99/15914 ; jugt n° 2 ; Cerclab n° 2608 - CA Reims (ch. civ. 1re sect.), 9 octobre 2006 : RG n° 05/01343 ; arrêt n° 484 ; Cerclab n° 1001 ; Juris-Data n° 2006-334070 (publicité en vue d’une vente d’immeuble : affaire Panorimmo ; rappel de l’al. 4 et analyse du déséquilibre en prenant en compte le contrat de crédit et le contrat d’assurance associés), sur appel de TGI Châlons-en-Champagne (ch. civ. 1re sect.), 6 avril 2005 : RG n° 04/01423 ; jugt n° 94 (problème non abordé) - CA Paris (pôle 4 ch. 9), 6 juillet 2017 : RG n° 15/03790 ; Cerclab n° 6960 ; Juris-Data n° 2017-014093 (l'appréciation de l'existence de clauses abusives dans le contrat d'abonnement de télésurveillance est indissociable du contrat de mise à disposition de matériels et de prestations conclu le même jour, puisque le contrat d'abonnement n'est justifié que par le contrat de mise à disposition avec lequel il forme un ensemble économiquement cohérent, les clients ne réglant d'ailleurs qu'une mensualité unique pour les deux contrats), sur appel de Jur. proxim. Bobigny, 17 décembre 2014 : RG n° 91-13-000262 ; Dnd.

V. pour écarter le caractère abusif d’une clause de déchéance par contagion, une décision se fondant sur le fait que la clause ne vise pas n’importe quel prêt, dans une convention distincte, mais seulement deux prêts, formulés sur un document unique, qui sont compris dans la même offre, qui font partie d'une même opération économique et se complètent l'un l'autre. CA Metz (3e ch. - TI), 25 mars 2021 : RG n° 19/02905 ; arrêt n° 21/00230 ; Cerclab n° 8910 (financement de l’acquisition et des travaux de rénovation d’un immeuble), sur appel de TI Metz, 18 octobre 2019 : RG n° 19/00032 ; Dnd.

* Appréciation globale étendue au contexte général. Certaines des décisions recensées élargissent encore la perspective en se référant à la clientèle du professionnel (Cerclab n° 6038) ou plus généralement au marché, sous l’angle du jeu de la libre concurrence (Cerclab n° 6039).

Une telle généralisation n’est pas sans limites. V. par exemple : estime justement que n’est pas abusive la clause d’une garantie perte d’emploi limitant la prise en charge par l’assureur à quatre échéances du prêt la cour d’appel qui relève que cette clause ne créait aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, compte tenu de la faible cotisation perçue par l’assureur, et qui estime que la durée moyenne en statistique des périodes de chômage, par essence évolutive selon les périodes, ne pouvait être prise en considération en vue de cette appréciation. Cass. civ. 1re, 26 octobre 2004 : pourvoi n° 02-13737 ; arrêt n° 1499 ; Cerclab n° 2005 (contrat apparemment conclu avant le 1er février 1995, ce qui entraînait, conformément au jugement, l’application de l’art. 35 de la loi du 10 janvier 1978, alors que la cour d’appel et la Cour de cassation se référent de façon contestable à la notion de déséquilibre significatif).

