CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 18 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8750
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 18 janvier 2021 : RG n° 19/05327 ; arrêt n° 26/21
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il est constant que la demande tendant à voir réputer non écrites la clause litigieuse ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale. »
2/ « En l'espèce, la clause 10.5 de l'offre de prêt, relative au risque de change, est essentielle au regard des caractéristiques de l'offre de prêt portant sur la somme de 252.000 CHF, somme remboursable par échéances trimestrielles depuis un compte en devises ouvert au nom des emprunteurs (clause 5.3) alimenté par des fonds en euros impliquant nécessairement un risque de change. Ainsi, la clause contractuelle relative au risque de change caractérise l'économie générale du prêt et porte sur l'objet principal du contrat. »
3/ « Il est constant que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible oblige les établissements financiers à fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. S'agissant d'une clause relative au risque de change, elle doit être comprise à la fois sur les plans formel et grammatical mais également quant à sa portée concrète en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt est libellé mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives d'une telle clause sur ses obligations financières.
La cour constate que l'offre de prêt porte sur un montant libellé en francs suisses (clause 5.1), qu'elle précise que les remboursements en capital, intérêts, commission et cotisations d'assurance se font dans la devise empruntée (clause 5.3 et tableau d'amortissement), que les échéances sont débitées à partir d'un compte en devises (clause 5.3) et que l'emprunteur reconnaît avoir souscrit volontairement un prêt en devise en toute connaissance de cause (clause 5.6).
Force est de constater que par ces caractéristiques telles que décrites, le paiement des échéances, pendant toute la durée du prêt, doit nécessairement s'opérer par la conversion en francs suisses de fonds en euros. L'offre prévoit d'ailleurs la situation selon laquelle le compte en devises ne présente pas de provision suffisante au jour de l'échéance et précise que dans cette hypothèse, le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en euros et de prélever ce montant sur tout compte en euros ouvert dans les livres du prêteur au nom de l'emprunteur et que le cours du change appliqué sera le cours du change tiré (clause 5.3).
Ainsi, la clause litigieuse selon laquelle il est expressément prévu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro qui pourrait intervenir jusqu'à complet remboursement du prêt est claire et compréhensible pour un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, étant précisé que ce risque de change est partagé par l'emprunteur.
Le jugement déféré sera confirmé en ce que la demande de Monsieur et Madame X. tendant à voir déclarée la clause 10.5 abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation sera confirmé. »
4/ « Il est constant que dans un contrat de prêt immobilier, dès lors que les parties n'ont pas entendu déroger aux règles du code civil, l'emprunteur devant restituer les fonds prêtés dans leur intégralité et les intérêts conventionnellement prévus étant versés à titre de rémunération de ces fonds, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d'une quelconque rémunération à l'emprunteur de sorte que l'éventualité d'intérêts mensuellement négatifs ne peut être admise.
En l'espèce, l'article 5-2 de l'offre de prêt acceptée par les époux X. prévoit que le crédit est remboursable moyennant un taux de 3,50 % l'an et que les intérêts sont stipulés à taux indexé, l'index retenu étant l'index L. 3 mois. Selon la notice relative aux conditions et modalités de variation du taux d'intérêt, les variations de l'index entraînant une modification du taux de prêt inférieur à 25 centièmes par rapport au taux en vigueur ne sont pas répercutées et la variation du taux d'intérêt se traduit par une variation du montant des échéances de remboursement. Ainsi, en cas d'index L. 3 mois négatif, le taux d'intérêt diminue, au bénéfice de l'emprunteur.
Les parties n'ayant cependant pas entendu déroger aux dispositions du code civil, la variation de l'index L. ne saurait être appliquée conformément aux termes de l'offre de prêt que dans la mesure où le taux d'intérêt ne devient pas négatif.
Les demandes des époux X. tendant à ce que la responsabilité de la Caisse de crédit mutuel soit engagée et qu'elle soit condamnée à leur rembourser « l'intérêt L. négatif depuis décembre 2018 et pour le futur » seront rejetées. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 18 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A N° RG 19/05327. Arrêt n° 26/21. N° Portalis DBVW-V-B7D-HH25. Décision déférée à la Cour : 26 novembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE.
APPELANTS - INTIMÉS INCIDEMMENT :
Monsieur X.
[...],
Madame X.
[...],
Représentés par Maître Céline R., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître J., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES - APPELANTES INCIDEMMENT :
SARLU SYNEXIS FINANCE
prise en la personne de son représentant légal [...], Représentée par Maître Anne C., avocat à la Cour
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE LA PORTE D'ALSACE
prise en la personne de son représentant légal [...], Représentée par Maître Laurence F., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître DE R., avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 novembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, et M. BARRE, Vice-Président placé, entendu en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, M. BARRE, Vice-Président placé, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, procédure et prétentions des parties :
Monsieur X. et Madame X. ont convenu avec la Sarl De la Truyère, le 6 décembre 2006, un contrat de réservation, puis, selon acte authentique établi le 25 juin 2007, un acte de vente en l'état futur d'achèvement portant sur un appartement T2, lot n°50 du bâtiment D d'un ensemble immobilier à vocation de résidence de tourisme classée 8 étoiles, situé à [ville E.] pour un prix de 137.601 € TTC.
L'acquisition immobilière, qui relève du dispositif de défiscalisation « Demessine », a été financée par un prêt souscrit auprès de la Caisse de crédit mutuel de la Porte d'Alsace d'un montant de 252.000 CHF remboursable en une échéance unique de capital le 31 mars 2027, les intérêts et cotisations d'assurance étant remboursables trimestriellement, le remboursement du prêt étant garanti par une hypothèque conventionnelle sur le bien financé, le privilège de prêteur de deniers et le nantissement d'un contrat d'assurance vie ouvert auprès des Assurances de crédit mutuel.
Le 30 juin 2007, les époux X. ont consenti, a une société d'exploitation hôtelière, un bail commercial, pour un loyer initial de 5.277 € TTC et une attribution de deux semaines d'occupation, devant prendre effet quinze jours après la date de livraison du bien achevé prévue au 1er juin 2008.
Par courriers du 9 mars 2017, Monsieur et Madame X. ont mis en demeure la Sarlu Synexis Finance et la Caisse de crédit mutuel de les indemniser à hauteur de 213.102,89 € au titre du préjudice subi tant sur l'investissement lui-même (baisse des loyers et perte de valeur du bien) que sur le financement (augmentation du capital par suite de l'évolution défavorable du taux de change).
Par courrier du 21 mars 2017, la Sarlu Synexis Finance a répondu ne pas être concernée et par courrier du 19 avril 2017, la Caisse de crédit mutuel a opposé une réponse négative.
Par actes d'huissier délivrés le 13 septembre 2017 à la Sarlu Synexis Finance et à la Caisse de crédit mutuel, Monsieur et Madame X. ont saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse de demandes tendant à être indemnisée du préjudice subi.
Par jugement du 26 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Mulhouse a :
- rejeté la demande formée par la Caisse de crédit mutuel tendant à voir déclarer l'action fondée sur l'article L. 132-1 du code de la consommation, irrecevable aux motifs, d'une part, qu'elle porte sur une obligation caractéristique du contrat, d'autre part, qu'elle est couverte par la prescription,
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité, soulevée par la Sarlu Synexis Finance,
- déclaré que l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de la Caisse de crédit mutuel et de la Sarlu Synexis Finance est irrecevable, pour être prescrite,
en conséquence,
- déclaré que la demande de condamnation « solidairement » la Caisse de crédit mutuel et de la Sarlu Synexis Finance à des dommages et intérêts à hauteur de 194.741,43 €, « à parfaire », est irrecevable,
- déclaré que la demande de condamnation de la Sarlu Synexis Finance à des dommages et intérêts à hauteur de 16 402,89 €, « à parfaire »,
- rejeté la demande visant à dire 'nulle et non écrite' la clause faisant reposer le risque de change sur l'emprunteur, stipulée dans l'offre de prêt acceptée le 11 avril 2007,
- rejeté la demande de la Caisse de crédit mutuel tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle ne devra appliquer au taux d'intérêt du prêt litigieux les valeurs réelles de l'index L., que dans la mesure où la variation de la valeur de l'index ne conduit pas à un taux d'intérêt négatif,
- rejeté la demande tendant à voir ordonner à la Caisse de crédit mutuel la « restitution » des intérêts trop perçus, en suite de l'application irrégulière des valeurs de l'index L., soit la somme de 7.532,28 CHF,
- ordonner à la Caisse de crédit mutuel à virer ladite somme de 7.532,28 CHF sur le compte bancaire ouvert au nom de Monsieur et Madame X. dans les livres de la Banque postale sous les références n°0040403PO38 CCP LYON,
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la Sarlu Synexis Finance à l'encontre de Monsieur et Madame X.,
- condamné la Caisse de crédit mutuel à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande d'indemnité formée par la Caisse de crédit mutuel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande d'indemnité formée par la Sarlu Synexis Finance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Caisse de crédit mutuel à conserver à sa charge les dépens qu'elle a engagés,
- condamné Monsieur et Madame X., d'une part, à conserver à leur charge les dépens qu'ils ont engagés, d'autre part, à supporter les dépens engagés par la Sarlu Synexis Finance,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision, en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens.
Le tribunal de grande instance a jugé que Monsieur et Madame X. avaient qualité à agir contre la Sarlu Synexis Finance, leur demande étant fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil et que le demande d'irrecevabilité de l'action tendant à déclarer une clause de l'offre de prêt abusive, en ce qu'elle porte sur une obligation caractéristique du contrat, ne constituait pas une fin de non-recevoir.
Sur la prescription, il a jugé en premier lieu que la demande formée par les époux X. tendant à faire reconnaître le caractère abusif de la clause 10 de l'offre de prêt acceptée le 11 avril 2007 était recevable, une clause réputée non écrite étant non avenue par le seul effet de la loi, les règles relatives à la prescription n'avaient pas vocation à s'appliquer.
Il a retenu en second lieu que l'action étant fondée sur les dispositions relatives à la responsabilité délictuelle, le délai de prescription est de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, que les époux X. pouvaient prendre la mesure des risques liés à la souscription d'un prêt in fine en devises, à la date d'acceptation de l'offre de prêt, et au plus tard, en 2010, et plus particulièrement, à la date de prélèvement de l'échéance du 30 juin 2010 de sorte que l'action s'agissant de ce manquement est prescrite.
