CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 14 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8733
CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 14 janvier 2021 : RG n° 18/04663
Publication : Jurica
Extrait : « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombe aux parties.
Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.
Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.
Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9 - A
ARRÊT DU 14 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/04663 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B5GAH. Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 novembre 2017 - Tribunal d'Instance de MONTREUIL-SOUS-BOIS – R.G. n° 11-17-000546.
APPELANTE :
La société CREATIS
société anonyme à conseil d'administration, N° SIRET : XXX, [...], [...], représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H.K.H.H., avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [...], [...], DÉFAILLANT
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Agnès BISCH, Conseillère.
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant offre préalable acceptée le 11 avril 2012, la société Creatis a conclu avec M. X. un crédit intitulé « contrat de regroupement de crédits » d'un montant de 40.400 euros remboursable par 120 échéances mensuelles selon un taux d'intérêt de 7,54 % l'an.
Saisi par la société Creatis d'une action tendant à la condamnation de l'emprunteur au paiement du solde restant dû, le tribunal d'instance de Montreuil, par un jugement contradictoire rendu le 30 novembre 2017 auquel il convient de se reporter, a :
- dit la société Creatis recevable en son action ;
- dit que la société Creatis est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat n° 0001XX0839 ;
- condamné M. X. à payer à la société Creatis la somme de 16.675,50 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation soit le 18 septembre 2017 ;
- condamné M. X. à payer à la société Creatis la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- autorisé M. X. à s'acquitter de sa dette en 24 mensualités d'un montant de 500 euros, la dernière mensualité étant majorée du solde en principal et des intérêts ; la première mensualité devant être réglée au plus tard un mois à compter de la signification du jugement et les suivantes, à même date, des mois suivants ;
- dit qu'à défaut de paiement de l'une seule de ces mensualités à sa date d'échéance, la totalité du solde restant dû de la créance, sera immédiatement et de plein droit exigible à l'encontre de M. X., sans qu'il soit nécessaire à la société Creatis d'accomplir aucune formalité ;
- rejeté les autres demandes ;
- condamné M. X. aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Après avoir vérifié la recevabilité de l'action, le tribunal a principalement retenu que le prêteur ne justifiait pas avoir vérifié la situation réelle de l'emprunteur au moment de la formalisation du contrat.
[*]
Par déclaration du 2 mars 2018, la société Creatis a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions remises le 4 mai 2018, elle demande à la cour :
- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel, y faire droit,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, minoré ainsi sa créance et accordé à l'emprunteur des délais de paiement,
- de condamner l'intimé à lui payer la somme de 33.092,43 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,54 % l'an à compter de la mise en demeure du 29 mai 2017 ;
- d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dans le cadre de l'anatocisme ;
- de rejeter la demande de délais de paiement de l'intimé, de le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions et de le condamner aux dépens et à la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sous le visa de l'article L. 110-4 du code de commerce, l'appelante fait valoir à titre liminaire que s'agissant de la régularité formelle de l'offre de prêt, le délai de prescription quinquennale court à compter de la signature de l'offre, qui rend apparents les éventuels manquements formels et que le juge qui entend soulever d'office une éventuelle irrégularité formelle de l'offre est tenu par ce délai de prescription.
Elle en déduit que l'offre de prêt datant du 11 avril 2002, aucune éventuelle irrégularité formelle de l'offre ne pouvait être invoquée après le 11 avril 2017.
A titre subsidiaire, sous le visa de l'article D. 312-8 du code de la consommation, l'appelante soutient que le texte ne définit pas ce qu'est un document « à jour » et que ce n'est que par une interprétation restrictive de cette disposition que le tribunal a considéré que les pièces produites étaient trop anciennes pour justifier de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur. Elle expose avoir été précautionneuse et indique que l'emprunteur n'a pas justifié d'un changement de situation entre la date des derniers bulletins de salaire de janvier 2012 et la date de la signature de l'offre de prêt, trois mois plus tard.
Elle ajoute que les délais de paiement en vingt-quatre mois accordés par le premier juge ne pourront manifestement pas être tenus par l'emprunteur.
[*]
Régulièrement assigné par un acte d'huissier remis à l'étude le 7 mai 2018, M. X. n'a pas constitué avocat.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, en l'absence du défendeur, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombe aux parties.
Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.
Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.
Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige.
* * *
Selon l'article L. 311-9 du code de la consommation en vigueur à la date du contrat, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier.
En l'espèce, le contrat litigieux intitulé « contrat de regroupement de crédits » contient l'ensemble des dispositions imposées par la loi de 2010 précitée et la société Creatis produit les justificatifs du remboursement des cinq crédits que M. X. avait précédemment souscrits auprès d'autres organismes.
En revanche, si elle joint à son dossier un nombre de pièces qui concernent des tiers à la présente instance, la société Creatis ne présente à la cour ni la fiche de dialogue, ni la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, ni la fiche de consultation du fichier des incidents de remboursement crédits aux particuliers qu'elle mentionne pourtant sur son bordereau de pièces.
Elle ne produit pas les bulletins de salaire de l'emprunteur qu'elle indique s'être fait remettre.
Dès lors qu'elle ne justifie donc pas des diligences qui lui incombaient à l'occasion de la conclusion du contrat, et notamment de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur, elle est mal fondée en sa contestation de la déchéance du droit aux intérêts prononcée par le premier juge en application de l'article L. 341-2 du code de la consommation.
Par ailleurs, elle n'étaye pas davantage l'allégation selon laquelle les délais de paiement accordés par le premier juge seraient vains.
Enfin, il n'y a pas lieu à capitalisation des intérêts au regard de l'article L. 311-30 ancien du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010 qui limite strictement les sommes dues par l'emprunteur défaillant.
Partant, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions et la société Creatis déboutée de ses prétentions.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,
- Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
- Condamne la société Creatis aux dépens d'appel ;
Y ajoutant,
- Déboute la société Creatis de toutes autres prétentions ;
- Condamne la société Creatis aux dépens d'appel.
La greffière La présidente
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5721 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Loi du 17 mars 2014
- 5725 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Conditions - Respect de la prescription