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CA COLMAR (2e ch. civ.), 15 octobre 2020

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (2e ch. civ.), 15 octobre 2020
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 2e ch. civ.
Demande : 19/03090
Décision : 319/2020
Date : 15/10/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/07/2019
Numéro de la décision : 319
Référence bibliographique : 8603 : 5984 (preuve du déséquilibre, admission par le professionnel), 6010 (date du déséquilibre, modification ultérieure des conditions et aveu du déséquilibre), 6017 (clauses définissant l’objet principal), 6364 (assurance-crédit, définition de l’invalidité)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8603

CA COLMAR (2e ch. civ.), 15 octobre 2020 : RG n° 19/03090 ; arrêt n° 319/2020 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Ainsi que le premier juge l'a à bon droit relevé, la clause litigieuse, définissant l'invalidité permanente et totale garantie par le dit contrat, définit l'objet principal de celui-ci.

Par ailleurs, cette clause, en ce qu'elle décrit l'état d'invalidité permanente et totale de l'assuré garanti comme « l'incapacité d'exercer une quelconque activité rémunérée, y compris une activité de direction ou de surveillance, et ce, de façon permanente » et en ce qu'elle ajoute l'exigence selon laquelle « l'invalidité doit être totale et reconnue par une autorité médicale compétente », ne présente aucune confusion. En effet, elle signifie que l'intervention d'une autorité médicale compétente est nécessaire pour établir l'état d'invalidité permanente et totale et que cette autorité médicale doit vérifier si l'assuré se trouve dans l'incapacité d'exercer une activité rémunérée telle que définie une ligne plus haut par le contrat, donc y compris une activité de direction ou de surveillance. Force est de constater que cette définition contractuelle de l'état d'invalidité permanente et totale garanti est claire et précise. 

Enfin, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la modification de l'invalidité permanente et totale dans les contrats proposés ultérieurement par la société Afi Esca n'a aucune conséquence sur l'appréciation du caractère abusif ou non de la clause litigieuse du contrat signé entre les parties.

Dès lors, conformément aux dispositions de l'article L. 132-1, alinéa 7, du code de la consommation applicable en l'espèce, le premier juge a fait une exacte appréciation des conditions de mise en œuvre de ces dispositions légales en retenant que la clause du contrat relative à la définition de l'invalidité permanente et totale ne présentait pas de caractère abusif. En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande tendant à voir déclarer abusive cette clause du contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2 A 19/03090. Arrêt n° 319/2020. N° Portalis DBVW-V-B7D-HEEG. Décision déférée à la cour : jugement du 25 juin 2019 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG.

 

APPELANTE et défenderesse :

La SA AFI ESCA

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [...], [...], représentée par Maître B., avocat à la cour

 

INTIMÉ et demandeur :

Monsieur X.

demeurant [adresse], [...], représenté par Maître L.-W., avocat à la cour, plaidant : Maître H., avocat à STRASBOURG

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 septembre 2020, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Bernard POLLET, Président, Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller, Madame Myriam DENORT, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT : Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Monsieur Bernard POLLET, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

En mai 2008, M. X. a souscrit auprès du Crédit Agricole un prêt d'un montant de 136.000 euros et a adhéré à un contrat d'assurance « Pérénim » auprès de la compagnie Afi Europe, devenue Afi Esca, garantissant notamment le risque d'invalidité permanente et totale.

En arrêt de travail à compter du 23 juillet 2014, M. X. a été classé en invalidité au taux de 100 % par le RSI, à compter du 1er juin 2015. Dès lors, il a sollicité la mise en œuvre de la garantie « invalidité permanente et totale » qu'il avait souscrite, ce que l'assureur lui a refusé.

M. X. a donc saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg, lequel, par un jugement du 28 novembre 2017 rectifié par un jugement du 25 janvier 2018, a notamment :

- déclaré inopposable à M. X. l'avenant n° 3 du contrat d'assurance « Pérénim » daté du 19 septembre 2013, en ce qu'il fixait de manière restrictive la cessation de la garantie invalidité permanente totale souscrite par lui à la date du 60e anniversaire de l'assuré, et dit que la cessation de la garantie invalidité permanente totale du dit contrat d'assurance interviendrait au 65e anniversaire de l'assuré, soit le 17 janvier 2020,

- réservé les autres demandes des parties,

- avant dire plus amplement droit, ordonné une expertise médicale confiée au docteur B..