En ce qui concerne la simulation erronée et la baisse de loyer, il a considéré que les époux X. pouvaient prendre la mesure du caractère excessivement optimiste des chiffres affichés dans la simulation critiquée et, plus particulièrement, de la baisse significative des loyers au plus tard au 15 novembre 2011, date à laquelle ils ont concédé une forte diminution de loyer à leur locataire/gestionnaire et que l'action était en conséquence prescrite.
Sur la surévaluation du bien immobilier, il a retenu que la valeur du bien immobilier se déterminait en fonction des loyers que le bien permettait de dégager, que la baisse des loyers a été actée le 15 novembre 2011 et en conséquence que l'action était prescrite.
Sur le fond, pour écarter tout contrôle du caractère abusif des clauses afférentes au risque de change et au remboursement du prêt en devises stipulées dans l'offre de prêt, il a jugé que l'ensemble des dispositions contractuelles sur ce point était clair, non équivoque, parfaitement compréhensible par tout lecteur raisonnablement diligent.
Sur le taux d'intérêt et la référence à l'index L., il a relevé que les termes de l'offre de prêt étaient clairs, précis et parfaitement compréhensibles, que l'aléa, aucune limite à la variabilité du taux d'intérêt, à la hausse ou à la baisse n'étant fixée, avait été librement convenu par Monsieur et Madame X. et la Caisse de crédit mutuel et que la Caisse de crédit mutuel devait en conséquence verser la somme de 7 532,28 CHF sur le compte des époux X. ouvert à la Banque postale comme ils le demandaient.
Enfin, pour rejeter la demande de dommages et intérêts de la Sarlu Synexis Finance, il a jugé qu'il n'était pas établi que les époux X. aient fait preuve de mauvaise foi, d'une obstination inconsidérée ou d'une intention de nuire.
[*]
Monsieur et Madame X. ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 11 décembre 2019.
Dans ses dernières conclusions du 10 août 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, ils demandent à la cour de :
- déclarer l'appel recevable et bien fondé,
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de la caisse de crédit mutuel de la Porte d'Alsace et de la Sarlu Synexis Finance irrecevable car prescrite, déclaré les demandes de condamnation irrecevable, rejeté la demande visant à dire 'nulle et non écrite' la clause faisant reposer le risque de change sur l'emprunteur stipulée dans l'offre de prêt,
- débouter la société Synexis Finance et le crédit mutuel de la Porte d'Alsace de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, y compris de leurs appels incidents,
statuant à nouveau,
- recevoir Monsieur et Madame X. en leurs demandes et les dire bien fondées,
- déclarer abusive la clause faisant reposer le risque du change sur l'emprunteur,
par conséquent,
- déclarer ladite clause nulle et non écrite,
- dire et juger que le crédit mutuel de la Porte d'Alsace et la société Synexis Finance ont manqué à leur obligation d'information et de conseil à l'égard de Monsieur et Madame X.,
- condamner solidairement le crédit mutuel de la Porte d'Alsace et la société Synexis Finance à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 198 273,45 € à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- condamner la société Synexis Finance à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 16 402,89 € à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la baisse des loyers,
- dire et juger que le crédit mutuel de la Porte d'Alsace a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de Monsieur et Madame X. en ne respectant pas le taux d'intérêt contractuellement au titre du prêt souscrit,
- ordonner au crédit mutuel de la Porte d'Alsace le remboursement de l'intérêt L. Négatif depuis décembre 2018 et pour le futur,
en tout état de cause,
- condamner solidairement le crédit mutuel de la Porte d'Alsace et la société Synexis Finance à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 6 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, ils font notamment valoir que le point de départ de la prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, qu'en l'espèce, c'est seulement en octobre 2016, lorsqu'ils ont fait estimer leur bien, qu'ils se sont rendus compte que l'opération de défiscalisation n'était pas viable de sorte que leur action n'était pas prescrite.
S'agissant de la demande tendant à faire reconnaître une clause de l'offre de prêt abusive, ils indiquent qu'elle n'est pas soumise à la prescription, la sanction étant le caractère non écrit de la clause litigieuse.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes dirigées à l'encontre de la Sarlu Synexis Finance, ils exposent qu'ils ont été démarchés par la Sarlu Synexis Finance et qu'elle était connue de la Caisse de crédit mutuel.
Sur le fond, ils font valoir que la Sarlu Synexis Finance et la Caisse de crédit mutuel ont manqué à leur obligation d'information en ne les informant pas correctement des risques d'augmentation de la valeur en euros du capital emprunté alors qu'ils sont profanes en matière bancaire et financière. Ils précisent en particulier qu'aucune circonstance ne justifiait que soit souscrit un prêt en francs suisses, eux-mêmes résidant en France, le bien immobilier financé étant situé en France, le prix étant fixé en euros, le loyer perçu l'étant en euros et le contrat d'assurance vie adossé au prêt étant en euros. Ils indiquent que la seule mention relative aux risques est contenue dans la clause 10.4 qui précise que 'il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt' et que cette clause était insuffisante à les alerter des risques. Ils font ainsi valoir que la Caisse de crédit mutuel a triplement manqué à son devoir de conseil en faisant souscrire un emprunt en francs suisses, pour un capital supérieur au prix d'acquisition du bien et en affectant à ce prêt la nature de prêt in fine.
Ils exposent que les clauses faisant reposer sur l'emprunteur le risque de change créent un déséquilibre significatif entre les parties et qu'elles sont dès lors abusives conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu L. 212-1 du même code et doivent être réputées non écrites.