Comp. TGI Rennes (1re ch.), 14 décembre 1992 : RG n° 2466/91 ; arrêt n° 672 ; Cerclab n° 1771 (fourniture de gaz ; 1/ jugement validant une clause de facturation selon le prix en vigueur au jour de la livraison, conformément au barème du fournisseur, dans la mesure où le prix du propane dépend de l’évolution des cours internationaux des matières premières, ce qui implique que le fournisseur n’a pas la maîtrise de l’évolution du prix du produit qu’il vend et ne peut pas prendre de décision arbitraire sur ce point et, du fait que la mise en place d’un système contractuel plus rigide nuirait sans doute à la répercussion sur le client des baisses des cours internationaux, s’agissant d’un produit sujet à d’importantes fluctuations, affirmation sans doute plus discutable ; 2/ absence de caractère abusif d’une clause fixant conventionnellement certains cas pour les assimiler à un cas de force majeure, dès lors qu’il y a lieu de prendre en compte une logique économique qui rendrait vaine l’exécution d’une obligation à un coût déraisonnable, difficilement supportable pour le client) - CA Colmar (2e ch. civ.), 16 juin 1995 : RG n° 4336/94 ; Cerclab n° 1416 (assurance chômage ; appréciation de la clause d’un contrat d’assurance-groupe garantissant la perte d’emploi prévoyant, après trois années, la possibilité d’une modification des cotisations ; arrêt estimant qu’en l’espèce, l’augmentation rendue nécessaire par l’aggravation globale du chômage, ne résulte pas d’un abus de puissance économique dès lors qu’elle a fait l’objet de discussions entre l’assureur et l’organisme souscripteur du contrat de groupe, dont la forme mutualiste implique une représentation de l’intérêt collectif des adhérents, et que l’avantage excessif n’est pas non plus établi, puisqu’après révision, le tarif d’assurance n’excède pas les taux pratiqués par des organismes concurrents) - TI Vanves, 13 janvier 2004 : RG n° 11-03-000758 ; jugt n° 30/2004 ; Cerclab n° 4205 (accès internet ; jugement estimant peu convaincant sur le plan économique l’argument selon lequel la modification unilatérale du contrat, par réduction du volume horaire du forfait, serait justifiée par une hausse des tarifs, compte tenu de l’effritement tendanciel général du coût de l’accès à Internet) - TGI Nanterre (6e ch.), 3 mars 2006 : RG n° 04/03016 ; site CCA ; Cerclab n° 3181 ; Juris-Data n° 2006-308052 (accès internet ; une juste analyse des clauses litigieuses, en harmonie avec la réalité et les besoins propres aux relations contractuelles litigieuses, suppose de tenir compte de la configuration technique dans lequel l’activité économique de tout fournisseur d’accès à l’Internet est nécessairement inscrite ; jugement rappelant notamment les particularités des dégroupages partiels ou complets au regard du rôle de l’opérateur historique).

Conséquences pour le contrôle par la CJUE. La CJUE s’est souvent référée à la nécessité d’une analyse globale des clauses, notamment pour justifier le fait qu’elle ne se contente que de poser des critères généraux, laissant aux juridictions internes le soin de cette analyse circonstanciée. V. Cerclab n° 5980 et par exemple : CJUE (8e ch.), 16 novembre 2010, Pohotovosť s. r. o./Iveta Korčkovská. : Aff. C‑76/10 ; Cerclab n° 4418 (point n° 59).

C. ÉLÉMENTS EXCLUS

Manquement à la bonne foi. Selon l’art. 3 § 1 de la directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993, « une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ». Directive 93/13/CEE : Cerclab n° 3854. § La référence à la bonne foi n’a pas été retenue par le législateur français, même si les décisions recensées montrent que l’idée est fréquemment utilisée par les magistrats (V. Cerclab n° 6049, pour le professionnel et Cerclab n° 6052, pour le consommateur). § V. aussi : le juge n’a pas pour mission, en tant que gardien de la bonne foi et de la justice contractuelles, d’entériner des rapports de force lorsque ceux-ci sont par trop déséquilibrés et permettent au professionnel d’en abuser. TGI Sables d’Olonne (réf.), 6 février 2012 : RG n° 12/00003 ; site CCA ; Cerclab n° 4237 (location de mobile home ; appréciation en référé des modifications proposées par le bailleur, lors du renouvellement du contrat, alors que les occupants sont dans leur majorité des résidents habituels, depuis plusieurs années, qui n’ont quasiment aucune possibilité de refuser), infirmé sur un point préalable par CA Poitiers, 31 août 2012 : Dnd (impossibilité pour le juge des référés d’examine une clause dans un contrat qui n’est pas encore conclu, en l’espèce une proposition de renouvellement).

