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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 3 décembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 3 décembre 2020
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 4
Demande : 17/16534
Décision : 2020/188
Date : 3/12/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/08/2017
Numéro de la décision : 188
Référence bibliographique : 5986 (clause non applicable au litige), 5748 (élimination de la clause et maintien du contrat), 7307 (dol juridique)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8706

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 3 décembre 2020 : RG n° 17/16534 ; arrêt n° 2020/188 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La simple lecture attentive des documents contractuels détaillant les obligations de chacune des parties permet de connaître la portée des engagements, sans qu'aucune disposition légale ne mette à la charge de la société bailleresse une obligation de conseil quant à l'opportunité de l'opération financée, le contrat litigieux comportant toutes les informations nécessaires quant aux montants des loyers et à sa durée lui permettant d'appréhender le coût global de l'opération. L'erreur sur la valeur ou la pertinence de l'opération ne saurait constituer un vice du consentement et n'est pas de nature à permettre de remettre en cause la validité de la convention.

Enfin, le dol doit s'apprécier au regard des relations entre les parties. Les éventuelles pratiques commerciales litigieuses pratiquées par d'anciens salariés de la société Paritel et dénoncées par cette dernière dans un mail adressé le 1er février 2017 à Madame X. ne permettent pas de caractériser l'existence d'un dol viciant le consentement donné en l'espèce, s'agissant d'éléments extrinsèques au présent contrat. »

2/ « Il est acquis que l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au présent litige définit comme abusives les clauses qui dans un contrat conclu entre professionnels et un non professionnel ou consommateur, ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat et que l'article R. 212-1 du même code qualifie d'abusives celles ayant pour effet de « réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations » et de « permettre au professionnel de procéder à la cession de son contrat sans l'accord du consommateur et lorsque cette cession est susceptible d'engendrer une diminution des droits du consommateur ».

Toutefois, il convient de souligner d'une part que la clause n° 5 critiquée ne trouve pas à s'appliquer dans le présent litige, Madame X. n'agissant ni sur les fondements exclus par les termes de la clause discutée ni dans le cadre d'une compensation, déduction ou demande reconventionnelle telle que décrite par cette clause, mais en se prévalant d'un vice du consentement de nature à anéantir le contrat initial, de sorte que la question de la validité de la clause n° 5 est sans conséquence sur la solution retenue, le rejet des prétentions de Madame X. ne reposant pas sur ses dispositions et d'autre part, que la sanction du caractère abusif d'une clause est la reconnaissance de son caractère non écrit et non pas l'annulation du contrat en sein duquel elle est insérée, de sorte que même à considérer la clause n° 5 comme non écrite car abusive, l'action de Madame X. fondée sur le dol ne pourrait prospérer. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-4

ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/16534. Arrêt n° 2020/188. N° Portalis DBVB-V-B7B-BBESE. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 21 juillet 2017 enregistrée au répertoire général sous le R.G. n° 2017000458.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Alexandra B., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS LEASE GROUP

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [adresse], représentée par Maître Paul G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Laure BOURREL, Président, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020, après prorogation du délibéré.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020, Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, Procédure et Prétentions :

Le 25 février et le 3 mars 2014, Madame X. épouse Y. a souscrit auprès de la société VIATELEASE, aux droits de laquelle est venue la société BNP Paribas Lease group le jour même, un contrat de location de « matériel de communication » moyennant le paiement de vingt et un loyers trimestriels de 413,83 € à compter du 1er avril 2014.

Madame X. a signé également le même jour une autorisation de prélèvement au profit de la société BNP Paribas Lease group pour la facturation des loyers sus visés.

Le 25 février 2014, une attestation de livraison du matériel a été signée entre la société Paritel Telecom, le fournisseur et Madame X. concernant le matériel téléphonique, sans réserve ni restriction.

Des loyers étant restés impayés, le bailleur, pris en la personne de la société Eurorecx agissant pour son compte, a réclamé par courrier du 11 juin 2015 le paiement d'un arriéré de 742,75 € puis le 25 janvier 2016 a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte d'huissier du 17 janvier 2017, la SA BNP Paribas Lease Group a fait assigner Madame X. devant le tribunal de commerce d'Antibes pour la voir condamner au paiement de la somme de 6.941,34 € avec intérêt au taux légal à compter du 20 juin 2016.