Monsieur et Madame X. précisent que le taux d'intérêt du prêt est le L., que le prêt n'est pas capé et qu'en conséquence le taux négatif doit être appliqué et non pas limité à 0 comme l'a fait la Caisse de crédit mutuel.
Ils indiquent que la Sarlu Synexis Finance et la Caisse de crédit mutuel, qui connaissaient les tenants et les aboutissants de cette opération auraient dû évaluer l'adéquation de l'opération à leur situation, la viabilité du projet au regard du prix d'achat et du potentiel locatif et leur présenter les aspects les moins favorables et les risques inhérents à l'opération, ce qu'ils n'ont pas fait.
Ils expliquent également que la Sarlu Synexis Finance leur a remis une simulation financière erronée puisque les loyers réellement tirés de la location de leur bien est inférieure pour la période de 2009 à 2016 de 16.402,89 € du montant des loyers annoncés.
Enfin, ils font valoir que l'évaluation actuelle de leur bien, au mieux de 40.000 € et au pire de 28 000 €, rapprochée de la valeur d'achat du bien en 2007, ne peut être le seul fait de la crise financière ou des aléas du marché, et caractérise une surévaluation fautive de leur bien, imputable à la Sarlu Synexis Finance et la Caisse de crédit mutuel.
Ils font état d'un préjudice financier évalué à la somme de 214.676,34 €.
[*]
La Caisse de crédit mutuel s'est constituée intimée le 6 janvier 2020.
Dans ses dernières conclusions du 23 septembre 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, elle demande à la cour de :
1/ sur l'appel principal des époux X.,
à titre principal,
- dire et juger les époux X. mal fondés en leurs demandes, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré que l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de la Caisse de crédit mutuel de la Porte d'Alsace et la Sarlu Synexis Finance était irrecevable, pour être prescrite, en conséquence, déclaré que la demande de condamnation « solidairement » la Caisse de crédit mutuel de la Porte d'Alsace et de la Sarlu Synexis Finance à des dommages et intérêts à hauteur de 194.741,43 €, « à parfaire », était irrecevable, rejeté la demande visant à dire « nulle et non écrite » la clause faisant reposer le risque de change sur l'emprunteur, stipulée dans l'offre de prêt acceptée le 11 avril 2007, rejeté la demande tendant à voir ordonner à la Caisse de crédit mutuel de la Porte d'Alsace la « restitution » des intérêts trop perçus, en suite de l'application irrégulière des valeurs de l'index L., soit la somme de 7.532,28 CHF,
en conséquence,
- débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire,
- sur les clauses abusives, dire et juger que la clause 8.5 du contrat de prêt relative au risque de change ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dire et juger en conséquence que la clause 8.5 relative au risque de change n'est pas abusive,
- sur le manquement au devoir de mise en garde et d 'information, dire et juger que la CCM de la Porte d'Alsace n'a pas manqué à ses obligations contractuelles à l'égard des emprunteurs, dire et juger que les époux X. ont été avertis des risques induits par le contrat litigieux, dire et juger en conséquence que la CCM de la Porte d'Alsace n'a commis aucune faute, dire et juger que les époux X. n'ont subi aucun préjudice, débouter les époux X. de ses demandes d'indemnisation au titre des préjudices subis,
2/ sur l'appel incident formé par la CCM de la Porte d'Alsace, recevoir la CCM dans son appel incident et le dire bien fondé, infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formée par la Caisse de crédit mutuel de la Porte d'Alsace tendant à voir déclarer l'action fondée sur l'article L. 132-1 du code de la consommation irrecevable au motif d'une part qu'elle porte sur une obligation caractéristique du contre d'autre part qu'elle est couverte par la prescription, rejeté la demande de la Caisse de crédit mutuel de la Porte d'Alsace tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle ne devra appliquer au taux d'intérêt du prêt litigieux les valeurs de l'index L. que dans la mesure où la variation de la valeur de l'index ne conduit pas à un taux d'intérêt négatif, condamné la Caisse de crédit mutuel de la Porte d'Alsace à payer à Monsieur et Madame X. une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la Caisse de crédit mutuel de la Porte d'Alsace à conserver à sa charge les dépens qu'elle a engagés, statuant à nouveau,
- sur la prescription relative aux clauses abusives, dire et juger que l'action tendant à voir déclarée abusive la clause 10 relative au risque de change est prescrite et par voie de conséquence irrecevable,
- sur les demandes relatives à l'application de l'index L., vu le tableau d'amortissement du prêt, vu l'article 12.3 du contrat intitulé amortissement du prêt aux termes duquel « le prêt s'amortira par échéances successives […] Le nombre, les montants, les dates d 'échéance des échéances de remboursement ainsi que leur décomposition en capital intérêts et cotisation d'assurance emprunteurs ressortent des conditions particulières et du tableau d'amortissement remis à l'emprunteur. Les intérêts qui y sont indiqués ont été calculés en fonction du taux précisé aux conditions particulières du contrat », dire et juger que la CCM de la Porte d'Alsace ne devra appliquer au taux d'intérêt du prêt les valeurs réelles de l'index L., que dans la mesure où la variation de la valeur de l'index ne conduit pas à un taux négatif, dire et juger qu'en décidant que la baisse de l'indice en deçà de zéro doit profiter sans restriction aux emprunteurs, le jugement peut conduire la CCM de la Porte d'Alsace à devoir appliquer un taux d'intérêt négatif, dire et juger qu'admettre l'application d'un taux d'intérêt négatif même temporairement aboutit nécessairement à son imputation sur le capital et à la privation de la rémunération due au prêteur en contrepartie des crédits accordés, dire et juger que le contrat de prêt est celui dont les obligations d'au moins une partie s'exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps et que la rémunération due au banquier en contrepartie du crédit accordé doit exister à chaque échéance, débouter en conséquence les époux X. de leur demande de remboursement « de l'intérêt L. négatif depuis décembre 2018 et pour le futur », la CCM ayant d'ores et déjà restitué le différentiel d'intérêt au titre du prêt,
- sur les frais et l'article 700, débouter Monsieur et Madame X. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, débouter Monsieur et Madame X. de leur demande au titre des frais et dépens pour la procédure de première instance, condamner Monsieur et Madame X. aux entiers frais et dépens pour la procédure de première instance, condamner Monsieur et Madame X. à payer à la CCM de la Porte d'Alsace une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC pour la procédure de première instance,
en tout état de cause,
- débouter Monsieur et Madame X. de l'intégralité de leurs fins et conclusions, condamner Monsieur et Madame X. à verser à la CCM de la Porte d'Alsace la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner Monsieur et Madame X. aux entiers frais et dépens de la procédure.
A l'appui de ses demandes elle fait notamment observer, s'agissant de la prescription de l'action en responsabilité contre le banquier dispensateur de crédit, que le préjudice, soit la perte d'une chance de ne pas contracter, se manifeste dès l'octroi des crédits, que la seule exception réside dans la possibilité pour l'emprunteur de démontrer qu'il ne pouvait, à cette date, légitimement ignorer le dommage et qu'en l'espèce, le risque de change était connu dès l'origine, tout comme celui attaché au remboursement in fine du prêt. Elle indique que le prêt ayant été octroyé le 11 avril 2007, à la suite de la réforme de la prescription en 2008, la prescription est acquise depuis le 13 juin 2013.
Sur le fond, elle expose que les clauses relatives au risque de change ne sont pas une modalité d'exécution du prêt, mais en constituent l'objet principal et qu'elles sont clairs et compréhensibles. Subsidiairement, elle précise que les clauses ne créent pas, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la banque étant elle-même soumise au risque de change, la variation du taux de change étant une circonstance qui ne dépend pas de la volonté d'une des parties au contrat de prêt. Elle ajoute que la contrepartie du prêt en devise réside dans le bénéfice d'un taux d'intérêt particulièrement attractif en ce qu'il est indexé sur une devise étrangère.
Elle fait valoir que le banquier dispensateur de crédit n'est tenu à l'égard de l'emprunteur que d'une obligation de mise en garde contre le risque d'endettement, uniquement s'il existe un risque d'endettement pour l'emprunteur non averti, à condition que l'emprunteur prouve l'inadaptation du crédit à ses capacités financières et qu'en l'espèce ces conditions ne sont pas réunies.
Subsidiairement, sur l'obligation de mise en garde et d'information, elle affirme qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur l'opportunité la qualité ou l'utilité de l'opération à financer, qu'elle n'était pas tenue à une obligation d'information, les époux X. étant conseillés par une société de gestion de patrimoine, qu'elle a exécuté son obligation générale d'information sur l'opération envisagée par son client, obligation qui porte uniquement sur la compréhension que doit avoir le client sur les principales caractéristiques de la convention et qu'au surplus elle ne disposait pas d'informations relatives à l'opération qu'auraient pu ignorer Monsieur et Madame X.. Elle ajoute qu'il ne peut lui être reproché d'avoir octroyé un prêt de 150.000 € alors que ce montant était prévu dans la simulation de la Sarlu Synexis Finance et qu'un prêt in fine est une opération classique ne mettant pas à sa charge une obligation d'information et encore moins de conseil.
Elle fait valoir que l'éventuel préjudice des époux X. serait constitué d'une perte de chance de ne pas contracter et précise qu'en l'espèce, le risque d'une variation du taux de change étant aléatoire, il n'est pas certain qu'ils auraient refusé la conclusion du prêt, ce d'autant plus que la souscription d'un prêt en francs suisses leur procurait un réel avantage en leur permettant de bénéficier d'un taux d'intérêts plus faible que celui qui aurait été appliqué pour un prêt libellé en euros. Elle indique également qu'ils calculent leur préjudice sur l'hypothèse d'une vente du bien aujourd'hui, ce qui est hypothétique.
Sur son appel incident, elle expose que l'action sur les clauses abusives est prescrite, le délai de prescription démarrant au jour de l'acceptation de l'offre de prêt le 11 avril 2007.
Sur la diminution de l'index L., elle précise que dans son courrier du 4 décembre 2008, elle a informé les époux X. avoir décidé d'appliquer, de manière rétroactive et pour l'avenir, la valeur réelle de l'index, sous la seule réserve qu'elle n'entraîne pas l'application d'un taux d'intérêt inférieur à 0 % et qu'elle a ainsi reversé la somme de 7 532,28 CHF. Elle indique être bien fondée à n'appliquer la variation de la valeur réelle du L. que dans la mesure où le taux d'intérêt ne devient pas lui-même négatif et que si tel était le cas cela priverait le prêteur de toute rémunération.
[*]
La Sarlu Synexis Finance s'est constituée intimée le 6 janvier 2020.
