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CA BOURGES (ch. civ.), 29 octobre 2020

Nature : Décision
Titre : CA BOURGES (ch. civ.), 29 octobre 2020
Pays : France
Juridiction : Bourges (CA), ch. civ.
Demande : 18/01429
Date : 29/10/2020
Nature de la décision : Irrecevabilité
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/11/2018
Référence bibliographique : 5821 (application dans le temps de l’ord. du 14 mars 2016), 5848 (notion de professionnel, bailleur particulier), 6151 (application dans le temps de l’art. 1171 C. civ.), 6390 (clause portant atteinte à l’obligation essentielle)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8618

CA BOURGES (ch. civ.), 29 octobre 2020 : RG n° 18/01429

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu que selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; Que l'existence du droit d'agir en justice doit s'apprécier à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remis en cause par l'effet de circonstances postérieures ;

Qu'il est constant, en l'espèce, que selon acte d'huissier du 19 juin 2015, MM. F. et D. Y. ont assigné M. X. en vue d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice résultant, selon eux, de violations imputables à ce dernier durant la période d'exécution d'un bail de chasse ayant lié les parties jusqu'au 27 mai 2014, date d'acquisition de la clause résolutoire 15 jours après la mise en demeure adressée le 12 mai précédent ; que la circonstance que la propriété de Z. ait fait l'objet d'une donation par les intimés à la date du 27 octobre 2016, soit postérieurement à l'acte introductif d'instance et au terme du contrat de bail ayant uni les parties, ne saurait priver les consorts Y. de leur intérêt à agir afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice qu'ils allèguent du fait des manquements imputés à leur ancien locataire ».

2/ « Que pour estimer que ladite clause doit être réputée non écrite, l'appelant se prévaut, en premier lieu, des dispositions de l'article 1770 du Code civil (en réalité 1170) selon lesquelles « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite » ;

Mais attendu que ladite clause, qui se borne à mettre à la charge du preneur les réparations locatives consistant en l'entretien des allées, clôtures, étang, berges, digue et déversoir, mais également « toutes réparations locatives qui deviendraient nécessaires » sur les bâtiments situés sur le domaine et laissés à la disposition du preneur à titre d'accessoires du bail de chasse, n'a pas pour effet, au sens du texte précité, de priver de sa substance l'obligation essentielle du débiteur, en l'occurrence de conférer au preneur le bail de chasse sur les parcelles prévues au contrat et pour une durée de deux ans renouvelables ;

Qu'en second lieu, l'appelant invoque les dispositions de l'article L 132-1 du code de la consommation selon lesquelles « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (…) Les clauses abusives sont réputées non écrites » ; qu'il fait tout à la fois valoir, à cet égard, que les consorts Y. ont été mentionnés dans le contrat sous la profession de commerçant, qu'ils sont ou ont été gérants de plusieurs SCI, qu'ils avaient la qualité d'exploitants forestiers du domaine de Z. à vocation tout à la fois forestière et cynégétique et qu'une société de fait a été créée entre eux ;

Mais attendu qu'il convient de rappeler que selon l'article liminaire dudit code, un professionnel est « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel » ;

Que force est de constater, en l'espèce, que le lien entre la SARL dont M. F. Y. est le gérant et les deux SCI dont les intimés sont respectivement associés, avec le bail de chasse consenti dans l'acte notarié du 15 septembre 2009 ne se trouve aucunement établi ; qu'il apparaît, au contraire, que les consorts Y. ont consenti le bail litigieux en qualité de particuliers et dans le cadre de la gestion des biens personnels dont ils avaient la propriété indivise au moment de la signature de l'acte ; que l'appelant ne rapporte en conséquence aucunement la preuve que les intimés auraient agi, au sens du texte précité, lors de la signature de l'acte notarié du 15 septembre 2009 « à des fins entrant dans le cadre » d'une « activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » ;

Qu'il s'ensuit nécessairement que l'appelant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation pour solliciter que la clause rappelée supra soit réputée non écrite ».

3/ « Attendu que pour solliciter, à titre reconventionnel, l'octroi, d'une part, de la somme de 19.500 € à titre d'indemnisation correspondant au cheptel de sangliers se trouvant sur le domaine en fin de bail et, d'autre part, de 3.000 € à titre d'indemnisation correspondant au coût de la chambre froide qu'il indique avoir fait installer dans les locaux du domaine et qu'il n'a pas pu récupérer à son départ, l'appelant soutient que la clause d'accession insérée au bail et stipulée au profit des consorts Y., crée à son détriment un déséquilibre significatif entre les parties, dès lors qu'elle permettait aux intimés de devenir propriétaires de 130 sangliers et d'une chambre froide sans bourse délier, de sorte qu'une telle clause doit être considérée comme abusive et conséquemment réputée non écrite en application de l'article L 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'il a été indiqué, supra, qu'il ne pouvait être considéré qu'au moment de la signature de l'acte authentique du 15 septembre 2009, MM. F. et D. Y. auraient agi à des fins entrant dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et auraient eu ainsi, au sens de l'article liminaire du code de la consommation, la qualité de professionnels ;

Qu'il s'en déduit que M. X. ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 précité pour soutenir que devrait être considérée comme non écrite la clause du bail stipulant qu’« en tout état de cause, le preneur s'engage à garantir aux bailleurs l'existence à son départ d'un cheptel d'environ 40 sangliers. En fin de bail, ces 40 sangliers, de même que toute population supérieure de sangliers existants, seront acquis définitivement aux bailleurs, sans devoir aucune indemnité ni dédommagement » et que « tous travaux effectués par le preneur en exécution des conditions du présent bail et toutes améliorations qu'il aurait apportées au fonds loué, resteront la propriété du bailleur en fin de bail et ne donneront lieu à aucun versement d'indemnité par le bailleur en fin de bail (…) » (page numéro 6 du contrat) ;

Que la décision du premier juge ayant écarté les demandes formées reconventionnellement par M. X. au titre de l'indemnisation de l'excédent de sangliers et de la chambre froide devra donc être confirmée ».

 

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/01429. N° Portalis DBVD-V-B7C-DDO2. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de CHATEAUROUX en date du 27 juillet 2018.

 

PARTIES EN CAUSE :

I - M. X.

né le [date] à [ville], [...], [...] Représenté par Maître Stéphanie V. de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES, Plaidant par Maître Éric B.-T., avocat au barreau de LIMOGES - timbre fiscal acquitté

APPELANT suivant déclaration du 22/11/2018

 

II - M. F. Y.

né le [date] à [ville], [...], [...]

- M. X. Y.

né le [date] à [ville], [...], [...]

Représentés et plaidant par Maître Marie-Hélène R.-H., avocat au barreau de CHATEAUROUX è timbre fiscal acquitté - INTIMÉS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 8 septembre 2020 en audience publique, la Cour étant composée de : M. WAGUETTE Président de Chambre, M. PERINETTI Conseiller, entendu en son rapport, Mme CIABRINI Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MINOIS

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé :

Selon acte notarié en date du 15 septembre 2009, M. F. Y. et M. X. Y. ont donné à bail à M. X. un droit de chasse sur une propriété leur appartenant en indivision, d'une surface totale d'environ 199 ha, située sur la commune de [ville V.] pour une durée de deux années, renouvelable par la suite d'année en année par tacite reconduction à défaut de congé six mois avant l'échéance, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 15.000 €, ramené à 9.000 € la première année en contrepartie de l'obligation pour le preneur de repeupler le cheptel de sangliers.

Le contrat prévoyait également à la charge du preneur l'entretien des allées et chemins, des clôtures, de l'étang et de ses berges, ainsi que l'entretien et l'élevage du gibier, outre l'obligation à son départ de garantir aux bailleurs l'existence d'un cheptel de 40 sangliers qui leur resterait acquis, comme son éventuel surplus.

M. X., preneur, a donné congé le 19 février 2014 pour le 15 août suivant.

Par courrier recommandé du 12 mai 2014 visant la clause résolutoire, les bailleurs l'ont mis en demeure de respecter ses obligations contractuelles d'entretien de la propriété et du cheptel.

Le 7 juillet 2014, M. X. a assigné les consorts Y. devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Châteauroux afin de les voir condamnés à lui laisser le libre accès de la propriété.

Cette demande a été rejetée le 6 août 2014, au motif que le bail avait été résilié 15 jours après l'envoi de la mise en demeure du 12 mai 2014.

Par acte du 9 juin 2015, F. Y. et D. Y. ont assigné M. X. devant le tribunal de grande instance de Châteauroux afin d'obtenir sa condamnation à leur verser la somme de 14.894,30 € à titre de dommages et intérêts contractuels, ainsi qu'une indemnité de 2.500 € à titre de dommages-intérêts en soutenant, principalement, que le défaut d'entretien des allées, de la clôture, de l'étang et les dégâts occasionnés à la parcelle de régénération et l'absence de nourriture du cheptel, imputables au défendeur qui a manqué à ses obligations de preneur, leur ont causé un préjudice devant être réparé.

M. X. s'est opposé à ces demandes et a sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation des consorts Y. à lui verser la somme de 3.288 € correspondant au trop versé de loyer pour la période allant du 27 mai au 14 août 2014, ainsi que la somme de 16.500 € pour le cheptel de sangliers présent dans le domaine en fin de bail et 3.000 € au titre de la salle de découpe et la chambre froide qu'il avait fait installer dans les locaux du domaine et qu'il n'a pas pu récupérer à son départ.

Par jugement rendu le 27 juillet 2018, le tribunal a :

- Condamné M. X. à verser aux consorts Y. la somme de 12.500 € à titre de dommages-intérêts pour l'inexécution du contrat

- Déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de M. X. portant sur la nullité de la clause d'accession de la propriété du cheptel

- Rejeté les autres demandes reconventionnelles de M. X.

- Rejeté les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive

- Condamné M. X. à verser aux consorts Y. la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le tribunal a principalement considéré, en effet, que :

- le preneur était tenu d'entretenir pendant toute la durée du bail les allées, la clôture du domaine, l'étang, ses berges, la digue et le déversoir et d'assurer le développement et la régulation du gibier

- le non-respect éventuel des concertations annuelles entre les parties sur les travaux à réaliser ne fait pas disparaître une obligation générale d'entretien de la propriété, qui est énoncée à plusieurs reprises dans l'acte

- il incombait également au preneur d'assurer à ses frais le repeuplement du cheptel de sangliers pour l'ouverture de la première saison de chasse et de garantir en fin de bail la présence d'un nombre d'environ 40 sangliers

- le procès-verbal de constat du 12 juin 2014 établit le défaut d'entretien de la propriété par M. X.

- il y a donc lieu de condamner M. X. au paiement de la somme de 12.500 € à titre de dommages-intérêts en raison de l'inexécution de ses obligations contractuelles.

[*]

M. X. a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 22 novembre 2018.

Il demande à la cour, dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 20 septembre 2019, de :

- Débouter les consorts Y. de l'intégralité de leurs demandes

- Réformer le jugement entrepris

- À titre principal, déclarer irrecevables les demandes présentées par les consorts Y.

- Subsidiairement, les en débouter

- Déclarer abusive et donc réputée non écrite la clause d'accession insérée au bail

- Lui allouer la somme de 3.288 € correspondant au trop versé de loyer pour la période allant du 27 mai 2014 au 15 août 2014 en application des dispositions combinées des articles 1235 et 1376 du Code civil

- Lui allouer la somme de 19.500 € à titre d'indemnisation correspondant au cheptel de sangliers se trouvant sur le domaine en fin de bail

- Lui allouer la somme de 3.000 € à titre d'indemnisation correspondant au coût de la chambre froide qu'il a fait installer dans les locaux du domaine et qu'il n'a pas pu récupérer à son départ

- Lui allouer la somme de 2500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité d'un montant analogue sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de ses prétentions, M. X. fait principalement valoir, en effet, que les prétentions formées par les consorts Y. sont irrecevables dès lors que F. Y. et D. Y. ne sont plus propriétaires des biens en cause, dont la propriété a été transférée à leurs fils respectifs P. et L. Y.

À titre subsidiaire, il soutient que la clause du bail mettant à sa charge l'entretien des allées, de la clôture, de l'étang, des berges, de la digue et du déversoir doit être réputée non écrite en application de l'article 1170 du Code civil selon lequel toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, ainsi qu'en application de l'article L 132-1 du code de la consommation, dès lors que les consorts Y. avaient bien la qualité de professionnels au sens de ce texte.

Il fait observer, en tout état de cause, que cette clause, comme toute clause dérogatoire, doit s'interpréter restrictivement et soutient que les intimés ne rapportent nullement la preuve qu'il aurait manqué à son obligation d'entretien des lieux.

M. X. soutient par ailleurs que la clause d'accession stipulée au bail présente un caractère abusif, dès lors qu'elle permettait aux consorts Y. de devenir propriétaires de 130 sangliers et d'une chambre froide sans bourse délier, de sorte qu'en présence d'une telle clause abusive, il s'estime en droit d'obtenir de la part des intimés le paiement des animaux et de la chambre froide apportée au domaine.

[*]

MM. F. et D. Y., intimés, demandent pour leur part à la cour de confirmer le jugement entrepris et, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la demande reconventionnelle d'M. X. relative à la clause d'accession serait déclarée recevable, de la déclarer infondée.

Sollicitant, en tout état de cause, l'octroi de la somme de 2.500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de même montant au titre des frais irrépétibles exposés, les intimés soutiennent principalement, en effet, que leur action, engagée par acte du 19 juin 2015, doit être déclarée recevable dès lors qu'ils étaient bien propriétaires indivis des biens loués à cette date et que la recevabilité d'une demande doit nécessairement s'apprécier au jour où elle est formée.

Les intimés soutiennent que le bail n'a pas été consenti dans le cadre de leurs activités professionnelles respectives, mais en tant que particuliers et que les revenus générés par le bail de chasse constituaient des revenus fonciers et non pas des revenus commerciaux ou industriels ; ils ajoutent que l'appelant n'avait pas le profil d'un consommateur puisqu'il était titulaire du bail de chasse et qu'il vendait des actions à des tiers pour leur permettre de chasser avec lui sur le territoire loué.

Rappelant que selon l'article 1192 du Code civil, on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation, les consorts Y. soutiennent que les clauses du bail imposant à l'appelant d'exécuter avant l'ouverture de la chasse 2009/2010 certains travaux de remise en état des chemins et des allées ainsi que lui faisant obligation durant toute la durée du bail de ne causer aucun dommage à la propriété et d'entretenir les chemins et les allées sont parfaitement claires.

Ils estiment en outre que le procès-verbal de constat du 12 juin 2014 permet d'imputer à M. X. divers dégâts dont la réparation est sollicitée.

Ils estiment enfin que le tribunal a pertinemment considéré que la demande en nullité de la clause d'accession à l'excédent de sangliers était irrecevable car prescrite au visa de l'article 2224 du Code civil.

[*]

Par ordonnance rendue le 7 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a débouté M. X. de sa demande de communication du nouveau bail de chasse établi au profit de M. W..

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 février 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur quoi :

I) Sur l'irrecevabilité, invoquée à titre principal par M. X., des prétentions formulées par MM. F. et D. Y. :

Attendu que selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ;

Que l'existence du droit d'agir en justice doit s'apprécier à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remis en cause par l'effet de circonstances postérieures ;

Qu'il est constant, en l'espèce, que selon acte d'huissier du 19 juin 2015, MM. F. et D. Y. ont assigné M. X. en vue d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice résultant, selon eux, de violations imputables à ce dernier durant la période d'exécution d'un bail de chasse ayant lié les parties jusqu'au 27 mai 2014, date d'acquisition de la clause résolutoire 15 jours après la mise en demeure adressée le 12 mai précédent ; que la circonstance que la propriété de Z. ait fait l'objet d'une donation par les intimés à la date du 27 octobre 2016, soit postérieurement à l'acte introductif d'instance et au terme du contrat de bail ayant uni les parties, ne saurait priver les consorts Y. de leur intérêt à agir afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice qu'ils allèguent du fait des manquements imputés à leur ancien locataire ;

Qu'il s'ensuit que le moyen tenant à l'irrecevabilité des prétentions des consorts Y. en raison de leur prétendu défaut d'intérêt à agir devra nécessairement être rejeté ;

 

II) Sur les demandes formées par les consorts Y. au titre de l'application du bail de droit de chasse en date du 15 septembre 2009 :

A) Sur la validité de la clause discutée par les parties :

Attendu qu'il est constant que selon acte authentique reçu le 15 septembre 2009 par Maître J., notaire à [ville G.], MM. F. et D. Y. ont loué à M. X. le droit de chasse sur la propriété de Z. située sur la commune de [ville V.] ;

Qu'en page 5 de cet acte, les parties sont convenues (point numéro 3 intitulé « entretien - bâtiments - étang ») que : « le preneur devra entretenir les allées et la clôture du domaine loué. Il devra assurer le maintien de l'habitat naturel de la faune sauvage, assurer le développement et la régulation du gibier (…) Le preneur bénéficiera du droit de pêche à l'étang situé sur le domaine loué. Il aura la charge de l'entretien de l'étang, de ses berges, de la digue et du déversoir (…) Avant l'ouverture de la saison de chasse 2009/2010, le preneur sera tenu d'effectuer les travaux suivants : entretien des chemins et allées : boucher les principaux trous des chemins et allées secondaires et boucher par empierrement tous les trous ou « nids de poule » de l'allée principale, entretien de la clôture : changer les poteaux de la clôture en mauvais état ou endommagés » ;

Que pour estimer que ladite clause doit être réputée non écrite, l'appelant se prévaut, en premier lieu, des dispositions de l'article 1770 du Code civil (en réalité 1170) selon lesquelles « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite » ;

Mais attendu que ladite clause, qui se borne à mettre à la charge du preneur les réparations locatives consistant en l'entretien des allées, clôtures, étang, berges, digue et déversoir, mais également « toutes réparations locatives qui deviendraient nécessaires » sur les bâtiments situés sur le domaine et laissés à la disposition du preneur à titre d'accessoires du bail de chasse, n'a pas pour effet, au sens du texte précité, de priver de sa substance l'obligation essentielle du débiteur, en l'occurrence de conférer au preneur le bail de chasse sur les parcelles prévues au contrat et pour une durée de deux ans renouvelables ;

Qu'en second lieu, l'appelant invoque les dispositions de l'article L 132-1 du code de la consommation selon lesquelles « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (…) Les clauses abusives sont réputées non écrites » ; qu'il fait tout à la fois valoir, à cet égard, que les consorts Y. ont été mentionnés dans le contrat sous la profession de commerçant, qu'ils sont ou ont été gérants de plusieurs SCI, qu'ils avaient la qualité d'exploitants forestiers du domaine de Z. à vocation tout à la fois forestière et cynégétique et qu'une société de fait a été créée entre eux ;

Mais attendu qu'il convient de rappeler que selon l'article liminaire dudit code, un professionnel est « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel » ;

Que force est de constater, en l'espèce, que le lien entre la SARL dont M. F. Y. est le gérant et les deux SCI dont les intimés sont respectivement associés, avec le bail de chasse consenti dans l'acte notarié du 15 septembre 2009 ne se trouve aucunement établi ; qu'il apparaît, au contraire, que les consorts Y. ont consenti le bail litigieux en qualité de particuliers et dans le cadre de la gestion des biens personnels dont ils avaient la propriété indivise au moment de la signature de l'acte ; que l'appelant ne rapporte en conséquence aucunement la preuve que les intimés auraient agi, au sens du texte précité, lors de la signature de l'acte notarié du 15 septembre 2009 « à des fins entrant dans le cadre » d'une « activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » ;

Qu'il s'ensuit nécessairement que l'appelant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation pour solliciter que la clause rappelée supra soit réputée non écrite ;

 

B) Sur l'application de la clause litigieuse :

