CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA NANCY (2e ch. civ.), 1er octobre 2020

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (2e ch. civ.), 1er octobre 2020
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 2e ch. civ.
Demande : 19/02835
Date : 1/10/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/09/2019
Référence bibliographique : 5716 (faculté de relever d’office une violation du crédit à la consommation sanctionnée par une déchéance), 5721 (obligation de relever d’office une violation du crédit à la consommation sanctionnée par une déchéance), 5749 (sanction d’une clause abusive, déchéance des intérêts)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8584

CA NANCY (2e ch. civ.), 1er octobre 2020 : RG n° 19/02835 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu qu'en vertu de l'article L. 141-4 du code de la consommation, applicable en la cause, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application ; qu'il a par ailleurs l'obligation de contrôler d'office le respect des normes protectrices de l'Union Européenne en matière de crédit à la consommation et cela nonobstant la législation nationale contraire, afin de pouvoir compenser une situation d'inégalité du consommateur au regard des objectifs visés par les directives européennes (arrêt de la Cour de justice de l'Union du 21 avril 2016 affaire C-377/14-) ;

Qu'il s'ensuit que le juge doit relever d'office les moyens tirés de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, quand bien même ces moyens seraient prescrits (la prescription ne s'appliquant qu'à l'action des parties), dès lors que cette sanction est édictée par les dispositions protectrices du code de la consommation qui revêtent un caractère d'ordre public ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré irrecevables les moyens tirés de l'irrégularité de l'offre préalable de prêt ».

2/ « Attendu que l'article L. 132-1 du code de la consommation prévoit enfin que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits des parties ; que M. X. fait valoir que la clause de prêt qui prévoit la possibilité pour le prêteur d'exercer un droit de rétention sur l'ensemble des sommes ou valeurs déposées par l'emprunteur, ou de compenser le solde de son concours avec les comptes possédés par celui-ci, en cas de défaillance dans le respect de son obligation de remboursement, est abusive au sens des dispositions précitées ;

Que toutefois, la qualification d'une clause abusive par le juge n'est pas sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, celle-ci étant seulement réputée non-écrite, conformément à l'article 621-2 du code de la consommation ; que ce dernier moyen est donc inopérant ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 1er OCTOBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/02835. N° Portalis DBVR-V-B7D-EOPT. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de NANCY, R.G. n° 11-18-585, en date du 30 juillet 2019.

 

APPELANTE :

LA CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NANCY GRAND COEUR anciennement dénommé CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NANCY JOFFRE SAINT THIEBAUT

prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [adresse] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Nancy sous le numéro XXX, Représentée par Maître Clarisse M. de la SELARL L.W.M.L., avocat au barreau de NANCY

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté par Maître Christian O. de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 septembre 2020, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Francis MARTIN Président de chambre, Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller, qui a fait le rapport, Madame Nathalie ABEL, Conseiller, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2020, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 1er Octobre 2020, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat du 27 juillet 2011, la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Joffre Saint-Thiebaut, devenue Nancy Grand Cœur a accordé à M. X. un crédit personnel de 39.000 euros remboursable sur 120 échéances de 413,66 euros chacune au taux fixe de 4,5 % par an.

Ce prêt a été réitéré par acte authentique dressé les 4 et 8 août 2011 par Maître Z., notaire à Nancy.

Dès 2015, M. X. a cessé de régler ponctuellement les échéances.

Le 12 avril 2016, la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur a mis en demeure M. X. et la déchéance du terme a été prononcée le 13 septembre 2016.

Par acte d'huissier du 27 février 2018, M. X. a assigné la caisse du Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur devant le tribunal d'instance de Nancy aux fins de :

- à titre principal, la voir condamner à lui payer 28.172,63 euros de dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde,

- à titre subsidiaire, voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur et qu'il lui soit ordonné de produire un décompte expurgé des intérêts.

- en tout état de cause, réduire le montant de l'indemnité conventionnelle à la somme de 1 euro et condamner le Crédit Mutuel à lui verser 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement du 30 juillet 2019, le tribunal d'instance de Nancy a :

- déclaré recevable l'action en paiement de dommages et intérêts introduite par M. X. à l'encontre de la caisse de Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur,

- condamné la caisse Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur de à verser à M. X. la somme de 8.451,79 euros en réparation de la perte de chance subie résultant du manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde,

- déclaré irrecevable, pour cause de prescription, le moyen tiré de la déchéance de la caisse de Crédit Mutuel de son droit aux intérêts fondé sur l'absence de fiche explicative et de fiche d'informations pré-contractuelles européenne normalisée, d'étude de solvabilité, de recueil de documents justificatifs de la situation financière et du domicile de l'emprunteur, de respect du corps 8, d'un bordereau de rétractation, et du non-respect des mentions imposées par le modèle-type,

- rejeté le moyen tiré de la déchéance de la caisse de Crédit Mutuel de son droit aux intérêts, fondé sur le défaut de consultation du FICP et l'absence de justification par le prêteur de la formation apportée au dispensateur de crédit,

- rejeté le moyen tiré de la nullité du contrat de prêt fondé sur le déblocage anticipé des fonds,

- dit que l'indemnité de 8% calculée sur le capital restant dû sera réduite à la somme de 500 euros,

- condamné le Crédit Mutuel à verser à M. X. la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que le Crédit Mutuel conservera la charge des dépens, et au besoin, condamne le Crédit Mutuel au paiement des dépens.

Par déclaration enregistrée le 11 septembre 2019, la caisse de Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur a interjeté appel du jugement rendu le 30 juillet 2019 par le tribunal d'instance de Nancy.

[*]

Dans ses dernières conclusions du 23 mars 2020, la caisse de Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré M. X. irrecevable relativement aux demandes tendant à la déchéance du droit aux intérêts,

En conséquence,

- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a déclaré recevable l'action engagée par M. X. et, au visa de l'article 2224 du code civil, dire et juger que l'action en dommages et intérêts engagée par M. X. est atteinte de prescription,

- dire et juger qu'il n'est nullement démontré qu'il y ait eu, lors de l'octroi du prêt de 39 000 euros, endettement excessif et que, par voie de conséquence, la banque n'était pas tenue de mise en garde,

- dire et juger que le Crédit Mutuel n'a pas failli quant à son devoir de mise en garde,

- infirmer dès lors le jugement en ce qu'il a condamné la Caisse Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur, appelante, à régler à M. X. la somme de 8.451,79 euros,

- débouter M. X. de toutes fins, demandes et conclusions contraires, en particulier concernant la réduction à 1 euro de la clause pénale,

- le condamner à régler au Crédit Mutuel la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Dans ses dernières conclusions en date du 11 mars 2020, M. X. demande à la cour de :

* A titre principal,

- dire et juger recevables et non prescrits les différents moyens soulevés par M. X.,

- dire et juger que le Crédit Mutuel a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde,

- condamner le Crédit Mutuel au paiement de dommages et intérêts au profit de M. X. à hauteur de 28.172,63 euros,

* Subsidiairement,

- prononcer la nullité du contrat de prêt et condamner le Crédit Mutuel à rembourser à M. X. l'intégralité des sommes versées au titre du contrat,

*'Infra-subsidiairement',

- dire et juger recevables et non prescrits les moyens soulevés par M. X. aux fins de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts,

- subsidiairement, il est demandé à la Cour d'appel de faire sienne lesdits moyens et de les soulever d'offre,

En conséquence,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Mutuel,

- ordonner au Crédit Mutuel de produire un décompte expurgé des intérêts,

* En toutes hypothèses,

- réduire le montant de l'indemnité conventionnelle à 1 euro,

- condamner le Crédit Mutuel au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la prescription de l'action en responsabilité de la caisse de Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur au titre de son devoir de mise en garde :

Attendu que conformément à l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