Dans ses dernières conclusions du 14 mai 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité soulevée par la Sarlu Synexis Finance,
- ajoutant au jugement, déclarer les époux X. irrecevables en leurs prétentions dans la mesure où la Sarlu Synexis Finance ne leur a jamais conseillé aucun investissement, en tout état de cause, déclarer que l'action des époux X. est irrecevable, et subsidiairement mal fondée et de débouter les époux X. de toutes leurs prétentions,
- condamner les époux X. à payer à la Sarlu Synexis Finance la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner les époux X. à payer à la Sarlu Synexis Finance la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner les époux X. aux entiers frais et dépens nés de l'appel principal et incident.
A l'appui de son appel incident, elle fait notamment valoir que les époux X. ont mal dirigé leur action ne les ayant ni démarchés, ni conseillés de réaliser l'investissement litigieux et qu'elle n'est pas intervenue dans le cadre de l'opération de l'octroi du prêt. Elle précise qu'elle n'a à aucun moment repris l'activité de la société AB finances mais qu'elle a seulement embauché Monsieur D. qui était salarié de cette société.
A titre subsidiaire, elle expose que l'action des époux X. est prescrite, leur action ayant été introduite le 13 septembre 2017 alors qu'ils avaient connaissance de leur préjudice le 15 novembre 2011, à la date de fixation du nouveau loyer inférieur de 50 % au loyer initial.
[*]
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs conclusions respectives.
La clôture de la procédure a été prononcée le 25 septembre 2020.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 25 novembre 2020, à laquelle les parties ont développé leur argumentation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
A titre liminaire :
Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à « dire et juger » en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.
Sur les fins de non-recevoir :
Conformément à l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Sur l'irrecevabilité des demandes des époux X. dirigées à l'encontre de la Sarlu Synexis Finance pour défaut de qualité à agir :
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
La Sarlu Synexis Finance fait valoir qu'elle n'a jamais été en relation avec Monsieur et Madame X., le contrat de réservation du 6 décembre 2006 ayant été signé par Monsieur D., salarié de la société AB finances et Monsieur D. n'ayant signé un contrat de travail avec elle que postérieurement à la réalisation de l'investissement des époux X.
En l'espèce, Monsieur et Madame X. forment leurs demandes à l'encontre de la Sarl Synexis Finance sur le fondement de l'article 1240 du code civil selon lequel tout fait quelconque de l'homme, qui cause autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Ainsi, comme l'a justement jugé le premier juge, une partie peut engager une action indemnitaire à l'encontre d'une autre partie, sous réserve de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice et en l'espèce, la question de savoir si la Sarlu Synexis Finance a été ou non en contact avec Monsieur et Madame X. concernant le bien fondé des demandes et non leur recevabilité.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce que les demandes de Monsieur et Madame X. dirigées contre la Sarlu Synexis Finance ont été déclarées recevables.
Sur la prescription :
Sur la prescription de l'action en responsabilité :
Monsieur et Madame X. exposent que la Caisse de crédit mutuel et la Sarlu Synexis Finance ont engagé leur responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil en ne respectant pas leur obligation d'information et leur obligation de conseil, d'une part, dans le cadre du financement proposé et, d'autre part, dans le cadre plus large de l'opération de défiscalisation financée.
Aux termes de l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date de l'opération de défiscalisation, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.
La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a modifié le délai de prescription de dix ans de l'article 2270-1 du code civil en le raccourcissant à cinq ans, ce nouveau délai de cinq ans courant à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, conformément au deuxième alinéa de l'article 2222 du code civil, soit le 18 juin 2013.
S'agissant du financement, les époux X. font valoir que la Caisse de crédit mutuel et la Sarlu Synexis Finance ont manqué à leur obligation d'information en ne leur donnant pas une information claire et précise sur les conséquences d'un changement de parité entre le franc suisse et l'euro alors qu'ils sont profanes ainsi qu'à leur obligation de conseil en leur proposant un prêt qui n'était pas adapté à leur situation, en francs suisses, pour un capital supérieur au prix d'acquisition et sous la forme in fine.
En ce qui concerne l'opération de défiscalisation, ils exposent que la Caisse de crédit mutuel et la Sarlu Synexis Finance ont manqué à leur obligation d'information et à leur obligation de conseil en leur transmettant une simulation erronée de l'opération et en surévaluant le bien.
Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil consiste en une perte de chance de ne pas contracter et se manifeste à compter des premières difficultés financières rencontrées par l'emprunteur.
Monsieur et Madame X. font valoir que le point de départ de la prescription est le 15 janvier 2015, jour où ils ont constaté que le capital restant dû du prêt avait augmenté de façon considérable.
En l'espèce, l'offre de prêt émise le 22 février 2007, acceptée le 11 avril 2007, portant sur la somme de 252.000 CHF est remboursable en une échéance unique en capital le 31 mars 2027, les intérêts et les cotisations d'assurance étant remboursables trimestriellement, le taux d'intérêt étant fixé à 3,5 % l'an, variable en fonction de l'index L.
Parallèlement, les époux X. ont souscrit un contrat d'assurance vie « Plan assur », l'offre de prêt mettant à leur charge l'obligation d'alimenter ce contrat à hauteur de 350 € par mois dans le but de rembourser les sommes dues au titre du prêt.
Pour rembourser les échéances trimestrielles du prêt, Monsieur et Madame X. ont alimenté un compte ouvert au sein de la Caisse de crédit mutuel en devises suisses à partir d'un compte alimenté en fonds en euros.