L'expert judiciaire a établi son rapport le 16 avril 2018 et, par jugement du 25 juin 2019, le tribunal saisi a :

- débouté M. X. de sa demande tendant à voir déclarer abusive la clause du contrat d'assurance sur la vie « Pérénim » liant les parties et définissant l'état d'invalidité permanente et totale,

- dit que M. X. remplissait les conditions de mise en œuvre de la garantie « invalidité totale et permanente » souscrite et condamné la société Afi Esca à lui payer la somme de 105.549,31 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2016,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- débouté M. X. de sa demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamné la société Afi Esca aux entiers dépens et à payer à M. X. la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour écarter le caractère abusif de la clause du contrat soulevé par M. X., le premier juge a rappelé les dispositions légales applicables et relevé que la clause litigieuse concernait les conditions de mise en œuvre de la garantie, soit l'objet même du contrat, et qu'elle était rédigée de façon parfaitement claire et compréhensible.

Par ailleurs, le premier juge a rappelé la définition de l'invalidité permanente et totale du contrat liant les parties : « l'assuré est considéré en état d'invalidité permanente et totale s'il est dans l'incapacité d'exercer une quelconque activité rémunérée, y compris une activité de direction ou de surveillance, et ce, de façon permanente. L'invalidité doit être totale et reconnue par une autorité médicale compétente ».

Concernant l'appréciation de l'état de santé de M. X. au regard de la définition contractuelle de l'invalidité permanente et totale, le premier juge a repris les constatations de l'expert sur les lésions dont souffrait M. X., et ses conclusions selon lesquelles les lésions de la hanche gauche et des genoux présentaient un caractère évolutif aggravant et inéluctable. De plus, la mise en œuvre de prothèses, si elle était de nature à apporter une amélioration, ne lui permettrait pas de reprendre ses activités antérieures.

Il a relevé que M. X. était un travailleur manuel exerçant seul, dont la comptabilité était tenue par un tiers, et qui utilisait des outils et engins motorisés traumatisants pour des activités lourdes de travaux publics. De plus, M. X. avait été reconnu en état d'invalidité totale et définitive par le RSI depuis le 1er juin 2015, ce qui impliquait qu'il était, aux yeux de cet organisme, inapte à tout métier.

Le premier juge a conclu de l'ensemble de ces éléments et d'une appréciation in concreto de la situation de M. X. que celui-ci n'était plus, depuis le 1er juin 2015, en mesure d'exercer une quelconque activité, y compris de direction ou de surveillance, susceptible de lui fournir une rémunération effective.

Sur la demande de dommages-intérêts de M. X., le premier juge a souligné que ce dernier ne justifiait, ni du caractère véritablement abusif de la résistance opposée par la compagnie d'assurances, ni du préjudice moral dont il réclamait réparation à hauteur de 10.000 euros.

*

La société Afi Esca a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 4 juillet 2019.

Dans ses conclusions récapitulatives datées du 16 juin 2020, elle sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que M. X. remplissait les conditions de mise en 'uvre de la garantie invalidité totale et permanente souscrite et en ce qu'il l'a condamnée à payer à ce dernier la somme de 105 549,31 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2016.

La société Afi Esca sollicite que la cour, statuant à nouveau, déboute M. X. de l'intégralité de ses demandes, au motif qu'il ne remplit pas les conditions d'indemnisation et le condamne aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens des procédures de première instance et d'appel.

La société Afi Esca fait valoir que l'expert judiciaire a conclu à l'impossibilité, pour M. X., d'exercer son activité professionnelle actuelle, très physique, du fait de ses lésions, mais a indiqué que celles-ci ne l'empêchaient pas d'avoir une activité de direction ou de surveillance, ce dont il résulte que l'intimé ne remplissait pas les conditions nécessaires pour bénéficier de la garantie sollicitée.

Elle souligne que les décisions prises par les organismes de sécurité sociale ne s'imposent pas aux assureurs, seule étant prise en compte l'invalidité définie par le contrat liant les parties.

Elle ajoute qu'aucun comparatif ne peut être fait avec un autre contrat d'assurance, qui peut définir différemment la garantie consentie, et que la modification des conditions de mise en 'uvre de la garantie invalidité dans ses contrats n'a rien de révélateur, ceux-ci étant amenés à évoluer dans le temps. Elle souligne qu'au vu des conclusions de son expert privé, M. X. n'aurait pas non plus rempli les conditions de mise en œuvre de la garantie souscrite au regard de la nouvelle définition de celle-ci.

Sur le caractère abusif de la clause litigieuse dénoncé par M. X., la société Afi Esca conteste toute ambiguïté créée par la combinaison de la clause précitée définissant la garantie et de celle indiquant que l'invalidité doit être reconnue par une autorité médicale compétente. De plus, ces clauses ne comportent selon elle aucune contradiction.

*

Dans ses conclusions récapitulatives datées du 12 novembre 2019, M. X. sollicite le rejet de l'intégralité des demandes de la société Afi Esca et la confirmation du jugement déféré ainsi que la condamnation de l'appelante aux entiers frais et dépens d'appel et au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.