Que le dommage résultant du manquement de la banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt consiste en une perte de chance d'éviter ce risque qui s'est effectivement réalisé ; que ce risque étant pour l'emprunteur de ne pas être en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles à une date postérieure à la conclusion du contrat de prêt, le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face ;

Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que M. X. a été mis en demeure, le 8 juillet 2015, par la banque de payer l'échéance exigible au 30 juin 2015 ; que compte tenu de la persistance d'arriérés, suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 septembre 2016, le Crédit Mutuel a prononcé la déchéance du terme du prêt, exigeant ainsi de l'emprunteur le règlement immédiat des échéances impayées et du capital restant dû ;

Qu'au vu de ces éléments, le tribunal a justement retenu, comme point de départ de la prescription, la date des premières difficultés de paiement de l'emprunteur, ainsi confirmées dès le mois de juillet 2015, et non celle de la conclusion du contrat de prêt ; que l'action engagée à l'encontre du prêteur au titre du devoir de mise en garde, par acte introductif d'instance en date du 27 février 2018, n'est donc pas prescrite ;

 

Sur la responsabilité de la caisse Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur au titre de son devoir de mise en garde :

Attendu que le banquier est tenu à l'égard de l'emprunteur non-averti d'un devoir de mise en garde, en raison de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur et du risque d'endettement excessif né de l'octroi de celui-ci ;

Que s'il appartient, conformément à l'article 1315 alinéa 2 du code civil, à l'établissement de crédit de prouver qu'il a rempli son devoir de mise en garde, il faut cependant que l'emprunteur établisse au préalable qu'à l'époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l'accomplissement d'un tel devoir, et donc la disproportion du prêt à ses capacités financières ou le risque d'endettement né de l'octroi du crédit ;

Attendu qu'il résulte des informations de la fiche de renseignements complétée le 26 juillet 2011 que M. X. a déclaré être divorcé et n'avoir aucun enfant à charge ; qu'il a affirmé percevoir des revenus professionnels d'un montant annuel de 42.000 euros (soit 3 500 euros par mois) ;

Que s'agissant de ses charges, M. X. a déclaré au titre des « remboursements en cours », acquitter la somme annuelle de 10.188 euros (soit 849 euros par mois) ; qu'il est constant que la charge représentée par le remboursement du prêt contracté le 27 juillet 2011 s'élève à 4.963,92 euros (soit 413,66 euros par mois) ; que les charges annuelles de l'emprunteur s'élèvent par conséquent au total à 15.151,92 euros (soit 1.262,66 euros par mois), portant ainsi son taux d'endettement à 36,076 % ;

Attendu que contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, il n'apparaît pas au vu de ces éléments que la situation financière de M. X. justifiait une mise en garde particulière de la part du Crédit Mutuel ; qu'il n'est justifié en effet d'aucune disproportion du prêt litigieux à ses capacités financières, ou d'un risque d'endettement né de son octroi, étant observé que l'intéressé n'a déclaré au prêteur ne supporter aucune charge familiale ;

Qu'il est établi que l'endettement de M. X. ne résulte pas d'une disproportion du prêt souscrit le 27 juillet 2011 à sa situation financière, mais d'une baisse notable de ses revenus consécutive à la perte postérieure de son emploi ; qu'il est justifié en effet, qu'à compter du 11 juin 2013, M. X., au chômage, a bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant inférieur au salaire qu'il percevait au jour de la souscription du prêt ;

Qu'il convient en conclusion d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré le Crédit Mutuel responsable, au titre de la violation de son devoir de mise en garde, et condamné ce dernier à payer à M. X. la somme de 8.451,79 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance subie ;

 

Sur la nullité du contrat de prêt :

Attendu que M. X. soulève la nullité du contrat de prêt, au motif que le prêteur aurait libéré les fonds empruntés avant l'expiration du délai de rétractation prévu à l'article L. 311-12 du code de la consommation (soit 14 jours calendaires) ;

Que c'est néanmoins par des motifs pertinents que le tribunal a rejeté la demande de nullité du contrat de prêt, après avoir relevé que le Crédit Mutuel justifiait d'un premier déblocage partiel des fonds le 22 août 2011 seulement (largement après le délai des 14 jours calendaires), de sorte que l'intimé ne peut utilement se prévaloir de l'annulation de l'offre de prêt acceptée le 27 juillet 2011 ;

 

Sur la clause pénale :

Attendu que le contrat de prêt prévoit que l'emprunteur est redevable à l'égard du prêteur d'une indemnité égale à 8 % du capital restant dû, à titre de clause pénale, en cas de défaillance dans l'exécution de son obligation de remboursement ; que le Crédit Mutuel sollicite en l'espèce la condamnation de M. X. à lui payer la somme de 1.883,82 euros calculée par référence à la somme de 23.547,78 euros correspondant au capital restant dû ;

Que c'est en l'espèce par une juste application des dispositions de l'article 1152 du code civil, dans sa version en vigueur à la date de l'acceptation de l'offre préalable, que le tribunal a considéré que l'indemnité ainsi sollicitée, à titre de clause pénale, revêtait un caractère manifestement excessif, compte tenu du préjudice réellement subi par le Crédit Mutuel ; que le jugement sera par conséquent confirmé, en ce qu'il a ramené le montant de l'indemnité allouée à 500 euros, correspondant à l'exact préjudice subi par la banque du fait de la défaillance de l'emprunteur ;

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Attendu qu'en application de l'article L. 311-48 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l'article L. 311-10, ou sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l'article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts ;

Qu'au soutien de sa demande de déchéance du droit aux intérêts du prêteur, M. X. fait valoir que la banque ne justifie pas de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits des particuliers (FICP) avant la signature de l'offre préalable, ainsi que de la remise de la fiche mentionnée à l'article L. 311-10 du code de la consommation et de celle d'informations contractuelles européennes normalisée ; qu'il reproche également au Crédit Mutuel de ne pas avoir recueilli auprès de lui les documents justificatifs de sa situation financière et de son domicile ; que M. X. fait grief au Crédit Mutuel de ne pas justifier de son obligation relative à la formation à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement donnée à son personnel ; qu'il relève enfin que l'offre de crédit litigieuse ne respecte pas la hauteur minimum des caractères imposée par l'article L. 311-6 du code de la consommation (corps 8) et que celle-ci est dépourvue du bordereau de rétractation ;

Que conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation, M. X. affirme enfin que les dispositions de l'offre préalable qui sont relatives à l'exigibilité anticipée du prêt (page 2) contiennent des clauses abusives créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu qu'il résulte de l'article L. 110-4 du code de commerce que les obligations nées de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans ; qu'il résulte par ailleurs de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

Que pour déclarer irrecevable l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, le tribunal a retenu comme point de départ du délai de la prescription, le 27 juillet 2011, date à laquelle M. X. a accepté l'offre préalable de prêt ; qu'il a estimé que l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître les irrégularités alléguées de l'offre préalable à cette dernière date ; que l'assignation ayant été délivrée le 27 octobre 2018, il en a déduit que les demandes présentées par ce dernier étaient prescrites ;

Attendu qu'en vertu de l'article L. 141-4 du code de la consommation, applicable en la cause, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application ; qu'il a par ailleurs l'obligation de contrôler d'office le respect des normes protectrices de l'Union Européenne en matière de crédit à la consommation et cela nonobstant la législation nationale contraire, afin de pouvoir compenser une situation d'inégalité du consommateur au regard des objectifs visés par les directives européennes (arrêt de la Cour de justice de l'Union du 21 avril 2016 affaire C-377/14-) ;

Qu'il s'ensuit que le juge doit relever d'office les moyens tirés de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, quand bien même ces moyens seraient prescrits (la prescription ne s'appliquant qu'à l'action des parties), dès lors que cette sanction est édictée par les dispositions protectrices du code de la consommation qui revêtent un caractère d'ordre public ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré irrecevables les moyens tirés de l'irrégularité de l'offre préalable de prêt ;