Ainsi, la somme devant être virée pour régler l'échéance trimestrielle devait nécessairement varier en fonction du taux de change.
Si les époux X. retiennent comme point de départ de la prescription le 15 janvier 2015, date à laquelle ils précisent avoir constaté que le capital restant dû au titre du prêt avait augmenté d'environ 40.000 € en raison de l'évolution du taux de change entre le franc suisse et l'euro, la Caisse de crédit mutuel justifie qu'à partir de 2010 l'euro s'est déprécié par rapport au franc suisse de façon constante et régulière jusqu'en août 2011 avant de se stabiliser à un taux quasi constant jusqu'au début de l'année 2015 date à partir de laquelle une forte dépréciation a de nouveau été enregistrée (conclusions de la Caisse de crédit mutuel page 15).
Ainsi, comme l'a justement relevé le premier juge, Monsieur et Madame X. ont pu prendre la mesure du risque de change et des conséquences de la dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse lors du paiement de l'échéance du 30 juin 2010 et au plus tard en août 2011, soit lors du paiement de l'échéance du 30 septembre 2011 compte tenu de l'évolution du taux de change euro/franc suisse.
S'agissant de la simulation financière de l'opération de défiscalisation, les époux X. produisent des fiches récapitulant les intérêts d'emprunt et les cotisations d'assurance à régler, la réduction d'impôts et les loyers perçus.
La cour constate que les époux X. ne développent aucun moyen dans leurs conclusions de nature à contester la décision rendue par le tribunal de grande instance selon laquelle ils pouvaient prendre la mesure du caractère excessivement optimiste des chiffres affichés dans les diverses simulations, notamment le montant des loyers pouvant être perçu, suite au versement irrégulier et incomplet des loyers dès la mise en location du bien et surtout la signature le 15 novembre 2011 d'un bail commercial portant diminution du loyer à la somme de 2.225 € hors taxes alors qu'il devait être de 5.277 € toutes taxes comprises.
La cour relève en outre que selon la présentation des faits par les époux X., un bail commercial a été signé le 30 juin 2007 avec la société Residelia dans lequel figurait un loyer annuel de 5.277 € mais que « les loyers ont baissé de manière continue » (conclusions page 45) et que le décompte qu'ils produisent montre qu'ils ont perçu un loyer annuel de 3.957,99 € en 2009 et de 1.978,98 € en 2011 avant de signer un nouveau bail le 15 novembre 2011 avec l'association séjours en résidence les Georges de la Truyère pour un montant annuel hors taxes de 2.225 €.
De même, ils ne développent aucun moyen de nature à critique le jugement en ce qu'il a jugé qu'ils étaient en mesure d'appréhender la surévaluation initiale du bien au plus tard le 15 novembre 2011, au jour de signature du bail actant une diminution de loyer, la valeur du bien, indépendamment des avantages fiscaux liés à l'opération de défiscalisation, se déterminant en fonction des loyers que le bien permet de dégager.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a jugé que les demandes de dommages et intérêts fondées sur l'article 1240 du code civil formées contre la Caisse de crédit mutuel et la Sarlu Synexis Finance étaient prescrites.
Sur la prescription de la demande tendant à voir déclarer abusive la clause de l'offre de prêt faisant reposer le risque de change sur l'emprunteur :
Monsieur et Madame X. demandent, sur le fondement de l'article L 212-1 du code de la consommation (anciennement L 132-1), que la clause 10.5 de l'offre de prêt soit réputée non écrite.
La Caisse de crédit mutuel fait valoir que l'action tendant à voir cette clause déclarée non écrite est prescrite.
Il est constant que la demande tendant à voir réputer non écrites la clause litigieuse ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
Le jugement sera confirmé en ce que la fin de non-recevoir formée par la Caisse de crédit mutuel a été rejetée.
Sur le caractère abusif de la clause faisant porter sur l'emprunteur du risque de change :
Monsieur et Madame X. exposent que la clause 10.5 de l'offre de prêt relative aux « dispositions propres aux crédits en devises » prévoit que le risque de change pèse uniquement sur l'emprunteur et créée un déséquilibre significatif.
Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Il est constant qu'il y a lieu d'apprécier dans un premier temps si la clause litigieuse constitue l'objet principal du contrat, dans l'affirmative si elle est rédigée de façon claire et compréhensible et si, dans les hypothèses où la clause ne relevait pas de l'objet principal du contrat ou si elle n'était pas rédigée de façon claire et compréhensible, de rechercher l'existence ou non d'un déséquilibre significatif.
La cour observe en premier lieu que les époux X. qui précisent que la clause 10.5 de l'offre de prêt a pour effet de créer un déséquilibre à leur détriment, n'explicitent pas en quoi cette clause constitue ou non l'objet principal du contrat et le cas échéant en quoi elle ne serait pas claire et compréhensible.
Sur la qualification de la clause litigieuse comme portant ou non sur l'objet principal du contrat :
En l'espèce, la clause 10.5 de l'offre de prêt, relative au risque de change, est essentielle au regard des caractéristiques de l'offre de prêt portant sur la somme de 252.000 CHF, somme remboursable par échéances trimestrielles depuis un compte en devises ouvert au nom des emprunteurs (clause 5.3) alimenté par des fonds en euros impliquant nécessairement un risque de change.
Ainsi, la clause contractuelle relative au risque de change caractérise l'économie générale du prêt et porte sur l'objet principal du contrat.
Sur l'appréciation du caractère clair et compréhensible de la clause :
Il est constant que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible oblige les établissements financiers à fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. S'agissant d'une clause relative au risque de change, elle doit être comprise à la fois sur les plans formel et grammatical mais également quant à sa portée concrète en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt est libellé mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives d'une telle clause sur ses obligations financières.
La cour constate que l'offre de prêt porte sur un montant libellé en francs suisses (clause 5.1), qu'elle précise que les remboursements en capital, intérêts, commission et cotisations d'assurance se font dans la devise empruntée (clause 5.3 et tableau d'amortissement), que les échéances sont débitées à partir d'un compte en devises (clause 5.3) et que l'emprunteur reconnaît avoir souscrit volontairement un prêt en devise en toute connaissance de cause (clause 5.6).
Force est de constater que par ces caractéristiques telles que décrites, le paiement des échéances, pendant toute la durée du prêt, doit nécessairement s'opérer par la conversion en francs suisses de fonds en euros. L'offre prévoit d'ailleurs la situation selon laquelle le compte en devises ne présente pas de provision suffisante au jour de l'échéance et précise que dans cette hypothèse, le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en euros et de prélever ce montant sur tout compte en euros ouvert dans les livres du prêteur au nom de l'emprunteur et que le cours du change appliqué sera le cours du change tiré (clause 5.3).
Ainsi, la clause litigieuse selon laquelle il est expressément prévu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro qui pourrait intervenir jusqu'à complet remboursement du prêt est claire et compréhensible pour un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, étant précisé que ce risque de change est partagé par l'emprunteur.
Le jugement déféré sera confirmé en ce que la demande de Monsieur et Madame X. tendant à voir déclarée la clause 10.5 abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation sera confirmé.
Sur l'application de l'index L. :
Monsieur et Madame X. demandent qu'il soit jugé que la Caisse de crédit mutuel a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas le taux d'intérêt et qu'il soit ordonné à la Caisse de crédit mutuel le remboursement de l'intérêt L. négatif depuis décembre 2018 et pour le futur.
La Caisse de crédit mutuel s'y oppose au motif qu'un taux d'intérêt ne peut être négatif.
Conformément aux dispositions de l'article 1134 du code civil (devenu les articles 1103 et 1193), les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
Selon l'article 1902 du code civil, l'emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu.
L'article 1905 du code civil dispose qu'il est permis de stipuler des intérêts pour simple prêt soit d'argent, soit de denrées, ou autres choses mobilières et l'article 1907 du même code que l'intérêt est légal ou conventionnel, l'intérêt conventionnel pouvant excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas, le taux de l'intérêt conventionnel devant être fixé par écrit.
Il est constant que dans un contrat de prêt immobilier, dès lors que les parties n'ont pas entendu déroger aux règles du code civil, l'emprunteur devant restituer les fonds prêtés dans leur intégralité et les intérêts conventionnellement prévus étant versés à titre de rémunération de ces fonds, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d'une quelconque rémunération à l'emprunteur de sorte que l'éventualité d'intérêts mensuellement négatifs ne peut être admise.
En l'espèce, l'article 5-2 de l'offre de prêt acceptée par les époux X. prévoit que le crédit est remboursable moyennant un taux de 3,50 % l'an et que les intérêts sont stipulés à taux indexé, l'index retenu étant l'index L. 3 mois.
Selon la notice relative aux conditions et modalités de variation du taux d'intérêt, les variations de l'index entraînant une modification du taux de prêt inférieur à 25 centièmes par rapport au taux en vigueur ne sont pas répercutées et la variation du taux d'intérêt se traduit par une variation du montant des échéances de remboursement.
Ainsi, en cas d'index L. 3 mois négatif, le taux d'intérêt diminue, au bénéfice de l'emprunteur.
Les parties n'ayant cependant pas entendu déroger aux dispositions du code civil, la variation de l'index L. ne saurait être appliquée conformément aux termes de l'offre de prêt que dans la mesure où le taux d'intérêt ne devient pas négatif.
Les demandes des époux X. tendant à ce que la responsabilité de la Caisse de crédit mutuel soit engagée et qu'elle soit condamnée à leur rembourser « l'intérêt L. négatif depuis décembre 2018 et pour le futur » seront rejetées.
Sur la demande de dommages et intérêts de la Sarlu Synexis finance à l'encontre de Monsieur et Madame X. pour procédure abusive :
Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
La Sarlu Synexis finance demande la condamnation de Monsieur et Madame X. à leur verser la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive dans le dispositif de leurs conclusions mais ne développe aucun moyen dans les motifs de nature à justifier une faute des époux X. caractérisant un abus ou une intention de nuire, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Le jugement sera dans ces conditions confirmé en ce que la demande de la Sarlu Synexis finance a été rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Monsieur et Madame X., qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dispositions du jugement sur cette question étant confirmées.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'une des parties.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 26 novembre 2019,
Y ajoutant,
Rejette la demande de Monsieur X. et Madame X. tendant à ce que la Caisse de mutuel de la Porte d'Alsace soit condamnée à leur rembourser l'intérêt L. négatif depuis décembre 2018 et pour le futur,
Condamne solidairement Monsieur X. et Madame X. aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des parties.
La Greffière : la Présidente :
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