M. X. soutient en premier lieu que l'application combinée des deux conditions de la reconnaissance de l'état d'invalidité posées par le contrat litigieux, évoquées plus haut par l'appelante, crée, au détriment de l'assuré, un déséquilibre significatif leur conférant un caractère abusif.

Selon lui, la confusion est telle que l'expert a modifié ses conclusions, entre son pré-rapport et son rapport définitif, sans en expliquer la raison, en indiquant que l'état de l'assuré ne l'empêchait pas d'avoir une activité de direction ou de surveillance. Or, selon M. X., cette condition conduit à vider le contrat de sa substance. Il observe que ces clauses ont depuis été modifiées par l'appelante, les contrats mentionnant désormais des critères précis et quantifiables (lorsque le taux contractuel d'invalidité est supérieur ou égal à 66 %, conformément à un tableau figurant dans la même note).

Il reproche à l'assureur de n'avoir tiré aucune conséquence des conclusions de l'expert judiciaire, qui a confirmé son impossibilité d'exercer une activité professionnelle rentrant dans le cadre de la classification en deuxième catégorie de la CPAM (taux d'invalidité supérieur ou égal à 66 %). Il invoque la mauvaise foi de la société Afi Esca, qui maintient son refus de garantie, en contradiction avec les conditions qu'elle a elle-même fixées, et ajoute que, dans le cadre d'un autre prêt, il a obtenu la mise en œuvre de la garantie d'invalidité souscrite.

Il invoque son impossibilité d'exercer une activité professionnelle au regard d'un état d'invalidité reconnu par son organisme de sécurité sociale et par l'expert judiciaire.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique

- le 17 juin 2020 pour la société Afi Esca,

- le 12 novembre 2019 pour M. X.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 30 juin 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur le caractère abusif de la clause du contrat souscrit par M. X., relative à la garantie invalidité totale et permanente :

Le premier juge a fort justement rappelé les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, applicables lors de la conclusion du contrat, substituées ultérieurement par celles de l'article L. 212-1 du même code, selon lesquelles « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...)

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».

Ainsi que le premier juge l'a à bon droit relevé, la clause litigieuse, définissant l'invalidité permanente et totale garantie par le dit contrat, définit l'objet principal de celui-ci.

Par ailleurs, cette clause, en ce qu'elle décrit l'état d'invalidité permanente et totale de l'assuré garanti comme « l'incapacité d'exercer une quelconque activité rémunérée, y compris une activité de direction ou de surveillance, et ce, de façon permanente » et en ce qu'elle ajoute l'exigence selon laquelle « l'invalidité doit être totale et reconnue par une autorité médicale compétente », ne présente aucune confusion. En effet, elle signifie que l'intervention d'une autorité médicale compétente est nécessaire pour établir l'état d'invalidité permanente et totale et que cette autorité médicale doit vérifier si l'assuré se trouve dans l'incapacité d'exercer une activité rémunérée telle que définie une ligne plus haut par le contrat, donc y compris une activité de direction ou de surveillance. Force est de constater que cette définition contractuelle de l'état d'invalidité permanente et totale garanti est claire et précise.

De plus, l'expert judiciaire, le docteur A., a précisé, en tête de son rapport définitif daté du 16 avril 2018, que celui-ci tenait compte, suite à l'envoi de son pré-rapport, des observations des parties, notamment de la décision du tribunal de grande instance de Strasbourg du 25 janvier 2018, en rectification d'erreur matérielle de la décision rendue le 28 novembre 2017. Cette première décision l'avait désigné pour réaliser l'expertise et la décision rectificative a ajouté à sa mission en lui demandant d'analyser si M. X. était en état d'invalidité permanente et totale telle que définie par la note d'information relative au contrat liant les parties, à savoir s'il était dans l'incapacité d'exercer une quelconque activité rémunérée, y compris une activité de direction ou de surveillance, et ce de façon permanente, et si l'invalidité était totale. En effet, la mission initiale donnée à l'expert ne faisait pas référence à la définition contractuelle précise de l'invalidité permanente et totale. En conséquence, il ne peut être déduit des modifications intervenues dans les conclusions de l'expert, entre son pré-rapport et son rapport définitif, une absence de clarté de la clause relative à cette définition.

Enfin, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la modification de l'invalidité permanente et totale dans les contrats proposés ultérieurement par la société Afi Esca n'a aucune conséquence sur l'appréciation du caractère abusif ou non de la clause litigieuse du contrat signé entre les parties.

Dès lors, conformément aux dispositions de l'article L. 132-1, alinéa 7, du code de la consommation applicable en l'espèce, le premier juge a fait une exacte appréciation des conditions de mise en œuvre de ces dispositions légales en retenant que la clause du contrat relative à la définition de l'invalidité permanente et totale ne présentait pas de caractère abusif. En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande tendant à voir déclarer abusive cette clause du contrat.

 

Sur la garantie sollicitée par M. X. :

Selon une jurisprudence constante applicable en la matière, les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et leur appréciation relative à l'état d'invalidité d'un assuré, ne s'imposent pas à l'assureur. Seule peut être prise en compte l'invalidité définie par le contrat liant les parties.

Dans la situation présente, l'expertise judiciaire réalisée par le docteur A. est parfaitement claire.

En effet, observant que M. X. est un travailleur manuel, utilisant des outils et engins motorisés traumatisants pour des activités lourdes de travaux publics, l'expert relève que les lésions dégénératives des hanches, genoux, épaule gauche et rachis lombaire limitent les possibilités physiques de l'intéressé et que l'acte prothétique réalisé sur la hanche droite est bénéfique, mais insuffisant, avec les autres lésions, pour permettre une reprise d'activité professionnelle.

Il chiffre le déficit fonctionnel et le déficit professionnel et indique que ces éléments permettent de retenir l'impossibilité, pour M. X., d'exercer son activité professionnelle actuelle très physique (terrassement, travail de la vigne, utilisation d'outils et d'engins motorisés tels que tracto-pelle). En revanche, l'expert conclut que ces éléments ne l'empêchent pas d'avoir une activité de direction ou de surveillance et l'intimé ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause ces conclusions. En particulier, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, aucun élément ne démontre que M. X. ne serait plus, médicalement, en capacité d'exercer une activité de direction ou de surveillance.

En conséquence, force est de constater que M. X. ne se trouve pas en état d'invalidité permanente et totale au sens du contrat souscrit avec la société Afi Europe, devenue Afi Esca.

Il peut être souligné que l'incapacité d'exercer une activité de direction ou de surveillance n'étant à entendre qu'au sens médical, il ne peut être tenu compte, à ce titre, de l'absence de formation et de qualification de M. X. pour exercer de telles activités, bien qu'elle ait un impact important sur sa reconversion éventuelle. Au vu des conditions de mise en œuvre de la garantie invalidité permanente et totale, le contrat souscrit apparaît totalement inadapté à l'assuré, qui exerçait seul une activité de travaux publics et de terrassement, très physique, et n'avait visiblement aucune formation lui permettant d'exercer une activité limitée à la direction et à la surveillance. Cependant, l'intimé n'a soulevé aucun moyen à ce titre dans le cadre du présent litige.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation de M. X. au titre de la garantie litigieuse et à sa demande de capitalisation des intérêts. La première de ces demandes doit donc être rejetée, la seconde étant dès lors sans objet.

 

Sur les dépens et les frais exclus des dépens :

Le jugement déféré est infirmé pour l'essentiel. Cependant, cette infirmation est causée par le caractère particulièrement inadapté à la situation particulière de M. X. de la clause du contrat définissant l'invalidité permanente et totale. Or, c'est dans ces termes que la société Afi Esca a accepté de garantir l'intéressé, alors qu'en sa qualité de professionnel de l'assurance, elle ne pouvait ignorer cette situation.

Dès lors, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il l'a condamnée à régler les dépens de la première instance et elle sera également condamnée aux dépens de l'appel en totalité, en application de l'article 696, alinéa 1, du code de procédure civile.

En revanche, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Afi Esca à payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à M. X., dont les demandes sont désormais rejetées. En outre, ses demandes formées en appel sur ce fondement seront donc elles aussi rejetées.

Enfin, il n'apparaît pas inéquitable, dans le contexte particulier de cette affaire, de laisser à la charge de la société Afi Esca les frais exclus des dépens qu'elle a engagés, en première instance et en appel. Ses demandes présentées sur ce fondement à chaque stade de la procédure seront donc également rejetées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,

INFIRME le jugement rendu entre les parties le 25 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ses dispositions par lesquelles il a :

- dit que M. X. remplissait les conditions de mise en œuvre de la garantie « invalidité totale et permanente » souscrite et condamné la société Afi Esca à lui payer la somme de 105.549,31 € (cent cinq mille cinq cent quarante-neuf euros et trente et un centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2016,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la société Afi Esca à payer à M. X. la somme de 5.000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

REJETTE la demande de M. X. tendant à la condamnation de la sociétéAfi Esca à lui payer la somme de 105.549,31 € (cent cinq mille cinq cent quarante-neuf euros et trente et un centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2016 et CONSTATE dès lors qu'est sans objet sa demande tendant à ce que soit ordonnée la capitalisation des intérêts ;

REJETTE la demande de M. X. formée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONFIRME, pour le surplus, le jugement déféré ;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes réciproques des parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens engagés par chacune d'elles en appel ;

CONDAMNE la société Afi Esca aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE