CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA VERSAILLES (16e ch.), 24 septembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 24 septembre 2020
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 19/01827
Date : 24/09/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/03/2019
Référence bibliographique : 5730 (conclusions récapitulatives), 6619 (sanction d’un TEG erroné), 6638 (prêt immobilier, clause d’année lombarde)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8569

CA VERSAILLES (16e ch.), 24 septembre 2020 : RG n° 19/01827 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Que le tribunal a, cependant, justement jugé que Monsieur X. n'est pas fondé à agir en nullité du contrat mais en déchéance du droit aux intérêts de la banque dès lors que cette dernière action, prévue par le droit spécial du code de la consommation, vise à sanctionner non point une condition de formation du contrat de prêt qui, pour sa validité, exige selon le droit commun le consentement du souscripteur mais la violation d'une obligation légale issue du droit de la consommation ; Qu'en effet, s'agissant en l'espèce de quatre offres de prêt immobilier consenties à un consommateur, la nullité de la clause d'intérêts qui y figure n'est pas légalement prévue par l'article L. 312-33 (devenu L 341-34) du code de la consommation, lequel sanctionne par la déchéance éventuelle du droit aux intérêts conventionnels la mention erronée du taux effectif global qui y figure, en méconnaissance de l'article L. 312-8 (devenu L. 313-25) du même code, ainsi que cela résulte de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 1ère, 12 décembre 2018, pourvoi n° 17-21240, notamment) ;

Que la banque fait, d'ailleurs, incidemment observer que cette sanction qui répond aux exigences de proportionnalité, d'effectivité et de dissuasion a seule été retenue dans l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables ; Qu'à cet égard, il y a lieu de considérer que si cette ordonnance n'a pas d'effet rétroactif et ne s'applique donc pas aux contrats en cause, comme le précise la Cour de cassation dans son avis n° 15004 du 10 juin 2020, n° 20-70001), il n'en reste pas moins qu'elle a par ailleurs jugé, comme évoqué au point 4 de cet avis, que cette sanction était applicable aux contrats souscrits antérieurement à son entrée en vigueur (Cass civ 1ère, 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24287, publié au bulletin) ».

2/ « Que pour ce qui est de la référence à l'année lombarde également incriminée, l'article 2 des conditions générales de ces prêts liant les parties, stipule, il est vrai, que « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an » et qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 313-1, L. 313-2 et R 313-1 du code de la consommation applicables que le taux conventionnel mentionné par écrit dans un crédit immobilier à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur l'année civile ;

Que, toutefois, cet article 2 poursuit : « nous vous précisons que le taux effectif global est calculé sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l'an. Ajustement de la première échéance, la première échéance du prêt est toujours calculée en jours exacts.

De ce fait, son montant peut être différent des autres mensualités en raison des intérêts intercalaires et des cotisations d'assurance (le cas échéant) qui peuvent être perçus et donc rajoutés et ce, dans le cas où le nombre de jours entre le début d'amortissement et la première échéance n'est pas égal à 30 jours. » ;

Qu'en outre, Monsieur X. sur qui pèse la charge de la preuve des irrégularités affectant la convention d'intérêts se montre défaillant en sa réponse à l'argumentation adverse, étayée quant à elle sur des calculs précis se rapportant aux contrats litigieux, selon laquelle le calcul des intérêts sur la base d'une année lombarde rapportée à 360 jours revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile rapportée au mois normalisé, de sorte que le rapport 30/360 et 30,41666/365 est toujours 1/12 et que ces deux formules représentent exactement la même méthode de calcul des échéances du prêt ;

Que si l'appelant soutient qu'il pourrait s'agir d'une clause abusive, comme jugé par la cour d'appel de Limoges dans un arrêt dont il se contente de reproduire la motivation, il ne demande pas pour autant à la cour, dans le dispositif de ses conclusions qui seul la saisit, de la déclarer non écrite ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01827. N° Portalis DBV3-V-B7D-TB6A. Code nac : 53D. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE : R.G. n° 17/05955.

LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...], Représentant : Maître Ghislaine D.-M., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 216, Représentant : Maître Julien M., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 905

 

INTIMÉE :

SA LE CREDIT LYONNAIS

N° Siret : XXX (R.C.S Lyon), [...], [...], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Emilie V. H. de la SCP EVODROIT, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13 - N° du dossier 171114, Représentant : Maître Marco P., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 8

 

Composition de la cour : L'affaire était fixée à l'audience publique du 1er juillet 2020 pour être débattue devant la Cour composée de : Madame Patricia GRASSO, Président, Madame Sylvie NEROT, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller. En application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le président que la procédure susvisée se déroulerait sans audience. Les parties en ont été avisées par le greffe le 15 juin 2020 et ces dernières ne s'y sont pas opposées dans un délai de 15 jours. Ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi.

Greffier : Monsieur Antoine DEL BOCCIO,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon quatre offres émises pour les trois premières d'entre elles le 22 décembre 2012 et acceptées le 8 janvier 2013, et pour la dernière émise puis acceptée les 13 et 27 juillet 2013, Monsieur X. a conclu avec la société anonyme Le Crédit Lyonnais (ci-après : LCL) quatre contrats de prêt immobilier aux montants suivants :

* 121.400 euros au taux d'intérêt nominal de 3,80 %, au taux effectif global (TEG) de 4,24 % et au taux de période de 0,35 % par mois, remboursable en 300 mensualités,

* 60.000 euros au taux d'intérêt nominal de 3,15 %, au TEG de 3,74 % et au taux de période de 0,31 % par mois, remboursable en 180 mensualités,

* 50.000 euros au taux d'intérêt nominal de 3,15 %, au TEG de 3,75 % et au taux de période de 0,31 % par mois, remboursable en 198 mensualités,

étant précisé que ces trois prêts, destinés à financer l'achat d'un logement à usage de résidence principale, ont été intégralement remboursés par anticipation.

* 115.600 euros au taux d'intérêt nominal de 2,85 %, au TEG de 3,45 % et au taux de période de 0,29 % par mois, remboursable en 264 mensualités,

étant précisé que ce dernier prêt était destiné à financer l'acquisition d'un appartement locatif à [ville W.] et qu'aucun incident de paiement n'a été constaté quant à ce prêt.

Monsieur X. exposant qu'il a pris connaissance d'une analyse effectuée à sa demande par le cabinet Humania Consultants le 14 mars 2017, que par courrier du 19 avril 2017 il a vainement mis en demeure la SA LCL d'émettre un avenant au contrat de prêt au vu du TEG erroné et de lui rembourser les intérêts indûment perçus, il a assigné cette dernière en nullité de la stipulation d'intérêts, subsidiairement en déchéance de son droit aux intérêts, avec toutes conséquences en résultant, ainsi qu'en responsabilité pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté, ceci selon acte du 7 septembre 2017.

Par jugement contradictoire rendu le 11 février 2019, le tribunal de grande instance de Pontoise a :

- dit que Monsieur X. a un intérêt à agir à la présente procédure,

- déclaré irrecevable l'action en nullité,

- dit n'y avoir lieu à une déchéance du droit aux intérêts,

- débouté Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur X. à verser à la SA LCL la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Monsieur X. aux entiers dépens.

[*]

Par dernières conclusions (n° 1) notifiées le 4 juin 2019, Monsieur X., appelant de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 13 mars 2019, demande à la cour, visant les articles L. 312-1 et suivants (anciens) et particulièrement les articles L. 312-4, L. 312-5, L. 312-8, L. 312-10 ainsi que les articles L. 312-33, R. 313-1 (anciens) du code de la consommation, 1304, 1907 et 2224 du code civil :

- de le déclarer recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de dire et juger que chaque offre de prêt émise par la SA LCL, acceptée par lui, ne respecte pas les dispositions légales et règlementaires ci-dessus visées,

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et,

à titre principal :

- de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans chacun des quatre actes de prêt liant les parties en raison de l'utilisation par la SA LCL de l'année de 360 jours pour calculer les intérêts du prêt,

- de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans les actes de prêts liant les parties en raison des erreurs de la SA LCL dans la détermination du taux de période, du taux effectif global, et de l'absence d'équivalence des flux,

- de condamner la SA LCL au remboursement de l'excédent d'intérêts indus, à savoir la somme de 31.000 euros (4.000 euros pour le prêt de 50.000 euros, 15.000 euros pour le prêt de 121.400 euros, 5.000 euros pour le prêt de 60.000 euros et 7.000 euros pour le prêt de 115.600 euros), à parfaire au jour de la décision à intervenir et, faire application du taux légal à compter du 19 avril 2017, date de la mise en demeure,

- de fixer le taux applicable aux contrats de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir et de préciser que celui-ci ne pourra pas dépasser le taux d'intérêt initialement convenu,

- de condamner la SA LCL à produire un nouvel échéancier pour les contrats de prêts de 50.000 et 115.600 euros, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

à titre subsidiaire :

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en application de l'article L. 312-33, dernier alinéa (ancien), du code de la consommation,

- condamner la SA LCL au remboursement de l'excédent d'intérêts indus, à savoir la somme de 31.000 euros (4.000 euros pour le prêt de 50.000 euros, 15.000 euros pour le prêt de 121.400 euros, 5.000 euros pour le prêt de 60.000 euros et 7.000 euros pour le prêt de 115.600 euros), à parfaire au jour de la décision à intervenir et de faire application du taux légal à compter du 19 avril 2017, date de la mise en demeure,

- de fixer le taux applicable aux contrats de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir et de préciser que celui-ci ne pourra pas dépasser le taux d'intérêt initialement convenu,

- de condamner la SA LCL à produire un nouvel échéancier pour les contrats de prêts de 50.000 et 115.600 euros, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

en tout état de cause :

- de condamner la SA LCL à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté,

- de débouter la SA LCL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la SA LCL à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et de 3.000 euros au titre du même article d'appel,

- de condamner la SA LCL aux entiers dépens de l'instance.

[*]

Par dernières conclusions d'intimée et d'appel incident (n° 1) notifiées le 3 septembre 2019, la société Anonyme Crédit Lyonnais prie la cour, au visa des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile, L. 312-7, L. 312-8, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 (anciens) du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date d'acceptation de l'offre de prêt, 1134, 1304 (ancien), 1905 et 1907 applicables du code civil :

sur l'appel principal de Monsieur X. :

- de le déclarer mal fondé

- de le débouter de l'intégralité de ses fins et conclusions,

- de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui lui sont favorables,

sur appel incident :

- de recevoir son appel incident et de le déclarer bien-fondé

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Monsieur X. a un intérêt à agir s'agissant des prêts n° 4006249ZV4EO11GH, n° 4006249ZV4EO12GH, et n° 4006249ZV4EO13GH,

- de déclarer Monsieur X. dépourvu de tout intérêt à agir s'agissant des prêts précités conclus le 8 janvier 2013 intégralement remboursés à la date de l'introduction de l'instance,

en tout état de cause :

- de condamner Monsieur X. à verser au Crédit Lyonnais la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur X. aux entiers dépens.

[*]

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 mai 2020. A l'audience du 1er juillet 2020, l'affaire a été retenue dans les conditions prévues par l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, les parties n'ayant pas manifesté leur opposition, au vu de l'avis du greffe en date du 15 juin 2020. La mise à disposition de l'arrêt par application de l'article 10 de la même ordonnance a ensuite été annoncée pour le 24 septembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir :

Attendu que la société LCL fait valoir, s'agissant des trois premiers prêts précités, que l'appelant n'a aucun intérêt légitime à agir dès lors qu'il les avait pleinement et intégralement exécutés au moment de la délivrance de son assignation, de sorte qu'ils n'ont plus d'existence juridique et qu'en outre l'emprunteur ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice financier, la somme de 31.000 euros réclamée ne ressortant d'aucun calcul ;

Mais attendu qu'il est constant que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de l'action ; que ce moyen qui conduit à examiner l'action au fond, notamment sur une créance portant sur une restitution d'intérêts présentés comme indument perçus, pour la déclarer irrecevable, en violation des dispositions des articles 31 et 122 du code de procédure civile, ne peut être accueilli et qu'il convient, par conséquent, de le rejeter ;

 

Sur l'action en nullité formée à titre principal :

Attendu qu'à titre principal et comme en première instance, l'appelant, visant les dispositions combinées des articles L. 312-2 (ancien) du code de la consommation, d'ordre public, et 1907 du code civil qui posent l'exigence d'un écrit mentionnant le TEG comme une condition de validité de la stipulation d'intérêts poursuit l'infirmation du jugement qui l'a débouté de son action en nullité sur le fondement de l'adage selon lequel le spécial déroge au général et reprend les différentes erreurs affectant les offres de prêt, chacune de nature à entraîner, selon lui, leur nullité ;

Qu'il évoque, par conséquent, celle qui affecte le calcul du taux de période et dont l'inexactitude équivaut à une absence de mention, se prévaut du non-respect du principe de proportionnalité entre le taux annuel et le taux de période, la prétendue tolérance qui n'est pas celle du dixième dans chacune des quatre offres puisqu'elle est dépassée, ajoutant que la possibilité de pratiquer un arrondi ne concerne pas le cas d'espèce et que la banque se devait d'être précise sur la décimale du TEG choisie, en adéquation avec le taux de période ;

Mais attendu que, ce faisant, l'appelant ne débat pas des motifs du jugement qui ont conduit les premiers juges à conclure que seule est recevable l'action en déchéance du droit aux intérêts, pas plus que des moyens que lui oppose son adversaire ;

Que le tribunal a, cependant, justement jugé que Monsieur X. n'est pas fondé à agir en nullité du contrat mais en déchéance du droit aux intérêts de la banque dès lors que cette dernière action, prévue par le droit spécial du code de la consommation, vise à sanctionner non point une condition de formation du contrat de prêt qui, pour sa validité, exige selon le droit commun le consentement du souscripteur mais la violation d'une obligation légale issue du droit de la consommation ;

Qu'en effet, s'agissant en l'espèce de quatre offres de prêt immobilier consenties à un consommateur, la nullité de la clause d'intérêts qui y figure n'est pas légalement prévue par l'article L. 312-33 (devenu L 341-34) du code de la consommation, lequel sanctionne par la déchéance éventuelle du droit aux intérêts conventionnels la mention erronée du taux effectif global qui y figure, en méconnaissance de l'article L. 312-8 (devenu L. 313-25) du même code, ainsi que cela résulte de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 1ère, 12 décembre 2018, pourvoi n° 17-21240, notamment) ;

Que la banque fait, d'ailleurs, incidemment observer que cette sanction qui répond aux exigences de proportionnalité, d'effectivité et de dissuasion a seule été retenue dans l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables ;

Qu'à cet égard, il y a lieu de considérer que si cette ordonnance n'a pas d'effet rétroactif et ne s'applique donc pas aux contrats en cause, comme le précise la Cour de cassation dans son avis n° 15004 du 10 juin 2020, n° 20-70001), il n'en reste pas moins qu'elle a par ailleurs jugé, comme évoqué au point 4 de cet avis, que cette sanction était applicable aux contrats souscrits antérieurement à son entrée en vigueur (Cass civ 1ère, 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24287, publié au bulletin) ;

Qu'il peut être enfin relevé quelque incohérence dans la défense de ses intérêts par Monsieur X. qui produit lui-même (en pièce 5) au soutien de ses prétentions le numéro 123 de la revue « UFC Que choisir » de septembre 2012 dont le rédacteur écrit:

« La loi prévoit une sanction efficace contre la banque en cas de TEG erroné. Il s'agit de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, organisée par l'article L. 312-33 du code de la consommation » ;

Que le jugement qui en décide ainsi doit, par conséquent, être confirmé ;

 

Sur l'action en déchéance du droit à intérêts conventionnels formée à titre subsidiaire :

Attendu que pour voir prononcer la déchéance de la banque de ce droit et la voir condamnée à lui restituer un excédent d'intérêts indus chiffrés à une somme totale de 31.000 euros assortie d'intérêts pour les quatre prêts ainsi qu'à produire sous astreinte un nouvel échéancier pour les deux contrats précités et pour voir, enfin, fixer au taux légal le taux applicable aux contrats pour la période restant à courir, Monsieur X. ne se prévaut pas d'irrégularités autres que celles qu'il incrimine en poursuivant la nullité de ces offres de prêt ;

Que, par une présentation globale des irrégularités et erreurs de la convention d'intérêts des quatre offres de prêt acceptées en cause qui laisse entendre qu'ils en sont semblablement affectés et en se référant à quatre « analyses du 14 mars 2017 » effectuées par une société Humania Consultants qu'il a mandatée pour ce faire, y ajoutant des développements, d'ordre général puisqu'ils n'en font aucune application au cas particulier, d'un expert-comptable et d'un mathématicien sur la méthode de calcul d'un taux effectif global, Monsieur X. se prévaut de la mention d'un TEG, certes présent sur ces actes mais inexact et contrevenant aux prescriptions du code de la consommation ;

Qu'il soutient d'abord que le taux de période qui assure, selon l'article R. 313-1 du code de la consommation, l'équivalence des flux entre le prêteur et l'emprunteur est erroné (ce qui équivaut à une absence de mention) et qu'il méconnait le principe de proportionnalité entre celui-ci et le taux annuel également posé par ses dispositions ;

qu'il convient de juger, selon lui, que la tolérance de la décimale, qui n'est pas celle du dixième, est en l'espèce dépassée et que, par ailleurs, la possibilité de présenter un TEG arrondi ne concerne pas les prêts immobiliers ainsi que cela ressort de l'annexe, sous d), du décret du 10 juin 2002 transcrivant la directive 87/102/CEE du 22 décembre 1986 ; qu'il entend, de plus, rappeler qu'il existe un lien entre le degré d'exactitude requis et le nombre de décimales choisi par la banque et enfin que, quand bien même l'erreur serait-elle minime, aucun texte n'autorise la banque à percevoir davantage que ce qui lui est dû, de même que rien ne permet à l'emprunteur de s'affranchir du paiement de la moindre somme due;

Qu'il affirme, par ailleurs, qu'il ne saurait être fait usage de l'année de 360 jours, dite lombarde, pour calculer les intérêts du prêt, que le taux conventionnel doit être calculé sur la base de l'année civile dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, comme cela résulte des dispositions des articles L. 313-1 et R 313-1 du même code ainsi que d'une recommandation de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 20 septembre 2005, interdisant alors le recours à cette année lombarde qui conduit, selon la doctrine, à une majoration dissimulée du montant des intérêts, et qu'en l'espèce, la banque a fait un usage de l'année lombarde, ainsi que cela ressort de l'article 2 des conditions générales de ces prêts ; qu'il se réclame, pour ce faire, d'une abondante jurisprudence de juridictions de première instance et d'appel statuant dans ce sens (pages 10 à 16/29 de ses conclusions) ;

Que, plus précisément et explicitant uniquement dans ses écritures de manière chiffrée les irrégularités qu'il incrimine en violation du principe de proportionnalité, il demande à la cour de « constater » :

- s'agissant du premier prêt au montant de 121.400 euros

TEG = 0,35655 % * 365 (360/12) = 4,34 % et non pas 4,24 %

- s'agissant du deuxième prêt au montant de 60.000 euros

TEG = 0,35655 % * 365 (360/12) = 3,90 % et non pas 3,74 %

- s'agissant du troisième prêt au montant de 50.000 euros

TEG = 0,3126 % * 365 (360/12) = 3,80 % et non pas 3,75 %

- s'agissant du premier prêt au montant de 121.400 euros

TEG = 0,28769 % * 365 (360/12) = 3,50 % et non pas 3,45 % ;

Attendu, ceci étant rappelé et pour ce qui est du caractère proportionnel du TEG au taux de période, que Monsieur X. persiste à fonder ses prétentions sur les analyses unilatérales effectuées à son initiative par la société Humania Consultants ;

Qu'outre le fait que ces analyses, quand bien même seraient-elles soumises à la discussion, ne sont complétées par aucun autre document dès lors que les avis du mathématicien et de l'expert que Monsieur X. a recueillis n'envisagent que les prémisses aux calculs proprement dits sans se prononcer sur les calculs opérés, et qu'il est constant que si le juge qui ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats, il ne peut se fonder exclusivement sur une telle pièce, force est de considérer que Monsieur X., invoquant une prétendue tolérance de la décimale qui n'est pas celle du dixième et se trouve en l'espèce dépassée, ne peut être suivi en sa démonstration d'un taux de période erroné en ce qu'il contrevient aux dispositions d'ordre public du code de la consommation, qui détermine un taux annuel erroné ;

Qu'en effet, c'est par justes motifs que la cour fait siens que le tribunal critique de manière circonstanciée la méthode de calcul telle que présentée qui méconnait la formule mathématique issue de l'annexe de l'article R. 313-1 (ancien) du code de la consommation annoncée en en-tête des documents émanant de la société Humania Consultants mais non appliquée ;

Que par ailleurs, la société Crédit Lyonnais invoque à juste titre l'article 2 des conditions générales du contrat relatif à la périodicité des versements pour en déduire que, pour calculer au cas particulier le TEG, le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire est égal à 365/30,41666 = 12 et non point 365 x (360/12) = 12,16667, ajoutant, de plus, que les hypothèses de calcul produites sont également erronées en ce que les coûts des crédits litigieux ne sont pas correctement pris en compte dans les analyses des premier et deuxième prêts et qu'il n'est pas fait la démonstration de l'affichage d'un TEG supérieur au seuil de précision d'une décimale telle que ressortant de l'annexe sous d) de l'article R 313-1 ;

Que pour ce qui est de la référence à l'année lombarde également incriminée, l'article 2 des conditions générales de ces prêts liant les parties, stipule, il est vrai, que « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an » et qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 313-1, L. 313-2 et R 313-1 du code de la consommation applicables que le taux conventionnel mentionné par écrit dans un crédit immobilier à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur l'année civile ;

Que, toutefois, cet article 2 poursuit : « nous vous précisons que le taux effectif global est calculé sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l'an. Ajustement de la première échéance, la première échéance du prêt est toujours calculée en jours exacts.