Attendu que pour rapporter la preuve que M. X. n'aurait pas satisfait aux obligations qui lui étaient conférées aux termes de l'acte notarié du 15 septembre 2009, les intimés produisent un procès-verbal de constat établi le 12 juin 2014 par Maître G., huissier de justice associé à Châteauroux, lequel indique s'être rendu au [...] et avoir notamment constaté que « je remarque que çà et là, certains poteaux de la clôture sont vermoulus et ne sont plus fixés au sol. Ces poteaux sont marqués à la peinture orange. Ainsi, sur la parcelle numéro 12, au niveau du fossé, je constate la présence de 3 poteaux vermoulus qui ne sont plus fixés au sol, cf. photographie numéro 1. D'autres poteaux hors d'usage sont visibles en prolongement le long du chemin (') » ; que l'huissier de justice a par ailleurs indiqué (page numéro 3 du procès-verbal de constat) avoir constaté la présence de trous remplis d'eau et d'ornières non rebouchées dans les allées séparant les parcelles numéro 12 et 9, ainsi que 10 et 11, mais également sur l'allée d'aigrainage ;

Que le premier juge a pertinemment relevé, à cet égard, que les constatations rappelées supra ne se trouvent pas en contradiction avec celles figurant dans le procès-verbal de constat d'huissier établi quatre jours plus tard, soit le 16 juin 2014, par la SELARL Huis Alliance Centre, huissiers de justice associés, relevant la présence d'importantes ornières consécutives, selon M. B. garde forestier, au passage d'engins lourds de type débardeur forestier, dès lors que ces dernières constatations ne concernent pas les mêmes lieux de la propriété ;

Qu'il résulte, en outre, de l'attestation rédigée par Monsieur R. (pièces 14 et 20), exploitant forestier, que les allées que celui-ci a dû emprunter pour le débardage des coupes de bois ne correspondent aucunement aux allées forestières transversales utilisées par les chasseurs sur lesquelles les intimés fondent leurs demandes indemnitaires en raison des dégâts subis ;

Que l'appelant ne peut utilement soutenir qu'il lui serait réclamé une réfection complète de la clôture, ce qui incomberait aux propriétaires, alors même qu'en application des clauses du bail rappelées ci-dessus, il lui incombait de « changer les poteaux de la clôture en mauvais état ou endommagés » avant l'ouverture de la chasse 2009/2010 ;

Qu'il résulte de la pièce 13 du dossier des intimés que des travaux de « renforcement d'une digue d'étang » ont dû être réalisés par l'entreprise de travaux publics Jourdain selon facture du 28 septembre 2012 alors qu'il était contractuellement prévu que le preneur aurait " la charge de l'entretien de l'étang, de ses berges, de la digue et du déversoir " ;

Qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que la preuve du défaut d'entretien de la propriété par M. X. se trouvait suffisamment rapportée et qu'il y avait donc lieu d'allouer aux consorts Y., sur la base de la facture précitée et des deux devis fournis par ces derniers s'agissant du reprofilage des allées et la mise en place de nouveaux piquets, une somme de 12 500 € à titre de dommages-intérêts ;

Que la décision devra donc être confirmée de ce chef, étant par ailleurs remarqué que les consorts Y. n'ont pas interjeté appel incident de la disposition du premier jugement ayant rejeté la demande formée au titre des frais de nourriture des animaux pour la période du 19 février 2014, date du congé, au 27 mai 2014, date d'acquisition de la clause résolutoire ;

 

III) Sur les demandes reconventionnelles d'M. X. :

A) S'agissant de l'indemnisation au titre de l'excédent de sangliers et de la chambre froide :