Par jugement contradictoire du 21 juillet 2017, le tribunal de commerce d'Antibes a débouté Madame X. de sa demande de nullité du contrat, condamné Madame X. à payer à la SA BNP Paribas Lease Group la somme de 6.941,34 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2016, sans capitalisation des intérêts, a débouté Madame X. des toutes ses demandes, fins et conclusions, ordonné l'exécution provisoire et l'a condamnée à payer la somme de 1.000 € à la BNP Paribas Lease Group sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[*]

Le 30 août 2017, Madame X. a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 30 novembre 2017, elle demande à la cour, au visa des articles 1109 et 1116 du code civil, L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation, de :

* réformer le jugement entrepris,

* constater la nullité du contrat de location de matériel conclu entre Madame X. et la société Vitalease,

* débouter la demanderesse de l'intégralité de ses demandes,

* ordonner la restitution des sommes d'ores et déjà versées par Madame X. au titre de ce contrat,

* condamner la demanderesse au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure et aux entiers dépens distraits au profit de Maître Alexandra B.

Elle expose que seuls les agissements malhonnêtes du commercial mandaté par la société Paritel l'ont incitée à s'engager pour un équipement dont elle n'avait pas l'utilité, que les manœuvres dolosives sont de nature à entraîner la nullité du contrat.

Elle soutient également que l'article 5 du contrat litigieux en vertu duquel le locataire renonçait à tous recours à l'encontre du bailleur cessionnaire, ne peut lui être opposé puisqu'elle sollicite la nullité du contrat et donc de facto de la clause litigieuse et enfin, en application des dispositions de l'article L. 212-2 du code de la consommation, elle fait valoir que cette clause doit être qualifiée d'abusive et à ce titre réputée non écrite.

[*]

Par conclusions déposées et notifiées le 15 décembre 2017, la société BNP Paribas Lease Group demande à la cour au visa de l'article 1103 du code civil de condamner Madame X. à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 6.941,34 € outre les intérêts au taux légal du 20 juin 2016, d'ordonner la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1145 du code civil et de condamner Madame X. au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de la société Cohen G. Montero et Daval-G.

Elle fait valoir que Madame X. dénonce les agissements du commercial mandaté par la société Parisel, fournisseur du matériel de téléphonie donné en location, que la BNP Paribas Lease Group est tiers au contrat unissant Madame X. à ladite société, qu'elle a rempli ses obligations en acquérant auprès de la société Paritel, le matériel choisi et commandé par Madame X., que les circonstances du dol ne sont pas réunies ni même arguées concernant le rapport contractuel entre Madame X. et la BNP Paribas Lease Group.

Elle soutient que l'article 5 du contrat conclu par Madame X. qui prévoit que le bailleur n'est pas impacté par les éventuels défauts du produit acquis est parfaitement légitime, le fournisseur ayant été choisi par la locataire.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

Sur le vice du consentement :

Conformément aux dispositions de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. L'article 1140 du dit code précise qu'il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression ou la contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable.

L'appelante se prévaut d'un vice du consentement lequel n'aurait été ni éclairé ni conscient lors de la signature de son engagement en raison de manœuvres dolosives de la part du commercial mandaté par la société Paritel, fournisseur du matériel, lors de la conclusion du contrat, constituées par la délivrance d'informations erronées.

Toutefois, Madame X. ne fournit à l'appui de ses allégations aucune preuve d'éventuelles manœuvres dolosives du fournisseur ni de défaillance de ce dernier, alors qu'il lui appartient de caractériser les manquements dénoncés à l'appui de ses prétentions et d'en justifier, afin de voir prospérer sa demande.

La simple lecture attentive des documents contractuels détaillant les obligations de chacune des parties permet de connaître la portée des engagements, sans qu'aucune disposition légale ne mette à la charge de la société bailleresse une obligation de conseil quant à l'opportunité de l'opération financée, le contrat litigieux comportant toutes les informations nécessaires quant aux montants des loyers et à sa durée lui permettant d'appréhender le coût global de l'opération. L'erreur sur la valeur ou la pertinence de l'opération ne saurait constituer un vice du consentement et n'est pas de nature à permettre de remettre en cause la validité de la convention.