De ce fait, son montant peut être différent des autres mensualités en raison des intérêts intercalaires et des cotisations d'assurance (le cas échéant) qui peuvent être perçus et donc rajoutés et ce, dans le cas où le nombre de jours entre le début d'amortissement et la première échéance n'est pas égal à 30 jours. » ;

Qu'en outre, Monsieur X. sur qui pèse la charge de la preuve des irrégularités affectant la convention d'intérêts se montre défaillant en sa réponse à l'argumentation adverse, étayée quant à elle sur des calculs précis se rapportant aux contrats litigieux, selon laquelle le calcul des intérêts sur la base d'une année lombarde rapportée à 360 jours revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile rapportée au mois normalisé, de sorte que le rapport 30/360 et 30,41666/365 est toujours 1/12 et que ces deux formules représentent exactement la même méthode de calcul des échéances du prêt ;

Que si l'appelant soutient qu'il pourrait s'agir d'une clause abusive, comme jugé par la cour d'appel de Limoges dans un arrêt dont il se contente de reproduire la motivation, il ne demande pas pour autant à la cour, dans le dispositif de ses conclusions qui seul la saisit, de la déclarer non écrite ;

Qu'il se borne, par ailleurs, à reproduire l'énoncé d'un arrêt de la cour d'appel de Riom selon lequel les calculs proposés par la banque n'étaient pas probants sans pour autant se livrer concrètement, contrat de prêt par contrat de prêt, à un calcul qui viendrait démontrer l'absence d'équivalence dont il se prévaut ; qu'il lui appartient cependant de faire la démonstration, à la faveur d'une vérification mathématique à partir du tableau d'amortissement définitif faisant éventuellement ressortir des échéances rompues, de l'usage prohibé du « diviseur 360 » pour le calcul des intérêts, la seule présence d'une clause le mentionnant étant à cet égard insuffisante, de la même façon qu'il se doit d'établir que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R 313-1 du code de la consommation, ainsi que cela résulte, d'ailleurs, de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 1ère, 4 juillet 2019, pourvoi n° 17-27621 // 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-19097, publié au bulletin) ;

Que ne saurait être accueillie la demande de Monsieur X. fondée sur cet autre moyen dès lors qu'il se dispense de cette double démonstration, poursuivant, peut-il être relevé, la restitution de sommes aux montants arrondis sans aucunement expliciter ses bases de calcul ;

Qu'il s'évince de tout ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ses dispositions rejetant l'action en déchéance de la banque de son droit à intérêts et, subséquemment, le déboute de sa demande de restitution d'intérêts qualifiés d'indus ;

 

Sur la demande indemnitaire formée à l'encontre de la banque :

Attendu que pour réclamer paiement de la somme de 15.000 euros à ce titre Monsieur X. rappelle qu'une banque a une obligation générale d'information, de loyauté et d'honnêteté envers son client, qu'« en procédant ainsi que décrit ci-dessus, il est manifeste que la banque a manqué à l'ensemble de ces obligations » et qu'« il a été démontré ci-dessus que l'attitude de la banque est fautive et a généré directement un préjudice aux emprunteurs » ;

Mais attendu qu'il s'agit là des seuls moyens développés par l'appelant au soutien de cette demande ; que non seulement la teneur du présent arrêt ne permet pas de retenir une faute de l'organisme de crédit mais encore il est manifeste que de tels moyens qui font l'économie de caractériser tant la faute que le préjudice corrélatif en résultant qu'auraient subi « les emprunteurs » ne permettent pas de faire droit à cette demande ;

Que le jugement qui la rejette mérite, par conséquent, confirmation ;

 

Sur les autres demandes :

Attendu que l'équité conduit à condamner Monsieur X. à verser à la société Crédit Lyonnais la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que, succombant, il sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux dépens d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement entrepris ;

DÉBOUTE Monsieur X. de ses demandes au titre de ses frais non répétibles et des dépens d'appel ;

CONDAMNE Monsieur X. à verser à la société anonyme Crédit Lyonnais la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Sylvie NEROT, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                           Le Président,