Attendu que pour solliciter, à titre reconventionnel, l'octroi, d'une part, de la somme de 19.500 € à titre d'indemnisation correspondant au cheptel de sangliers se trouvant sur le domaine en fin de bail et, d'autre part, de 3.000 € à titre d'indemnisation correspondant au coût de la chambre froide qu'il indique avoir fait installer dans les locaux du domaine et qu'il n'a pas pu récupérer à son départ, l'appelant soutient que la clause d'accession insérée au bail et stipulée au profit des consorts Y., crée à son détriment un déséquilibre significatif entre les parties, dès lors qu'elle permettait aux intimés de devenir propriétaires de 130 sangliers et d'une chambre froide sans bourse délier, de sorte qu'une telle clause doit être considérée comme abusive et conséquemment réputée non écrite en application de l'article L 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'il a été indiqué, supra, qu'il ne pouvait être considéré qu'au moment de la signature de l'acte authentique du 15 septembre 2009, MM. F. et D. Y. auraient agi à des fins entrant dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et auraient eu ainsi, au sens de l'article liminaire du code de la consommation, la qualité de professionnels ;

Qu'il s'en déduit que M. X. ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 précité pour soutenir que devrait être considérée comme non écrite la clause du bail stipulant qu’« en tout état de cause, le preneur s'engage à garantir aux bailleurs l'existence à son départ d'un cheptel d'environ 40 sangliers. En fin de bail, ces 40 sangliers, de même que toute population supérieure de sangliers existants, seront acquis définitivement aux bailleurs, sans devoir aucune indemnité ni dédommagement » et que « tous travaux effectués par le preneur en exécution des conditions du présent bail et toutes améliorations qu'il aurait apportées au fonds loué, resteront la propriété du bailleur en fin de bail et ne donneront lieu à aucun versement d'indemnité par le bailleur en fin de bail (…) » (page numéro 6 du contrat) ;

Que la décision du premier juge ayant écarté les demandes formées reconventionnellement par M. X. au titre de l'indemnisation de l'excédent de sangliers et de la chambre froide devra donc être confirmée ;

 

B) S'agissant du trop versé de loyer :

Attendu que pour solliciter la somme de 3.188 € au titre du trop versé de loyer pour la période du 27 mai 2014 au 15 août 2014, sur le fondement des articles 1235 et 1376 du Code civil, l'appelant soutient principalement qu'il a réglé son loyer d'avance pour un montant de 15.000 € couvrant la période du 31 août 2013 au 15 août 2014, alors même que le bail s'est trouvé résilié à la date du 27 mai 2014 ;

Mais attendu qu'il résulte de l'ordonnance du juge des référés du 6 août 2014, passée en force de chose jugée, que la clause résolutoire a été acquise à la date du 27 mai 2014 en raison des manquements imputés au preneur ; qu'en outre, il résulte des termes de l'acte authentique du 15 septembre 2009 que l'objet exclusif du contrat, en l'occurrence le droit de chasse, « sera exercé pendant le temps où la chasse est permise » (page numéro 4), ce dont il résulte qu'à la date du 27 mai 2017, la saison de chasse était d'ores et déjà terminée et que le paiement du loyer 2013 - 2014 avait donc reçu intégralement contrepartie, ainsi que cela a été retenu à juste titre par le premier juge ;

Qu'il en résulte que la décision du tribunal ayant écarté l'ensemble des prétentions formées à titre reconventionnel par M. X. devra être confirmée ;

 

IV) sur les autres demandes :

Attendu que le caractère abusif des moyens de défense soulevés et des prétentions reconventionnelles formées par M. X. n'apparaissant pas établi en l'espèce, la demande de dommages-intérêts formée par les consorts Y. pour procédure abusive devra être rejetée ;

Que la décision de première instance se trouvant ainsi confirmée en toutes ses dispositions, les dépens d'appel seront laissés à la charge de M. X. lequel devra par ailleurs verser, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à MM. F. et D. Y. une indemnité que l'équité commande de fixer à 2.500 € au titre des frais irrépétibles que ces derniers ont dû exposer dans le cadre de la présente instance ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La cour

- Rejette le moyen tendant à l'irrecevabilité des prétentions des consorts Y. pour défaut d'intérêt à agir

- Confirme le jugement entrepris

Y ajoutant

- Condamne M. X. à verser à MM. F. et D. Y. une indemnité globale de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires

- Dit que les entiers dépens d'appel seront laissés à la charge de M. X. et qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'arrêt a été signé par M. WAGUETTE, Président, et par Mme GUILLERAULT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                LE PRESIDENT

V. GUILLERAULT                        L. WAGUETTE