Attendu que sur le fond le Crédit Mutuel justifie de la consultation du FICP, le 21 juillet 2011, de sorte que le premier moyen soulevé est inopérant ; qu'il est également justifié de la remise au prêteur de la fiche de renseignements prévue à l'article L. 311-10 du code de la consommation, à laquelle les justificatifs de ses revenus, charges et domicile étaient joints ; que l'appelant rapporte ainsi la preuve qu'il a recueilli les éléments suffisants lui permettant d'apprécier la solvabilité de l'emprunteur avant de lui octroyer un crédit ;

Que par ailleurs, il est justifié par l'appelante de la délivrance à M. X. de la fiche d'informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs, laquelle comporte toutes les information nécessaires à la comparaison de différentes offres et lui permettant, compte tenu de ses éventuelles préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement ; qu'enfin, il résulte de l'examen par la cour de l'offre de prêt litigieuse que ses caractères respectent la hauteur typographique exigée par l'article R. 311-6 du code de la consommation ; que contrairement à ce que soutient enfin l'emprunteur, l'offre de prêt est accompagnée d'un bordereau de rétractation comprenant les informations concernant l'exercice de ce droit par l'emprunteur, telles que prévues par l'annexe de l'article R. 221-3 du code de la consommation ; que les moyens ainsi soulevés par l'intimé ne sont pas fondés ;

Attendu que conformément à l'article L. 311-8 du code de la consommation, les personnes chargés de fournir à l'emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à l'article L. 310-10 sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement ; que l'employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l'attestation de formation mentionnée à l'article L. 6353-1 du code du travail établie par un des prêteurs dont les crédits sont proposés sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistrée ;

Qu'il résulte de l'article l’article L. 311-48 du code de la consommation que l'absence de production par le prêteur de l'attestation prévue par les dispositions précitées, uniquement à des fins de contrôle, n'est pas sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts ; que le moyen soulevé est donc inopérant ;

Attendu que l'article L. 132-1 du code de la consommation prévoit enfin que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits des parties ; que M. X. fait valoir que la clause de prêt qui prévoit la possibilité pour le prêteur d'exercer un droit de rétention sur l'ensemble des sommes ou valeurs déposées par l'emprunteur, ou de compenser le solde de son concours avec les comptes possédés par celui-ci, en cas de défaillance dans le respect de son obligation de remboursement, est abusive au sens des dispositions précitées ;

Que toutefois, la qualification d'une clause abusive par le juge n'est pas sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, celle-ci étant seulement réputée non-écrite, conformément à l'article 621-2 du code de la consommation ; que ce dernier moyen est donc inopérant ;

Que M. X. sera en conclusion débouté de sa demande de déchéance du droits aux intérêts du Crédit Mutuel ;

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que M. X. sera condamné aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et débouté de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés devant le tribunal et la cour ;

Que M. X. sera condamné à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur la somme de 800 euros, au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré recevable l'action engagée par M. X. au titre du devoir de mise en garde, rejeté le moyen tiré de la déchéance de la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur de son droit aux intérêts fondé sur le défaut de consultation du FICP et de l'absence de justification par le prêteur de la formation apportée au dispensateur de crédit, rejeté le moyen tiré de la nullité du prêt fondé sur le déblocage anticipé des fonds, réduit le montant de l'indemnité de 8% calculé sur le capital restant dû à la somme de 500 euros ;

L'infirme pour le surplus ;

Déboute M. X. de sa demande de dommages et intérêts formée au titre du devoir de mise en garde, ainsi que de celle de déchéance du droit aux intérêts du prêteur fondée sur l'inobservation des dispositions de l'article L. 311-48 du code de la consommation ;

Déboute M. X. de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel ;

Condamne M. X. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Grand Cœur la somme de 800 € (huit cents euros) au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel ;

Condamne M. X. aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,

Minute en dix pages.