Le texte n’érige pas forcément l’absence de bonne foi en condition autonome et pourrait être plutôt compris comme faisant de la notion comme un des fondements de la protection, ce qui pourrait expliquer pour partie la solution adoptée par la loi du 1er février 1995. § Comp. cep. : en se référant aux notions de bonne foi et de déséquilibre significatif, l’art. 3 de la directive 93/13/CEE ne définit que de manière abstraite les éléments qui donnent un caractère abusif à une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle. CJUE (8e ch.), 16 novembre 2010, Pohotovosť s. r. o./Iveta Korčkovská. : Aff. C‑76/10 ; Cerclab n° 4418 (point n° 56 ; arrêt citant en ce sens les arrêts du 7 mai 2002, Commission/Suède, C‑478/99, Rec. p. I‑4147, point 17, et du 1er avril 2004, Freiburger Kommunalbauten, C‑237/02, Rec. p. I‑3403, point 19).

Néanmoins, le considérant n° 16 de la directive fait un lien explicite entre la bonne foi et l’appréciation globale : « l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d'être complétée par un moyen d'évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci constitue l'exigence de bonne foi ; que, dans l'appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l'exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l'autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ».

Illégitimité de la situation. Pour une décision ajoutant à la définition de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. un élément qui n’y figure pas : pour encourir le qualificatif de déséquilibre significatif, le déséquilibre doit, par application pure et simple de la force obligatoire des contrats, induire une situation illégitime. CA Rennes (1re ch. B), 30 mars 2001 : RG n° 00/01559 ; arrêt n° 351 ; Cerclab n° 1806, cassé par Cass. civ. 1re, 21 octobre 2003 : pourvoi n° 01-13239 ; arrêt n° 1279 ; Cerclab n° 2020 (cassation totale pour refus d’octroi de dommages et intérêts à l’association).

Absence de mise en demeure. Pour une décision rejetant la demande fondée sur le caractère abusif de certaines clauses aux motifs que le locataire, qui se réfère à des textes datant de 1986 et 2000, « ne justifie pas avoir mis antérieurement en demeure son cocontractant au soutien d'un éventuel déséquilibre du contrat » et qu’il a ainsi exécuté le contrat de location sur une période de plus de six années, sans aucunement faire état de l'existence de clauses abusives. CA Paris (pôle 5 ch. 10), 27 septembre 2021 : RG n° 20/02608 ; Cerclab n° 9151 (location avec option d’achat de véhicule et assurance incluse ; arrêt évoquant l’argument tout aussi inopérant du fait que les clauses auraient été librement acceptées), sur appel de TGI Bobigny, 19 décembre 2019 : RG n° 16/11514 ; Dnd.

N.B. Cette solution est erronée : une action en nullité n’a jamais été soumise à l’exigence d’une mise en demeure et cette solution vaut a fortiori pour une action visant à faire réputer une clause non écrite. En décidant le contraire, la cour ajoute au texte une condition qu’il ne contient pas. Il convient de remarquer que la même formation a retenu une solution identique dans le cadre de l’art. L. 442-6-I-2° C. com., alors que ce texte ouvre la possibilité d’une action en responsabilité extra-contractuelle qui elle aussi n’a jamais été soumise à l’exigence d’une mise en demeure.

L’arrêt peut aussi s’expliquer par une sorte de renonciation implicite à l’invocation du caractère abusif. Sous cet angle, il encourt également deux reproches : d’une part, il omet de prendre en compte le fait qu’une telle renonciation suppose que le consommateur ait connaissance de ce caractère abusif (Cerclab n° ??), d’autre part, cette argumentation pourrait être analysée comme un procédé indirect visant à tenter d’évincer le caractère imprescriptible de l’action en élimination du réputé non écrit qui n’est plus désormais discutable (Cerclab n° 5705).