Enfin, le dol doit s'apprécier au regard des relations entre les parties. Les éventuelles pratiques commerciales litigieuses pratiquées par d'anciens salariés de la société Paritel et dénoncées par cette dernière dans un mail adressé le 1er février 2017 à Madame X. ne permettent pas de caractériser l'existence d'un dol viciant le consentement donné en l'espèce, s'agissant d'éléments extrinsèques au présent contrat.

Au vu de ces éléments Madame X. échoue à démontrer l'existence d'un dol et sa demande de nullité du contrat pour ce motif devra être rejetée.

 

Sur la clause abusive :

Madame X. se prévaut du caractère abusif de la clause n° 5 du contrat litigieux intervenu entre elle-même et la société VIATELEASE qui énonce que « le loueur pourra céder le contrat de location, objet de présentes en tout ou parties à un tiers cessionnaire de son choix, étant précisé que la cession n'emportera transfert que de la propriété des équipements et des loyers afférents, à l'exception de tous autres services, prestation et accessoires... le bailleur cessionnaire n'a participé ni aux choix du fournisseur ni à celui de l'équipement ni à la configuration, il en résulte que la locataire en acceptant cette substitution renonce à effectuer vis à vis du bailleur cessionnaire toute compensation, déduction, demande reconventionnelle en raison du droit qu'il pourrait faire valoir à l'encontre du loueur initial, ainsi qu'à tout recours contre le bailleur cessionnaire du fait notamment d'une défaillance ou d'un vice caché ou du fait de l'assurance prestations de services ou construction, livraison ou installation de l'équipement, le locataire conservant sur ces points tous recours contre le fournisseur et le loueur initial » pour solliciter son « annulation » du contrat.

Il est acquis que l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au présent litige définit comme abusives les clauses qui dans un contrat conclu entre professionnels et un non professionnel ou consommateur, ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat et que l'article R. 212-1 du même code qualifie d'abusives celles ayant pour effet de « réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations » et de « permettre au professionnel de procéder à la cession de son contrat sans l'accord du consommateur et lorsque cette cession est susceptible d'engendrer une diminution des droits du consommateur ».

Toutefois, il convient de souligner d'une part que la clause n° 5 critiquée ne trouve pas à s'appliquer dans le présent litige, Madame X. n'agissant ni sur les fondements exclus par les termes de la clause discutée ni dans le cadre d'une compensation, déduction ou demande reconventionnelle telle que décrite par cette clause, mais en se prévalant d'un vice du consentement de nature à anéantir le contrat initial, de sorte que la question de la validité de la clause n° 5 est sans conséquence sur la solution retenue, le rejet des prétentions de Madame X. ne reposant pas sur ses dispositions et d'autre part, que la sanction du caractère abusif d'une clause est la reconnaissance de son caractère non écrit et non pas l'annulation du contrat en sein duquel elle est insérée, de sorte que même à considérer la clause n° 5 comme non écrite car abusive, l'action de Madame X. fondée sur le dol ne pourrait prospérer.

Aux termes de l'article 1134 ancien du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires. En application de l'article 1184 ancien du même code et des dispositions contractuelles, lorsque le locataire cesse de verser les mensualités stipulées, le loueur est en droit de solliciter le paiement des loyers échus impayés et une indemnité de 6 % de cette somme.

Il convient de souligner que Madame X. ne conteste pas le décompte produit pour justifier du montant de la créance sollicitée. Il s'avère, au vu de ce document qu'elle reste donc devoir la somme de 6.941,34 €.

La BNP ayant régulièrement et valablement sollicité la capitalisation annuelle des intérêts, il convient de faire droit à cette demande à compter du 25 janvier 2017, date de leur demande formulée par conclusions déposées au greffe de la juridiction de première instance

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la BNP Paribas Lease Group la charge des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer.

En application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement du 21 juillet 2017, sauf en ce qui concerne l'anatocisme,

Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 27 janvier 2017,

Déboute Madame X. de ses prétentions,

Condamne Madame X. aux dépens.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT